Modèles de croissance économique

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Modèles de croissance économique
Alexandre Nshue M. Mokime
(Version préliminaire)
Kinshasa, Juillet 2012
Contenu du cours
Chapitre 1. Croissance et développement
1.
2.
3.
4.
Qu’est-ce que la croissance et pourquoi l’étudier ?
Croissance économique et bien-être
Différences de revenus entre pays
Convergence et divergence
Chapitre 2. Modèle de Solow : versions de base et augmentée
1.
2.
3.
Modèle de Solow : version de base
Modèle de Solow avec capital humain
Hypothèse de convergence
Chapitre 3. Modèle de croissance optimale
1.
2.
Modèle de croissance optimale sans progrès
Modèle de croissance optimale avec progrès
Chapitre 4. Modèle à générations imbriquées
1.
2.
Modèle canonique
Modèle avec des fonctions spécifiques
Chapitre 5. Modèles de croissance endogène
1.
2.
3.
4.
Modèle de croissance avec apprentissage par la pratique
Modèle de croissance avec capital humain
Modèle de croissance avec R&D
Modèle de croissance avec dépenses publiques
2
Chapitre 1.
Croissance économique et développement
D
ans ce chapitre introductif, il est question de fixer les vues sur certains concepts et de projeter
de la lumière sur les questions de base soulevées dans l’analyse théorique et empirique de la
croissance économique. Certaines données statistiques y sont présentées afin de montrer
l’importance des études sur la croissance économique et de mettre en évidence certaines
préoccupations soulevées dans l’analyse du développement.
1. Qu’est-ce que la croissance et pourquoi l’étudier ?
La croissance économique est considérée par certains comme l’un des phénomènes les plus
passionnants de la macroéconomie parce que tous les pays aspirent au bien-être et que ce dernier
n’est pas envisageable sans la croissance. Les pays présentant les meilleurs indicateurs de bien-être et
de développement sont ceux qui présentent les meilleures performances en termes de croissance.
Puisque l’Etat vise à réaliser le bien-être collectif, les décideurs de la politique économique se doivent
de prendre des mesures favorables à la croissance économique. La réalisation de la croissance est ainsi
un objectif essentiel de la politique économique qui se définit comme l’ensemble des mesures prises
par l’Etat dans le propos d’infléchir le comportement de l’économie dans un sens jugé préférable du
point de vue de la collectivité. Puisque tout individu recherche le bien-être, il faudrait que les mesures
prises dans le cadre de la politique économique aillent dans le sens d’une promotion de la croissance.
Qu’est-ce que la croissance économique ?
François Perroux définit la croissance économique comme un processus continu et soutenu
d’élévation du PIB réel d’un pays dans le temps. Ceci revient { dire que la croissance économique n’est
pas un fait du hasard mais plutôt une œuvre soutenue et qu’elle se traduit par un accroissement
continu du produit réel de toute l’économie. Il importe de noter que si d’une année { une autre, le
produit de l’économie s’accroît { un taux inférieur { l’accroissement de la population, la croissance
ainsi réalisée n’entraînera pas un accroissement du revenu par tête d’habitant. Il serait donc préférable
de la définir comme un processus d’élévation continu et soutenu du PIB par habitant du pays.
La croissance qui est mesurée par le taux d’augmentation du PIB, constitue aujourd’hui l’instrument
de référence principal pour la gestion { court terme et { long terme de l’ensemble des économies de la
planète, de même que pour la politique de développement et de progrès des sociétés humaines. Sur le
plan économique, le taux de croissance offre une mesure synthétique du degré de réalisation de la
plupart des objectifs de la politique économique : augmentation des revenus du travail et du capital et
accroissement de la richesse matérielle et du bien-être de la population ; augmentation de la capacité
de créer des emplois rémunérateurs pour tous ; élargissement de l’assiette fiscale pour la mobilisation
des moyens nécessaires au développement des services publics ; affirmation de la puissance
économique des pays vis-à-vis du reste du monde ; et accumulation de richesses et de pouvoir
assurant la sécurité de la collectivité pour l’avenir { long terme.
Pourquoi étudier la croissance économique ?
L’étude de la croissance économique est justifiée par la nécessité de comprendre comment par un
ensemble d’actions harmonieuses et concertées, une nation peut améliorer de manière soutenue, le
niveau de vie de sa population ou se libérer de l’ornière de la pauvreté. Une identification des
déterminants de la croissance et une bonne compréhension de leurs interactions devraient permettre
de bien concevoir une politique de développement.
3
Qu’est-ce qu’un modèle de croissance ?
Les modèles de croissance économique sont par définition, des schémas { l’aide desquels on essaie de
mettre en équation la manière dont l’activité économique d’aujourd’hui peut rejaillir sur l’activité
économique de demain afin de pouvoir explorer l’ensemble des voies de développement que les
ressources naturelles, économiques, financières et humaines du pays permettent d’atteindre.
Autrement dit, { l’aide des modèles, on essaie de mesurer l’impact de telle action ou de telle autre sur
l’état même de l’économie. On peut considérer les modèles de croissance comme étant des guides à
l’activité normative de la collectivité.
Qu’est-ce que le développement ?
La croissance n’est pas { confondre avec le développement. Ce dernier se définit comme un progrès
intégral de l’homme dans toutes les dimensions de son être { travers des facteurs démographique,
économique, socioculturel et politico-juridique. La croissance économique suppose un accroissement
du PIB réel alors que le développement tient également compte des aspects qualitatifs de la vie. Il
suppose dans le long terme, une amélioration des indicateurs de bien-être : niveau du revenu
individuel (pouvoir d’achat), qualité de l’alimentation, accès { l’éducation et { la santé, jouissance des
droits de base et des libertés fondamentales, etc.

