n° 28 - echowebline

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DÉC. 2012
n° 28
ORGANE D'EXPRESSION DE LA FILIALE D'ECHOCARDIOGRAPHIE
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE
DIOLOGIE
Coordination : Erwan Donal
28
3 > Éditorial J.-L. Monin
4 > Vignette clinique
- Place de l’ETO bidimensionnelle et 3D pour
l’implantation du MitraClip E. BROCHET
7 > Revue de Littérature
- Traitement percutané des régurgitations mitrales.
Les espoirs générés par le MitraClip E. DONAL
- Insuffisances Mitrales Fonctionnelles. Résultats du
traitement chirurgical J.-F. AVIERINOS
14 > Point sur les Recommandations
-Q
uoi de neuf dans l’insuffisance mitrale ?
Les nouvelles recommandations 2012 de l’ESC
T. LE TOURNEAU - D. MESSIKA-ZEITOUN
- Intérêt de l’ETO 3D dans l’insuffisance mitrale
organique A. REYNAUD
- Insuffisance mitrale - Place de l’imagerie dans la
décision thérapeutique C. SZYMANSKI
- Insuffisance mitrale ischémique : difficultés et
limites de la quantification A. PASQUET
25 > Le Club-4D
20 > Cas cliniques
26 > L’Agenda des Congrès
- Place de l’échocardiographie d’effort dans
l’évaluation d’une insuffisance mitrale secondaire
A. BRUNET-BERNARD
DIRECTOIRE DE LA FILIALE D’ECHOCARDIOGRAPHIE
Bureau
Président :
Jean-Luc Monin
Président sortant :
Eric Brochet
Vice-président :
Patrick Dehant
Secrétaire général :
Erwan Donal
Trésorier :
Stéphane Lafitte
Secrétaires adjoints :
Nicolas Mansencal
et Juliette Rousseau
Conseil
d’Administration
Philippe Acar
Jean-François Avierinos
Fabrice Bauer
Didier Bruère
Damien Coisne
Jean-Christophe Eicher
Jean-François Forissier
Bruno Gallet
Thierry Le Tourneau
Franck Lévy
Arnaud Maudiere
David Messika-Zeitoun
Ludivine Perdrix
Patricia Réant
Catherine Sportouch
2 • NOVEMBRE 2012 - N°28
Bienvenue
au Club-4D !
par
Jean-Luc MONIN
Président de la Filiale
d’Echocardiographie de la SFC
Chers Collègues, Chers Amis,
La promotion de l’enseignement et de la recherche en imagerie cardiovasculaire est la mission
première de la Filiale d’Echocardiographie de la SFC. Il nous a
donc semblé important d’offrir un
nouvel espace de rencontre, de
formation et d’expression scientifique aux jeunes médecins particulièrement investis dans l’imagerie
cardiovasculaire au sein de notre
Filiale.
J’ai donc le plaisir de vous
annoncer la naissance officielle du
Club-4D de la Filiale, qui s’adresse
à tous les médecins de moins de
35 ans investis en échocardiographie ou toute autre modalité d’imagerie cardio-vasculaire. Nous
offrons l’inscription gratuite à la
Filiale (ainsi qu’à la SFC) aux
membres du Club-4D, afin de
motiver les moins de 35 ans à
participer à nos réunions scientifiques et de promouvoir le développement de la recherche française en échocardiographie et dans
les autres domaines de l’imagerie
cardiovasculaire.
A ce jour, le Club-4D compte
une quarantaine de membres,
cardiologues ou issus d’autres
spécialités, qui ont élu le 19
octobre dernier un Bureau composé de Anne Brunet (Tours), Frédéric
Schnell (Rennes) et Julien Ternacle
(Créteil). Anne Brunet a été désignée comme représentante du
Club au conseil d’administration de
la Filiale. Onze membres du Club
ayant un abstract accepté au
congrès Euroecho 2012 seront pris
en charge par la Filiale pour leur
participation à ce congrès (Athènes
du 5-8 décembre 2012). Une
sélection des meilleurs travaux
français à Euroecho 2012 vous
sera présentée lors d’une session
scientifique de la Filiale « Best of
Euroecho » qui aura lieu en ouverture des Journées Européennes de
la SFC le mercredi 16 janvier 2013.
A noter que la deuxième partie de
cette session sera commune avec
la Filiale de Cardiologie Pédiatrique
et Congénitale.
Qu’en est-il de ce numéro 28
de l’ECHO DE LA FILIALE consacré
à l’insuffisance mitrale ? Au fil des
pages vous croiserez Agnès
Pasquet qui abordera les difficultés
de la quantification de l’insuffisance mitrale ischémique et Eric
Brochet qui nous fera partager son
expérience de l’échographie transœsophagienne 3D pour la mise en
place de clips mitraux.
L’état de l’art concernant le
traitement chirurgical de l’insuffisance mitrale vous sera présenté
par Jean-François Avierinos et la
validation des traitements transcatheter sera abordée par Hervé
Corbineau et Erwan Donal. Thierry
Le Tourneau et David MessikaZeitoun vous diront l’essentiel sur la
prise en charge de l’insuffisance
mitrale d’après les nouvelles
recommandations ESC / EACTS
2012 sur les valvulopathies.
Enfin, Anne Brunet, Amélie
Reynaud, et Catherine Szymanski,
du Club-4D vous présenteront chacune un cas clinique.
Excellente lecture !
J.-L. Monin
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 3
Guidage échocardiographique au cours
du traitement
percutané de
l’insuffisance
mitrale par la
technique MITRACLIP
Eric BROCHET
C.H.U. Bichat, PARIS
[email protected]
L
a technique de réparation mitrale percutanée utilisant le système MITRACLIP
(Abbott) est inspirée de la technique de
réparation chirurgicale mitrale « bord à bord »
proposée par Alfieri. Elle consiste à capturer les
feuillets valvulaires mitraux à leur partie
médiane et de les réunir par un clip (Fig.1)
créant ainsi un double orifice mitral et réduisant
la fuite mitrale.
Cette technique s’adresse principalement aux
patients porteurs d’insuffisance mitrale organique ou fonctionnelle contre-indiqués ou à
haut risque pour une chirurgie mitrale.
Vignette clinique
Vignette cli
VIGNETTE CLINIQUE VIGNETTE CLINIQUE
Fig.1 : Dispositif Mitraclip
L’insuffisance mitrale doit être sévère et quantifiée selon les recommandations usuelles.
4 • NOVEMBRE 2012 - N°28
Procédure écho-guidée
Le déploiement du système MITRACLIP se fait
sous contrôle fluoroscopique et échographique.
L’ETO (2D et plus récemment 3D temps réel)
est la technique principale de guidage au cours
de cette procédure, essentielle pour la ponction
transseptale, le guidage et positionnement optimal du clip, la capture des feuillets mitraux et
l’évaluation du résultat.
Des protocoles d’imagerie spécifiques à la procédure MITRACLIP ont été définis afin d’assurer une communication optimale entre cardiologues interventionnels et échocardiographistes.
Les 4 vues échographiques ETO 2D les plus
importantes sont :
Sélection des patients
Sur le plan anatomique, les lésions valvulaires
doivent être localisées à la partie médiane des
feuillets valvulaires (A2, P2), avec un jet d’IM
provenant de cette partie centrale. Dans les IM
fonctionnelles, les feuillets doivent garder une
coaptation centrale d’au moins 2 mm et une
hauteur de tenting de moins de 11 mm.
Concernant les IM organiques par prolapsus, le
D’autres critères échographiques, au mieux
évalués en ETO 2D et 3D, peuvent influencer la
faisabilité ou non de la procédure, comme le
degré d’épaississement des feuillets mitraux,
l’absence de sténose mitrale (surface > 4 cm²) ;
l’absence de calcifications annulaires mitrales,
une longueur suffisante du feuillet postérieur,
ou la présence d’indentations marquées des
feuillets mitraux, etc. L’anatomie du septum
inter-auriculaire est également importante à
évaluer pour la faisabilité du cathétérisme
transseptal.
Citons notamment la définition d’un nombre
limité d’incidences échographiques pour chaque
étape de la procédure et une orientation standardisée des images échocardiographiques.
L’échocardiographie joue un rôle essentiel dans
la sélection des patients et au cours de la
procédure.
Les critères échographiques de sélection des
patients ont été définis lors la réalisation de
l’étude de faisabilité EVEREST I , à la fois pour
les insuffisances mitrales organiques et
fonctionnelles.
prolapsus ne doit pas être trop large (< 15 mm)
ni trop profond (< 10 mm). (Fig.2)
Fig.2 : Critères échographiques
de sélection pour MITRACLIP
(protocole EVEREST), pour les
insuffisances mitrales fonctionnelles et par propalsus.
1 - La coupe petit-axe de la base (angle 30-60°)
pour la surveillance de la ponction transseptale,
de l’introduction de la gaine et du catheter de
délivrance du clip, et lors des
manipulations de ce catheter,
afin d’éviter tout contact avec
la paroi de l’oreillette ou l’auricule gauche
2 - La vue ETO bi ou intercommissurale 2 cavités, à
45-60° environ, utilisée pour
les ajustements medial ( près
du septum interauriculaire)
ou latéral (proche de l’auricule gauche) (Fig. 3A).
3 - La vue ETO grand axe à 120-150° (dite
« LVOT » pour Left Ventricular Outflow Tract)
VIGNETTE CLINIQUE VIGNETTE CLINIQUE
cathéter transseptal peut être suivi lors de son
retrait de la veine cave supérieure, vers la région
de la fosse ovale, où est alors visualisée la déformation ou « tenting » du septum, à la jonction
du septum secundum et primum.
utilisée pour les ajustements
antérieur (vers l’aorte) et
postérieur. (Fig. 3 B).
4. La vue trans-gastrique petit
axe, à 0-30°, pour la visualisation de la valve mitrale, utilisée pour l’alignement
des bras du clip perpendiculaires à la ligne de
coaptation.
L’apport de lETO 3D temps
réel est majeur au cours de
cette procédure. Bien que
celle-ci soit faisable sous
ETO 2D uniquement, l’ETO
3D facilite beaucoup le repérage spatial et permet un
guidage plus précis. Son
apport est notamment crucial pour l’analyse de
la perpendicularité du clip par rapport à l’orifice
mitral et pour la visualisation de l‘aspect en
double orifice. Une orientation standardisée des
images 3D est également indispensable. (Fig.
4) L’ETO biplan ou X plan, disponible sur les
sondes matricielles d’ETO 3D est également
très utile, permettant la visualisation simultanée
de deux plans de coupe ETO 2D et en Doppler
couleur.
Fig.3 : Incidences ETO standardisées pour le répérage spatial et la
navigation : A : bi ou inter commissurale (30-60°) ; B: indidence
longitudinale à 120° (LVOT)
Fig.4 : ETO 3D temps réel.
Vue « en face » de la valve
mitrale selon l’orientation
chirurgicale (valve aortique en
haut, auricule à 9 heures).
Permet d’identifier facilement
les segments des feuillets
mitraux et d’orienter la
position du clip antérieur
(aorte) latéral (auricule),
médial (septal) et postérieur.
différentes étapes de la procédure
Cathétérisme transseptal
Le guidage échographique du cathétérisme
transseptal est indispensable car le site de ponction septale doit être très précis, réalisé à la
partie haute et supérieure de la fosse ovale.
Cette étape est un élément clé de la réussite de
la procédure car la position de la ponction septale conditionne le bon alignement du clip vers
la valve mitrale.
