Semestre 2 – Chapitre 3 : Equilibres de complexation Les complexes sont des édifices polyatomiques associant autour d'un élément central des ions ou molécules appelés ligands. Ils se rencontrent dans d'importantes molécules biologiques comme l'hémoglobine, en chimie analytique pour le dosage des cations métalliques ou encore dans l'industrie où leur emploi permet par exemple de séparer les nombreux produits de fission de l'uranium. I- Généralités sur les complexes : 1- Présentation : Un complexe ou composé de coordination est un édifice polyatomique formé d'un élément central (souvent cationique) autour duquel sont liés (coordonnés ou coordinés) des anions ou molécules appelés ligands. L'élément central : L'élément central est un atome ou cation d'un élément métallique qui peut aussi bien être un cation des métaux de transition (Fe2+, Fe3+, Cu2+, Ni2+, Co2+...) ou un cation des métaux alcalin ou alcalino-terreux (Na+, K+, Mg2+, Ca2+ …). Le centre métallique possède des lacunes électroniques, on dit que c'est un acide de Lewis (élément qui accepte au moins un doublet d'électrons). Les ligands : Les ligands possèdent quand à eux au moins un doublet d'électrons non liant, situé sur un atome formellement ou partiellement chargé négativement : ce sont des bases de Lewis. On distingue les ligands anioniques, chargés négativement lorsqu'il n'est pas coordiné au métal (par exemple : Cl-, HO- …) et les ligands neutres (exemple : H2O, NH3... ). Les ligands possédant un seul site de fixation sont appelés monodentates (ou monodentés, ou monodentes) par exemple : Certains ligands sont polydentates lorsqu'ils peuvent se lier simultanément par plusieurs atomes différents au centre métallique. Les atomes doivent être assez éloignés pour ne pas constituer de cycle trop tendu avec l'atome central. La liaison de coordination : Les ligands se lient au métal central par une liaison acido-basique au sens de Lewis (don d'un doublet d'électrons vers une lacune électronique du métal), d'intensité très variable, dépendant de la nature de l'acide et de la base de Lewis mis en jeu. En général, la liaison de coordination est de l'ordre de quelques dizaines de kJ.mol -1, soit intermédiaire entre les interactions de Van der Waals et les liaisons covalentes. 2- Nomenclature : Formule d'un complexe : La formule d'un complexe est écrit entre crochets, en commençant par l'atome central M, suivi des ligands anioniques X puis des ligands neutres L (les uns et les autres figurant dans l'ordre alphabétique du premier symbole des formules) : [M(X)x(L)y]charge. Nom d'un complexe : Le nom d'un complexe cationique ou neutre est obtenu en écrivant le nom du métal, précédé du nom des ligands (avec leur multiplicité). Dans le cas de ligands différents ceux-ci sont indiqués par ordre alphabétique. Le nombre d'oxydation du métal est indiqué en chiffres romain entre parenthèse. Cette notion sera développée ultérieurement mais à ce stade de notre étude, nous pouvons considérer que le nombre d'oxydation correspond à la charge portée par le centre métallique si le complexe est dissocié en cation métallique d'une part et ligands d'autre part. Le nom d'un complexe anionique obéit aux mêmes règles, mais un suffixe « ate » est ajouté au nom du centre métallique. H2O NH3 aqua ammine Cl - chloro HO - hydroxo Nom des ligands courants : O2CO CNoxo carbonyl cyano Exemple : Nommer ou donner la formule des complexes suivants : – [Fe(H2O)6]2+ – [Fe(CN)6]3– [Al(OH)4]– Pentacarbonylfer (0) – Pentaaquahydroxofer (II) – Tetraamminedichlorocobalt (III) C2O42- NH2CH2CH2NH2 oxalato éthylènediamine 3- Propriétés des complexes : Les complexes des métaux de transition sont très souvent colorés car ils absorbent certaines longueurs d'ondes appartenant au domaine du visible. On peut citer par exemple le complexe qui se forme entre le cuivre et l'eau et qui est de couleur bleu, c'est pourquoi pour tester si de l'eau est présente on ajoute du cuivre déshydraté (cf : collège!). Par conséquent la spectroscopie UV-visible est la méthode choix pour doser des cations métalliques. Il est également possible d'utiliser des indicateurs colorés de complexation, il s'agit de ligands qui changent selon qu'ils sont complexés ou non. Beaucoup de complexes manifestent des propriétés magnétiques particulières (paramagnétiques, diamagnétiques ...) II- Thermodynamique des complexes en solution aqueuse : 1- Constantes d'équilibres : (pour simplifier les équations, on omet des formules c°, mais il faut toujours garder à l'esprit que les constantes d'équilibres sont sans unités et que les concentrations doivent être exprimées en mol/L). 