Facteur démographique. Le développement est réalisé au plan démographique lorsque l’on
assiste à un bon planning familial de la part des ménages (équivalence entre les naissances et
les moyens financiers et matériels). C’est un rapprochant l’indice de fécondité et le niveau de
revenu par habitant que l’on peut se faire une idée sur le planning familial au sein d’une
collectivité.

Facteur économique. Le développement au plan économique suppose une amélioration des
procédés de production et la réalisation d’une croissance forte et soutenue du PIB réel. On
devrait non seulement assister à un accroissement continu du PIB réel mais aussi à une bonne
répartition de celui-ci entre les différentes couches de la population.

Facteur socioculturel. Le développement suppose également un épanouissement intellectuel
et culturel. En d’autres termes, il faudrait que les nations ou pays investissent conséquemment
dans l’homme, c’est-à-dire dans son éducation et dans sa santé. Les indicateurs qui
renseignent utilement à ce sujet sont : le taux de scolarisation, le taux de morbidité, et le taux
de mortalité.

Facteur politico-juridique. Le développement requiert aussi la garantie et la protection des
droits et la jouissance des libertés fondamentales. Par ailleurs, il doit être reconnu à chaque
citoyen le droit et la possibilité de s’exprimer sur le devenir de son pays et de mener une
activité politique librement selon les prescrits de la loi.
2. Croissance économique et bien-être
La croissance du revenu par habitant est une condition première de l’amélioration de l’ensemble des
principaux éléments constitutifs du domaine économique : la consommation, l’appareil de production,
les échanges extérieurs, l’activité des pouvoirs publics, la répartition du produit et du revenu, et la
réduction de divers déséquilibres.
4

La consommation. La croissance accroît la quantité de biens offerts sur le marché et assure
aussi le financement des biens et services publics dont dépend la consommation collective.

L’appareil de production. La croissance mesure les performances de l’appareil productif {
travers les valeurs ajoutées à chaque étape de la production. Par ailleurs, elle assure à
l’appareil productif les équipements et matières dont il a besoin, ainsi que ses possibilités de
débouchés. Elle ouvre ainsi les perspectives de profit qui motivent les détenteurs de capitaux,
et crée les perspectives d’emploi rémunérateur.

Les échanges extérieurs. La croissance permet l’entrée de devises, et donc la possibilité de
recourir aux produits et aux opportunités des marchés extérieurs ; elle assure aussi la
compétitivité et la puissance recherchée par chacun des acteurs internationaux dans un
système de relations axé sur la maximisation du profit. Ce système exige une grande
ouverture sur l’extérieur et restreint fortement les possibilités de protection ;

L’activité des pouvoirs publics. L’activité publique ne peut être financée que par des
prélèvements fiscaux sur l’activité marchande. Ainsi, les ressources de l’Etat sont
conditionnées par la croissance de l’activité productrice.

