MALADIE DE HODGKIN : Diagnostic, classification internationale à visée pronostique, évolution et principes du traitement Pr Gilles SALLES Service d’Hématologie, Centre Hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex -1- Octobre 2012 POINTS FORTS A COMPRENDRE 1) La maladie de Hodgkin fait partie des cancers du système lymphatique comme les autres lymphomes mais ses caractéristiques histologiques, évolutives et thérapeutiques sont particulières. 2) Le diagnostic histologique est porté sur la présence de cellules de Reed-Sternberg dans une architecture ganglionnaire particulière. 3) La classification en stades dites de “Ann Arbor” est un élément de pronostique indispensable à laquelle viennent s’ajouter d’autres caractéristiques notamment l’age, la vitesse de sédimentation et le rapport médiastino-thoracique en cas d’atteinte médiastinale. 4) Aujourd’hui, le PET—scanner au 18-FDG joue un rôle important dans le bilan initial et l’évaluation de son efficacité. 5) C’est en fonction de ces éléments pronostiques que les modalités thérapeutiques seront précisées, faisant appel généralement à une association de chimiothérapie et de radiothérapie (traitements combinés). 6) L’objectif thérapeutique est d’augmenter les taux de guérisons déjà élevés en évitant les séquelles à long termes. -2- Octobre 2012 DIAGNOSTIC 1°/ Définition La maladie de Hodgkin est aujourd’hui considérée comme un lymphome B d’un type particulier, caractérisée par la prolifération de grandes cellules appelées cellules de Reed-Sternberg au sein d’un tissu lymphoïde réactionnel d’architecture caractéristique. 2°/ Notions d’épidémiologie et d’étiologie La maladie de Hodgkin est plus fréquente chez l’homme (2 à 5 cas pour 100 000 habitants par an) que chez la femme (1 à 2 cas pour 100 000 habitants par an). Son incidence parait globalement stable ou en légère diminution dans les 20 dernières années. Elle peut être observée à tous les âges de la vie, mais avec un pic de survenue pendant la 3ème décennie, et une incidence à nouveau en augmentation chez les personnes de plus de 70 ans. L’origine de la cellule tumorale dans la maladie de Hodgkin a été longuement débattue, mais plusieurs travaux récents indiquent qu’un certain nombre de maladies de Hodgkin se développent à partir de lymphocytes de la lignée B. Le virus d’Epstein Barr (EBV) peut être détecté dans les cellules de Reed-Sternberg, dans une proportion très variable de cas et il n’y a aucune preuve de son rôle dans la survenue de la maladie. 3°/ Circonstances de découverte La maladie de Hodgkin est révélée dans près de 4 cas sur 5 par une adénopathie périphérique indolore de siège cervical ou sus-claviculaire. Dans environ 10% des cas, elle est découverte devant des adénopathies médiastinales mises en évidence sur un -3- Octobre 2012 cliché thoracique (Figure 1) réalisé de manière fortuite ou à l’occasion de signes de compression (toux, dyspnée, douleurs). Enfin, dans 10 à 20% des cas, la maladie est révélée par la présence de signes généraux, tels que la fièvre, un amaigrissement, des sueurs nocturnes et plus rarement d’un prurit. 4°/ Diagnostic positif de la maladie de Hodgkin Le diagnostic de la maladie de Hodgkin doit être établi sur un examen anatomopathologique d’une biopsie ganglionnaire. Si la cytoponction permet parfois de mettre en évidence des cellules de Reed-Sternberg, elle n’est pas suffisante à établir le diagnostic car cette cellule n’est pas pathognomonique de la maladie. Enfin, dans les très rares formes hématologiques sans atteinte ganglionnaire, le diagnostic peut être porté sur la biopsie médullaire ou la pièce de splénectomie. La cellule de Reed-Sternberg est une cellule géante, d’environ 40 μm de diamètre, à noyau clair, mono ou parfois polylobée avec un aspect en miroir, pluri-nucléolé. Les variantes cytologiques de la cellule de Reed Sternberg peuvent aussi être rencontrées (cellules lacunaires, cellules de Hodgkin, cellules tumorales géantes). Le phénotype habituel des cellules de Sternberg dans la maladie de Hodgkin classique