Une procédure de guidage échographique standardisée, « pas à pas », a été mise au point pour
permettre une ponction septale optimale.
Trois incidences ETO sont utilisées successivement de façon à orienter le trajet de l’aiguille
dans les différentes directions (Fig. 5).
- L’incidence ETO longitudinale « bi-cave » à
120° (axe superieur-inférieur) dans laquelle le
- Enfin, la coupe ETO 4 cavités permet de
visualiser la hauteur séparant la zone de tenting
du plan de la valve mitrale, devant être comprise entre 3 et 4 cm. (Fig. 2) Cette hauteur est
très importante à respecter pour un positionnement adéquat du clip, notamment dans les
insuffisances mitrales fonctionnelles.
Lorsque la position est jugée satisfaisante, la
ponction est réalisée avec franchissement du
septum.
Navigation
et positionnement du clip
au dessus de l’orifice
mitral
Pour faciliter la communication, il peut être utile
en début d’expérience d’afficher ces coupes
échographiques de référence sous les écrans de
scopie en salle de cathétérisme. C’est en effet le
cardiologue interventionnel qui en fonction des
besoins fait appel à tel ou tel type de coupe
échographique.
Guidage échographique des
- L’échographiste passe alors en coupe ETO
petit-axe de la base, permettant de préciser
l’orientation postérieure de la ponction, en
s’éloignant de la racine aortique (repère antérieur). La zone idéale de tenting est postérieure, à la jonction 1/3 posterieur, 2/3 anterieur
du septum.
Positionnement de la
gaine et du clip dans
l’oreillette gauche
Fig.5 : Incidences échographiques
utilisées pendant le cathétérisme
transseptal. A et B : vue « bi-cave » à
120° avec tenting du septum au
niveau de la fosse ovale ( B). ; C :
coupe petit axe définissant l’orientation antero postérieure. C : incidence 4 cavités définissant la hauteur de tenting (voir texte) OG :
oreillette gauche ; OD : oreillette
droite Ao : Aorte
Une fois la ponction septale
réalisée, l’ETO 2D et 3D temps
réel permettent de suivre
l’introduction de la gaine puis
l’introduction du catheter de délivrance du clip.
La surveillance échographique continue est
essentielle afin d’éviter tout contact du clip avec
la paroi auriculaire.
Le système de délivrance du clip est ensuite
incliné très progressivement vers l’orifice
mitral, de façon à être visualisé
simultanément dans les deux
coupes bi-commissurale et
LVOT. L’ETO 3D permet également une bonne visualisation de
la position du clip lors de cette
approche. (Fig. 6).
Fig.6 : Surveillance de l’introduction du catheter portant le clip (flèche) dans l’oreillette gauche
en ETO 2D (A) et orientation progressive vers la
valve mitrale en ETO 3D (B à D).
Le clip est progressivement
avancé vers la valve mitrale et
sa trajectoire est testée par de
légers mouvements de va et
vient vers l’orifice mitral.
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 5
VIGNETTE CLINIQUE VIGNETTE CLINIQUE
Evaluation du résultat
Alignement du clip et
perpendicularité
L’alignement correct du clip
avec le jet d’insuffisance
mitrale est apprécié par la
diffraction du jet en Doppler
couleur dans les deux incidences.
Fig.7 : Analyse de la
perpendicularité du clip en ETO
2D (A) et ETO 3D (B).
Après ouverture du clip, la vérification de la
perpendicularité des bras par
rapport à la ligne de coaptation mitrale est une étape
importante. Celle ci peut être
étudiée en ETO 2D, dans
l’incidence LVOT avec visualisation des deux bras à 180°
et dans la coupe transgastrique petit axe, ou encore
mieux en ETO 3D, qui permet une excellente visualisation de la position
du clip et le guidage de son repositionnement
éventuel par rotation horaire ou anti horaire.
(Fig. 7)
Après vérification de la capture des feuillets
valvulaires, le clip est complètement fermé pour
juger de la réduction de l’importance de la fuite
mitrale. (Fig. 9). Dans le cas de l’évaluation des
IM fonctionnelles, il est important de vérifier
que cette évaluation est faite avec le même
niveau de pression artérielle que lors de l’évaluation initiale de l’IM, en début de procédure.
Le gradient transvalvulaire est évalué en
Doppler continu.
L’aspect de double orifice est visualisé en vue
« en face » en ETO 3D. (Fig. 10)
Fig.8 : ETO 2D à 120° : Capture
des feuillets mitraux.
A : feuillets visualisés sur le clip
(flèche) avant capture.
B : abaissement des griffes et
capture des feuillets.
En cas de persistance d’une IM significative, il
peut être discuté soit un repositionnement du
clip, soit la mise en place d’un second clip, en
l’absence de gradient significatif.
Largage du clip
Franchissement de la valve mitrale
Une fois le clip aligné et perpendiculaire, la
valve mitrale est franchie et la surveillance
échographique est effectuée en incidence LVOT
ou en mode biplan.
Capture des feuillets mitraux
L’étape la plus délicate est bien sûr la capture
des feuillets mitraux, évaluée dans l’incidence
ETO LVOT . Le clip est positionné à 120°
environ et retiré très progressivement de
façon à voir le bord libre des feuillets se
reposer sur les bras du clip en diastole.
Lorsque la capture est jugée satisfaisante,
les griffes sont abaissées et le clip partiellement fermé. (Fig. 8)
Il faut ensuite vérifier très attentivement
dans les différentes incidences la qualité
de la capture des feuillets. (incidences 4
cavité pour le feuillet antérieur, incidences bi commissurale et LVOT pour les
deux feuillets )
Fig.9 : Analyse de la réduction de l’insuffisance mitrale
après fermeture du clip
Le largage définitif du clip se
fait sous contrôle échographique, permettant de surveiller le retrait du cathéter
de délivrance, en évitant
encore tout contact avec la
paroi auriculaire. Le shunt
interatrial résiduel est évalué
en Doppler couleur après
retrait de la gaine.
En
Fig.10 : Aspect final de double orifice mitral en ETO 3D
Si la capture est jugée insuffisante, les
feuillets sont libérés et le processus de
capture est recommencé.
Références
conclusion, bien que la procédure MITRACLIP reste une
procédure longue et complexe,
elle peut être menée à bien dans
la grande majorité des cas grâce
à un protocole de guidage échographique très précis, basé sur un
nombre limité d’incidences et des
repères spatiaux standardisés.
A cela s’associe la nécessité d’une
grande rigueur dans la sélection
échocardiographique des patients, et d’une collaboration
étroite entre cardiologues interventionnels et échocardiographistes pendant la procédure.
Silvestry FE et al. Echocardiographic guidance and assessment of percutaneous repair for mitral clip regurgitation with the Evalve MitralClip: lesson learned from EVEREST
I. J Am Soc Echocardiogr 2007;20:1131-1140.
Faletra FF et al. Real-time 3-dimensional transesophageal echocardiography during double percutaneous mitral edge-to-edge procedure. J Am Coll Cardiol Img 2009; 2:1031-3
6 • NOVEMBRE 2012 - N°28
REVUE DE LITTÉRATURE REVUE DE LITTÉR
Traitement percutané des
régurgitations mitrales
Les espoirs générés par
le MitraClip.
Erwan DONAL
C.H.U. de Rennes
[email protected]
Hervé Corbineau2, Guillaume Leurent1,
Xavier Beneux3, Marc Bedossa1,
Hervé Le Breton1
1
C.H.U. Rennes, Sce Cardiologie (Pr Mabo)
2
C.H.U. Rennes, Sce Chirurgie Cardio-thoracique
(Pr Leguerrier)
3
La technique chirurgicale de correction des fuites mitrales par la
création d’un double orifice grâce à
une suture médiane entre les 2 feuillets valvulaires mitraux a été proposée en 1991 par Alfieri et al4-5. Pour
des patients sélectionnés, cette technique pratiquée isolément, sans
annuloplastie s’est révélée relativement efficace sur le long terme,
même si elle n’est pas effectuée par
nombres de chirurgiens jugeant cette
approche comme non physiologique6. La crainte de créer par cette
technique une sténose mitrale ou au
bas mot perturber le remplissage
diastolique du ventricule gauche n’a
pas été confirmée lors du suivi au
long terme. Les modélisations
mathématiques, les expérimentations animales et cliniques publiées
sont rassurantes aussi. Agricola et al
ou Hori et al ont chacun rapporté des
performances de la valve mitrale au
repos et à l’effort non différentes des
performances obtenues par une
chirurgie réparatrice conventionnelle7-8. Notons tout de même que la
crainte de déchirure des feuillets
mitraux sur le long terme a conduit à
proposer une annuloplastie en plus
de la technique d’Alfieri pour diminuer les tensions que s’exercent sur
les feuillets9. Une plus grande durabilité de la suture responsable d’un
double orifice lorsqu’elle est associée à une annuloplastie, a alors été
rapportée par l’équipe d’Alfieri ellemême, même si les résultats limités
à la suture valvulaire sont très correctes à 3 ans tel qu’évoqué précédemment10-11.
C.H.U. Rennes, Dpt d’Anesthésie (Pr Eccoffey)
U
ne substantielle proportion des
patients ayant une régurgitation mitrale n’est pas éligible
pour une correction chirurgicale1.
Jusqu’à une période très récente, seul
le traitement pharmacologique de la
congestion pouvait être proposé. Enfin,
récemment, une approche percutanée de correction des fuites mitrales
semble parvenir à s’imposer, au moins
dans quelques pays Européens comme
l’Allemagne avec des registres dont
les résultats sont très encourageants2-3.
Plus de 6000 patients ont, à ce jour, pu
bénéficier de l’implantation du dispositif appelé MitraClip.
Figure 1 : Eléments à vérifier, enéchocardiographie, avant de
discuter l’implantation d’un MitraClip.
Figure 2 : Schéma du MitraClip, montrant bien la rigidité de la
prothèse et les systèmes d’accroche aux feuillets mitraux.
Notons que cette
approche simplifiée est
applicable aux anatomies difficiles comme
les anneaux calcifiés.
Fort de ces résultats, le
développement d’approches percutanées a
été entrepris6. Une de
ces approches est
devenue applicable à
l’homme (premier cas
2003 sur un prolapsus
antérieur) : le MitraClip
(la technique) (Fig. 2)
permet par cathétérisme
trans-septal
(ponction veineuse), de
venir implanter, sous
contrôle échocardiographique, un clip recréant
la technique d’Alfieri
sans avoir à pratiquer
d’abord chirurgical ou
de circulation extra-corporelle et créant un
point d’ancrage rigide
en P2/A2, le plus souvent. Cette technique
s’est imposée au
dépend des approches
permettant une suture
percutanée car plus
solide et plus facile à
guider par un contrôle
échocardiographique.
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 7
RATURE REVUE DE LITTÉRATURE REVUE D
Le procédé actuellement utilisé est
24 french, le système est de fait
assez stable et doit permettre pour
un succès durable, une accroche du
clip symétrique sur les deux
valves12-13.
Les premiers résultats chez l’animal étaient très encourageants12.
Aussi, ils ont permis de développer
l’approche basée sur le « testing »
avant largage et prendre conscience
de l’importance de la visualisation
échocardiographique 2D et désormais 3D du système lors de
l’implantation (Fig. 3).
L’étude EVEREST-I (55 patients)
publiée en 2005 et 2009 est une
étude prospective, multicentrique,
évaluant la faisabilité, la sécurité
d’emploi et l’efficacité du MitraClip
pour traiter des patients ayant des
fuites modérées à sévères (suivi à 3
ans disponible)14-15.