La répartition du produit et du revenu. On peut considérer que les rémunérations des
facteurs de production ne sont pas directement présidées par le rythme de la croissance ; mais
il reste qu’un rythme plus rapide de croissance facilite le partage, alors que sa réduction risque
de figer les positions acquises.

La réduction de divers déséquilibres. La croissance permet la réduction de divers
déséquilibres non seulement dans la mobilisation des ressources et la résorption des inégalités
de répartition, mais aussi dans la gestion des équilibres macroéconomiques fondamentaux,
tels que celui de la balance des paiements et celui de la lutte contre les pressions
inflationnistes.
Si l’on tient compte de l’importance centrale de cette dimension économique dans la conception
aujourd’hui prédominante du progrès social, on constate que le taux de croissance globale est devenu
l’expression la plus courante pour mesurer le progrès d’un pays, dans le passé comme dans l’avenir,
tant aux yeux des pouvoirs publics et des privés ou des acteurs de divers groupes sociaux. On en
trouve un témoignage éloquent dans la fréquence des références à la croissance dans les discours
politiques et dans les commentaires et les opinions diffusés quotidiennement par les médias. Le taux
de croissance et ses variations demeurent au cœur des préoccupations et des échanges politiques,
économiques et sociaux de la plupart des sociétés modernes.
3. Différences de revenus entre pays
Les données internationales font état d’importantes différences de niveau de revenus entre pays.
Alors que certains pays ont des revenus très élevés, plus de 30 000 USD par an (cas des Etats-Unis, de
l’Allemagne, du Japon, de Singapour, …), d’autres ont { peine 100 USD ou une centaine de dollars par
an (cas du Centrafrique, de la République démocratique du Congo, du Tchad, etc.). Ces écarts de
revenus s’expliquent essentiellement par les différences de performances en termes de croissance
économique. Comme l’indique le tableau ci-dessous, plusieurs pays ont vu leurs niveaux de revenus
s’accroître rapidement de 1960 { 1992 par le fait que leurs économies ont affiché d’importants taux de
croissance. D’autres ont connu une détérioration par le fait de la décroissance de leurs PIB.
5
Taux de croissance du PIB réel par tête : 1960 – 1992
(Croissance annuelle moyenne en %)
Taux de croissance les plus élevés
Pays
Taux de croissance
Hong Kong
6.5
Singapour
6.4
Taïwan
6.1
Malte
5.4
Japon
5.3
Botswana
4.9
Taux de croissance les plus faibles
Pays
Taux de croissance
Madagascar
-2.1
Tchad
-1.9
Mozambique
-1.5
Somalie
-1.2
Centrafrique
-1.0
Source : Summers – Heston [1991].
Les écarts pourraient s’expliquer aussi par les différences entre pays en termes de taux
d’investissement (ou d’épargne) et de taux de scolarisation car le niveau de revenu ou de salaire payé
{ une personne dépend de sa production, laquelle dépend des biens d’équipement mis { sa disposition
et de son background scolaire ou académique. C’est ce qui du reste ressort du tableau ci-après. Il faut
toutefois noter que la relation n’est pas parfaite mais elle est importante.
Revenu par habitant et taux de scolarisation en 2002
Pays de l’OCDE { revenu élevé
Pays en développement
Pays les moins avancés
Afrique Subsaharienne
Angola
Burkina Faso
Burundi
Congo Brazzaville
Mozambique
Niger
Rwanda
Revenu par habitant
(en USD PPA)
29000.0
4054.0
1307.0
1790.0
2130.0
1100.0
630.0
980.0
1050
800.0
1270.0
Taux de scolarisation
(en %)
93.0
60.0
43.0
44.0
30.0
22.0
33.0
48.0
41.0
19.0
53.0
Source : PNUD [2004].
Les différentes modèles que nous verront par la suite nous permettront d’avoir une idée claire sur les
déterminants de la croissance et sur la manière dont ils agissent sur le processus de production.
Quoique ces différents modèles semblent prendre des fois des orientations différentes, ils cherchent à
rendre compte d’une même réalité, tout dépend de l’aspect sur lequel l’analyste voudrait le plus
insister.
4. Convergence et divergence
Le tableau ci-dessous renseigne sur le comportement des revenus individuels de certains pays entre
