Neurobiologie du contrôle respiratoire : Contrôle de la fonction rythmique respiratoire chez le mammifère Dr. O. Pierrefiche MCU Faculté des Sciences Le contrôle de la respiration • Inconscient : jusqu’à ce que cela se passe mal : dyspnée (haute altitude par ex.) • Ou conscient : plongeurs, chanteurs, … • Vital : arrêt respiratoire = début de la mort cérébrale • Deux tâches importantes – Etablir/maintenir une rythmicité automatique pour contracter les muscles respiratoiresrythmogenèse – Ajuster ce rythme aux demandes : métabolique (gaz du sang, pH) /mécanique (posture) /comportements épisodiques non-ventilatoires (parler, manger..)adaptation physiologique Les éléments de base du système de régulation de la respiration Contrôleur central (pont et bulbe rachidien) = Aussi le générateur Récepteurs sensoriels (mécaniques / chimiques) Effecteurs (muscles respiratoires) • La respiration est une fonction autonome de nature rythmique et contrôlée par deux mécanismes de régulation • I-Une régulation chimique • II-Une régulation nerveuse Contrôle par des arcs reflexes Perturbations Valeur mesurée (stimulus) Voies afférentes Récepteur Voies efférentes Intégrateur central Effecteur Boucle de rétro-contrôle En terme de respiration… Perturbations PO2 ; PC02 pH, Distension ChémoR MécanoR Centres respiratoires bulbaires Boucle de rétro-contrôle Ventilation m. respiratoires Le rythme respiratoire est établi par le SNC Contrôle Automatique vs Volontaire • Respiration.. • Initiée par des neurones dans le bulbe rachidien • Modifiée par – Structures supérieurs du SNC – Les mécanorécepteurs pulmonaires et de la cage thoracique – Les chémorécepteurs centraux et périphériques – Les récepteurs aux substances irritantes I-La régulation Chimique • 3 facteurs – Baisse de PO2 artérielle – Augmentation de PCO2 artérielle – Baisse du pH plasmatique (i.e., aug. [H+]) ou du LCR I.1. Les chémorécepteurs centraux • Que sont ces récepteurs ? – – – Vue ventrale du tronc cérébral Des neurones? Des canaux ioniques ? Des protéines membranaires spécifiques ? • Qques µm sous la surface ventrale • Proches des entrées des nerfs crâniens VIII (auditif) et du XI (accessoire ou spinal) du XII.. • • Zones bilatérales Stimulées par application de solutions acides ou à forte PCO2 à la surface : • Augmente la ventilation • Zones réversiblement déprimées par application de froid/d’anesthésie : diminuent la ventilation Une acidose locale stimule les chémoR centraux • 1950 : Leusen infuse une solution acide à forte PCO2 dans les ventricules cérébraux d’un chien : hyperventilation • Les chémoR centraux répondent à une augmentation de PCO2 LCR/artérielle ou dim. pH du LCR • Le stimulus efficace est la diminution de pH dans le tissus cérébral qui suit une augmentation de PCO2 artérielle. I.2. Les chémoR péripheriques • Mesurent PO2, PCO2 et pH artériels • Sensiblent à diminution de P02 : hyperventilation • Aug. PCO2 et dim. pH artériel stimulent ces R mais plus faiblement : hyperventilation • En absence de ChémoR périphériques, une hypoxie provoque une dépression de l’activité du SNC : rôle activateur de la respiration de ces R. Réponse à l’hypoxie : différents rythmes Contrôle Hyperventilation gasp Potts et Paton, 2006 II-La régulation Nerveuse Nécessité II.1 De nombreux signaux contribuent à la rythmicité respiratoire I.2.1-Centres nerveux supérieurs I.2.2-Réflexe de distension pulmonaire I.2.3-Réflexes de protection contre les agents irritants II.1.1- LES CENTRES NERVEUX SUPÉRIEURS DOULEUR, ÉMOTIONS, TEMPÉRATURE HYPOTHALAMUS VOLONTÉ CORTEX CÉRÉBRAL CENTRE RESPIRATOIRE MODIFICATION DE LA VENTILATION II.1.2- RÉFLEXE DE DISTENSION PULMONAIRE (réflexe de HéringBreuer; 1868) : rôle des mécanorécepteurs Distension des poumons stimule les Figure 23.23 Nerf X Mécanorécepteurs pulmonaires inhibe Centre inspiratoire provoque Arrêt de l’inspiration Expiration Ce phénomène participe à l’eupnée. Mécanorécepteurs actifs en basale UTILITÉ DE CE RÉFLEXE Arrêt de l ’inspiration (voie réflexe périphérique) Mise en évidence du rôle des nerfs vagues sur le contrôle de la respiration Une voie d’arrêt de l’inspiration a été interrompue !!! II.1.3- RÉFLEXES DE PROTECTION CONTRE LES AGENTS IRRITANTS AGENT IRRITANT RÉCEPTEURS dans trachée dans fosses ou bronches nasales CENTRE RESPIRATOIRE RÉFLEXE DE TOUX RÉFLEXE D’ÉTERNUEMENT II.2 Les grandes étapes de la connaissance du réseau • • • • • • • • IIème Siècle : Galien de Pergame ; homme , porc 1809 : LEGALLOIS, lapin 1850 : FLOURENS, lapin 1923 : LUMSDEN, chat…. 