est caractérisé par l’expression de la molécule de surface CD30, éventuellement des antigènes CD15 parfois CD20. Quatre sous types histologiques étaient habituellement distingués selon la classification de Lukes-Rye (tableau I) : - la maladie de Hodgkin avec une organisation sclérosante et nodulaire (forme scléronodulaire de type 2) est la forme la plus classique de maladie de Hodgkin, retrouvée -4- Octobre 2012 dans 80% des cas, touchant préférentiellement les sujets jeunes et les ganglions susdiaphragmatiques; - La forme à cellularité mixte (type 3) représente 15 à 20% des cas et s’observe plus volontiers chez les sujets âgés, avec des signes généraux d’évolutivité ou chez les sujets porteurs du virus VIH atteints de maladie de Hodgkin. - A côté de ces 2 formes classiques : - la forme à déplétion lymphocytaire (type 4) est rare, souvent associée à un pronostic défavorable, et certains cas constituent une pathologie frontière avec les lymphomes anaplasiques. - Enfin, la forme à prédominance lymphocytaire (type 1) et d’architecture diffuse n’est aujourd’hui plus considérée comme une maladie de Hodgkin mais comme un lymphome, tandis que la forme nodulaire est individualisée sous le nom de para-granulome nodulaire de Poppema dont les caractéristiques et l’évolution sont distinctes des maladies de Hodgkin classiques. L’analyse immuno-histochimique de la biopsie ganglionnaire est nécessaire lorsque le diagnostic n’est pas évident dans les 2 formes classiques (types 2 et 3), ou lorsqu’une des formes atypiques est suspectée compte-tenu des frontières de ces formes avec certains lymphomes non hodgkiniens. 5°/ Le diagnostic différentiel Le tableau clinique de maladie de Hodgkin révélé par une adénopathie superficielle fait discuter les autres causes d’adénopathies superficielles, en particulier les autres lymphomes, les métastases ganglionnaires de cancer, les infections virales ou -5- Octobre 2012 bactériennes (tuberculose) s’accompagnant d’adénomégalie, les maladies systémiques. Après biopsie ganglionnaire, seules posent problème les formes frontières entre maladie de Hodgkin et lymphome dans les sous types 1 et 4 de la classification de Lukes Rye. CLASSIFICATION INTERNATIONALE A VISÉE PRONOSTIQUE La maladie de Hodgkin est un des premiers cancers à avoir été guéri d’abord par la radiothérapie utilisée seule à large champ, puis par la chimiothérapie, utilisée seule ou en association à la radiothérapie. Cependant, il est clairement apparu que ces traitements exposaient à des complications immédiates et à long terme, et devaient faire l’objet d’une utilisation optimale. C’est pourquoi le traitement des maladies de Hodgkin est aujourd’hui fondé sur une stadification très précise des patients atteints de cette pathologie afin d’utiliser au mieux ces différentes armes thérapeutiques. 1°/ Bilan d’extension Le bilan d’extension de la maladie de Hodgkin commence par un interrogatoire à la recherche de signes généraux : fièvre à plus de 38° pendant plus de 8 jours, amaigrissement de plus de 10% du poids du corps pendant les 6 derniers mois, sueurs nocturnes abondantes. L’examen clinique s’attache à explorer toutes les aires ganglionnaires, à détecter une splénomégalie ou une hépatomégalie. La présence de -6- Octobre 2012 localisations extra-ganglionnaires de la maladie de Hodgkin est relativement rare mais les atteintes osseuses révélées par des douleurs focales ne sont pas exceptionnelles dans les formes étendues de la maladie. Le cliché thoracique est nécessaire pour l’identification éventuelle d’une masse médiastinale volumineuse, celle-ci étant considérée comme significative lorsque le plus grand diamètre tumoral mesuré au niveau de D5-D6 est supérieur ou égal au tiers du diamètre transverse thoracique mesuré au même niveau (exemple Figure 1). L’examen tomo-densitométrique du thorax complète la recherche d’adénopathies médiastinales et hilaires, l’existence ou non d’un épanchement pleural ou péricardique dont la spécificité doit être si possible documentée. Concernant l’extension