1960 et 2003 et il fait également un rapprochement entre les revenus des pays à celui des Etats-Unis. Il
montre que certains pays ont pu réduire l’écart de revenu par rapport aux Etats-Unis alors que
d’autres s’en sont écarté davantage. Ces évolutions demandent à être expliquées pour une meilleure
compréhension du processus de croissance économique. En d’autres termes, il y a nécessité
d’identifier les facteurs { la base du processus de convergence ou de divergence.
6
Ecarts de revenu entre quelques pays et les Etats-Unis :1960 – 2003
PIB/tête en
PPA 1996
1960
2003
Croissance négative
Madagascar
1240
764
Nigéria
1033
992
Zambie
1207
828
Tchad
1212
1143
Sénégal
1818
1557
Croissance lente
Rwanda
938
1198
Kenya
796
980
Afrique du Sud
4962
9774
Ghana
866
2114
Philippines
2015
4082
Croissance rapide
Chine
682
4726
Thaïlande
1091
7175
Botswana
958
8232
Corée du Sud
1495
16977
Singapour
2161
23127
Pays industrialisés
Japon
4545
26420
France
7825
26146
Etats-Unis
12273
35484
Canada
10384
28981
Royaume-Uni
9674
25645
Ratio du PIB/tête de 2003
sur celui de 1960
Croissance annuel
moyen : %
Ratio du revenu sur
Revenu américain
1960
2003
0.62
0.96
0.69
0.94
0.86
-1.26
-1.05
-0.63
-0.38
-0.22
0.10
0.08
0.10
0.10
0.15
0.02
0.02
0.02
0.03
0.04
1.28
1.23
1.97
2.44
2.03
0.13
1.02
1.07
1.17
1.29
0.08
0.06
0.40
0.07
0.16
0.03
0.03
0.27
0.06
0.12
6.93
6.58
8.59
11.4
10.7
4.47
4.62
5.33
5.97
6.30
0.06
0.09
0.08
0.12
0.18
0.13
0.20
0.22
0.48
0.64
5.81
3.34
2.89
2.79
2.65
4.11
2.60
2.43
2.35
2.01
0.37
0.64
1.00
0.85
0.79
0.75
0.73
1.00
0.98
0.73
Source : Penn World Tables et Banque mondiale citées par Perkins – Radelet – Lindauer [2008].
7
Chapitre 2.
Modèle de Solow : versions de base et augmentée
Q
u'est-ce qui est à la base de la croissance du revenu individuel des pays dans le long terme?
Qu'est-ce qui fait que certains pays soient si riches et d'autres si pauvres? Qu'est-ce qui est à la
base des écarts ou du creusement des écarts de niveau de vie entre pays? Ces questions ont
retenu et continuent { retenir l’attention des économistes et experts en développement. Les analystes
– particulièrement Solow [1956] et Swan [1956] – se sont proposés de mettre en évidence les
déterminants de la croissance économique et de caractériser son comportement dans le long terme. Il
se dégage des analyses que les principaux déterminants de la croissance sont le progrès technique,
l’accumulation du capital et le travail. Dans le long terme, compte tenu de l’hypothèse de la
décroissance de la productivité marginale des facteurs capital et travail, le modèle de Solow établit
que seul le progrès technique expliquerait un rythme soutenu d’accroissement du revenu par habitant.
1. Le modèle de Solow : version de base
Le modèle de Solow focalise son attention sur la dynamique de quatre variables: la production réelle
de l'économie représentée par Y, le capital physique K, la main-d'œuvre L et les connaissances ou
l'efficience du travail A. L'économie dispose à chaque instant, d'un certain stock de capital, d'un
nombre donné de travailleurs et d'un stock de connaissances lui permettant de produire. Sa fonction
de production s'écrit :
Y = F(K, AL).
Dans cette fonction de production, il est formulé l'hypothèse d'un progrès technique neutre au sens
de Harrod (labor augmenting), car A multiplie L. Autrement dit, le progrès technique touche
l'économie à travers une amélioration de la productivité du facteur travail. Cette hypothèse tient
essentiellement au fait que les données réelles indiquent une tendance à la hausse des rémunérations,
hausse justifiée par l’amélioration de la productivité des travailleurs.
Postulats du modèle
Les changements du PIB dans le temps sont dus aux changements des quantités de facteurs de
production utilisés et du progrès technique. Grâce à ce dernier, l'on peut assister à un accroissement
du produit de l'économie avec les mêmes quantités utilisées de capital et de main-d'œuvre. Les
hypothèses faisant la particularité du modèle de Solow sont les suivantes.



