raconté à Juliette
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 1 - Janvier-février 2013
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Juliette, Hodgkin, Sternberg et Reed…
M.C. Béné*
*Laboratoire
d’hématologie,
CHU de Nantes.
C
e numéro est consacré au lym-
phome de Hodgkin, Juliette, une
maladie décrite pour la première
fois par un médecin anglais, Thomas
Hodgkin, en 1832.
Cet activiste qui a beaucoup milité en
faveur d’une amélioration des condi-
tions socio-économiques des plus défa-
vorisés, était aussi un globe-trotter qui
a énormément voyagé et embrassé de
nombreuses causes humanitaires. Féru
opérateur d’autopsies, il a rapporté en
janvier 1832 devant la Medical and
Chirurgical Society, 7 cas remarquables
par la présence d’une rate volumineuse
et de nombreux ganglions.
La publication de cette description
macroscopique a été retrouvée 33 ans
plus tard par un autre médecin lon-
donien, Samuel Wilks, qui s’apprêtait
à décrire lui-même cette maladie,
également observée sur ses critères
morphologiques, et qu’il pensait avoir
découvert. Il lui donna alors le nom de
maladie de Hodgkin, plus tard trans-
formée en lymphome de Hodgkin.
Étant le premier décrit, il est à noter
que tous les autres lymphomes sont
depuis désignés comme “non hodgki-
niens”. Bien que Hodgkin ait un peu plus
tard examiné les cellules du sang, il est
intéressant de remarquer que tant lui
que Wilks n’ont réalisé aucune descrip-
tion histologique. Pourtant cette entité
clinique se distingue essentiellement par
ses caractéristiques microscopiques, bien
décrites par 2 autres personnages, Carl
Sternberg et Dorothy Reed Mendenhall.
Carl Sternberg était un anatomopa-
thologiste autrichien et c’est en 1898
qu’il publie une description des grandes
cellules caractéristiques des patients
atteints d’un lymphome de Hodgkin,
qui avaient pourtant déjà été vues par
plusieurs scientiques. Ses 13 patients
présentaient également une tubercu-
lose, et il n’a pas réellement associé
les cellules observées à la seule mala-
die de Hodgkin, pensant que l’atteinte
ganglionnaire était liée à l’infection.
Dorothy Reed Mendenhall était une
femme médecin qui t un passage au
prestigieux Massachusetts Institute of
Technology avant de faire ses études
de médecine. Lauréate d’une bourse
d’internat, elle part travailler chez
William Osler, puis exerce en anato-
mopathologie et décrit les cellules
du Hodgkin, en 1902, en démontrant
clairement qu’elles ne sont pas liées
à la tuberculose. Cette expérience en
laboratoire ne préjugeait pas de sa car-
rière ultérieure de pédiatre, consacrée
à la santé de la mère et de l’enfant,
aux États-Unis mais aussi en France, en
Belgique, en Angleterre au Danemark
puis en Amérique Centrale.
Les cellules de Hodgkin-Reed-
Sternberg, qu’on peut abréger en “HRS”,
ne représentent qu’environ 1 à 10 % des
cellules des ganglions tumoraux qui
contiennent un inltrat cellulaire mixte
de divers types de cellules immuni-
taires (ou granulome). Des cellules lym-
pho-histiocytaires, proches des cellules
de Reed-Sternberg, sont présentes dans
la variante du lymphome de Hodgkin à
prédominance lymphocytaire. Dans les
2 cas, ce sont des cellules tumorales de
la lignée lymphocytaire B. On pense que
les cellules HRS sont des lymphocytes B
du centre germinatif ayant subi des
réarrangements délétères des gènes
des immunoglobulines qui auraient dû
conduire à leur apoptose. À côté de leur
grande taille, elles ont un aspect parti-
culier lié à leur caractère multinucléé
ou à leur noyau bilobé. Elles se carac-
térisent par l’expression de nombreux