repères repères
Structure
et fonction
Neuroanatomie
Au cours de la dépression
La tomodensitométrie
à émission de positons
(TEP) révèle des anoma-
lies du débit sanguin et
du métabolisme au
niveau de certaines
structures, posant le problème de leur
implication :
– diminution du métabolisme en fronto-
latéral gauche ;
– réduction du flux sanguin et du méta-
bolisme au niveau du noyau caudé ;
– lésions postérieures droites (dépres-
sions endogènes).
L’IRM : hyperintensité de signaux
dans la substance blanche sous-corticale,
et diminution de volume du
putamen (rôle possible de cette région
dans le ralentissement psychomoteur,
commun aux dépressions et à certaines
démences sous-corticales ?).
Dans la maladie d’Alzheimer (MA)
diminution du métabolisme et des
débits dans les deux hémisphères, en par-
ticulier dans les régions associatives
pariéto-temporo-occipitales ;
respect des aires primaires sensorielles
et motrices, des noyaux gris centraux et
du cervelet ;
hypoperfusion frontale (hypofrontalité
à prédominance dorsolatérale préfrontale
gauche) et bitemporale plus prononcée.
La neuropathologie classique
Elle n’a jamais clairement démontré de
lésions au cours de la dépression. En
revanche, la MA peut affecter des zones
impliquées dans le contrôle de l’humeur.
Neurochimie
La cascade mono-
aminergique
Trois décennies neuro-
scientifiques ont érigé le
rôle des amines cérébrales
dans la régulation de l’hu-
meur au rang de postulat
Il s’en dégage actuelle-
ment un schéma unifica-
teur opérationnel sinon
explicatif (figure).
La cascade monoaminergique
5HT NA Dopamine sous-corticale
serait primordiale dans le maintien d’un
niveau thymique satisfaisant.
La dépression correspondrait à un épui-
sement des mécanismes habituellemnt
mis en œuvre pour maintenir le psychisme
dans un état d’équilibre.
Incontournable pour la prise en charge du patient,
le diagnostic différentiel démence/dépression
se pose rarement en termes simples pour le clinicien.
La symptomatologie de ces deux affections mentales
les plus fréquentes chez les personnes âgées se recoupe
en effet partiellement. En confortant l’hypothèse d’un
dysfonctionnement sous-cortico-frontal, la neuro-imagerie et
la neurochimie contribuent à expliquer un tel recoupement.
* Service de pédopsychiatrie,
hôpital intercommunal, Créteil.
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 3, juin 2000
Démence et dépression
C. Castel*
104
Figure. La cascade monoaminergique.
Stimuli d’environnement
(informations sensorielles, événements de vie…)
NORADRÉNALINE
activité du locus cœruleus et des zones
corticales sur lesquelles il projette…
DOPAMINE
(système mésolimbique)
NIVEAU THYMIQUE
SÉROTONINE
modulation inhibitrice
Neuro-Psychiatrie
ACTUALITÉ NEURO JUIN 3/09/02 16:49 Page 104
Le rôle important du locus cœruleus
La perte neuronale dans le locus cœru-
leus est plus importante chez les dépri-
més atteints de MA que chez les non-
déprimés.
L’hétérogénéité des altérations neurochi-
miques au cours des deux maladies (1)
(Tableau I)
Électrophysiologie
L’EEG classique contribue éventuelle-
ment au diagnostic différentiel entre
démence et dépression par sa relative nor-
malité dans ce dernier cas. La cartogra-
phie en affine éventuellement les données.
L’EEG de sommeil serait plus intéres-
sant, car il montre des anomalies sous-
tendues par des anomalies biochimiques
opposées (Tableau II).
Chez le déprimé non dément, il existe une
augmentation relative du sommeil para-
doxal traduisant une hyperactivité choli-
nergique. Au cours de la MA, il existe au
contraire un déficit en acétylcholine
Potentiels évoqués cognitifs (2)
Chez les déprimés : l’onde N200 est
peu développée en réponse aux stimuli
rares et serait remplacée par une onde
négative frontale plus tardive et plus
durable.
L’onde P300 présente une amplitude
diminuée sans modification de sa
latence.
Chez les déments : on observe une
augmentation de la latence de la P300.
Symptomatologie
(à partir des critères de Wells)
Il exise une opposition schématique entre
les manifestations psychocomportemen-
tales de la démence et de la dépres-
sion, que la coexistence fréquente des
deux pathologies tend à atténuer
(Tableau III, page suivante) (3).
Psychométrie
Échelles d’évaluation de la dépression
chez les patients déments :
– Cornell Scale for Depression in
Dementia (Alexopoulos 1988) ;
– Demential Mood Assessement Scale
(Sunderland 1988).
Associations possibles
entre les deux pathologies
Toutes les associations entre démence et
dépression sont possibles, selon le modèle
de Feinberg et Goodman.
