Chimie Analytique I: Chapitre 9 Introduction à la chimie de coordination 9.1 Définitions Préambule. Dans le précédent chapitre, nous avons traité de la réactivité d'acides de Brönsted (les protons) envers des bases de Brönsted. L'hydrogène peut être considéré comme un métal qui ne possède qu'une seule orbitale (1s). On peut étendre cette théorie à d'autre métaux qui possèdent des orbitales s, p et d. Plutôt que de la théorie de Brönsted-Lowry, on parle alors de la théorie des acides-bases de Lewis. 1 Définition. Un composé de coordination (ou un complexe) est un édifice moléculaire formé d'un centre métallique entouré de groupes doneurs d'électrons appelés ligands. Suivant la nature et la charge de chacun des composants du complexe, celui-ci peut être neutre, chargé positivement ou négativement. Le plus souvent, le métal est chargé positivement (oxidé). Les ligands qui peuvent être soit des ions, des atomes ou des molécules sont soit neutres, soit chargés négativement (ou positivement). 2 9.2 Théorie de Lewis Définitions. Un acide de Lewis est un accepteur de paire d'électrons. Une base de Lewis est un donneur de paire d'électrons. Un acide de Lewis réagit avec une base de Lewis pour former une liaison covalente ou dative. H3 O+(aq) + NH3(aq) NH4 + (aq) + H2 O Théorie de Brönsted-Lowry M a+ + nL Théorie de Lewis [MLn ]a+ 3 [Cu(H2O)4]+ + 4NH3(aq) acide base BF3 + R3N Ni(s) + 4CO [Cu(NH3)4]+ + 4H2O complexe F3BNR3 [Ni(CO)4] 4 9.3 Similarités et différences La théorie de Lewis permet de décrire la formation de complexes comme des réactions acide-base. Plutôt qu'un proton, c'est un ion métallique qui est transféré. Il existe cependant certaines différences entre les transferts de protons et les formations de complexes qu'il convient de noter: i) structure (thermo-dynamique) et ii) réactivité (cinétique). 5 9.3 Similarités et différences (cntd) i) Le proton ne possédant qu'une seule orbitale 1s ne peut se lier qu'à une seule paire d'électrons (on ne tient pas compte des ponts hydrogènes). Un métal qui possède plusieurs orbitales atomiques (s, p, d) peut former des composés de coordination avec 2-9 (ou plus) ligands autour de l'atome central. ii) Un transfert de proton est le plus souvent très rapide. En solution aqueuse, ces réactions sont limitées par diffusion (c-à-d que la réaction se produit aussi vite que les collisions se produisent en solution, soit env. 10-9 collisions/sec). Suivant la nature du métal et des ligands, les réactions de formation de complexes peuvent être soit très rapides, soit très lentes. 6 9.4 Ligands: considérations générales Les ligands. Un ligand peut être un ion ou une molécule. Le ligand est caractérisé par l'atome qui se coordonne (l'atome donneur) au métal ainsi que par les substituants qu'il porte. Il faut noter qu'un ligand peut être neutre et néanmoins former des liaisons très stables avec un acide de Lewis. Atomes donneurs: H C N O F Si P S Cl As Se Br I 7 Pour différencier une liaison ionique ou covalente (métal chargé positivement et ligand chargé négativement) d'une liaison dative (métal chargé ou neutre et ligand neutre) on utilisera deux symboles distincts. Co Cl Pt NH3 NH3 2- Cl Co2+(aq) + 4Cl- Cl Cl Cl Cl CO liaison covalente Ni0(s) + 4CO Ni CO CO CO liaison dative 8 9.5 Ligands: propriétés Un ligand peut posséder plusieurs atomes donneurs. De tels ligands qu'on appelle chélates sont d'un grand intérêt dans le cadre de la chimie analytique puisqu'ils forment des composés particulièrement stables avec les acides de Lewis. On parle de ligands pluridentés ou chélatants. Ligands monodentés: H2O, NH3, X–, pyridine etc. Ligands pluridentés: les ligands pluridentés forment des chélates lorsqu'ils se coordonnent avec un métal. Les atomes donneurs d'un ligand chélatant peuvent soit être identiques soit différents. 