Maladie de Creutzfeldt Jakob et indication opératoire en chirurgie

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AVIS DU COMITE D’ETHIQUE N°5
8 novembre 2007
Maladie de Creutzfeldt Jakob et indication opératoire en chirurgie orthopédique
Chez une personne suspecte de Maladie de Creutzfeldt Jakob (MCJ), une intervention
chirurgicale va entraîner obligatoirement la séquestration du matériel utilisé, du moteur et
éventuellement du matériel ancillaire (prêté par la société fournisseur de prothèses) selon le
type d’intervention retenue. La séquestration peut être de longue durée dans l’attente du
diagnostic de certitude.
Compte tenu de la fréquence de patients déments au-delà de 80 ans et donc suspects de
MCJ, ce type de problème risque de se poser souvent.
Le Comité d’éthique a été saisi par la cellule MJC à propos du cas d’un patient
Rappel physiopathologique et clinique de la maladie et précautions d’hygiène à prendre
La MCJ fait partie des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles. Chez
l’homme, il s’agit de la Maladie de Creutzfeldt Jakob. Elle est connue chez l’animal sous la
forme de maladie de la vache folle et de tremblante du mouton.
Sur le plan physiopathologique, il existe une protéine anormale qui s’accumule dans le
cerveau et devient insensible à la protéolyse. L’agent responsable est qualifié d’Agent
Transmissible Non Conventionnel qui correspond à la déformation d’une protéine
normalement présente dans l’organisme : PrP (protéine prion) Il y a destruction des tissus par
surcharge protéique (spongiose ou agrégats) La protéine pathologique se trouve dans les tissus
nerveux, la rétine, le nerf optique et les tissus lymphoïdes (amygdales, appendice…)
L’infection est présente bien avant l’apparition des premiers signes cliniques.
La MCJ est sporadique, génétique ou acquise. Dans ce dernier cas, la cause peut être
iatrogène, faisant suite à des injections de produits contaminés ou du matériel insuffisamment
désinfecté (gonadotrophines avant 1988, interventions de neurochirurgie avant 1995) Il peut
aussi s’agir de la transmission à l’homme de l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine
par l’intermédiaire de dérivés bovins contaminés.
Il y a environ 1.5 cas / 1 million d’habitants et une centaine de nouveaux cas en France /
an.
Sur le plan clinique, la maladie se caractérise par un déclin cognitif rapide évoluant vers la
démence, des troubles de l’équilibre, de la coordination, des troubles visuels, des myoclonies
et l’évolution vers un état grabataire et le décès dans tous les cas.
Concernant le diagnostic, le bilan biologique et la ponction lombaire sont normaux.
L’EEG montre des anomalies inconstantes. L’IRM montre des hyper signaux au niveau
cortical. Le diagnostic est souvent affirmé par la biopsie cérébrale mais cette dernière fait
prendre un risque infectieux majeur. C’est pourquoi le diagnostic est très souvent fait en post
mortem à la suite d’une autopsie.
Lorsqu’un acte de chirurgie orthopédique doit être réalisé chez un patient suspect de
présenter une MCJ, les techniques sans contact et l’emploi de dispositifs médicaux à usage
unique doivent être privilégiés. En cas d’impossibilité, deux nettoyages successifs doivent être
réalisés et si l’acte est à risque, la séquestration du matériel et des dispositifs médicaux est
impérative jusqu’au diagnostic.
Il s’agit de bien peser l’indication opératoire et la nature de l’acte chirurgical, car le
matériel devra être séquestré jusqu’au diagnostic, celui-ci étant fait la plupart du temps en
post mortem. Si le diagnostic est confirmé, le matériel devra être incinéré à haute température.
Il faut donc prendre en compte les conséquences de la séquestration du matériel et éviter une
pénurie de matériel compromettant la délivrance des soins aux malades.
Description du cas clinique
Il s‘agit d’une patiente de 77 ans, hospitalisée en 2005 pour un épisode de démence avec
un état pseudo psychiatrique suite à un choc post-opératoire. Une MCJ est suspectée devant
une IRM montrant des hyper signaux et la présence de Pr 14.3.3. Mais la patiente présente
également une carence en vitamine B1, bien jugulée par le traitement. Devant l’amélioration
de l’état de la patiente, l’hypothèse de la MCJ est écartée.
Deux ans plus tard, elle est admise de nouveau dans le service de neurologie pour le même
épisode. L’IRM est négative mais la Pr14.3.3 est augmentée. La patiente chute dans le service
et se fracture le col du fémur. La question d’une intervention se pose alors mais surtout du
type d’intervention :
• Pose d’une prothèse de hanche qui devrait apporter un bénéfice rapide à la patiente en
lui permettant une reprise précoce de la marche, mais avec séquestration du matériel
ancillaire, étant donné qu’il s’agit d’un sujet suspect.
• Intervention par vissage : technique plus simple, moins coûteuse en terme de matériel
utilisé mais autorisant un retour à la marche plus tardif, ce qui est souvent très
préjudiciable chez les personnes âgées.
Il faut préciser que ce type de chirurgie ne fait pas partie des actes à risque de transmettre
l’agent en cause de la MCJ.
La cellule MCJ s’est réunie pour prendre une décision pour cette patiente. Il a été décidé
d’opérer la patiente avec un vissage pour ne pas devoir séquestrer de matériel.
La question posée dans ce type de situation n’est pas tant celle du rapport
bénéfices/risques (dans le cas présent, il y avait plus de bénéfices à poser une prothèse de
hanche à cette patiente) que celle du rapport coût/efficacité. Il ne s’agit pas ici d’une
limitation des soins mais d’un rationnement des soins.
Doit-on se soumettre, dans nos décisions médicales, au rationnement des soins ? On
rappelle le positionnement du Comité d’éthique lors de sa séance du 05 juillet 07 concernant
les critères d’admission des personnes âgées en institution : « le Comité d’éthique
recommande que la personne et le « prendre soin » soient privilégiés et précise qu’il ne faut
pas prendre en compte que les données économiques pour admettre un patient »
S’il y a un problème éthique posé par ce sujet, il s’agit d’un problème de justice : il y a
peu de matériel disponible et en séquestrant du matériel très coûteux, on risque de priver ou
de différer l’intervention de futurs patients.
Il faut admettre une certaine réalité : on ne peut pas dire : « on payera à tous les
coups » La nécessité de soins qui ne soient pas trop lourds à faire supporter à la communauté
influe sur nos pratiques.
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En conclusion, le Comité d’éthique :
• Félicite la cellule MCJ qui s’est réunie en équipe pluridisciplinaire pour prendre une
décision lourde en implications humaine, organisationnelle et financière. Il encourage
à réitérer cette initiative pour discuter au cas par cas de l’intérêt de telles interventions
pour les personnes. Peut-être serait-il nécessaire d’impliquer et de responsabiliser le
financier, en l’occurrence la direction, dans ces discussions.
• Considère que, compte tenu du caractère exceptionnel des cas où le matériel doit être
séquestré, il n’y a pas lieu de rationner les soins et donc de priver une personne d’un
bénéfice certain pour sa santé et son autonomie.
Le Comité d’éthique rappelle le principe d’autonomie de la personne et notamment de la
personne âgée dépendante qui n’en reste pas moins concernée par la décision. Si la personne
n’en a pas la capacité, il convient de faire participer sa famille ou la personne désignée
comme personne de confiance, le médecin restant responsable de la décision prise.
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