Type 1 : la dépression se présente
comme une démence ;
Type 2 : la démence est secondaire à la
dépression ;
Type 3 : la démence se présente comme
une dépression ;
Type 4 : la dépression est secondaire à
la démence.
La pseudodémence dépressive (4), repré-
sentant une variété particulière de
dépression du sujet âgé avec troubles
cognitifs au premier plan, le suivi pros-
pectif de ce type de patient, au-delà de
l’épisode dépressif, montre dans la majo-
rité des cas, une amélioration des perfor-
mances cognitives, suivie d’une évolu-
tion vers la MA.
Thérapeutique
Le traitement des troubles psychiatriques
des sujets déments améliore le bien-être
et les fonctions cognitives. Il associe trai-
tement médicamenteux (ou ECT dans
105
repères repères
Neuropeptide Alzheimer Dépression
Arginine vasopressine ou "#ou "
Cholécystokinine #=
CRF "="
Neuropeptide #
βendorphine #"
Substance P #"
Corticotrophine #=
Somatostatine ##
Tableau I. Altérations neurochimiques.
Démence Dépression
Sommeil REM #de latence
et "de pourcentage
Sommeil non REM "spindles et K complexes #spindles et K complexes
grande fréquence
des réveils matinaux précoces
Tableau II. Étude de EEG de sommeil.
#
Neuro-Psychiatrie
ACTUALITÉ NEURO JUIN 3/09/02 16:49 Page 105
certains cas) et soutien psychothéra-
pique.
Néanmoins, les antidépresseurs semblent
moins efficaces dans les dépressions sur
terrain d’affection neurodégénérative
cérébrale ; ce qui pourrait être expliqué
par la blessure narcissique liée à la pré-
sence des déficits cognitifs, ainsi qu’à la
modification des récepteurs cérébraux.
Le risque d’aggravation du déficit choli-
nergique invite à limiter l’usage des tri-
cycliques.
Il a été décrit deux types de patients
déments déprimés en fonction de leur
perturbation émotionnelle (5) :
– type émoussé : avec hypoexpressivité
émotionnelle, anhédonie, indifférence
affective, pour lequel il semble plus judi-
cieux de prescrire des antidépresseurs
adrénergiques et/ou dopaminergiques ;
– avec hyperexpressivité émotionnelle,
anxiété, irritabilité, pour lequel l’utilisa-
tion des IRS semble préconisée.
Références
1. Leake A, Ferrier IN. Alterations in neuro-
peptides in aging and disease : pathophysiolo-
gy and potential for clinical intervention
Drugs and Aging 1993 : 3 ; 408-13.
2. Kumar A. Functional brain imaging in late
life depression and dementia. J Clin Psychiatr
1993 ;54 :11(suppl.) 21-5.
3. Ames D, Dolan R, Mann A. The distinction
between depression and dementia in the very
old. Int J Geriatr Psychiatr 1990 : 5 ; 193-8.
4. Carney M. Pseudodementia. British Journal
of Hospital Medicine 1983 : 29 ; 312-8.
5. Alexopoulos GS. The course of geriatric
depression with “reversible dementia” : a
controlled study. AMJ Psychiatry 1993 :
150 ; 11.
repères repères
Neuro-Psychiatrie
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 3, juin 2000 106
Dépression Démence
le patient consulte seul le patient est amené par l’entourage
début rapide des troubles début insidieux des troubles
plainte sévère du déficit intellectuel anosognosie ou minimisation des troubles
évolution rapide des troubles évolution lente des troubles
ATCD psychiatriques (parfois très anciens) rare passé psychiatrique
troubles mnésiques pour les activités troubles mnésiques des faits récents
demandant le plus d’effort syndrome de Capgras
altération de la mémoire portant accès au savoir antérieurement acquis altér
sur les faits récents et anciens impossibilité de restituer "trois mots”
processus d’accès au savoir après une activité interférente
antérieurement acquis intact trouble de l’encodage
amélioration des performances mnésiques orientation temporospatiale perturbée
par des procédés de facilitation encodage
préservé mais difficultés d’accès
à la trace mnésique
orientation temporospatiale respectée
fréquence des réponses de type réponses erronées
“je ne sais pas”
hyperthymie douloureuse labilité émotionnelle ou abrasion des affect
ralentissement psychomoteur global plaisir préservé pour des activités simples
perte de l’estime de soi incurie, opposition, gestes ritualisés
autoaccusation, idées noires aggravation vespérale des troubles
aggravation matinale des troubles
trouble de l’appétit, insomnie appétit et sommeil conservés
hypersomnie diurne tardive
perte précoce des habiletés sociales habiletés sociales maintenues
pas d’anomalie à l’examen neurologique apraxie réflexive précoce
manque du mot, mot pour l’autre
anomalie des réflexes
Tableau III. Symptomatologie (à partir des critères de Wells).
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