sous diaphragmatique, l’exploration de l’abdomen et du pelvis est actuellement réalisé par un examen tomo-densitométrique (abdomen + pelvis) qui a supplanté la lymphographie. L’échographie abdominale permet de s’assurer de l’homogénéité du parenchyme splénique, de préciser éventuellement la présence de lésion hépatiques. La laparotomie exploratrice n’a plus sa place dans le bilan d’extension standard des maladies de Hodgkin. L’examen par TEP au 18-FDG permet de mettre en évidence d’autres localisations ganglionnaires (ou non) occultes ou de préciser la spécificité de lésions mises en évidence en imagerie traditionnelle. -7- Octobre 2012 Ce bilan minimum doit être complété par un examen ORL en cas d’atteinte ganglionnaire cervicale, et par la réalisation d’une biopsie médullaire qui ne peut être omise que pour les stades limités ayant des caractéristiques favorables (cf infra). Le bilan biologique nécessaire comprend - un hémogramme complet, - une vitesse de sédimentation, - un bilan hépatique à la recherche notamment d’une cholestase ou d’une cytolyse qui pourraient orienter vers une atteinte du parenchyme hépatique, - une sérologie pour le virus VIH. -8- Octobre 2012 - La réalisation d’une électrophorèse des protéines, d’un dosage de la lactate déshydrogénase (LDH), de la β2-microglobuline, du fibrinogène et de la ferritine peuvent être réalisés, leurs perturbations étant associées à un plus mauvais pronostic de la maladie. Enfin, en fonction de l’interprétation des examens précédents et des points d’appel clinique, une ponction biopsie hépatique peut être réalisée, ainsi qu’une scintigraphie osseuse, une IRM, ou tout autre examen servant à documenter une atteinte spécifique de la maladie de Hodgkin. 2°/ Facteurs pronostiques classiques Pour adapter la stratégie thérapeutique, les patients sont d’abord stratifiés à l’aide de la classification d’Ann Arbor (tableau II) qui résulte de l’interprétation des constatations du bilan d’extension ci-dessus. Dans les différents sous groupes identifiés à l’aide de cette classification, d’autres facteurs pronostiques sont parfois nécessaires pour les décisions thérapeutiques. Au terme de cette classification, les patients vont être schématiquement regroupés ainsi : - les stades limités (I et II) sus diaphragmatiques - les stades limités (I et II) sous diaphragmatiques - les stades IIIA - les stades IIIB - IV En ce qui concerne les stades I et II sus diaphragmatiques, plusieurs études internationales ont identifié certains facteurs pronostiques indépendants (age, présence de signes généraux, élévation de la vitesse de sédimentation, masse et extension -9- Octobre 2012 tumorale) servant à séparer 2 groupes pronostiques, l’un d’évolution favorable, l’autre d’évolution défavorable (Tableau III). Ces 2 groupes bénéficient habituellement de stratégies thérapeutiques différentes (protocoles thérapeutiques de l’Organisation Européenne de Recherche et Traitements des cancers, OERTC). De nombreux autres facteurs pronostiques ont été décrits, qu’il s’agisse d’un pronostic péjoratif associé à une histologie de type cellularité mixte (versus scléronodulaire), du sexe masculin et de nombreux autres signes biologiques (élévation des LDH, de la β2microglobuline, baisse de l’albumine, hyperleucocytose, sidéropénie...). Ils ne sont guère utilisés dans la décision thérapeutique qui repose sur les critères exposés cidessus. EVOLUTION 1°/ Evolution sous traitement L’objectif thérapeutique essentiel est l’obtention d’une rémission complète dès le premier traitement, cette rémission conditionne l’obtention d’un résultat thérapeutique favorable à long terme. Dès la mise en route d’un traitement adapté (chimiothérapie ou radiothérapie), les signes cliniques (fièvre, sueurs) de la maladie de Hodgkin disparaissent rapidement en quelques jours. Les adénopathies superficielles ou de taille modérée régressent en quelques semaines. L’évaluation de la réponse thérapeutique chez les patients ayant une masse ganglionnaire volumineuse, notamment dans le médiastin est plus difficile. En effet, certaines de ces lésions diminuent initialement sous traitement, mais persistent sur les radiographies simples ou -10- Octobre 2012 l’examen tomo-densitométrique. Il s’agit dans un certain nombre de cas de simples résidus fibro-nécrotiques non évolutifs. La réalisation d’un TEP au 18-FDG permet de préciser leur évolutivité. Cet examen est aussi maintenant couramment utilisé pour évaluer la sensibilité à la chimiothérapie, s’assurer de la qualité de la rémission complète, éventuellement adapter les traitements en cas de réponse insuffisante. 