1950 micro-destructions, microstimulations…. 1970 enregistrements cellulaires, cartographie Années ‘80 : rat, souris KO Années ‘90 : préparations réductionnistes, « patch-clamp », visualisation des neurones • Années 2000…Embryologie du réseau… II.2.1 Les observations de GALIEN • Grec né à Pergame (Turquie), médecin des Gladiateurs à Rome • Œuvre = quasi-totalité des connaissances de son temps, connaissances empiriques parfois expérimentales. Spéculations théoriques • Ex: La respiration stoppe avec un coup d’épée dans le haut de la nuque mais une blessure dans la partie basse provoque une paralysie des 4 membres et laisse la respiration intacte Galien de Pergame 129-v.200 • Parole de Galien = référence. Pour Sylvius (1478-1555) si un cadavre diffère de « Galien » c’est que l’espèce humaine dégénère. II.2.2 César Julien Legallois (1770-1814) Expériences physiologiques sur les animaux tendant à faire connaître le temps durant lequel ils peuvent être sans danger privés de respiration, soit à l'époque de l'accouchement, lorsqu'ils n'ont point encore respiré, soit à différents âges après leur naissance • Ed. 1835 César Julien Legallois (1770-1814) • • • • • • Je passe aux lésions du cerveau. La plus fréquente est celle causée par la compression que […]de plusieurs os du crâne dans le fétus humain [..] quand le bassin est étroit, ou qu'on applique le forceps…. Je l'ai opérée sur six lapins, pendant une minute avec le pouce que j'appuyais sur le sommet de la tête… Dans un de ces lapins, le cerveau fut comprimé à 5 min, il le fut à 8 min dans un autre, et 19 min dans le troisième. Dans tous les trois, je rompis les membranes après avoir cessé la compression : les deux premiers respirèrent, mais tardivement […]. Le troisième respira aussi, mais plus péniblement. Sa respiration [..] cessa entièrement au bout d'une demi-heure. Dans le quatrième, la compression fut exercée 9 min; il fut ensuite laissé dans les membranes jusqu'à 14 min. II y fit d'abord plusieurs efforts d'inspiration, lesquels s'arrêtèrent au bout de 1 ou 2 min, et ne se renouvelèrent pas après la rupture des membranes. Le cinquième, soumis à la même épreuve à 16 min, eut ses membranes rompues à 16 min, et ne respira point. • Une pression du cerveau n'empêchait la respiration de s'établir qu'autant qu'elle se trouvait réunie à une asphyxie... II.2.2 Pierre-Marie FLOURENS (1794-1867) Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux dans les animaux vertébrés • 1842 – « Le nœud vital » Pierre-Marie Flourens : bulbe rachidien I. Je retranchai, sur un lapin, les lobes cérébraux, [..] puis le cervelet [--] enfin les tubercules quadrijumeaux, |..] l'animal vivait et respirait bien. Je commençai à retrancher, par tranches successives, la moelle allongée d'avant en arrière. Aux moyennes tranches, l'animal ne respirait déjà plus qu'avec effort. Aux dernières tranches, il ne respirait plus. II. Je pris un autre lapin; je retranchai pareillement les lobes cérébraux, les tubercules quadrijumeaux et le cervelet. Pareillement, la respiration persistait toujours. Je retranchai la moelle allongée tout d'un coup, la respiration fut éteinte. III. Je supprimai, par coupes graduelles et successives, d'avant en arrière, la moelle allongée, sur une poule; et la dernière coupe opérée, il n'y eut plus de respiration. IV. Je retranchai, sur une poule et sur un pigeon, les lobes cérébraux, les tubercules bijumeaux et le cervelet, sans toucher à la moelle allongée. Cette poule et ce pigeon survécurent plusieurs heures à ces graves mutilations. V. Je supprimai tout d'un