Les patients sélectionnés avaient des
fuites organiques ou fonctionnelles
jugées sévères par un centre de
relecture des échocardiographies.
Les patients étaient symptomatiques
ou avant une FEVG≤60% et un diamètre télé-systolique VG> 45 mm.
Il fallait que la fuite soit :
- en regard de A2/P2
- la hauteur de coapatation des
feuillets soit > 2mm
Figure 3 : Exemple d’échocardiographie
transoesophagienne 3 D avec le MitraClip
positionné au-dessus de la valve mitrale (vue
ventriculaire).
Le geste d’implantation peut donc
être long mais, l’opérateur est supposé ne larguer la prothèse que
lorsque vraiment, il est satisfait du
positionnement. Aussi, il y a des
arguments pour penser que le clip,
mieux que la suture permet une
optimale mise en contact des feuillets
antérieur et postérieur de la valve
mitrale et qu’elle redéfinit mieux la
répartition des contraintes sur la
valve d’où un remodelage escompté
après implantation du clip qui soit
favorable, voire plus marquée
qu’après une technique d’Alfieri.
La technique percutanée se différencie de la technique chirurgicale par le
fait que les deux valves sont mises en
contact non pas par une suture et
cœur arrêté mais par un clip rigide
positionné sous le contrôle de l’échocardiographie sur un cœur en charge.
Le clip peut être positionné, son efficacité vérifiée pour au besoin repositionner le clip différemment jusqu’à
corriger au mieux la régurgitation.
8 • NOVEMBRE 2012 - N°28
- dans les fuites restrictives, il ne
fallait pas que la hauteur de tente
excède 11mm
- dans les prolapsus, il ne fallait
pas que le ‘gap’ entre les deux
feuillets excède 10mm et que la
largeur du prolapsus soit > 15mm
de large (Fig. 1).
Une étude regroupant les 55
patientes de EVEREST-I et les
patients pré-EVEREST-II, soit 107
patients a été publiée en 2009. Il y
avait 79% de fuites organiques et
21% de fuites fonctionnelles. L’âge
moyen 71 ans (22-88 ans). Un clip a
été suffisant pour 65% des patients.
2 clips ont été implantés pour 29%
des patients. Pour 10% des patients,
il n’a pas été implanté de clip car le
positionnement de celui-ci ne
permettait pas de réduire la fuite
dans 8 cas et le cathétérisme transseptal n’a pas été possible sans
complication pour 3 cas.
Pour 64% des patients, la fuite
résiduelle est ≤1+. Dans le suivi, il
a été réalisé une plastie mitrale
chirurgicale précédemment planifiée
pour 21 des 25 patients qui ont été
repris chirurgicalement. En aucun
cas, la pose du MitraClip n’a altéré la
faisabilité de l’acte chirurgical. Pour
les patients ayant une fuite mitrale
fonctionnelle, le bon résultat initial
s’est parfaitement maintenu à 3 ans.
symptômes et le remodelage inverse
du ventricule gauche étaient non différents dans les deux groupes.
En 2011, il a été publié dans J Am
Coll Cardiol les résultats hémodynamiques initiaux obtenus pour les 107
patients
investigués
dans
EVEREST-I16.
Deux registres post-commercialisations sont en cours : En Europe,
ACCESS-EU et aux USA, il y a
REALISM6. Il est intéressant de
noter que les patients inclus dans ces
registres ne sont pas ceux inclus
dans EVEREST-II. Ils sont beaucoup
plus âgés, contre-indiqués ou à haut
risque pour la chirurgie, le plus souvent. Il y a plus de fuites fonctionnelles que le prolapsus là ou
EVEREST concernait les fuites organiques (Tableau I). En Allemagne, le
registre TRAMI à propos de 486
patients rapporte une faisabilité de
94% et de patients en stade NYHA
III, IV avec une FE VG ≤50% dans 71
% des cas2. 67% des fuites
mitrales corrigées sont fonctionnelles, associées à la fibrillation
atriale dans 41% des cas. Les
patients n’avaient que dans 5% des
cas un dispositif de resynchronisation
mais dans 17% des cas un défibrillateur implantable. L’Euroscore logistic
était de 23%, le STS-mortalité de
11%. Dans ces registres, la prévalence des patients préalablement
resynchronisés est non négligeable
et il a été montré la valeur ajouté,
effectivement de traiter par un
MitraClip, les patients échappant ou
ne répondant pas à la resynchronisation lorsqu’ils ont une régurgitation
mitrale fonctionnelle significative19.
Alors que l’on pouvait craindre que la
correction d’une fuite mitrale sévère
s’accompagne d’une décompensation hémodynamique par défaut
d’adaptation du ventricule gauche
aux modifications de charge, comme
ceci est observé parfois en chirurgie.
Il a là, été observé une diminution
des volumes et des pressions en
télé-diastole dans le ventricule
gauche après la pose du Clip et une
augmentation du volume d’éjection
systolique. Le risque de bas débit
post-correction de fuite mitrale
sur des ventricules gauche altérés semble donc bien inférieur
avec la procédure percutanée
qu’avec la procédure chirurgicale.
Cette notion a récemment été
confortée par l’analyse des patients
ayant une décompensation cardiaque
au moment de la procédure et qui
sont ceux qui ont le plus tiré bénéfice
en hémodynamique de la pose du
Clip17.
Enfin, EVEREST-II incluant 279
patients a été publié dans le New
England Journal of Medicine en 2011
(inclusions entre 2005-2008 dans
37 sites)18. Les patients étaient randomisés 2 : 1 (percutané : chirurgie
mitrale réparatrice). Les résultats
furent mitigés. En intention de traité,
le taux de décès ou de récurrence
d’une fuite mitrale > ¾ à 12 mois
était similaire dans les deux groupes
là où le taux de ré-intervention était
de 2.2% dans le groupe chirurgie et
20% dans le groupe MitraClip. Le
taux de complications à 30 jours était
de 15% dans le groupe MitraClip et
48% dans le groupe chirurgie. Ce
taux anormalement élevé de complications dans le groupe chirurgie
tenait à la fréquence de transfusions
comptabilisées comme « complications ». Aussi, l’amélioration des
Quand discuter le
MitraClip plus que
l’approche chirurgicale ?
Il semble primordial de s’appuyer sur
une « clinique de prise en charge des
patients valvulaires » avec une équipe
médico-chirurgicale comportant,
imageurs, hémodynamiciens, anesthésistes et chirurgiens. Tous doivent
être impliqués dans la prise en
charge des valvulaires et ainsi ils
prendront les décisions les plus
raisonnables et appropriées, en fonction des expériences de l’équipe.
DE LITTÉRATURE REVUE DE LITTÉRATURE
Le MitraClip comme le traitement
percutané des sténoses valvulaires
aortiques permet d’insister sur l’importance du travail d’équipe et de la
complémentarité des compétences.
L’imageur, l’échocardiographiste a un
rôle important, en étroit lien avec
hémodynamiciens, anesthésistes et
chirurgiens.
Que disent les recommandations européennes 2012 ?
Les Guidelines ESC/EACTS 2012 incluent désormais MitraClip pour les indications de régurgitation
mitrale primitive (organiques) et secondaire20 :
Indication pour les fuites organiques : “le traitement percutané par MitraClip peut être considéré chez
les patients symptomatiques ayant une sévère régurgitation mitrale selon les critères échocardiographiques usuels et qui sont par ailleurs jugés inopérables ou à trop haut risque chirurgical par l’équipe
médico-chirurgicale et si l’espérance de vie est supérieure à 1 an (recommandation classe IIb, niveau
d’évidence C).
Indication pour les fuites mitrales fonctionnelles (secondaires) : « le MitraClip peut être considéré
chez des patients symptomatiques ayant des critères de sévérité de la fuite mitrale et qui sont jugés à
trop haut risque chirurgical par l’équipe médico-chirurgicale. Bien entendu, ceci n’est là aussi valable
que si l’espérance de vie est supérieure à 1 an (recommandation class IIb, niveau d’évidence C).
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Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J. 2012 Aug 24
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 9
REVUE DE LITTÉRATURE REVUE DE LITTÉR
Insuffisances Mitrales
Fonctionnelles
Résultats du traitement
chirurgical
Effet du pontage
coronaire isolé
Jean-François AVIERINOS
C.H.U. de la Timone, MARSEILLE
[email protected]
S
ont désignés par l’appellation
Insuffisances mitrales (IM) fonctionnelles les régurgitations mitrales
survenant sur un appareil valvulaire et
sous-valvulaire anatomiquement normal.
Elles sont le plus souvent la conséquence
du remodelage et de la dysfonction systolique ventriculaires gauches (VG) chroniques (1) qui malgré l’absence de pathologie organique mitrale peuvent créer
un défaut d’étanchéité purement fonctionnel. Une IM fonctionnelle peut aussi
apparaître au cours de l’évolution d’une
valvulopathie aortique en règle fuyante
pour les mêmes raisons, d’une cardiomyopathie hypertrophique, conséquence
du mouvement systolique antérieur de
l’appareil mitral et parfois d’une fibrillation atriale idiopathique en cas de dilatation annulaire extrême.
10 • NOVEMBRE 2012 - N°28
Le présent article se limitera aux
IM fonctionnelles des cardiopathies
hypocinétiques, qu’elles soient d’origine ischémique (IM ischémiques) ou
non ischémiques (IM fonctionnelles
non ischémiques). La prévalence de
l’IM fonctionnelle est estimée à près
de 50 % lorsque la fraction d’éjection
(FE) est inférieure à 40% et sa présence aggrave le pronostic de la
cardiopathie qui l’a créée. (2, 3, 4)
L’impact pronostique est particulièrement défavorable à partir des valeurs
seuils de 20mm² pour la surface de
l’orifice régurgitant et/ ou 30 ml pour
le volume régurgité et les fuites
mitrales fonctionnelles sévères ainsi
définies peuvent être logiquement
considérées comme une cible thérapeutique potentielle du traitement
des cardiopathies hypocinétiques.
Pourtant, si les traitements médicamenteux de la dysfonction systolique
et la resynchronisation ventriculaire
ont fait la preuve d’une certaine efficacité dans la diminution de la régurgitation par le remodelage inverse
induit, le traitement chirurgical des
IM fonctionnelles reste l’objet de
vives controverses dans ses indications comme dans ses modalités et
son impact pronostique est encore
mal connu. Malgré une abondante
littérature souvent discordante
aucune recommandation unanime
n’a pu être publiée à ce jour en raison
de l’hétérogénéité des séries chirurgicales en termes de population
d’étude - les cardiopathies ischémiques et non ischémiques étant
souvent mêlées -, de fraction d’éjection, de nécessité de réaliser ou non
une revascularisation coronaire associée au geste mitral et surtout de
technique chirurgicale.