2°/ Evolution après rechute Les patients qui rechutent après un 1er traitement peuvent encore bénéficier d’un traitement efficace. On distingue : - les rechutes survenant après radiothérapie exclusive qui peuvent être rattrapées dans une proportion importante de cas par une chimiothérapie exclusive simple ; - les rechutes tardives dont certaines peuvent être traitées avec succès pendant plusieurs années, ce d’autant qu’elles surviennent avec un délai long par rapport à la poussée initiale ; - les rechutes précoces survenant moins d’un an après la fin du traitement initial qui sont de très mauvais pronostic et qui sont traités par des chimiothérapies intensives avec éventuellement greffe de moelle. Si l’évolution de la maladie n’est pas contrôlée, la maladie de Hodgkin prend volontiers une forme fébrile et cachéctisante aboutissant au décès du patient. 3°/ Formes cliniques particulières -11- Octobre 2012 Certains sujets âgés présentent des formes disséminées avec signes généraux dont l’évolution est sévère. La survenue d’une maladie de Hodgkin pendant la grossesse est possible et pose des problèmes thérapeutiques particuliers. 4°/ Séquelles des traitements et complications à long terme 4- 1) La maladie de Hodgkin est une maladie du système immunitaire, au cours de laquelle une altération de l’immunité cellulaire liée à la maladie est observée. Les différentes thérapeutiques mises en oeuvre aggravent cette immuno-suppression, et les patients présentent fréquemment des complications infectieuses pendant leur traitement ou au décours de celui-ci. En particulier, il faut souligner la fréquence des infections à germes Gram+ chez les patients splénectomisés (ou ayant reçu une irradiation sur l’aire splénique), ainsi que la survenue d’infections à virus herpétique (zona plusieurs mois après la fin du traitement). . 4 -2) La survenue de complications cardio-vasculaires est également fréquemment rapportée chez les patients traités pour maladie de Hodgkin, qu’il s’agisse d’insuffisance cardiaque, de péricardite ou surtout de pathologies coronariennes. L’irradiation médiastinale et les drogues cardiotoxiques (doxorubicine) jouent un rôle important dans la survenue de ces complications. Malheureusement, celles-ci sont à l’origine d’un excès de décès de cause cardiaque chez les patients traités par maladie de Hodgkin. Les complications pulmonaires liées à l’irradiation et à l’utilisation de la bléomycine ont également été rapportées. -12- Octobre 2012 Les complications digestives liées aux irradiations sous diaphragmatiques sont rares sauf si les patients ont eu une laparotomie exploratrice auparavant. Les complications endocriniennes sont représentées d’une part par l’insuffisance thyroïdienne liée essentiellement à l’irradiation et d’autre part aux anomalies de la fonction de reproduction des patients. Celles-ci sont surtout liées à l’utilisation des agents alkylants (cyclophosphamide, procarbazine) ou de la moutarde azotée (caryolysine). Ainsi, la stérilité masculine est quasiment constante chez les patients ayant reçu plus de 6 cures de MOPP (cf infra) ; le risque de voir survenir une ménopause précoce avec le même traitement s’accroît de 10% à 100% avec l’âge de la patiente. Ceci amène à considérer des protocoles de chimiothérapie moins toxiques sur la lignée gonadique. Il n’y a pas de donnée établie concernant un risque accru de second cancer ou anomalies génétiques chez les enfants de patients traités pour une maladie de Hodgkin. 