1.1- Constantes de formation d'un complexe : Comme son nom l'indique, la constante de formation globale de la constante d'équilibre associée à l'équilibre de formation du complexe [MLn]. On note cette constante d'équilibre βn . M + nL = [MLn] β n= [ MLn ] [ M ][ L] n constante globale de formation de MLn Cependant, on rencontre souvent des constantes successives de formation : en effet la formation d'un complexe possédant n ligands identiques peuvent être décomposées en étapes ne faisant intervenir à chaque fois qu'un seul ligand L. A chaque équilibre successifs, on associe une constante d'équilibre successive de formation, noté Kfi. Constantes successives de formation [ML] (1) M + L = ML K f1= [ M ][ L] [ ML2 ] (2) ML + L = ML2 K f2= [ML][ L] ... [ML n ] (n) MLn-1 + L = MLn K fn= [ ML n−1 ][ L] Exemple : Etude de la formation du complexe tétraamminecuivre (II) a- Ecrire l'équilibre de formation globale du complexe et donner l'expression de la constante globale de formation notée β4 . b- Ecrire les équilibres successifs de formations et donner pour chaque équilibre la constante de formation Kf i . c- Comment déterminer β4 si vous connaissez uniquement la valeurs des différentes constantes de formations successives ? d- Généralisation : On considère la formation d'un complexe [ML n ] , donner l'expression de βn en fonction des K fi . 1.2- Constantes de dissociation d'un complexe : a- Par analogie avec la constante de formation globale, donner l'équation de l'équilibre de dissociation globale d'un complexe de type [ML n ] . En déduire l'expression de Kd, constante de dissociation globale du complexe. b- Quelle relation existe-t-il entre βn et k d ? c- De la manière, définir ce qu'est une constante de dissociation successive d'un complexe, que l'on note K di . Quel lien existe-t-il entre K d et K di ? Entre K fi et K di ? 2- Diagrammes de prédominance et courbes/diagrammes de distribution : Par analogie avec les diagrammes de prédominance vus dans le chapitre acide-base, on peut tracer un diagramme de prédominance en fonction de pL (avec pL = -log [L], le potentiel ligand) sur lequel on indique quelle forme du complexe est majoritaire en solution. On considère l'équilibre : MLn−1+L=ML n a- Etablir l'expression de pL en fonction de pKdn et des concentrations des différentes formes du complexe. b- A quelle condition la forme [MLn-1] prédomine ? (on rappelle qu'une espèce prédomine si sa concentration est 10 fois supérieure à celle de l'autre espèce) c- Tracer le diagramme de prédominance du complexe [MLn]. Exemple : On étudie les complexes successifs de [Cu(NH 3)4]2+. On donne : logβ1=4,1 ; log β2=7,6 , log β3=10,6 et log β4 =12,6 . d- Tracer le diagramme de prédominance des complexes successifs. e- Par analogie avec ce qui a été fait dans le chapitre acide-base, qu'est ce qu'un diagramme de distribution ? En s'appuyant sur le diagramme de prédominance, associé chaque complexe à sa courbe de distribution sur le graphique présenté ci-dessous. f- Comment retrouver la valeur des constantes de formation sur le diagramme ? 3- Echelle de pKd et sens d'échelle de ligand : Nous considérons des couples donneur/accepteur de ligand dans l'échange met en jeu une seule molécule de ligand. Ces couples sont de types MLn/MLn-1. MLn-1 + L = MLn K fn= [ML n ] [ML n−1 ][ L] Etant donné le sens d'écriture de l'équilibre chimique, il est évident que plus K fn est grand, plus l'équilibre est déplacé vers le sens de formation des produits donc plus Kfn est grand, plus le métal est accepteur de ligand. Inversement, plus Kfn est faible, plus le métal est donneur de ligand. Nous allons donc placer les couples sur une échelle de pKd : nous plaçons les espèces accepteurs de ligands à gauche de l'échelle et le donneur à droite. Exemple : On considère les couples : [NiY]2-/Ni2+ : pKd = 18,7 ; [CaY2-]/Ca2+] : pKd = 10,8 ; [FeY]-/Fe3+ pKd = 25,5 et [ZnY]-/Zn2+ pKd = 16,2 a- Construire l'échelle de pkd associée à ces couples. b- On considère la réaction d'échange de ligand