CAS CLINIQUE Mots-clés Myélite – Maladie de Hodgkin – Lymphome – Vascularite Keywords Myelitis – Hodgkin disease – Lymphoma – Vasculitis Maladie de Hodgkin révélée par un tableau de myélite multifocale Multifocal myelitis revealing Hodgkin disease D. Biotti* L a maladie de Hodgkin est une hémopathie rare (0,5 % de l’ensemble des cancers), dont le mode de révélation par une atteinte du système nerveux central (SNC), en dehors des compressions médullaires extradurales, est exceptionnel. Il peut alors s’agir d’une atteinte paranéoplasique, d’une vascularite, ou d’une myélite infectieuse opportuniste favorisée par l’hémopathie ou son traitement. Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 59 ans, dont le tableau de myélite a permis de poser le diagnostic associé de maladie de Hodgkin. O b s e r v a t i o n Un homme âgé de 59 ans, aux seuls antécédents de mononucléose infectieuse à l’âge de 23 ans et d’une lithotritie pour calcul rénal compliquée d’un hématome, subit des explorations une première fois fin 2008 en raison de l’apparition sur quelques semaines (depuis novembre 2008) de paresthésies fluctuantes de l’ensemble du membre supérieur gauche, initialement étiquetées “névralgie cervico-brachiale”. Ce tableau est complété par l’apparition de troubles sensitifs de la face et du membre supérieur droit motivant une nouvelle consultation. À l’époque, l’examen clinique ne retrouve que les symptômes subjectifs rapportés par le patient, sans signe d’atteinte motrice ou sphinctérienne, ni de point d’appel non neurologique, en particulier sans altération de l’état général. Un examen électro­ myographique réalisé en externe ne retrouve pas d’éléments en faveur d’une atteinte périphérique. La présentation clinique conduit alors à la réalisation d’une IRM encéphalique et médullaire cervicale mettant en évidence au niveau de l’encéphale des lésions non spécifiques de leucoaraïose, et au niveau médullaire, uniquement une protrusion discale C3C4 non menaçante. * Service de neurologie, hôpital Général, Dijon. 300 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 La mise en place d’un traitement antalgique symptomatique s’accompagne de la disparition de l’ensemble des symptômes en quelques semaines. Début mars 2009, des difficultés à la marche apparaissent, d’aggravation progressive sur quelques jours jusqu’à ce que, brutalement, celle-ci devienne impossible, conduisant à une hospitalisation dans notre service. L’examen clinique met en évidence un tableau de souffrance médullaire de niveau D6-D7 associant en souslésionnel une hypoesthésie à tous les modes, des dysesthésies de contact ainsi qu’une sensation d’encartonnement ; une paraparésie spastique évaluée globalement à 1/5 à droite et à 2/5 à gauche, des ROT vifs polycinétiques et diffusants et un signe de Babinski bilatéral sont constatés. À son admission, le patient présente un globe urinaire. Le reste de l’examen neurologique est normal (notamment pas de séquelles aux membres supérieurs). Le sujet rapporte en revanche une altération de l’état général avec la perte de 5 à 7 kg et une fatigue intense depuis janvier. Aucune adénopathie périphérique ou organomégalie n’est relevée, le patient est apyrétique. Un nouveau bilan d’imagerie est réalisé. L’IRM encéphalique est superposable à la première, mais l’IRM médullaire retrouve des hypersignaux T2 étendus en regard des niveaux D5 à D8 et du cône terminal sans prise de gadolinium (figure 1), évocateurs de zones inflammatoires locales de type myélite. La biologie (NFS plaquettes, VS CRP fibrinogène, ionogramme complet, bilan hépatique complet, LDH, sérologies entérovirus, HSV, VZV, EBV, CMV, HIV, AgP24, HTLV-1, hépatites B et C, légionnelle, mycoplasme, chlamydia, brucellose, toxoplasmose, syphilis et Lyme, recherche de BK, ANA-ENA, Anca, maladie cœliaque, DNA natifs, ECA, FR, antithyroïde, vitamines B9, B12, anticorps antineuronaux) ne retrouve pas d’anomalies. Les anticorps anti-NMO sont négatifs à 2 reprises. La ponction lombaire montre un liquide clair mais inflammatoire avec 24 leucocytes, 0,5 g/l de protéinorachie et une synthèse intra­ thécale d’immuno­globulines. Les sérologies réalisées sur le liquide CAS CLINIQUE céphalo-­rachidien (LCR) [HSV, Lyme, BK] ainsi que le dosage de l’ECA sont non contributifs. En anatomopathologie, aucune cellule anormale n’est retrouvée. révèlent des adénopathies médiastinales multiples, centimétriques et hypermétaboliques sur le PET scan (figure 2). Le patient refuse la réalisation d’une médiastinoscopie et, finalement, une biopsie échoguidée explorant une adénopathie douteuse rétrosternale est réalisée. L’examen anatomopathologique met en évidence un aspect de maladie de Hodgkin (stade II), dans sa variante sclérosante-nodulaire (figure 3). Une chimiothérapie par cures d’ABVD est alors administrée, suivie d’une radiothérapie. À 1 an, le déficit neurologique est stabilisé sous la forme d’un tableau de souffrance du cône terminal responsable de troubles Une artério­g