Les ménages sont composites en ce qu’ils sont { la fois producteurs et consommateurs
(économie de Robinson Crusoé).
Les pays ne produisent et ne consomment qu’un seul bien. Ce qui suppose qu’il n’y a pas de
commerce international, car les membres des différents pays n’ont pas d’intérêt d’échanger
des biens identiques. L’économie de Robinson Crusoé étant ainsi fermée, la production est
nécessairement égale { la demande et l’investissement { l’épargne. Ainsi, l’explication
keynésienne de la crise par l’insuffisance de la demande ne rencontre pas le cadre d’analyse
du modèle de Solow.
La technologie de production est exogène dans ce sens que les firmes ne peuvent pas la
modifier par leurs dépenses de recherche et développement.
8
Hypothèses spécifiques à la fonction de production
Le modèle de Solow suppose que la fonction de production est well behaved, c'est-à-dire qu'elle vérifie
toutes les conditions néoclassiques de régularité : sa dérivée première est positive et sa dérivée
seconde est négative.
F (.)  0 et F (.) < 0.
Dans cette fonction, tous les facteurs sont importants, ils sont imparfaitement substituables
[l’élasticité de substitution est non nulle], leurs productivités marginales sont décroissantes et ils sont
rémunérés en fonction de leurs productivités. Par ailleurs, le modèle postule que la fonction de
production est caractérisée par des rendements d'échelle constants, c'est-à-dire qu'en multipliant K et
AL par un scalaire m, l'effet sera de voir le produit de l'économie être multiplié par ce même scalaire.
mY = F(mK, mAL).
L'hypothèse de rendements d'échelle constants qui a été formulée entre autre pour permettre de
faire une analyse en termes de revenu par tête d'habitant, suppose que l'économie considérée est
suffisamment développée. Dans une économie peu développée, les rendements devraient
normalement être croissants. En posant que m = 1/AL, on peut ramener la fonction de production
macroéconomique à une expression de la production par unité efficiente de travail qui s'écrit :
y = f(k).
y est le produit par travailleur efficient et k l'intensité capitalistique par travailleur efficient.
Courbe représentative de la production par travail efficient
y
y = f(k)
k
Compte tenu des développements ci-dessus, le produit de l'économie peut être donné par la relation :
Y = Af(k)L.
Si on posait que m = 1/L, on obtiendrait le produit par travailleur Y/L, soit :
Y/L = f(K/L, A).
K/L représente l'intensité capitalistique, c'est-à-dire le capital par travailleur. En faisant un
rapprochement de y et Y/L, on peut bien établir que: Y/L = Af(k). Même si f(k) est constant, le produit
par tête va croître sous l’effet du progrès technique.
9
En plus des conditions sus évoquées, il faudrait que la fonction de production vérifie les conditions de
régularités définies par Inada [1964] :
f(0) = 0,
limk
0
f (.) = ∞ et limk
∞
f (.) = 0.
Les conditions d’Inada sont des conditions aux bornes qui garantissent l’existence d’une solution. Elles
supposent que le produit marginal du capital est très élevé lorsque l'intensité capitalistique est faible
et il est bas lorsque l'intensité capitalistique est très importante.
Hypothèses spécifiques aux décisions de consommer et d'investir
Dans le modèle, il est admis que chaque individu ou travailleur consomme une fraction (1 – s) de son
revenu et affecte le reste à l'épargne. Cette dernière finance l'investissement.
c = (1 – s)y et i = sy.
s représente la propension marginale à épargner et (1 – s) la propension marginale à consommer.
Cette hypothèse n'est rien d'autre que l’expression de la loi psychologique fondamentale formulée par
Keynes [1936]. Lorsque le revenu augmente, la consommation croît également mais à un rythme
moins important.
Hypothèses spécifiques à l'évolution des facteurs de production
Facteur capital. Au fil du temps, le stock de capital physique de l'économie ou du pays croît – grâce
à l'investissement réalisé par les individus – d'un montant sY et diminue – à la suite de l'amortissement
ou de l’obsolescence – d'un montant constant δK. Ainsi, on aura la relation :
dK/dt = sY – δK.
Facteur travail. Le modèle suppose que la main-d'œuvre croît de manière continue à un taux n.
Dans ces conditions, on écrit :
dL/dt = nL
avec n une grandeur exogène. Si au temps 0, le nombre de travailleurs est L(0), au temps t on aura
L(t) = L(0)ent.
Progrès technique. L'évolution du stock de connaissances est similaire à celle de la main-d'œuvre
à la seule différence que l'accroissement des connaissances s'orchestre à un taux g. On aura ainsi :
dA/dt = gA.