En cas de cardiopathie ischémique et
d’indication de revascularisation
chirurgicale, contrairement aux
espoirs initiaux, la seule correction de
l’ischémie ne permet pas une réduction durable du degré de la fuite
mitrale. Malgré une diminution postopératoire immédiate de l’IM observée dans près de 90% des cas,
imputable aux modifications des
conditions de charge induite par la
CEC et l’anesthésie, la récidive de la
fuite est la règle chez la plupart des
patients, souvent dès la fin de l’hospitalisation. Il faut souligner pour les
mêmes raisons l’absence totale de
fiabilité de l’échographie trans-oesophagienne per-opératoire dans la
prédiction du résultat à moyen terme
de la réparation mitrale en matière
d’IM fonctionnelle. (5)
Des travaux plus récents ont nuancé
ces conclusions en soulignant l’intérêt de la recherche pré-opératoire
d’une viabilité et d’un asynchronisme
au niveau de la zone d’insertion des
muscles papillaires. Au sein d’une
population de 135 patients d’âge
moyen 65 ans, avec IM ischémique
modérée et FE inférieure à 45%, la
majorité des patients présentant à la
fois une viabilité myocardique et une
absence d’asynchronisme des piliers
(recherché par Doppler tissulaire),
bénéficiait d’une diminution significative de l’IM à 12 mois malgré l’absence de geste mitral. (6) La revascularisation seule était sans effet sur la
fuite chez les autres patients. Ce
papier confirmait en outre l’enjeu de
la diminution post-opératoire de l’IM
ischémique en montrant que le pronostic des patients dont la fuite ne
s’améliorait pas était significativement plus grave que celui des
patients dont la fuite régressait.
La correction chirurgicale d’une fuite
mitrale fonctionnelle suppose donc
dans la plupart des cas un geste
mitral spécifique. Ce geste se heurte
néanmoins à de nombreuses réti-
RATURE REVUE DE LITTÉRATURE REVUE D
cences en raison du risque opératoire
majoré par la dysfonction VG sousjacente et des incertitudes quant à
son impact pronostique à long terme.
Chirurgie de l’IM
fonctionnelle
1.
Mortalité opératoire et fraction
d’éjection post-opératoire
La mortalité hospitalière de la chirurgie de l’IM fonctionnelle est apparue
en fait étonnamment basse même en
cas de diminution profonde de la FE
pré-opératoire, comprise entre 2 et
7% dans la plupart des séries
actuelles. (7) En cas d’indication de
pontage coronaire, la réalisation
concomitante d’un geste mitral
n’augmente pas significativement le
risque opératoire dans les travaux les
plus récents (8) dont un essai randomisé. (9) Dans la série de la Timone
incluant des patients sans indication
de pontage avec FE moyenne de
36% et IM fonctionnelle massive,
symptomatique et réfractaire au traitement médical, la mortalité opératoire n’était que de 4.7% et n’atteignait pas 10% dans le sous-groupe
de patients dont la FE était inférieure
à 30%.
De même, contrairement à l’idée
longtemps entretenue d’un effet soupape supposé de l’IM fonctionnelle
dont la « fermeture » s’accompagnerait inexorablement d’un effondrement post-opératoire de la FE, celleci reste stable en post-opératoire
chez la plupart des patients. Dans la
série de la Timone, la FE était de 36
± 6 % en pré-opératoire, 36 ± 6 %
en post-opératoire immédiat et de 33
± 8 % (NS) après un suivi moyen de
2.6 ans.
2.
Impact pronostique de la chirurgie
de l’IM fonctionnelle
L’association d’un geste mitral spécifique au pontage coronaire, en l’oc-
currence une annuloplastie restrictive, diminue le risque de fuite mitrale
post-opératoire par rapport à la
revascularisation seule, améliore les
paramètres ventriculaires et diminue
les pressions pulmonaires. (9) La
majorité des séries rapporte en outre
une amélioration fonctionnelle quasi
constante après chirurgie mitrale au
moins à court terme y compris dans
l’essai randomisé déjà cité, (9) (8)
que cette chirurgie soit ou non associée à une revascularisation coronaire. (7)
En revanche, aucune preuve convaincante de son bénéfice pronostique à
long terme n’a été apportée à ce jour.
Dans un travail non randomisé, après
ajustement des groupes pas score de
propension, l’annuloplastie restrictive
isolée n’apportait aucun bénéfice par
rapport au traitement médical seul,
chez des patients présentant des IM
fonctionnelles ischémiques ou non
ischémiques sur un critère combiné
associant mortalité, assistance circulatoire et transplantation (10). De
même, son association au pontage
coronaire n’améliorait pas la survie
tardive par rapport à la revascularisation isolée. (8) Dans l’essai randomisé déjà cité ayant comparé l’association pontage plus annuloplastie au
pontage coronaire seul chez 102
patients d’âge moyen 65 ans avec IM
fonctionnelle ischémique et FE
moyenne de 43%, aucune différence
n’était observée en terme de survie à
5 ans. (9)
Ces résultats décevants expliquent la
prudence des recommandations
actuelles en matière d’indications
chirurgicales (11, 12) et suscitent
deux réflexions. La première est
d’ordre conceptuel et rendrait responsable de cet échec le choix possiblement non pertinent de la fuite
mitrale comme cible thérapeutique
alors qu’elle n’est que la conséquence d’une maladie ventriculaire
qui peut continuer d’évoluer pour son
propre compte. La seconde est
d’ordre technique et attribue à l’annuloplastie restrictive utilisée dans
les travaux précédents l’absence de
bénéfice pronostique de la chirurgie
mitrale, notamment en raison du
risque élevé de récidive.
3.
Techniques chirurgicales
•
Annuloplastie restrictive
L’annuloplastie restrictive consiste à
corriger les IM fonctionnelle par la
seule implantation d’un anneau
sous-dimensionné, sans geste associé sur les feuillets mitraux ou l’appareil sous-valvulaire. Il est recommandé que l’anneau soit rigide, complet
et très sous-dimensionné, de plus de
2 tailles par rapport aux anneaux
implantées dans les IM dégénératives. (13) Considérée comme la
référence historique du traitement
des IM fonctionnelles, à l’époque où
ces IM étaient attribuées à la dilatation annulaire seule, l’annuloplastie
réductrice reste citée comme la
méthode de choix par les recommandations américaines et européennes
mais avec nuances. (11, 12)
En offrant une solution annulaire à un
problème primitivement ventriculaire,
l’annuloplastie est en effet non seulement conceptuellement non satisfaisante mais s’accompagne d’un
nombre élevé de récidives, (8) dont
l’incidence augmente avec le temps
pouvant atteindre 70% des cas à 3
ans.(14) Dans la série de la Timone,
50% des patients après annuloplastie présenteraient une IM récidivante
au moins modérée et la surface
moyenne de l’orifice régurgitant à
distance de l’intervention était de
21± 6 mm².
Dans un travail mené au sein de 30
patients avec IM ischémique récidivante malgré la combinaison annuloplastie plus revascularisation, la
réapparition de la fuite mitrale suivait
l’augmentation des volumes VG et de
l’index de sphéricité malgré la stabilité de la FE, indiquant que la progression de la cardiopathie et du
remodelage cavitaire conduisait plus
ou moins inéluctablement à la réapparition de l’IM. (15) Les auteurs
rappelaient en outre les éléments
physiopathologiques suivants. Les
muscles papillaires se projettent normalement à l’intérieur de l’anneau
mitral pour exercer une force perpendiculaire aux feuillets contrebalançant les effets de la poussée VG et
permettant une coaptation optimale.
Si les piliers sont désaxés par le
remodelage VG et se projettent en
dehors de l’anneau, la force qu’ils
exercent devient oblique et attire les
feuillets latéralement et vers l’apex.
L’annuloplastie restrictive peut alors
aggraver ce phénomène en déplaçant la portion postérieure de l’anneau vers l’avant augmentant de fait
le déplacement latéral relatif des
piliers qui vont se projeter encore
plus en dehors de l’anneau, majorant les phénomènes de traction
(Figure 1).
Figure 1 : Mécanismes des récidives après
annuloplastie : le déplacement de la projection
des muscles papillaires en dehors du plan de
l’anneau par le remodelage VG est majoré par
l’annuloplastie restrictive.
PMA : portion postérieure de l’anneau mitral;
AMA : portion antérieure de l’anneau mitral ; I
PM : muscle papillaire déplacé ;
PM DIS : mesure du déplacement du muscle
papillaire par rapport à la portion postérieure de
l’anneau. D’après (15).
L’annuloplastie restrictive garde
néanmoins quelques indications et
certains patients peuvent probablement bénéficier d’un geste dont le
principal mérite est la simplicité.
L’équipe qui a le plus promu la technique a rapporté après annuloplastie
associée à un pontage coronaire un
pronostic significativement meilleur
en l’absence de dilatation extrême
ventriculaire gauche (valeur seuil de
65mm -34mm/m²- pour le diamètre
télédiastolique). (13)
Le type de remodelage est en fait
probablement l’élément clef, plus
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 11
DE LITTÉRATURE REVUE DE LITTÉRATURE
que son degré. Dans un travail mené
chez des patients avec IM fonctionnelle non ischémique, le succès de
l’annuloplastie semblait lié à la mobilité pré-opératoire de l’extrémité du
feuillet antérieur apprécié par l’angle
entre le plan de l’anneau et l’extrémité du feuillet antérieur. (16) Un
angle aigu (<25°) traduit un remodelage et une traction plus postérieure
qu’apicale sur les feuillets, s’exerçant
donc plus sur les cordages secondaires (basaux) du feuillet antérieur
que sur les principaux. Dans ce type
de remodelage la restriction prédomine sur la base du feuillet antérieur
alors que son extrémité conserve une
certaine mobilité, donnant l’aspect en
aile de mouette avec tenting asymétrique et faux prolapsus du feuillet
antérieur. Ces patients conservent
une « réserve » de coaptation et
semblent présenter moins de récidive
après annuloplastie (Figure 2a). En
revanche, un angle >25° traduit une
traction plus apicale que postérieure
s’exerçant à la fois sur la base et sur
l’extrémité du feuillet antérieur dont
la mobilité est restreinte. Cet aspect
de tenting symétrique, fréquent en
cas de remodelage extrême et de
diminution profonde de la FE, augmente le risque de récidive après
annuloplastie qui même très restrictive ne permet pas de restaurer une
coaptation suffisante de l’extrémité
feuillets (Figure 2b).
Figure 2 :
• 2a : Tenting asymétrique : remodelage postérieur survenant en règle en cas de remodelage
VG limité et localisé et de diminution modeste
de la FE : la traction prédomine sur les cordages
basaux du feuillet antérieur rendant possible
une réponse favorable à l’annuloplastie.
• 2b : Tenting symétrique : remodelage apical,
survenant en règle dans le cadre d’un remodelage VG global et très marqué avec diminution
profonde de la FE : la traction s’exerce à la
fois sur les cordages basaux et principaux du
feuillet antérieur dont l’extrémité a perdu sa
mobilité, rendant très faibles les chances de
succès de l’annuloplastie. D’après (16).
12 • NOVEMBRE 2012 - N°28
•
Prothèse valvulaire
Le regain d’intérêt récent pour les
prothèses valvulaires dans cette indication est né des résultats imparfaits
sur les plans technique et pronostique des methodes actuelles de
réparation des IM fonctionnelles.
A ce jour, les quelques études non
randomisées ayant comparé les
résultats de l’implantation d’une prothèse à ceux de l’annuloplastie n’ont
pas démontré de supériorité de la
plastie sur le remplacement.
Récemment, l’équipe de Québec (14)
a comparé les résultats respectifs de
la réparation et du remplacement
valvulaire chez 370 patients avec IM
ischémique et FE moyenne de 43%,
dont la majorité nécessitait une
revascularisation coronaire associée.
Après ajustement aux différentes
variables notamment par score de
propension, l’annuloplastie réductrice
n’obtenait pas de meilleurs résultats
que le remplacement valvulaire, ni en
termes de mortalité opératoire ni de
pronostic tardif. Dans la série
Marseillaise, très différente en raison
d’une dysfonction systolique plus
sévère et surtout par l’indication
chirurgicale centrée exclusivement
sur l’IM symptomatique sous traitement optimal et non sur la revascularisation coronaire, des résultats similaires étaient observés.