de Fe 3+ avec [ZnY]2- : quelle est la constante d'équilibre de cette réaction ? Que pouvez vous dire de cette réaction ? c- On considère la réaction d'échange de ligand de Ca 2+ avec [ZnY]2- : quelle est la constante d'équilibre de cette réaction ? Que pouvez vous dire de cette réaction ? III- Détermination de la composition du système à l'équilibre : 1- Méthode de la réaction prépondérante : Nous pourrons réutiliser la méthode de la réaction prépondérante étudiée au chapitre précédent. Il suffit simplement d'adapter les différentes étapes : Etape 1 : Lister les espèces susceptibles d'intervenir dans des réactions de complexation (complexes, cations métalliques, ligands … ) et identifier le ligand susceptible d'être échangé. Etape 2 : Placer les différents couples sur une échelle de pKd. Entourer ou souligner les espèces en présence. Etape 3 : Identifier la réaction prépondérante : RP (le plus accepteur de ligand avec le plus donneur de ligand). Etape 4 : Déterminer, en examinant sa constante d'équilibre s'il s'agit d'une RPQ ou d'un RPE (ou en utilisant la règle du gamma). S'il s'agit d'une RPQ , traiter la réaction comme si elle était totale afin d'obtenir une solution équivalente (SE). Itérer jusqu'à obtenir une RPE. Etape 5 : Calcul de la composition à l'équilibre en introduisant pour la RPE un tableau d'avancement. 2- Applications : Exemple 1 : Une solution contient des ions Ca 2+ et le complexe [MgY]2-, tous deux à la concentration de 0,1 mol/L. Prévoir un éventuelle échange de ligand et déterminer la composition de la solution à l'équilibre. On donne : logβ([CaY ] 2−)=10,6 et logβ([MgY ]2−)=8,7 . Exemple 2 : Compétition entre deux ions métalliques : L'ion thiosulfate S2O32- forme de nombreux complexes avec les cations métalliques. Avec l'ion Ag +, le complexe formé est [Ag(S2O3)2]3- de constante globale de formation β2=3,16 .1013 . Avec l'ion Hg+, le complexe formé est [Hg(S2O3)2]2- de constante globale de formation β2 ' =1,00.10 29 . 1- Pour les couples [Ag(S2O3)2]3-/Ag+ et [Hg(S2O3)2]3-/Hg+ , tracer le diagramme de prédominance des espèces en fonction de pS2O3 . 2- On mélange 20,0 mL d'une solution de nitrate d'argent (AgNO 3) à 2,00.10-2 mol.L-1 et 30,0mL d'une solution de thiosulfate de sodium (NaS2O3) de concentration de 5,00.10-2 mol.L-1. Quelle est la composition de la solution à l'équilibre ? 3- A la solution obtenue à la question 2, on ajoute 50,0mL d'une solution de nitrate de mercure (HgNO 3) de concentration 4,00.10-2 mol.L-1. Quelle est la composition d'un système à l'équilibre ? Exemple 3 : Titrage d'une solution d'ions Ni2+ : On s'intéresse à la réaction entre une solution de nickel (II) et une solution de sel disodique de l'EDTA noté Na2H2Y (qui se dissout totalement en solution sous forme d'ions Na+ et H2Y2-). On dose la solution de nickel (II) par les ions H2Y2- en présence d'un indicateur coloré : le murexide. Dans une solution de pH voisin de 11, le murexide, indicateur coloré de complexométrie, noté Mu - est violet-pourpre. Cet indicateur donne avec l'ion Ni2+ un complexe [NiMu]+ de couleur orangée. Dans un bécher, on introduit V0,Ni=10,0mL de la solution d'ions Ni2+ de concentration cNi=1,00.10-1 mol/L puis V=40,0mL de solution d'ammoniac à 2,00 mol/L et enfin une pointe de spatule de murexide, soit S la solution préparée. On ajoute ensuite à la burette graduée la solution de Na2H2Y de concentration cY=8,00.10-2 mol/L jusqu'au virage de la teinte de la solution. On admettra que le complexe [NiMu]+ est plus stable que le complexe [Ni(NH3)6]2+. 1- Ecrire les équations des deux réactions auxquelles participent les ions Ni2+ lors de la préparation de la solution S. 2- Ecrire l'équation de la réaction de dosage et calculer sa constante d'équilibre (tenir compte de la présence du milieu ammoniacal). 3- Quel changement de teinte observe-t-on à l'équivalence ? Ecrire l'équation de la réaction justifiant le changement de teinte à l'équivalence (tenir compte du milieu ammoniacal). 4- Déterminer le volume de solution de Na2H2Y versé à l'équivalence. Données : Constantes d'acidité : NH4+/NH3 pKa = 9,20, Acide éthylènediaminetétraacétique (EDTA) H 4Y ; pKa1 = 2,00, pKa2=2,70, pKa3=6,20 et pKa4 = 10,3. Constantes de formations de complexes : β=3,98 .1018 pour [NiY]211 pour [NiMu]+ β'=2,00 .10 8 β6=1,00 .10 pour [Ni(NH3)6]2+