g est une grandeur exogène. Si au temps 0, le stock de connaissances de l'économie ou du pays est
A(0), au temps t on aura A(t) = A(0)egt.
Equations fondamentales et dynamique du modèle
Toute l’architecture du modèle de Solow repose sur deux équations : la fonction de production et celle
d’accumulation du capital physique. La fonction de production renseigne sur le produit que l’économie
peut réaliser { l’aide de sa technologie et des facteurs de production disponibles et celle
d’accumulation décrit le processus de formation du capital physique.
10
Etant donné que l'étude de la croissance a pour point de départ, la question de savoir pourquoi les
individus de certains pays sont si riches et ceux d'autres pays si pauvres, la caractérisation de la
dynamique de l'économie se fera à partir des expressions par tête ou travailleur efficient. Sous sa
forme intensive, la fonction de production de l'économie s'écrit :
y = f(k).
Cette relation établit que le produit d'un travailleur efficient dépend de la quantité de capital et de
connaissances qu'il utilise pour produire. Ce qui revient à dire que le comportement de y dans le temps
dépendra du comportement de k. Il serait dès lors intéressant sinon nécessaire de connaître
l'évolution de k dans le temps pour bien appréhender la dynamique de y.
Puisque k est donné par le rapport K/AL, son taux de croissance noté gk sera donné par la différence
gK – g – n et l’équation d’accumulation du capital par travailleur efficient s'écrira :
dk/dt = sf(k) – (g + n + δ)k.
sf(k) représente l'investissement courant et (g + n + δ)k représente l'investissement de point mort,
c'est-à-dire l'investissement qu'il faut réaliser pour maintenir inchangée l'intensité capitalistique. Si
sf(k) est supérieur à (g + n + δ)k, l'intensité capitalistique aura à augmenter et si c'est l'inverse, elle
aura à diminuer au fil du temps.
Dynamique du modèle
La position d'équilibre de l'économie dans long terme correspond à un état stationnaire (ou régime
permanent) pour lequel l'intensité capitalistique cesse de varier. On doit y vérifier l'égalité suivante :
sf(k) = (g + n + δ)k.
A cet état, l’investissement réalisé par les individus compense exactement les effets du progrès
technique, de la croissance démographique et de l’amortissement sur l’intensité capitalistique de
l’économie. Ainsi, on n’observera pas une décroissance du produit par tête quand bien même il y a
croissance de l’effectif de la population active.
Détermination du régime stationnaire
(g + n + )k
sf(k)
sf(k*) = (g + n + )k*
k1
k*
k2
k
Comment se comporteraient les variables caractéristiques de l'économie lorsqu’on atteint l’état
stationnaire? Par hypothèse, L et A croissent respectivement au taux n et g. Le stock de capital étant
K = ALk et puisque on est en régime permanent, son taux de croissance sera g + n. L'hypothèse de
rendements d'échelle constants implique que le PIB, Y va croître à un même taux que K et AL. Ainsi, le
produit par tête Y/L et le capital par tête K/L vont tous deux croître au taux g. Le modèle établit que
11
l'économie converge vers un sentier de croissance équilibré le long duquel les différentes variables
caractéristiques croissent à un même taux.
Il est possible de montrer qu’{ l’équilibre, le ratio revenu sur capital est constant. Puisque en régime
permanent, on doit vérifier que sf(k) = (g + n + δ)k, on peut donc établir que :
f(k)/k = (g + n + δ)/s.
Ce résultat laisse entendre que f(k) et k croissent au fil du temps, à un même taux. Au sens de Solow,
c'est le progrès technique qui explique ou justifie un accroissement soutenu du revenu individuel.
Effet d’une hausse du taux d’épargne sur la croissance économique
Lorsque les individus relèvent leur taux d’épargne, ils accroissent les possibilités de production de
l’économie en entraînant, toutes choses restant égales par ailleurs, un approfondissement de
l’intensité capitalistique. En déplaçant vers le haut la courbe sf(k), une hausse du taux d’épargne
entraîne un accroissement de l’intensité capitalistique (passage de k1* à k2*).
Effet d’une hausse du taux d’épargne
(g + n + )k
s2f(k)
s1f(k)
k1*
k2*
k
Il faudrait noter que le relèvement du taux d’épargne exerce un effet de niveau, c’est-à-dire qu’il
entraîne un accroissement de l’intensité capitalistique et non pas un accroissement du taux de
croissance du produit par travailleur efficient. En d’autres termes, le relèvement ne fait que modifier le
sentier de croissance mais pas le rythme de croissance.
Le taux d’épargne est le principal déterminant du capital par tête de l’état stationnaire. Puisque la