Ainsi, malgré l’absence de données
pronostiques, l’insertion - plus que
l’implantation - d’une prothèse valvulaire en conservant l’appareil sousvalvulaire peut apparaître comme un
moyen techniquement simple de
supprimer l’IM sans exposer les
patients au risque de récidive de la
fuite souvent rédhibitoire après annuloplastie et peut-être de fait d’améliorer leur pronostic.
•
Autres techniques chirurgicales
- « Edge to Edge ». La première
technique de réparation utilisée en
association à l’annuloplastie consiste
à appliquer aux IM fonctionnelles la
technique « Edge to Edge » ou point
d’Alfieri, utilisée dans le prolapsus
mitral et qui consiste à suturer l’un à
l’autre les feuillets mitraux par leur
bord libre créant ainsi un orifice
mitral double. En matière d’IM fonctionnelle le point est placé au niveau
de l’origine de la régurgitation ce qui
se heurte au problème pratique de la
fréquence des jets multiples.
Néanmoins, dans une étude non
randomisée ayant inclus 77 patients,
d’âge moyen 63 ans avec FE très
altérée et IM fonctionnelle sévère
symptomatique, ischémique chez la
plupart des patients, l’association
d’un point d’Alfieri à l’annuloplastie
réductrice diminuait la fréquence des
récidives de la fuite par rapport à
l’annuloplastie seule et s’accompagnait d’une diminution significative
des volumes ventriculaires. La preuve
d’un impact bénéfique en termes
pronostiques n’a pas été apportée.
(17)
- Repositionnement des muscles
papillaires. De nouvelles techniques
chirurgicales de plastie sont en cours
de développement qui intègrent la
physiopathologie de la régurgitation
en tentant de corriger le remodelage
ventriculaire et la déformation valvulaire. Le but du repositionnement des
piliers est de diminuer les forces de
traction exercées sur l’appareil valvulaire (18) et différentes méthodes de
rapprochement des piliers l’un de
l’autre ou de l’espace intertrigonal
par un fil de suture trans-ventriculaire
ont été proposées et sont en cours
d’évaluation. (19) (20) Une méthode
externe est en cours d’expérimentation chez l’animal qui consiste à
suturer sur la zone d’insertion des
piliers un patch épicardique dont
l’inflation sous échographie réduirait
la fuite en rapprochant les piliers de
l’anneau mitral.(18)
- Section des cordages basaux. La
section des cordages basaux du
feuillet antérieur associée à l’annuloplastie restrictive a été proposée
pour rendre à l’extrémité du feuillet
une partie de sa mobilité. (21-23).
Sur modèle animal cette technique a
permis d’améliorer la coaptation et
de diminuer la fuite en diminuant la
restriction du feuillet antérieur. Chez
l’homme les premiers résultats
semblent encourageants. (24)
- Filet extra-cardiaque. Une autre
approche consiste à associer à la
chirurgie mitrale un filet extra cardiaque (CorCap) destiné à corriger
par voie extrinsèque le remodelage
VG. Dans un travail randomisé ayant
inclus 193 patients avec IM sévère
fonctionnelle symptomatique dont la
majorité était secondaire à une cardiopathie non ischémique, la chirurgie mitrale isolée (annuloplastie ou
remplacement valvulaire) était comparée à la combinaison chirurgie
mitrale plus filet. Sur le critère primaire composite associant décès,
classe fonctionnelle ou nécessité de
recourir à une nouvelle procédure
chirurgicale, la combinaison filet plus
geste mitral a obtenu de meilleurs
résultats que la chirurgie mitrale isolée et s’est accompagnée d’une
réduction plus importante des
volumes VG. (25) Là encore l’effet sur
la mortalité comme critère de jugement isolé n’a pas été significatif.
Conclusion
Malgré les progrès réalisés dans la
connaissance des mécanismes des
IM fonctionnelles, les techniques de
réparation chirurgicales restent
imparfaites. L’annuloplastie réductrice est actuellement la technique la
plus utilisée mais, en offrant une
solution annulaire à une pathologie
primitivement ventriculaire, s’accompagne d’une incidence élevée de
récidives et son impact pronostique
reste incertain. Les techniques
chirurgicales plus physiopathologiques comme la section de cordages basaux ou la restauration de la
géométrie ventriculaire par repositionnement des piliers sont en cours
de validation ou encore au stade
expérimental. L’avenir sera sans
doute en matière de plastie valvulaire
à la combinaison des techniques.
REVUE DE LITTÉRATURE REVUE DE LITTÉ
Reflet de ces incertitudes, les recommandations européennes (12) restent
prudentes et concernent surtout les
IM ischémiques. Les indications
s’adressent essentiellement aux
patients avec IM sévère nécessitant
une revascularisation coronaire, en
l’absence de dysfonction VG extrême
(classe I en cas de FE >30%). En cas
d’IM modérée l’indication est de
classe IIa, de même qu’en cas d’altération profonde de la FE (<30%) où
elle doit être réservée aux patients
très symptomatiques sous traitement
optimal. La réticence est encore plus
nette en l’absence d’indication de
pontage et l’indication n’est tolérée
en Europe qu’en cas de FE >30% et
de symptômes réfractaires au traitement médical (classe IIb). Elle est
étendue par les recommandations
américaine aux patients avec
FE<30% (11), mais avec les mêmes
réserves (Classe IIb). Le cas des IM
fonctionnelles non ischémiques est
éludé et la chirurgie chez ces patients
« peut être envisagée » en cas d’IM
sévère réfractaire au traitement
médical sans altération extrême de la
fonction VG.
Pourtant, malgré la gravité du tableau
clinique et échographique pré-opératoire, la mortalité hospitalière «
acceptable » dans la plupart des
séries chirurgicales, entre 4 et 5% y
compris chez les patients les plus
graves, l’amélioration fonctionnelle
immédiate régulièrement rapportée
et l’absence d’effondrement postopératoire de la FE incitent à persévérer. En l’absence d’indication de
revascularisation coronaire, cette
chirurgie ne peut en effet s’adresser
qu’aux patients dont l’IM est indiscutablement sévère, très au-delà des
seuils, restant symptomatiques malgré un traitement médical optimal.
L’étude pré-opératoire de la réserve
contractile ou de l’étendue de la
fibrose myocardique par IRM permettra peut-être de mieux sélectionner
les candidats à une chirurgie qui, à
l’heure de la pénurie de greffon ou en
cas de contre-indication à la transplantation, ne doit pas être récusée «
de principe » sur le seul argument de
l’altération pré-opératoire même profonde de la FE. En attendant une
technique de réparation efficace qui
pour l’instant n’a pas été trouvée,
l’insertion d’une prothèse valvulaire
mitrale chez ces patients est peutêtre une solution.
Références
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NOVEMBRE 2012 - N°28 • 13
Quoi de neuf dans
l’insuffisance mitrale ?
Les nouvelles
recommandations 2012
de l’European Society
of Cardiology
INSUFFISANCE
MITRALE ORGANIQUE
Thierry LE TOURNEAU
Institut du Thorax, NANTES
[email protected]
Évaluation
David MESSIKA-ZEITOUN
Hôpital Bichat, PARIS
[email protected]
D
epuis les premières recommandations européennes sur les valvulopathies
publiées en 2007, le domaine des valvulopathies a connu d’importants
changements dominés par l’avènement des techniques percutanées justifiant
une mise à jour en 2012. Dans le présent article nous présentons un résumé de ces
nouvelles recommandations relatives à l’insuffisance mitrale (IM) en insistant sur les
nouveaux aspects. Nous avons conservé la même division que celle des
recommandations, IM organique puis fonctionnelle.
Qualitatifs
Morphologie de la valve
Eversion d’un feuillet/rupture de pilier/large défaut de coaptation
Jet de régurgitation doppler couleur
Jet central très large, ou jet excentré s’étendant au fond de l’OG
Spectre doppler du jet
Dense/triangulaire
Autre
Large zone de convergence (PISA)
Semi-quantitatif
Vena contracta
Flux veineux pulmonaire
Flux mitral
Autre
Quantitatif
Surface de l’orifice régurgitant (mm/m²)
Volume régurgitant (ml/battement)
Dilatation cavitaire
IM organique
IM fonctionnelle
≥ 40
≥ 20
≥ 60
≥ 30
VG, OG
OG : oreillette gauche, VG : ventricule gauche
Table 1 : Critères échocardiographiques en faveur d’une IM sévère.
14 • NOVEMBRE 2012 - N°28
≥ 7 mm (moyenne > 8 mm en biplan)
Reflux systolique
Onde E ≥ 1,5 m/s
ITV mitral/ITV aortique > 1,4
L’échocardiographie reste l’examen essentiel pour le diagnostic,
l’évaluation de la sévérité et des
conséquences, et donc la prise
en charge des patients présentant une IM. Les nouvelles recommandations insistent sur l’importance d’une évaluation semiquantitative de la sévérité de la
fuite par la vena contracta et
quantitative par la PISA (la planimétrie du jet de régurgitation
dans l’oreillette gauche doit être
abandonnée) mais également sur
l’importance d’une approche
intégrative tenant compte du
mécanisme de la fuite et de son
retentissement (taille du ventricule et de l’oreillette gauche,
pressions pulmonaires et fonction
ventriculaire droite). Les critères
échographiques en faveur d’une
IM sevère sont rappelés dans la
Table 1. La description des
lésions anatomiques doit préciser la localisation et le type
fonctionnel selon la classification
de Carpentier. La taille de l’anneau doit être évaluée systématiquement. Les recommandations rappellent l’importance
d’une évaluation de la taille du
ventricule gauche reposant
essentiellement sur les diamètres mais également sur les
volumes, et introduisent la
Indications
Niveau de recommandation
La plastie mitrale est la technique de choix quand
les conditions de durabilité sont réunies
IC
Indication indiscutable
Patient symptomatique avec FE VG > 30% et DTS VG < 55 mm
Patient asymptomatique avec dysfonction VG (DTS ≥ 45 mm et/ou FE VG ≤ 60%)
IB
I C
Indication possible
Patient asymptomatique, fonction VG préservée, FA de novo ou HTAP de repos > 50 mmHg
IIa C
Patient asymptomatique, fonction VG préservée, haute probabilité de réparation durable,
risque chirurgical faible, éversion valvulaire (flail leaflet) et DTS ≥ 40 mm
IIa C
Patient avec FE VG < 30% et/ou DTS > 55 mm résistant au traitement médical avec
haute probabilité de réparation durable, et peu de comorbidités
IIa C
Indication à discuter
Patient avec FE VG < 30% et/ou DTS > 55 mm résistant au traitement médical avec
faible probabilité de réparation durable, et peu de comorbidités
IIb C
Patient asymptomatique, fonction VG préservée, haute probabilité de réparation durable,
risque chirurgical faible, et : - Dilatation OG ≥ 60 ml/m² en rythme sinusal ou - HTAP d’effort ≥ 60 mm Hg
Table 2 : Indications chirurgicales dans
l’IM sévère organique.
nécessité de la mesure du
volume de l’oreillette gauche.
Rappelons que ces dimensions
doivent être ajustées idéalement
à la surface corporelle à l’exception des obèses. L’échographie
tridimensionnelle est mentionnée.