coup, sur une autre poule et sur un autre pigeon, la moelle allongée tout entière; et [..] la respiration fut abolie. VI. J'ai répété ces expériences sur des poules, lapins, pigeons, chats, chiens, canards, cochons d'inde: toujours le résultat a été le même. VII. Ainsi donc, ni les lobes cérébraux, ni le cervelet, ni les tubercules bijumeaux ou quadrijumeaux, n'exercent une influence directe et immédiate sur la respiration: la moelle allongée est la seule partie, entre celles qui composent la masse cérébrale, qui exerce sur cette fonction une pareille influence. Moelle allongée = bulbe rachidien = « nœud vital » pour Flourens II.2.2 • • • • LUMSDEN : exp. de sections étagées; 1923 I section entre tronc cérébral et structures rostrales : rythme normal. Si I + vagotomie : rythme lent et ample (notion d’arrêt inspiratoire: voie périphérique) II section au milieu du pont (= I+vagotomie) : notion de centre pneumotaxique ou GRP contribuant à l’arrêt inspiratoire : voie centrale. Si II+vagotomie : apneuses; centre apneustique révélé : plus d’arrêt inspi. • III section à la jonction ponto-bulbaire : rythme indépendant des nerfs vagues • IV : section jonction moelle-bulbe : ventilation cesse faute de voies descendantes. Vue Ventrale Pont de Varole Bulbe rachidien Moelle épinière Coupe Saggitale Pont de Varole Bulbe rachidien Moelle épinière II.3.1 Descriptif du réseau respiratoire bulbo-pontique La commande inspiratoire descend depuis le bulbe rachidien vers les MN des nerfs spinaux des muscles inspiratoires Ex du nerf phrénique • Racines cervicales spinales C3 à C5 • Nerf bilatéral • Rajoutons : • Les nerfs intercostaux (moelle thoracique et lombaire) : muscles abdominaux et intercostaux • Les nerfs crâniens assurent la sortie motrice vers les muscles dilatateurs des VAS Les neurones respiratoires : pont et bulbe rachidien • Présentent des activités de décharge en bouffées synchrones des nerfs qui innervent les muscles respiratoires • Classification simple : – Neurones I : déchargent en phase avec le nerf phrénique – Neurones E : déchargent pendant la phase de silence du nerf phrénique – Neurones transitionnels : déchargent entre deux phases respiratoires Le GRD • Analyse les entrées sensorielles : projections des afférences des chémoR périphériques, mécanoR pulmonaires, barorécepteurs.. • Bilatérale, dorso-médiane proche du NTS sous le plancher de la partie caudale du IV ventricule • Respiration dans les parties VL du NTS • Majorité de cellules Inspi • Se projettent vers le GRV, le GRP et les MN spinaux Le GRV est principalement moteur avec des neurones I et E • bilaterale- ventrolaterale, depuis la limite bulbospinale jusqu’à la limite bulbopontique. Proche du NA + NRA • 3 parties fonctionnelles : • -rostrale: E (Bötzinger complex commande l’activité E des régions caudales) • -intermédiaire: I, motoneurones des VAS (diamètre des VAS) • Un groupe de neurones I forme le preBötzinger complex (GENERATEUR???) • -caudale: E, neurones prémoteurs vers les MN E de la ME Le GRP • Centre pneumotaxique : noyau du Kölliker-Fuse et Parabrachial médian – région latérodorsale supérieure du pont – afférences des groupes respiratoires bulbaires – efférences au groupe respiratoire ventral bulbaire • Centre apneustique – moitié inférieure du pont – neurones diffus au sein de la réticulée – existence physique hypothétique (expériences..) Activité des neurones pendant le cycle respiratoire • • Type de décharge différents Moment d’activité différents • Trois types fonctionnels de neurones • 1) Neurones prémoteurs Bulbospinaux projettent sur les corps cellulaires des: – • MN/ IN de la moelle épinière cervicale, thoracique et lombaire qui innervent les muscles respiratoires 2) IN Propriobulbaires : relaient les entrées sensorielles vers – – • Ins. Expi. Ins. D’autres MN Les neurones bulbospinaux 3) MN de nerfs crâniens : branches du vague + facial qui projettent vers les muscles des VAS. Ins. Expi. Ins. Activité inspiratoire et expiratoire au sein des régions bulbaires Sorties motrices inspiratoires