4 -3) La survenue des seconds cancers est préoccupante chez les patients traités pour une maladie de Hodgkin. - Les leucémies aigues myéloblastiques et les myélodysplasies secondaires sont liées à l’utilisation d’une chimiothérapie comportant des alkylants ou aux traitements combinés surtout lors des rechutes et leur incidence peut atteindre 1 à 10 % à 10 ans. - Les lymphomes non hodgkiniens ont également un risque de développement accru, avec une incidence cumulée à 10 ans de 1 à 5 %. Les facteurs étiologiques contribuant à leur survenue restent cependant imprécis (immuno-suppression, 2ème cancer véritable , rechute de maladie de Hodgkin sous une forme différente ?). -13- Octobre 2012 - Enfin, plus récemment, l’attention a été attirée sur les tumeurs solides survenant tardivement (10 à 20 ans) chez les patients traités par maladie de Hodgkin, notamment dans les territoires irradiés. Cette augmentation porte à la fois sur les cancers cutanés, les cancers du poumon, les cancers du sein, et les cancers de divers organes lorsqu’il s’agissait d’enfants traités. Ceci conduit actuellement à limiter les doses et les champs d’irradiation lors du traitement initial de la maladie. PRINCIPES DU TRAITEMENT 1°/ La radiothérapie La radiothérapie a été la 1ère arme thérapeutique utilisée avec succès dans le traitement de la maladie de Hodgkin. Les patients doivent aujourd’hui bénéficier des techniques d’irradiation les plus modernes (photons de haute énergie). Les grands champs d’irradiation classiques sont définis en sus diaphragmatique par l’irradiation en mantelet (les 2 régions sus claviculaires, axillaires, médiastin et hile pulmonaire) et en sous-diaphragmatique par le Y inversé )comprenant la région latéroaortique, les chaînes ganglionnaires iliaques primitives externes droites et gauches, les régions inguinales bilatérales) avec barre splénique. Ces grands champs ne sont pratiquement plus utilisés. La tendance actuelle (où la radiothérapie devient très peu utilisée dans les stades disséminés) est l’utilisation de champs réduits sur une ou plusieurs aires ganglionnaires initialement atteinte, voire sur le seul volume ganglionnaire envahi initialement. -14- Octobre 2012 Une dose de 36 à 40 grays est délivrée sur les territoires initialement envahis, et une dose de 30 à 36 grays sur les territoires irradiés de manière prophylactique. Des essais avec des doses plus faibles (20 Gy) – pour limiter le risque de séquelles - semblent donner des résultats intéressants. 2°/ La polychimiothérapie Le premier protocole de polychimiothérapie développé a été le MOPP (caryolysine, vincristine, procarbazine, prednisone) et ses variantes mais il n’est plus utilisé. Le protocole ABVD (doxorubicine, bléomycine, vinblastine, dacarbazine), introduit dans les années 70, reste la référence qui a permis l’obtention de meilleurs résultats tant en ce qui concerne le contrôle de la maladie que dans le faible taux de complications à long terme. Des protocoles hebdomadaires avec d’autres médicaments (etoposide par exemple) ont été développés plus récemment avec une efficacité peut-être supérieure mais avec une toxicité plus élevée. Il faudra attendre les résultats à long terme de la comparaison de ces protocoles avec l’ABVD pour établir définitivement leur place. 3°/ les anticorps monoclonaux La cellules tumorales expriment généralement l’antigène CD30. Après l’échec du développement thérapeutique des anticorps « nus » dirigés contre cet antigène de surface, un progrès majeur a été réalisé avec la conception d’un anticorps couplé à une toxine (anticorps anti-CD30 couplé à une toxine pour les micro-tubules, la monomethyl auristatine E ou MMAE). Cet anticorps a une efficacité démontrée pour les échecs après autogreffe ; il devrait rapidement être développé chez les patients avec un mauvais pronostic ou avec un résultat insuffisant d’un traitement classique. -15- Octobre 2012 4°/ Les indications thérapeutiques Celles-ci doivent être posées en fonction des critères pronostiques définis