raphie médullaire est réalisée. Celle-ci met en évidence un aspect extrêmement grêle de la vascularisation spinale antérieure compatible avec un aspect de vascularite. Devant l’altération de l’état général et en l’absence d’arguments cliniques d’orientation, un scanner cervico-thoraco-abdominopelvien complété par un PET scan est demandé. Ces examens A B C Figure 1. IRM médullaire de mars 2009 révélant sur les séquences T2 la présence d’hyper­signaux hétérogènes de localisation D5 à D8 (A) ainsi que du cône terminal (B) sans prise du produit de contraste (C). A B ▸ Figure 2. Imagerie métabolique de type PET scan montrant une fixation ­anormale du médiastin antéro-supérieur ­correspondant à des adénopathies. A B C ◂ Figure 3. Architecture ganglionnaire. Coloration HES – faible grossissement : fond granulomateux avec de fins septa fibreux (A). Coloration HES – fort ­grossissement : présence de grandes cellules atypiques (B), CD30+ (C). La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010 | 301 CAS CLINIQUE sphinctériens sensitifs et moteurs, et d’une paraplégie non compatible avec la reprise de la marche, même avec des aides. L’IRM médullaire de juillet 2010 ne met plus en évidence qu’un discret hypersignal T2 des cornes antérieures de la moelle basse et du cône terminal sans prise de gadolinium (figure 4). A B C Figure 4. IRM médullaire de juillet 2010 (A : T1 sagittal gadolinium, B : T2 sagittal, C : T2 transversal D11-D12). En regard de D11, on note la présence d’une modification du signal sous la forme d’un hypersignal localisé aux cordons antérieurs de la moelle principalement à droite, sans prise de contraste associée. D i s c u s s i o n Ce patient a présenté un tableau de myélite multifocale permettant la découverte d’une maladie de Hodgkin. La rareté de ces 2 affections, leur évolution concomitante et la négativité du reste du bilan permettent de suggérer le diagnostic de manifestations centrales qui inaugurent cette hémopathie. Les manifestations au sein du SNC de la maladie de Hodgkin sont exceptionnelles (en dehors des compressions extradurales, des myélites postradiques, etc.) [1]. Il s’agit alors de manifestations paranéoplasiques, d’angéite du SNC ou d’infiltrations tumorales du SNC (2-6). Chez notre patient, l’analyse anatomopathologique du LCR n’a pas retrouvé de cellules anormales, ce qui en réalité est habituel (1, 7). D’autre part, les patients souffrant d’une hémopathie avec ou sans traitement sont à risque élevé de complications infectieuses opportunistes (infections à pneumocoque, herpèsvirus, cytomégalovirus, tuberculose, toxoplasmose, cryptocoque, aspergillose, etc.). Ces infections peuvent être à l’origine de manifestations neurologiques (abcès, méningite, encéphalite, myélite) qu’il convient impérativement de dépister dans un premier temps. Aucun argument en ce sens n’a été retrouvé chez notre patient. L’artériographie médullaire réalisée a mis en évidence un aspect de vascularite de l’artère spinale antérieure, sans anomalie des autres axes artériels médullaires ou cérébraux. Le mécanisme d’angéite est retenu comme mécanisme sous-jacent de souffrance médullaire ou d’atteintes cérébrales dans certains cas rapportés dans la littérature, même s’il s’agit alors principalement de vaisseaux de petits ou moyens calibres (2-4). Dans ce cas, la présentation clinique neurologique est variée, mais est souvent associée à des manifestations d’hypertension intracrânienne, l’artériographie peut être normale (cas confirmés par l’autopsie) et la ponction lombaire montre une pléïocytose et une hyperprotéinorachie. Souvent, le pronostic fonctionnel et vital est engagé (3, 4). Finalement, l’association chez ce patient d’une myélopathie et d’une maladie de Hodgkin n’a pas été considérée comme fortuite. ■ Références bibliographiques 1. Sapozink MD, Kaplan HS. Intracranial Hodgkin’s disease. A report of 12 cases and review of the literature. Cancer 1983;52:1301-7. 2. Kilani B, Ammari L, Tiouiri H et al. Transverse myelitis revealing Hodgkin disease. Presse Med 2006;35:615-7. 3. Yuen RW, Johnson PC. Primary angiitis of the central nervous system associated with Hodgkin’s disease. Arch Pathol Lab Med 1996;120:573-6. 4. Rosen CL, DePalma L, Morita A. Primary angiitis of the central nervous system as a first presentation in Hodgkin’s disease: a case report and review of the literature. Neurosurgery 2000; 46(6):1504-8. 6. Jardin F, Stamatoullas A, Fruchart C et al. Intramedullary spinal cord metastasis and leptomeningeal involvement in Hodgkin’s disease. Case report and review of the literature. Rev Med Interne 1999;20:267-71. 5. Hughes M, Ahern V, Kefford R et al. Paraneoplastic myelopathy at diagnosis in a patient with pathologic stage 1A Hodgkin disease. Cancer 1992;70:1598-600. 7. Grem JL, Burgess J, Trump DL. Clinical features and natural history of intramedullary spinal cord metastasis. Cancer 1985;56:2305-14. 302 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 9 - octobre 2010