Sorties motrices expiratoires III. Le contrôleur central : contrôle involontaire de la respiration • La sortie rythmique du SNC vers les muscles est automatique et inconsciente • Cette rythmogenèse est localisée dans le bulbe rachidien • Les neurones de cette région génèrent des signaux vers les MN crâniens et spinaux de la respiration • Il faut donc trouver un générateur central de rythme III.1. Qu’est ce qu’un générateur de rythme ? • Réseau d’interneurones qui communiquent entre eux pour produire un “pattern” moteur prédictible et effectif tel que la locomotion ou la respiration. • Il doit activer un groupe spécifique de MN selon une séquence précise. • En terme de respiration, les MN inspiratoires doivent être activés avant les MN expiratoires. Qu’est qu’un générateur de rythme respiratoire ? • • • Un générateur actif de manière endogène Càd, qui oscille même en l’absence de stimulations conscientes; de manière spontanée Il existe des oscillateurs qui peuvent être activés à volonté : la locomotion ou bien déclenché par des stimuli sensoriels comme dans les réflexes de protection (la toux ou la déglutition). III.2. Où se trouve le GCR? • Pour comprendre la genèse du rythme respiratoire, il faut d’abord localiser le générateur central • Au 18eme Siècle, les scientifiques comprennent que tout se joue dans le bulbe rachidien Les approches « in vitro »: 1) tronc cérébral+ ME isolée 2) Tranche bulbaire 1991 • Raton P0-P8 • TC-ME isolées (à gauche) • Tranche rythmique de tronc cérébral (à droite) Partie caudale du GRV/PBC (Vagal MN, bleu) Partie rostrale (IN en rouge et BS en jaune) Activité de masse du nerf XII Activité de masse du nerf XII et de son pool de MN Activité de masse du PBC et patch-clamp de neurone du PBC IV - Rythmogenèse – Le RRB… Comment ça marche ?? • 2 façons d’obtenir une activité rythmique – Neurones pacemakers • Propriétés intrinsèques des neurones du réseau : canaux ioniques sur la membrane des neurones et comment ils affectent la réponse du neurone lors d’entrées synaptiques – Interconnexions neuronales : pptés de réseau • Basé sur les inhibitions réciproques • Pas besoin de neurones pacemakers IV.1. Déterminants du Rythme Respiratoire • Les propriétés membranaires intrinsèques • : les plus simples des générateurs rythmiques sont les cellules pacemakers (ex du cœur) Les pacemakers respiratoires ont des bouffées d’activités une fois isolés MAIS in vitro “slice preparation”-ex 1) pre-Bötzinger complex 2) NTS en présence de TRH • Les entrées synaptiques : la genèse d’un pattern est possible sans pacemakers SI le circuit neuronal contient des inhibitions réciproques entre neurones –ex entre DRG & VRG • Controverse: Quel modèle ? Réseau, pacemaker ou hybride ? Etat-dépendant ?? IV.2. Adulte in vivo : Interconnexions cellulaires et propriétés intrinsèques PPSE PPSE PPSI PPSI PPSI PPSE PPSI PPSI PPSI PPSE PPSI Les NRB sont soumis à des PPSI pendant leur phase de silence (= propriétés de réseau) PPSI PPSI inversée Inhibitions réciproques entre neurones respiratoires bulbaires. Inhibitions GABA et/ou Glycine Les propriétés de réseau existent chez l’adulte Influence du niveau intracellulaire de calcium sur l’activité des NRB (= propriétés intrinsèques) Les courants calciques dans les NRB in vivo; adulte Rebond de fin d’inhibition… …et pendant la bouffée d’activité Propriétés intrinsèques des neurones respiratoires bulbaires : patch-clamp in vivo Les sous-types de NRB enregistrés en extracellulaire Propriétés de réseau et propriétés intrinsèques cohabitent dans le RRB de l ’adulte Ilôt PBC…Ce n’est pas le cas dans les préparations in vitro…nouveau-né !!!! Pacemakers? Rythmicité continue en présence de: Strychnine et de bicuculline Pas besoins d’inhibitions Réciproques !!!! Centres respiratoires – Modèle fonctionnel • Modèle à prédominance bulbaire (GRD/GRV): – Inhibitions réciproques; Adulte • Centres respiratoires bulbaires = générateur essentiel de rythmicité – Propriétés intrinsèques : Pacemaker chez le nouveau-né Comment passe-t-on de l’un à l’autre ???? Fin