ci-dessus. Il ne faut pas omettre de proposer avant traitement un cryoconservation de sperme pour les patients de sexe masculin; une contraception orale est proposée aux femmes en age de procréer ; enfin si une irradiation sous-diaphragamatique est envisagée chez une patiente, une ovariopexie (déplacement des ovaires dans la cavité abdominale) peut être envisagée pour préserver la fertilité. Dans les stades localisés sus diaphragmatique, les patients ayant une maladie avec des caractéristiques favorables (tableau III) vont pouvoir être traités par de 3 ou 4 cures de chimiothérapie (ABVD) suivies d’une irradiation limitée aux aires envahies. La tendance actuelle est la réduction des doses d’irradiation et l’utilisation d’une chimiothérapie isolée est à l’essai chez ces patients lorsque les examens d’imagerie métabolique (TEP scanner au 18 -FDG glucose) montrent une rémission complète à l’issue des 2 premières cures. Dans les formes de pronostic défavorable, c’est la réalisation de 4 cures de chimiothérapie de type ABVD suivies d’une irradiation focalisée sur les territoires initialement atteints qui constituent les protocoles de référence. Une rémission complète est obtenue dans 85 à 100% des cas. Dans les formes favorables, plus de 95% des patients sont survivants à 10 ans alors que dans les formes défavorables, la survie à 10 ans est de proche de 85 (80 à 90%)%. -16- Octobre 2012 Dans les formes étendues de la maladie de Hodgkin (stades IIIB et IV), les patients peuvent être traités par 6 cures de chimiothérapie permettant l’obtention d’une rémission complète, résultat thérapeutique consolidé par la délivrance de 2 cures de chimiothérapie supplémentaires. L’irradiation complémentaire localisée ou étendue n’est plus utilisée chez ces patients en rémission complète car elle accroît le risque de second cancer. Les protocoles en cours d’investigation reposent sur l’utilisation de doses de chimiothérapie plus intensives et rapprochées. Une rémission complète est obtenue chez la majorité de patients (85 à 95 % environ) mais les rechutes restent fréquentes avec une survie à long terme de 75 à 85%, mais plus basse (~50%) chez les sujets de plus de 65 ans. Dans les autres présentations de la maladie de Hodgkin (I et II sous-diaphragmatique et stade IIIA) le traitement comprend généralement l’utilisation d’une chimiothérapie (4 à 6 cures) isolée (4 à 6 cures d’ABVD). Ainsi si les progrès thérapeutiques importants ont été obtenus dans la maladie de Hodgkin par l’utilisation de traitements combinés (chimiothérapie- radiothérapie), la tendance actuelle est à optimiser les traitements en fonction des caractéristiques évolutives de chaque sous groupe de patients, afin de limiter la probabilité de complications à long terme, qui restent malheureusement responsables d’une surmortalité par toxicité des patients traités pour maladie de Hodgkin. Le souci de cette surmortalité doit faire préférer l’utilisation de protocoles de chimiothérapie validés, et discuter des indications thérapeutiques avec des équipes spécialisées. Des modifications par rapport à ces standards ne peuvent se faire que dans le cadre -17- Octobre 2012 d’essais thérapeutiques soumis à une évaluation rigoureuse des résultats à court et long terme. -18- Octobre 2012 POUR APPROFONDIR Fermé C. Maladie de Hodgkin. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Hématologie, 13-016A-05, 1997, 12p. Mise à jour récente et complète. Solal-Celigny Ph, Brousse N, Fermé C, Gisselbrecht Ch, Reyes F, Coiffier B. Lymphomes : Lymphomes non hodgkiniens - Maladie de Hodgkin. Frison Roche, Paris, 1997. Ouvrage spécialisé, avec de nombreuses données détaillées sur l’épidémiologie, la biologie, le traitement. Standards, options et recommandations pour la prise en charge des patients adultes atteints de maladie de Hodgkin. Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer & Groupe d’Etude des Lymphomes de l’Adulte. 