9 CO2 H2N NH2 en éthylènediamine N N bpy bipyridine Amines R CO2 HN H CO2 H CO2 H NH3 NTA nitrilotriacétate (synthétique) (S)-aminoacide (naturel) O2 C N CO2 N HO2 C CO2 H EDTA ethylènediaminetétraacétate Acides aminés 10 O HO O acacH acétylacétone N N OH dmgH diméthylglyoxime β-Dicétones dioximes O O HO OH oxH2 acide oxalique Diacides 11 9.6 Isomérie 9.6.1 Isomérie géométrique Lorsque deux ligands différents coordonnent à un métal, il convient de décrire de manière non ambigüe la relation spaciale de ces deux ligands différents. En particulier, la géométrie tétragonale planaire et octaédrique sont intéressantes en chimie de coordination. Avec une géometrie tétraédrique, le problème ne se pose pas pour des composés du type [MA2B2]. NH3 Cl Cl Pt NH3 H3N Cl Pt Cl H3N 12 cis-[PtCl2(NH3)2] trans-[PtCl2(NH3)2] H2 N H2N NH2 Cl NH2 H2 N Co Cl Co Cl N H2 Cl N H2 H2N cis-[CoCl2(en)2] rouge trans-[CoCl2(en)2] vert 13 9.6.2 Isomérie optique Lorsqu'un composé de coordination est octaédrique, la présence de deux ligands chélatants en position cis suffit pour créer un objet chiral. Pour décrire la chiralité, on utilise les descripteurs ∆ et Λ pour assigner la configuration absolue du métal. On parle d'un objet chiral lorsque celui-ci n'est pas superposable (ni par translation ni par rotation) à son image dans un miroir. Pasteur (1846) Kékulé (1858) LeBel et van't Hoff (1874) Werner (1900) 14 H2N NH2 H2 N H2N H2 N M M H2N NH2 N H2 NH2 Λ-[M(en)3] N H2 NH2 H2N ∆-[M(en)3] 15 Λ H2N M NH2 Cl M Cl NH2 H2N ∆ cis-∆-[MCl2(en)2] M 16 9.7 Nombre de coordination, géométrie, réactivité et stabilité des composés de coordination 9.7.1 Nombre de coordination Le nombre de coordination (NC) indique le nombre de liaisons auquel participe le métal. Ce nombre peut varier de 2 à 9. 9.7.2 Géométries les plus fréquentes Les géométries des composés de coordination correspondantes sont: linéaire (NC = 2) tétraédrique ou tétragonal planaire (NC = 4) trigonal bipyramidal ou pyramidal à base carrée (NC = 5) octaédrique (NC = 6). 17 NC Structure Métaux typiques 2 Linéaire d10, Ag+ 4 Tétraédrique d7, Co2+ 4 Tétragonal Planaire d8, Pd2+, Pt2+ 5 Trigonal Bipyramidal d9, Cu2+ 5 Pyramidal à base carré d8, Ni2+ 6 Octaédrique d3, d6, Fe3+ 18 3- Cl Ph3P Ag PPh3 Cl Cl Cu Cl Cl 2- Cl Cl Co Cl Cl Cl Cl Pt CN CN NH3 NH3 NC 3- Ni CN CN 3+ OH2 H2O Fe OH2 OH2 H2O OH2 19 9.8 Stabilité thermodynamique et cinétique La stabilité des composés de coordination en solution est donnée par les constantes d'équilibre successive (Kn) ou globale (βn). Il s'agit d'une grandeur THERMODYNAMIQUE. Un composé de coordination peut être très stable, mais néanmoins réagir très rapidement. Il convient donc de distinguer la stabilité (grandeur thermodynamique) de la réactivité (grandeur cinétique). La réactivité des composés de coordination peut être soit très rapide, on parle de composés labils ou très lents, on parle alors de composés inertes ou robustes. La réactivité est donc une propriété CINETIQUE et non thermodynamique. 20 M+L ML ML + L ML2 . . . . . MLn-1 + L n MLn = M K ML ML ⋅ K ML 2 KMML = [ML] [M] ⋅ [L] KML ML = 2 ML K MLnn−1 MLn−1 ⋅...K ML n = [ML] [ML ] ⋅ [L] 2 MLn ] [ = [ MLn −1 ] ⋅ [L] M K ML n = [ MLn ] [ M ] ⋅ [ L ]n En chimie de coordination, on utilise les constantes de formation et non de dissociation!!! 21