Les recommandations insistent
également sur une évaluation
objective de la capacité fonctionnelle par épreuve d’effort éventuellement couplée à la mesure
de la VO2 (qui a le mérite de la
simplicité et de la reproductibilité)
ou échographie d’effort (mais en
des mains expérimentées). Le
BNP est également mentionné et
il est suggéré que des valeurs
basses pourraient être rassurantes.
Traitement
Le traitement est uniquement
chirurgical. Il n’y a pas de traitement médical spécifique. Les IEC
et bétabloquants sont un traite-
IIb C
ment symptomatique en cas de
dysfonction ventriculaire gauche.
Les principaux paramètres préopératoires prédictifs du pronostic
postopératoire sont les symptômes, l’âge, la présence d’une
FA, la fonction VG, l’hypertension
pulmonaire, et la réparabilité valvulaire. Les indications de chirurgie dans l’IM (sévère) organique
sont présentées Table 2. Par
rapport aux recommandations de
2007, un certain nombre de nouveautés concernant la prise en
charge de l’IM organique par
prolapsus sont intégrées aux
recommandations de 2012 :
- La plastie mitrale est clairement
positionnée comme l’intervention
de choix dans l’IM organique par
prolapsus. Tout doit donc être fait
pour que le patient bénéficie
d’une prise en charge par une
équipe médico-chirurgicale expérimentée dans ce domaine
(centres experts).
- Symptômes et dilatation/dysfonction ventriculaire restent les
indications chirurgicales classiques. Les seuils chirurgicaux
restent une fraction d’éjection
< 60% ou un diamètre télésystolique > 45 mm mais la chirurgie
peut être considérée dès 40 mm
si la probabilité de réparation est
haute et le risque chirurgical
faible.
- Une dilatation importante de
l’OG appréciée en volume biplan
≥ 60 ml/m² ou l’existence d’une
HTAP d’effort ≥ 60 mm Hg sont à
prendre en compte dans l’indication chirurgicale chez un patient
présentant une IM sévère avec
fonction VG préservée mais haute
probabilité de réparation valvulaire et faible risque chirurgical. Si
la probabilité de réparation valvulaire est faible du fait des conditions anatomiques ou de l’expérience de l’équipe chirurgicale il
est justifié d’attendre un critère
classique d’indication chirurgicale.
- Une procédure de réparation
valvulaire mitrale percutanée
(suture bord à bord) peut être
envisagée chez un patient symptomatique présentant une IM
organique sévère remplissant les
critères d’éligibilité anatomique
pour la procédure, jugé inopérable ou à très haut risque par
une équipe médico-chirurgicale,
avec une espérance de vie > 1 an
(IIb C).
Rappelons que seul le MitraClip
est actuellement disponible. Les
résultats sont un taux de succès
procédural (IM ≤ grade 2) de
75% et un taux de survie indemne
de décès, chirurgie ou IM >
grade 2 de 55% à 2 ans.
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 15
INSUFFISANCE
MITRALE
FONCTIONNELLE
L’insuffisance mitrale fonctionnelle est une fuite survenant en
l’absence d’atteinte spécifique de
la valve et des cordages. Elle est
secondaire au remodelage ventriculaire gauche et à une dilatation
de l’anneau.
Elle survient donc en cas de cardiopathie ischémique ou de cardiomyopathie dilatée. Sa présence et son degré sont un facteur pronostique important mais
son rôle causal ou comme simple
marqueur de sévérité reste
débattu.
Évaluation
La encore, l’échocardiographie
reste la méthode de choix. Elle
permet de quantifier la fonction
ventriculaire gauche, le mécanisme et la sévérité de la fuite et
les pressions pulmonaires.
Insistons à nouveau sur la nécessité d’une évaluation quantitative
par la vena contracta et la PISA.
Les seuils de sévérité sont
moindres que dans l’IM organique (Table 1). Une majoration
de plus de 13 mm² de l’orifice
regurgitant à l’effort est un facteur de mauvais pronostique et
peut inciter à une correction
chirurgicale. En cas de cardiopathie ischémique, une coronarographie est indispensable afin
d’évaluer les possibilités de
revascularisation couplée à une
analyse de la viabilité myocardique.
Traitement
Le traitement de l’IM fonctionnelle reste un domaine assez
16 • NOVEMBRE 2012 - N°28
frustrant du fait du manque de
données robustes. Le traitement
médical symptomatique reste la
base (IEC, bétabloquants, antialdostérone +/- diurétiques)
éventuellement associée à la
resynchronisation en cas de QRS
large. Une chirurgie mitrale peut/
doit être effectuée en cas d’IM
modérée ou sévère si une chirurgie de revascularisation coronaire
est envisagée (Table 3).
Rappelons que l’IM fonctionnelle
se caractérise par son caractère
dynamique. Elle est très dépendante des conditions de charge et
la décision de correction chirurgicale ne saurait être prise au bloc
opératoire sous anesthésie générale mais sur une évaluation au
repos et sans sédation.
L’annuloplastie sous-dimensionnée reste le traitement de référence. La place de la chirurgie
valvulaire mitrale isolée est très
discutée. Elle peut être envisagée
en cas d’IM sévère symptomatique malgré un traitement médical optimal en l’absence de
comorbidités importantes (et
fraction d’éjection > 30%). Le
MitraClip pourrait représenter une
alternative même si des données
randomisées établissant son effet
sur la mortalité font cruellement
défaut.
Indication indiscutable
IM fonctionnelle sévère (cf Table 1) chez un patient bénéficiant d’un pontage coronaire,
avec FE VG > 30%
IC
Indication possible
IM fonctionnelle modérée chez un patient bénéficiant d’un pontage coronaire
IIa C
IM fonctionnelle sévère chez un patient symptomatique avec FE VG < 30%,
mais pouvant bénéficier d’un pontage coronaire et présentant des critères de viabilité
IIa C
Indication à discuter
IM fonctionnelle sévère avec FE VG > 30%, chez un patient restant symptomatique
malgré un traitement médical optimal (incluant la resynchronisation si besoin), peu de comorbidités, en l’absence d’indication de revascularisation
IIb C
Table 3 : Indications chirurgicales dans l’IM fonctionnelle chronique.
Conclusion
Les recommandations européennes de 2012 ont intégré un certain
nombre d’éléments nouveaux pour l’évaluation et la prise en charge de
l’IM organique ou fonctionnelle. Certains critères d’évaluation de la fuite
sont abandonnés tandis que les méthodes quantitatives sont privilégiées.
Une approche globale, intégrant l’ensemble des données échographiques
et cliniques, est recommandée. A coté de l’échocardiographie conventionnelle les techniques récentes d’échographie (3D, effort) ainsi que
l’IRM prennent une place encore modeste mais justifiée. Alors que les
indications chirurgicales s’affinent avec l’appui de nouveaux critères, le
traitement percutané apparaît comme une solution thérapeutique potentielle. Ce résumé ne saurait cependant remplacer une lecture attentive
de l’intégralité des recommandations 2012 ayant trait à l’insuffisance
mitrale.
Référence
Vahanian A, Alfieri O, Andreotti F, Antunes MJ, Barón-Esquivias G, Baumgartner H, et al. Guidelines on the
management of valvular heart disease (version 2012): The Joint Task Force on the Management of Valvular Heart
Disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery
(EACTS). Eur Heart J. 2012; 33: 2451-96.
Insuffisance mitrale
ischémique :
difficultés et limites
de la quantification
Agnès PASQUET
Pôle de Recherche
Cardiovasculaire Institut de
Recherche Expérimentale et
Clinique, Université catholique de
Louvain, Belgique
[email protected]
L
’ insuffisance mitrale fonctionnelle se caractérise
par une valve mitrale « anatomiquement » normale
mais soutendue par une « structure » ventricule
anormale suite à une cardiopathie ischémique ou dilatée.
Dans cette situation, toute distorsion de la géométrie
ventriculaire va entrainer une insuffisance mitrale. De
façon caricaturale, la valve est malade de son ventricule !
L’insuffisance mitrale fonctionnelle se rencontre le plus
souvent dans le cadre d’une
cardiopathie ischémique mais
peut également se rencontrer
en cas de cardiopathie dilatée
non ischémique.
Selon, la classification de
Carpentier, les insuffisances
mitrales fonctionnelles correspondent le plus souvent à la
classe IIIb (restriction des feuillets, par dilatation ventriculaire,
anévrysme ventriculaire, déplacement des muscles papillaires
dans une cardiopathie ischémique…) mais des classes II
(mobilité excessive des feuillets
sur élongation ou rupture d’un
muscle papillaire dans une cardiopathie ischémique) ou classe I
(dilatation annulaire dans les cardiopathies dilatées) (1).
Les mécanismes expliquant l’insuffisance mitrale fonctionnelle
sont complexes. Brièvement,
suite à un remodelage local ou
global du ventricule gauche, le ou
les muscles papillaires sont
déplacés vers l’apex, créant une
traction sur un ou sur les 2 feuillets mitraux et réduisant la longueur de coaptation de la valve.
Ceci va engendrer une insuffisance mitrale excentrique si le
remodelage est local et ne touche
qu’un seul muscle papillaire
(infarctus postéro inférieur par
exemple) ou une insuffisance
centrale si les 2 muscles papillaires sont atteints (cardiopathie
dilatée). Les forces de fermetures, c’est-à-dire la participation
de la contraction ventriculaire à
l’apposition des feuillets mitraux
sont aussi réduites en cas de
dysfonction ventriculaire gauche.
Elles jouent également avec la
dilatation de l’anneau un rôle
dans la genèse de l’insuffisance
mitrale fonctionnelle. De même,
l’asynchronisme ventriculaire
pourrait aussi y contribuer.
Le diagnostic de l’insuffisance
mitrale fonctionnelle est important car c’est non seulement une
atteinte fréquente (50 % des
patients ayant eu un infarctus
présenteraient une insuffisance
mitrale dont 12% sont des insuffisances mitrales modérées ou
sévères 30 jours post infarctus
(2)) mais aussi un facteur de
mauvais pronostic à long terme
(la mortalité et les épisodes d’insuffisance cardiaque sont nettement plus importants à court
comme à long terme chez les
patients ayant eu un NSTEMI et
gardant une insuffisance mitrale
au moins modérée (3)). Pour les
insuffisances mitrales organiques
une SOR > 40 mm2 est un facteur de pronostic péjoratif, par
contre pour les insuffisances
mitrales fonctionnelles, une
SOR> 20 mm2 et un volume
régurgité >30 ml double la mortalité par rapport aux patients
sans insuffisance mitrale (4). Il
est dès lors non seulement
important de diagnostiquer l’insuffisance mitrale fonctionnelle
mais aussi d’évaluer sa sévérité.
L’évaluation d’une insuffisance
mitrale fonctionnelle doit comporter les points suivants (5) :
• l’analyse morphologique de la
valve
• la quantification de la sévérité
de l’insuffisance mitrale
• Evaluation de la fonction ventriculaire gauche
• « Répercussion à distance » de
l’insuffisance mitrale.
