CHAPITRE I : LA QUESTION DE LA VALEUR
Qu'est ce que la valeur d'un bien ? Comment est-elle déterminée ? Comment expliquer que tel
bien vaut tant ? Qu’est-ce qu’un prix équitable ? Comment se détermine le prix relatif des
marchandises ?… Voilà un ensemble de questions fondamentales posées par la théorie
économique et auxquelles les différents courants de pensée apportent des réponses souvent
opposées.
Même si la question de la valeur n’est plus actuellement l’objet de controverses importantes et
de recherches très développées de la part des économistes, elle n'en demeure pas moins un
thème d’actualité.
Ainsi, un grand problème est actuellement de déterminer la valeur des biens informationnels.
Par exemple, il est courant de dire qu’un morceau de musique sur Internet ne vaut rien, "je
télécharge parce que c’est gratuit". Est-ce à dire que dès lors qu’un contenu immatériel est
librement disponible sur Internet, sa valeur économique est nulle ? C’est ce que certains
économistes prétendent implicitement en adoptant la conception utilitariste de la valeur : si le
prix d’un bien est déterminé par son coût marginal, alors le prix d’une copie d’un morceau
musical sur Internet est proche de 0, puisque le coût de reproduction de cet exemplaire est
quasi nul, quand bien même l’original aurait exigé une certaine quantité de travail de la part
du compositeur, des artistes, du producteur,… et quand bien même vous désireriez posséder
ce morceau de musique car vous retirez un certain plaisir à l’écouter à votre guise sur votre
ordinateur.
Qui plus est, quel est le meilleur estimateur de la valeur d’un morceau de musique téléchargé
sur Internet, quelle est sa véritable valeur ? Le prix exigé sur les sites de téléchargeant payant
(iTunes MS d'Apple,…) ou le prix associé au morceau téléchargé par un réseau de
téléchargement illicite, soit 0 euros (ce qui pose le problème de la mesure du plaisir associé à
l’écoute de ce morceau) ? En fait, cela rejoint un problème soulevé par l'économiste
autrichien von Wieser : si le communisme prévaut, il n'y a pas de valeur objective,
uniquement une valeur subjective pour les biens.
En prenant cet exemple spécifique de la valeur des biens informationnels, plusieurs
conceptions de la valeur ont été en fait mobilisées. L’objet de ce chapitre est justement de
vous présenter les conceptions et les controverses autour de la notion de valeur dans la théorie
économique.
SECTION 1 : LE TRAVAIL COMME FONDEMENT DE LA VALEUR ?
Différents travaux antérieurs à l’école classique avancent l’idée du travail comme fondement
de la valeur économique. C’est le cas de William Petty (Traité des taxes et contribution,
1662) et de John Locke (deux Essais sur le gouvernement civil, 1690) qui affirment tous deux
que la valeur des produits dépend de la quantité de travail dépensée dans leur production.
Néanmoins, ces auteurs ne parviennent pas à préciser le rôle de la terre dans le processus de
création de la valeur : en effet, d'après eux, les marchandises (aliments, vêtements, navires,…)
sont tous des produits non seulement du travail mais également de la terre. Petty essaiera, sans
succès, de ramener la quantité de terre à une certaine quantité de travail, en prenant comme
base le prix de la terre…