croissance est au service de l’homme, il faudrait définir le taux d’épargne de manière { maximiser la
consommation par tête. Cette considération renvoie { la règle d’or de l’accumulation du capital
(Golden rule) énoncée par Phelps [1961].
Si le taux de croissance de régime permanent est indifférent au taux d’épargne, il n’en est pas ainsi
pour le produit par travailleur et le revenu individuel. Du fait que l’investissement est financé par
l’épargne, l’intensité capitalistique tout comme le stock de capital de l’économie est fonction du taux
d’épargne des ménages. Ceci conduit { s’interroger sur le niveau optimal du taux d’épargne.
Puisque la consommation et le taux d’épargne diffèrent entre les sentiers de croissance, il faudrait
déterminer la croissance de régime permanent qui maximise – en tout point de temps – la
consommation par tête étant donné le progrès technique, la croissance démographique et
l’amortissement du capital.
12
Soit k*(s) l’intensité capitalistique de régime permanent associé { un taux d’épargne donné, et f(k*(s))
le produit par tête qu’il autorise. La consommation par tête en régime permanent sera donnée par :
c = f(k*(s)) – sf(k*(s)).
Du fait de l’égalité de l’investissement courant et de l’investissement de point mort, la relation cidessus s’écrit :
c = f(k*(s)) – (g + n + )k*(s).
Accroître le taux d’épargne élève le capital : k(s)  0, mais réduit la consommation par travailleur. Par
conséquent, le taux d’épargne optimal doit pondérer au mieux ces deux effets, c’est-à-dire maximiser
la consommation. En prenant la condition du premier ordre de la maximisation, on arrive à :
dc/ds = [f (k) – (g + n + )(dk*/ds) = 0.
La solution unique sor de cette équation doit vérifier que la productivité marginale du capital soit égale
à la somme du taux de progrès technique, du taux de croissance démographique et du taux
d’amortissement, soit :
f (kor*) = g + n + .
Une situation dans laquelle l’intensité capitalistique est supérieur { k* traduit une inefficience
dynamique, car l’on peut consommer davantage aujourd’hui et demain en réduisant le taux d’épargne.
Si l’intensité capitalistique est inférieure { k*, il faudra accroître temporairement le taux d’épargne
pour relever le revenu individuel et la consommation d’équilibre1.
Taux d’épargne et règle d’or
y
(g + n + )k
f(k)
cor*
ior*
0
sorf(k)
kor*
k
Il existe un taux d’épargne sor permettant { la fois d’obtenir l’intensité capitalistique kor* et de
maximiser la consommation par tête. Ainsi, toute variation du taux d’épargne en déplaçant la courbe
sf(k), conduit vers un régime permanent donnant lieu à une consommation inférieure à cor*. L'effet de
la hausse du taux d'épargne s sur le produit par tête en régime permanent est donné par :
dy*/ds = f (k*)(dk*/ds).
Puisqu'à l'équilibre de long terme on vérifie que sf(k*(s)) = (g + n + δ)k*(s), on peut établir que :
sf (k*)(dk*/ds) + f(k*) = (g + n + δ)(dk*/ds).
1
Voir Burda – Wyplosz [1993] et Mankiw [1999].
13
En résolvant cette équation par rapport à (dk*/ds), on obtient :
dk*/ds = f(k*)/[(g + n + δ) – sf (k*)].
Il vient ainsi que :
dy*/ds = f (k*)f(k*)/[(g + n + δ) – sf (k*)].
A partir de cette dernière relation, on peut déterminer l'élasticité de y* par rapport à s notée εys. Cette
dernière est donnée par :
εys = a/(1 – a).
a = kf (k) /f(k) représente l'élasticité de la production par rapport au facteur capital. Ce résultat
montre que l'effet de la hausse du taux d'épargne sur la production est positif. Les travaux empiriques
ont montré que dans bien des cas, a = 0.33 et εys = 0.5. Ceci montre que l'effet de la hausse du taux
d’épargne s sur le revenu individuel y est positif mais négligeable.
Vitesse de convergence vers le régime permanent
Le modèle de Solow établit que l'équilibre de long terme est globalement stable, c'est-à-dire qu'en
partant d'une valeur de k supérieure tout comme inférieure à k*, le système converge vers sa position
d'équilibre. Il serait dès lors intéressant de connaître la vitesse à laquelle cette convergence vers l'état
stationnaire est orchestrée. Etant donné que dk/dt > 0 lorsque k < k*, dk/dt < 0 lorsque k > k* et
dk/dt = 0 lorsque k = k*, on peut considérer et exprimer dk/dt comme une fonction de k.
Considérons une économie dont la technologie de production est de type Cobb-Douglas : Y = Ka(AL)1 – a.
La fonction étant homogène de degré un, on peut la ramener à sa forme intensive, soit :
y = ka .
A l’état stationnaire, l’intensité capitalistique et le produit par travailleur efficient sont respectivement
donnés par :
1