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 17
Analyse morphologique
de la valve :
Une analyse complète de la valve
doit être réalisée en utilisant les
vues classiques permettant
d’étudier les différentes partie de
la valve. Par définition, la valve
mitrale dans une insuffisance
ischémique est morphologiquement normale (par exemple
absence de prolapsus). Des
mesures témoignant de la déformation de l’appareil valvulaire
mitrale peuvent être réalisé : aire
sous la tente (mesurée en parasternal long axe ou en vue 4 cavités), distance de coaptation,
mesure de l’angle postéro latéral
(photo). L’anneau mitral est aussi
mesuré (parfois plus facile à
mesurer en TEE) (Fig. 1). Une aire
sous la tente >2.5 cm2, une distance de coaptation > 1cm et un
angle latéral > 45 degrés sont
des facteurs de risque pour un
échec de réparation chirurgicale
de l’insuffisance mitrale ischémique (6). L’échographie tridimensionnelle avec des logiciels
adaptés permettra de mesurer un
« volume » sous la tente (plutôt
qu’une aire) et de mesurer de
façon précise la déformation de la
valve mitrale. Ces informations
pourraient être utiles lors d’une
réparation mitrale.
Quantification de la sévérité
de l’insuffisance mitrale.
De part les mécanismes complexes qui mène à l’insuffisance
mitrale fonctionnelle celle-ci est
par nature dynamique ! Ce qui
veut dire que sa sévérité est particulièrement influencée par les
conditions de charge du ventricule. Ainsi, l’insuffisance mitrale
diminue fortement sous anesthésie générale. Elle ne peut donc
pas être investiguée de façon
fiable en préopératoire immédiat.
18 • NOVEMBRE 2012 - N°28
Fig. 1 : Mesures de déformation de la valve mitrale, A : mesure de l’aire sous la tente en vue 4 cavités,
B : mesure de la zone de coaptation, C : mesure de l’angle postéro latéral, D : mesure de l’anneau mitral.
Fig. 2 : Mesure de la vena contracta à partir un volume 3D
temps réel centré sur la valve mitrale, le volume est coupé pour
monter l’orifice régurgitant, celui-ci est de forme elliptique dans
l’insuffisance mitrale fonctionnelle. L’imagerie 3D permet de
mesurer directement l’orifice régurgitant.
fisances mitrales organiques par contre dans les
insuffisances mitrales
fonctionnelles, l’orifice
régurgitant est souvent
elliptique. La même « vena
contracta » peut apparaitre
étroite en vue 4 cavités et
large en vue 2 cavités.
Ceci peut entrainer une
sous-estimation ou une
surestimation de la régurgitation mitrale. L’utilisation
de l’échographie tridimen-
sionnelle permet de réaliser une
planimétrie directe de la « vena
contracta » et donc une meilleure
mesure de l’orifice régurgitant (7)
(Fig. 2).
Ceci va évidemment avoir des
conséquences sur la quantification de l’insuffisance mitrale par
la méthode de PISA (Proximal
Isovelocity Surface Area)
puisqu’elle repose que l’estimation de l’orifice régurgitant. Le
rayon de la zone de flux de
convergence est constant durant
la systole en cas d’insuffisance
mitrale rhumatismale, il augmente fréquemment en fin de
systole dans les prolapsus
mitraux. L’insuffisance mitrale
fonctionnelle a aussi un caractère
dynamique durant la systole avec
une augmentation en début et fin
de systole et une diminution à mi
systole (8) (Fig. 3). La mesure du
rayon à mi systole comme
conseillé dans les insuffisances
mitrales organiques va mener à
une sous-estimation du volume
régurgité en cas d’insuffisance
mitrale fonctionnelle.
La méthode de PISA est basée
sur l’assomption de la distribution symétrique des vitesses
proches de la zone de régurgitation donnant une zone de convergence hémisphérique. Or dans
les insuffisances mitrales fonc-
D’autre part, l’insuffisance fonctionnelle peut s’aggraver lors d’un
exercice. La sévérité d’une insuffisance mitrale fonctionnelle doit
dès lors être interprétée en fonction des conditions de charge :
tension artérielle, traitement (diurétiques)… lors de l’examen.
La mesure de la vena contracta
est une méthode fréquemment
utilisée pour quantifier la sévérité
de l’insuffisance mitrale. Le
concept repose sur l’assomption
que l’orifice régurgitant est circulaire. Ceci est vrai pour les insuf-
Fig. 3 : Modification du rayon de la zone de convergence en fonction de l’étiologie de l’insuffisance mitrale :
augmentation en fin de systole dans les prolapsus, constant durant la systole pour les valves rhumatismale,
augmentation en début et fin de systole dans l’insuffisance mitrale fonctionnelle.
tionnelles, la zone de convergence des flux est souvent une
ellipse. Ceci est facilement mis en
évidence en utilisant l’échographie tridimensionnelle. La mesurer du rayon « vertical » de la zone
de convergence entraine une
sous-estimation de l’insuffisance
mitrale. Ceci est particulièrement
vrai lorsque le rapporte entre le
rayon « horizontal » et le rayon «
vertical » de la zone de convergence est >1.5 (9) (Fig. 4).
Ces particularités expliquent
peut-être pourquoi les valeurs
seuils pour définir une insuffisance mitrale fonctionnelle sont
inférieures à celles des insuffisances mitrales organiques.
D’autres méthodes permettent
d’évaluer l’importance de l’insuffisance mitrale. Celle-ci correspond à la différence entre le
volume éjecté à travers la valve
aortique et le volume d’éjection
calculé à partir des volumes diastolique et systolique du ventricule
gauche. Malheureusement cette
méthode, nécessite des mesures
précises et parfois difficiles
comme la chambre de chasse du
ventricule gauche…. Elle peut
toutefois constituer un appoint
pour valider ou infirmer d’autres
mesures.
Evaluation de la fonction
ventriculaire gauche
La mesure des volumes ventriculaires gauche et de la fraction
d’éjection doit faire partir de l’évaluation de l’insuffisance mitrale
fonctionnelle. Les zones akinétiques, dysfonctionnelles ou asynchrones doivent être reconnues.
Si nécessaire, la réserve contractile ou l’imagerie de déformation
doivent être utilisées pour rechercher du myocarde hibernant.
« Répercussion à distance »
de l’insuffisance mitrale.
Enfin, l’évaluation de l’insuffisance mitrale fonctionnelle ne
serait pas complète sans une
mesure de la taille des oreillettes,
l’évaluation de la fonction ventriculaire droite, de la sévérité de
l’insuffisance tricuspide et l’estimation des pressions pulmonaires à partir de la vitesse du
flux régurgitant tricuspide.
Fig. 4 : Zone de convergence de flux pour mesure du volume régurgitant selon la méthode de PISA. Deux
plans orthogonaux (A et B) montre que la zone de convergence n’est pas un hémisphère : dans le plan A les
rayons dans le plan vertical et horizontal sont équivalents par contre dans le plan B le rayon dans le plan
horizontal est supérieur au rayon dans le plan vertical.
Conclusion
L’insuffisance mitrale fonctionnelle est une pathologie fréquente et
grevée d’un pronostic péjoratif. Elle se distingue de l’insuffisance
mitrale organique essentiellement par son caractère dynamique qui
rend parfois sa quantification difficile.
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2. Bursi F, Enriquez-Sarano M, Nkomo VT, Jacobsen SJ, Weston SA, Meverden RA et al. Heart failure and death after
myocardial infarction in the community: the emerging role of mitral regurgitation. Circulation 2005;111:295–301.
3. Perez de Isla L, Zamarano J, Quezada M, Almeira C, Rodrigo JC, Serra V et al. Prognostic significance of
functional mitral regurgitation after non-ST-segment elevation myocardial infarction acute coronary syndrome.
Eur Heart J 2006;27:2655–60.
4. Grigioni F, Enriquez-Sarano M, Zehr KT, Daily A, Tajik AJ. Ischaemic mitral regurgitation: long-term outcome and
prognostic implication with quantitative Doppler assessment. Circulation 2001;103:1759–64.
5. Ray S. The echocardiographic assessment of functional mitral regurgitation. European Journal of
Echocardiography (2010) 11, i11–i17
6. Lancellotti P, Moura L, Pierard LA, Agricola E, Popescu BA, Tribouilloy Ch, Hagendorff A, Monin J-L, Badano L,
Zamorano J-L on behalf of the European Association of Echocardiography: European Association of
Echocardiography recommendations for the assessment of valvular regurgitation. Part 2: mitral and tricuspid
regurgitation (native valve disease). European Journal of Echocardiography 2010; 11: 307–332
7. Kahlert P, Plicht B, Schenk IM, Janosi RA, Erbel R, Buck T. Direct assessment of size and shape of noncircular
vena contracta area in functional versus organic mitral regurgitation using real-time three-dimensional
echocardiography. J Am Soc Echocardiogr 2008;21:912–21.
8. Schwammenthal E, Popescu AC, Popescu BA, Freimark D, Hod H, Eldar M et al. Mechanism of mitral
regurgitation in inferior wall acute myocardial infarction. Am J Cardiol 2002;90:306–9.
9. Iwakura K, Ito H, Kawano S, Okamura A, Kurotobi T, Date M et al. Comparison of orifice area by transthoracic
three-dimensional Doppler echocardiography versus proximal isovelocity surface area (PISA) method for
assessment of mitral regurgitation. Am J Cardiol 2006;97:1630–7.
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 19
Place de
l’échocardiographie
d’effort dans
l’évaluation d’une
insuffisance mitrale
secondaire
Anne BRUNET-BERNARD
C.H.U. Tours
[email protected]
Amélie REYNAUD
C.H.U. Bordeaux
[email protected]
Frédéric SCHNELL
C.H.U. Rennes
[email protected]
Histoire clinique
- Homme de 61 ans
- Antécédents : Fibrillation atriale paroxystique
- Facteurs de risque cardiovasculaire : diabète de type
2, HTA, dyslipidémie
Histoire de la maladie :
Mai 2011 : Infarctus du myocarde inférieur vu tardivement.
Echocardiographie de viabilité sous dobutamine : à l’état basal, FEVG 35-40% avec akinésie
inférieure et dyskinésie apicale. Insuffisance mitrale
fonctionnelle 2/4. Sous dobutamine 20 gammas/kg/
min, pas de viabilité apicale et inférieure. Viabilité
antéro-latérale et latérale (Fig.1).
Coronarographie diagnostique : lésions coronaires tritronculaires : subocclusion de l’artère interventriculaire antérieure moyenne, sténose de l’artère
circonflexe proximale, sténose de l’artère coronaire
droite moyenne et distale, occlusion récente de l’artère rétro-ventriculaire postérieure.
Devant ces lésions coronaires complexes et une
épreuve d’effort négative cliniquement et électriquement sous traitement médical, il est décidé d’un
traitement médical avec réévaluation à 6 semaines.
Fig.1 : Vues apicales 4C, 2C, 3C montrant l’amincissement
inférieur et antéro-septo-apical
20 • NOVEMBRE 2012 - N°28
Réévaluation en juillet 2012 :
Dyspnée stade II NYHA et angor d’effort..
Echocardiographie de repos : ventricule gauche dilaté
(DTDVG=58 mm), akinésie antéro-septo-apicale et inférieure, FEVG 33%, insuffisance mitrale centrale de type
IIIb par restriction du jeu valvulaire et dilatation annulaire (rapport anneau mitral/longueur de valve mitrale
antérieure=1.33) : SOR 22 mm2, VR=30 mL. PAPs=45
mmHg (Fig. 2).
Echocardiographie d’effort menée à 60 watts :
Dyskinésie apicale et inférieure. Dégradation de la cinétique en antéro-latéral au pic de l’effort.
IRM cardiaque : réhaussement transmural inférieur et
inféro-latéral. Réhaussement non transmural antérieur.
Piliers mitraux préservés. Viabilité résiduelle antérieure
en dehors de l’apex. Pas de viabilité dans le territoire de
la coronaire droite.