1998. -19- Octobre 2012 POINTS FORTS A RETENIR - La présentation clinique la plus habituelle de la maladie de Hodgkin est celle d’une adénopathie cervicale ou sus-claviculaire. - La biopsie ganglionnaire est indispensable au diagnostic et va permettre de distinguer la maladie de Hodgkin des autres lymphomes ; les deux formes histologiques classiques sont la forme scléro-nodulaire et la forme à cellularité mixte. - L’interrogatoire recherche la présence éventuelle de signes généraux tandis que l’examen clinique et l’examen tomodensitométrique du thorax de l’abdomen et du pelvis précisent les atteintes ganglionnaires ou rarement extra-ganglionnaires. Un bilan biologique et une biopsie médullaire complètent ce bilan d’extension. - La classification clinique d’Ann Arbor va permettre de séparer les stades localisés I et II sus-diaphragmatiques des stades étendus et évolutifs (stades IIIB et IV), les autres présentations (I - II sous diaphragmatique d’une part, stade IIIA d’autre part) étant nettement plus rares. - L’association d’une chimiothérapie (ABVD) associée à une radiothérapie focalisée va permettre d’obtenir une rémission complète prolongée après 5 ans chez 80 à 95% des formes localisées et 40 à 60% des formes étendues. - Le risque de complications tardives liées à la chimiothérapie et à la radiothérapie conduit à développer des stratégies thérapeutiques utilisant ces deux armes thérapeutiques de manière limitée. -20- Octobre 2012 TABLEAU 1 : Classification histologique de la Maladie de Hodgkin de Lukes-Rye Type 1 : Prédominance lymphocytaire (ou lympho-histiocytaire) Type 2 : Forme sclérosante nodulaire Type 3 : Forme à cellularité mixte Type 4 : Forme à déplétion lymphocytaire Actuellement les types 2 et 3 sont considérées commes des formes typiques les plus fréquentes (respectivement 80% et 15-20%) des maladies de Hodgkin. -21- Octobre 2012 TABLEAU 2 : Stade d’extension clinique selon la classification d’Ann Arbor Stade Définition Atteinte d’une seule aire ganglionnaire ( I ) ou d’une seule structure I lymphoïde (rate, thymus,anneau de Waldeyer) ou d’une seule localisation dans un territoire extra-ganglionnaire ( IE ) contigu. Atteinte de deux aires ganglionnaires ou plus du même côté du II diaphragme ( II ), éventuellement associée à une atteinte extraganglionnaire de contiguïté ( IIE ) Atteinte ganglionnaire située de part et d’autre du diaphragme ( III ), III accompagnées éventuellement d’une atteinte splénique ( IIIS ) (cf note infra) IV Atteinte d’une ou plusieurs localisations extra-ganglionnaires, avec ou sans atteinte ganglionnaire Absence (A) ou la présence d’au moins un (B) signe général - fièvre (au moins 38° C pendant 8 jours consécutifs sans infection A/B documentée ) - sueurs nocturnes - perte de poids inexlpiquée d’au moins 10% du poids au cours des 6 mois précédents Envahissement d’une structure extralymphatique correspondant E - soit à la seule atteinte de la maladie (IE) - soit à une extension de contiguité d’une atteinte ganglionnaire (IIE ou IIIE) désigne la présence d’une masse tumorale importante (ganglion de X diamètre de plus 10cm ou rapport médastino-thoracique supérieur à un tiers). Note : Les stades III sont séparés en : -22- Octobre 2012 - stade III 1 : Atteinte sous-diaphragmatique limitée à la rate, aux ganglions du hile splénique, aux ganglions coeliaques ou du tronc porte. - stade III 2 : Atteinte des ganglions latéro-aortiques, iliaques, mésentériques s’associant ou non à l’atteinte du stade III 1. -23- Octobre 2012 Tableau 3 : Classification pronostique des stades localisés sus- diaphragmatiques (I et II) Stades sus-diaphragmatiques favorables Stades cliniques I ou II et age < 50 ans et A + VS < 50 mm ou B + VS < 30 mm et atteinte de moins de 4 sites ganglionnaires et rapport M/T < 0.35 Stades sus-diaphragmatiques défavorables Stade cliniques I ou II et ou age > 50 ans ou A + VS > 50 mm ou B + VS > 30 mm ou atteinte de 4 (ou plus) sites ganglionnaires ou rapport M/T > 0.35 Note : A et B désignent l’absence ou la présence de signes généraux, VS la vitesse de sédimentation à la première heure, M/T le rapport médiastino-thoracique. -24- Octobre 2012