La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer et autres démences • 13
tômes de dépression. Leur suivi a
révélé que la plupart d’entre eux ont
éventuellement commencé à souffrir
de MA12, et ce, malgré la réussite du
traitement de leur dépression et cer-
taines améliorations initiales sur le
plan cognitif. En outre, la dépression,
similaire à d’autres problèmes de
santé, comme la maladie rénale ou la
maladie cardiaque, par exemple, peut
précipiter l’expression de la démence
chez les patients qui souffrent de MA.
Plus il s’est écoulé du temps entre
l’épisode dépressif et le déclenche-
ment de la démence, plus la dépres-
sion semble jouer un rôle causal dans
la démence, par opposition à un rôle
de prodrome ou de simple élément du
syndrome de démence. À la lumière
de cette observation, une analyse
systématique des preuves a permis de
conclure que des antécédents de
dépression pourraient être un facteur
de risque indépendant à l’égard de la
démence en général et de la MA en
particulier13. Cette notion s’appuie
sur l’hypothèse de la cascade gluco-
corticoïde, selon laquelle, chez les
patients déprimés, une sécrétion
surrénalienne de glucocorticoïdes
prolongée exerce des effets toxiques
sur l’hippocampe14, d’où l’atrophie
de ce dernier, qui se révèle être une
caractéristique précoce de la MA.
Le débat sur la dépression en tant
que facteur de risque indépendant se
poursuit. Toutefois, compte tenu de la
complexité des liens entre la dépres-
sion et la démence et des perceptions
fausses sur la réversibilité potentielle
de la démence chez les patients âgés
souffrant de dépression, on constate
de plus en plus que le concept de
pseudodémence dépressive en tant
que cause fréquente de la démence
réversible devrait être abandonné.
Retour à Wernicke et au
concept de pseudodémence de
conversion
Lorsqu’on examine l’évolution du
concept de pseudodémence, il y a lieu
de se demander si Wernicke a eu rai-
son de prétendre qu’il s’agissait d’un
trouble de conversion. De tout temps,
les troubles de conversion ont désigné
la conversion inconsciente de l’an-
xiété en symptômes physiques. Little
a écrit au sujet de la possibilité de la
conversion des symptômes d’anxiété
en symptômes cognitifs. Dans une
série de cas, Hepple15 a décrit dix
sujets âgés présentant une « pseudo-
démence de conversion ». Selon son
rapport, les caractéristiques princi-
pales de cette maladie sont : atteinte
cognitive apparente, régression et
augmentation de la dépendance
physique débutant vers la fin de l’âge
adulte ou au début de la vieillesse,
sans signe de démence organique
selon les résultats d’analyses ou
l’historique de la maladie. Plus
récemment, Delis et Wetter16 ont pro-
posé des critères diagnostiques pour
le trouble et la maladie dits « cogni-
formes ». Selon eux, la symptoma-
tologie marquée associée aux signes
cognitifs est un problème envahissant
qui a été abondamment documenté
dans les revues de neuropsychologie
révisées par des pairs. Les symp-
tômes cognitifs peuvent être produits
ou exagérés de manière intentionnelle
et volontaire pour les bénéfices
secondaires qu’ils génèrent, comme
dans les cas de simulation, pour
adopter le « rôle de la personne
malade » (comme une maladie inven-
tée), ou de manière involontaire
(comme un trouble de conversion).
Par opposition au trouble de conver-
sion et à la simulation, dont les symp-
tômes sont feints ou exagérés soit de
manière complètement inconsciente
(trouble de conversion), soit de
manière complètement consciente
(simulation), les auteurs se disent en
désaccord avec l’approche dichoto-
mique du DSM-IV en regard d’un
continuum allant d’une attitude
entièrement inconsciente, à une
extrémité du spectre, à une attitude
partiellement puis entièrement cons-
ciente à l’autre extrémité, en présence
ou non d’une motivation extérieure
(p. ex., litige ou incapacité) ou du
« rôle de la personne malade » (trou-
ble factice). Les termes trouble et
maladie permettent de distinguer le
degré de dysfonction cognitive dans
divers domaines de la vie quoti-
dienne. Il est probable que certains
cas d’exagération des symptômes
cognitifs passent inaperçus et
représentent un défi pour les
médecins qui doivent évaluer si leurs
patients ne simulent pas leurs symp-
tômes, intentionnellement ou non.
Comment sauraient-ils que le patient
a une raison d’adopter le « rôle de la
Pseudodémence
Plus il s’est écoulé du temps entre l’épisode dépressif
et le déclenchement de la démence, plus la dépression
semble jouer un rôle causal dans la démence, par
opposition à un rôle de prodrome ou de simple
élément du syndrome de démence.