Devant ces lésions coronaires tritronculaires associées à
une IM secondaire sévère avec FEVG > 30 %, une indication chirurgicale de pontages aorto-coronaires (IVA et
Circonflexe) avec plastie mitrale est posée (classe IC) (1)
Majoration nette de l’insuffisance mitrale avec SOR calculée à 30 mm 2. Elévation importante des pressions pulmonaires à 70 mmHg (Fig. 3)
Conclusion
L’insuffisance mitrale secondaire, appelée
aussi insuffisance mitrale fonctionnelle, est
un phénomène dynamique.
L’échocardiographie d’effort est un examen
clé dans la prise en charge :
Fig.2 : Évaluation de la fuite mitrale et des pressions pulmonaires au repos
− Intérêt diagnostique en cas de dyspnée
d’effort: l’échocardiographie d’effort,
permet de démasquer ou de montrer
une aggravation d’une fuite mitrale
déjà présente au repos (et des pressions pulmonaires).
− Intérêt pronostique : l’augmentation de
la SOR ≥ 13 mm2 à l’effort est associée
à une augmentation du risque relatif
de décès et d’hospitalisations (2).
− Intérêt dans la stratégie opératoire :
dans le cas d’une cardiopathie ischémique, permet de préciser l’existence d’une ischémie myocardique,
permettant de poser l’indication de
revascularisation associée.
Fig.3 : Évaluation de la fuite
mitrale et des pressions
pulmonaires au pic de
l’effort 60 watts
RÉFÉRENCES
1. Vahanian A, Alfieri O, Andreotti F, et al. Guidelines on the
management of valvular heart disease (version 2012): The Joint
Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the
European Society of Cardiology (ESC) and the European
Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J.
2. L ancellotti P, Gerard PL, Pierard LA. Long-term outcome of
patients with heart failure and dynamic functional mitral
regurgitation. Eur Heart J 2005;26:1528-32.
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 21
Intérêt
de l’ETO 3D
dans l’insuffisance
mitrale organique
- Homme, 52 ans
Facteurs de risque cardiovasculaires :
HTA traitée contrôlée
Dyslipidémie
Antécédents :
valvulopathie mitrale diagnostiquée en 2009
Le patient consulte dans le cadre de son suivi habituel :
Amélie REYNAUD
- Symptômes : dyspnée II NYHA, pas de palpitation
C.H.U. Bordeaux
- Examen clinique : 135/70mmhg, 70bpm, souffle holosystolique 4/6, diminution B1
[email protected]
Frédéric SCHNELL
- ECG : rythme sinusal, axe normal, QRS fins.
C.H.U. Rennes
- ETT : DTDVG 60mm. DTSVG 31mm. FEVG 70%. OG
60ml/m². Insuffisance mitrale sévère sur prolapsus de P2, SOR 100mm², reflux dans
veines pulmonaires, vena contracta 7mm,
absence d’argument pour une endocardite.
Valve aortique tricuspide sans fuite ni sténose
significative. PAPS 40mmhg. Anneau tricuspide 32mm. Pas de fuite tricuspide significative (Fig.1).
[email protected]
Anne BRUNET-BERNARD
C.H.U. Tours
[email protected]
Devant une Insuffisance Mitrale sévère symptomatique avec FEVG >30% et DTSVG<55mm, les recommandations européennes 2012 nous orientent avec un
grade IB vers la prise en charge chirurgicale (1).
Afin de préciser l’atteinte valvulaire pour orienter le
geste chirurgical, notamment la possibilité de réaliser
une plastie, on réalise une ETO avec acquisitions 3D
pour une segmentation mitrale précise (2).
ETO : prolapsus isolé de P2. Visualisation du cordage
rompu. Absence de calcification (Fig.2).
Conclusion :
Fig.1 : Echocardiographie transthoracique. Insuffisance mitrale sévère avec prolapsus de P2.
Une ETO n’est pas forcément nécessaire pour évaluer
une insuffisance mitrale si la qualité des images transthoraciques est suffisante. Néanmoins, lorsqu’elle est
réalisée, le 3D permet une analyse plus détaillée de
l’anatomie valvulaire, ce qui peut influencer le geste
chirurgical.
RÉFÉRENCES
1. Vahanian A, Alfieri O, Andreotti F, et al. Guidelines on the
management of valvular heart disease (version 2012): The Joint
Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the
European Society of Cardiology (ESC) and the European
Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J.
Fig.2 : Echocardiographie transoesophagienne: visualisation du prolapsus de P2 sur rupture
de cordage.
22 • NOVEMBRE 2012 - N°28
2. Salcedo EE, Quaife RA, Seres T, Carroll JD. A framework for
systematic characterization of the mitral valve by real-time
three-dimensional transesophageal echocardiography. J Am Soc
Echocardiogr 2009;22:1087-99.
Insuffisance mitrale
Place de l’imagerie
dans la décision
thérapeutique
Catherine SZYMANSKI
C.H.U. Amiens Sud
[email protected]
Franck Lévy1
Dorothée Malaquin1
Jean Paul Rémadi2
Christophe Tribouilloy1,3
C.H.U. Amiens Sud,
Service cardiologie
2
C.H.U. Amiens Sud,
Service chirurgie cardiaque
3
INSERM, ERI 12
1
Fig.1 : Echocardiographie transoesophagienne 2D et Doppler couleur en vues 25 - 128° montrant l’aspect de prolapsus P2 du feuillet postérieur (panel A) par rupture partielle du pilier postéro - latéral
avec éversion complète du segment postérieur de la valve (panel B) à l’origine d’une fuite mitrale
massive en Doppler couleur avec origine large du flux d’IM (panel C). Thrombus dans l’auricule
gauche (panel D).
Une femme de 70 ans se présente aux urgences pour
déficit sensitivo - moteur de l’hémicorps gauche, aphasie
et hémianopsie latérale homonyme. Elle a déjà présenté
un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique
sylvien gauche 6 ans auparavant. Elle est hypertendue
et dyslipémique. Elle est traitée au long cours par
aspirine, statine, béta-bloquant, inhibiteur de l’enzyme
de conversion et inhibiteur calcique. La tension artérielle
à l’admission est à 204/117 mmHg. L’électrocardiogramme à l’admission met en évidence un sus – décalage
du segment ST dans le territoire apico – latéral avec un
miroir antérieur. Le dosage au pic de troponine est à
114 µg/l. L’IRM cérébrale confirme la présence d’un AVC.
Brutalement, 3 jours après son admission, la patiente
présente un œdème pulmonaire aigu avec hypotension
artérielle à 86/54 mmHg et désaturation en oxygène à
93 % sous peak flow. On note à ce moment la présence
d’un souffle d’insuffisance mitrale (IM) difficile à
percevoir dans ce contexte d’OAP. L’échocardiographie
transthoracique étant peu contributive, on décide de
réaliser une échocardiographie transoesophagienne
(Fig.1). Cet examen montre une rupture partielle du
pilier postéro – latéral visible en systole dans l’oreillette
gauche et un thrombus localisé dans l’auricule gauche.
Une coronarographie est alors effectuée. Elle objective
un thrombus serpentin dans la circonflexe.
L’interventriculaire antérieure et la coronaire droite
sont indemnes de lésions. Un ballon de contre-pulsion
intra-aortique est mis en place devant l’hémodynamique
instable. L’hypothèse retenue pour expliquer l’ensemble
de ce tableau clinique est une IM ischémique aiguë par
rupture partielle de pilier dans un contexte d’IDM
latéral, probablement secondaire à un embol coronaire
provenant du thrombus de l’auricule gauche. La patiente
est transportée en urgence, en raison de l’hémodynamique précaire, au bloc opératoire de chirurgie
cardiaque pour réaliser un remplacement valvulaire
mitral par bioprothèse et une exérèse du thrombus de
l’auricule gauche (durée du clampage 49 minutes). Les
suites post - opératoires sont marquées par la survenue
d’une pneumopathie d’évolution rapidement favorable.
La fraction d’éjection post - opératoire est à 64% et les
paramètres hémodynamiques de la prothèse sont
mitrale dans la norme.
Devenue rare depuis l’avènement de l’angioplastie
primaire, la rupture de pilier à la phase aigu de l’IDM
garde un pronostic spontané péjoratif avec une mortalité
de 75% à 24 heures et de 95% à 48 heures. La rupture
incomplète est associée à un pronostic moins sombre.
C’est une complication mécanique du post infarctus
entraînant une éversion complète du segment para
NOVEMBRE 2012 - N°28 • 23
commissural postérieur de la valve mitrale et fuite
massive. Elle survient, le plus souvent, après un infarctus
inférieur (perfusion mono tronculaire du pilier
postérieur) entre le 5ème et 10ème jour avec un tableau
souvent cataclysmique associant douleur thoracique et
œdème aigu du poumon nécessitant des mesures de
réanimations rapides. Plus rarement, on retrouve une
élongation de pilier isolée ou une rupture de cordages
marginaux entraînant une fuite mitrale modérée.
Fig. 2 : Coronarographie en incidence de face avec opacification de
l’artère coronaire gauche. Thrombus serpentin au niveau de la
première marginale.
24 • NOVEMBRE 2012 - N°28
Les patients se présentant avec une rupture de pilier et
fuite mitrale massive à la phase aiguë d’un infarctus du
myocarde ont donc le plus souvent un état
hémodynamique précaire. C’est l’échocardiographie
transthoracique et surtout transoesophagienne après
stabilisation du patient qui permet le plus souvent de
faire le diagnostic et de déterminer de façon précise le
mécanisme et l’importance de la fuite. Elle permet de
faire le diagnostic positif en bidimensionnel en
visualisant la rupture totale ou partielle de la tête du
pilier s’accompagnant le plus souvent d’une éversion
complète du segment postérieur de la valve en A3P3
selon la classification de Carpentier. Le jet de
régurgitation mitrale est objectivé en Doppler couleur
avec visualisation du flux régurgitant tapissant le
versant auriculaire du feuillet antérieur et se poursuivant
le long de la paroi médiale de l’oreillette gauche. Cette
fuite mitrale aiguë n’a pas de retentissement franc sur la
taille des cavités cardiaques. Le ventricule gauche est
habituellement de taille normale ou peu dilaté,
hyperkinétique et une oreillette gauche et des cavités
droites non ou peu dilatées. C’est une urgence
chirurgicale avec une mortalité opératoire importante
allant de 20 à 50% selon les séries. Après mise en place
si nécessaire d’un ballon de contre-pulsion aortique et
de drogues inotropes, la chirurgie doit habituellement
être effectuée en urgence. On privilégie volontiers le
remplacement valvulaire en cas de rupture complète du
pilier, si possible avec conservation de l’appareil sous
valvulaire mitral, dans ce contexte d’intervention de
« sauvetage » chez des patients généralement très
instables sur le plan hémodynamique. Cependant, une
plastie mitrale de réimplantation de pilier en zone saine
peut être pratiquée par des équipes expérimentées. De
même, en cas de rupture partielle, un remplacement
valvulaire mitral ou une réimplantation de la tête du
pilier associée à une annuloplastie est effectuée, cette
dernière présentant l’avantage d’une meilleure préservation de la fonction ventriculaire gauche.
Fréderic SCHNELL - Anne BRUNET - Julien TERNACLE
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3
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4Participation aux sessions scientifiques du CLUB lors des Journées Européennes de la SFC (janvier 2013)
et à PARIS-ECHO 2013
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NOVEMBRE 2012 - N°28 • 25
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Pédiatrie / post Euro-Echo session Club-4D
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26 • NOVEMBRE 2012 - N°28
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