 1a
s

k*  
 g nδ
a
et

 1a
s
 .
y*  
 g nδ
Etant donné que s, g, n et  sont des constantes, on établit aisément qu’en régime permanent, le
rapport k sur f(k) est constant. La fonction d’accumulation du capital par travailleur efficient s’écrit :
dk
 sk a  ( g  n   )k .
dt
Pour résoudre cette équation, posons que x = k1 – a. Etant donné que dx/dt = (1 – a)k–adk/dt, on établit
que :
dx
 (1  a)s  ( g  n   )x.
dt
La solution de cette équation différentielle est :
x(t) 

 ( 1a)( g n )t
s
s
 x(0) 
.
e
g  n 
g  n 
14
En résolvant en termes de capital par travailleur efficient, on obtient :
1


 ( 1a)( g n )t 
s
s

 1a
k (t)  
 k (0) 1a 
 .
e
g  n 


g  n 

On dira que le sentier temporel de k(t) est convergent si sa limite lorsque t tend vers l’infini est égale {
sa valeur d’équilibre k*. Cette relation montre que le sentier temporel de k est convergent et que la
vitesse de convergence est fonction de la distance qui sépare k(t) de k*. La vitesse de convergence
correspond à :
(1 – a)(g + n + ).
Ainsi, la convergence vers la position d’équilibre sera lente si a est important et vice-versa. Etant donné
qu'à l'état stationnaire k* et y* croissent à un même taux, on établit aisément que y(t) convergence
vers sa position d’équilibre de long terme { la même vitesse.
2. Le modèle de Solow avec capital humain
Mankiw – Romer – Weil [1992] se sont proposés d’intégrer dans le modèle de Solow, l’évolution de la
qualité de la main-d’œuvre afin de mieux rendre compte du déroulement de la croissance
économique. Ceci se justifie par le fait qu’on peut accroître le capital humain en investissant dans le
système éducatif, dans le système de santé, etc. Leur analyse part de la thèse selon laquelle
l’accumulation du capital physique ne suffit pas (dans le modèle de Solow) pour expliquer la disparité
des performances économiques.
Postulats du modèle
La fonction de production de l’économie est une Cobb-Douglas et s’écrit :
a  0, b  0, a + b  1.
Y = KaHb(AL)1 – a – b,
H représente le stock de capital humain, L désigne le nombre de travailleurs et K représente le stock de
capital. On suppose que les individus consacrent une fraction de leurs revenus sK { l’acquisition des
biens d’équipement et une fraction sH { l’accumulation du capital humain. Il vient alors que :
K = sKY – K
H = sHY – H.
Etant donné que l’objectif du modèle n’est pas celui d’expliquer la croissance mondiale mais plutôt
d’expliquer les disparités internationales de niveau de vie, on supposera que le progrès technique croît
à un taux exogène constant, g :
A = gA.
Dynamique de l’économie
La fonction de production étant homogène de degré 1, on peut écrire
y  k a hb
avec k  K / AL , h  H / AL et y  Y / AL . Compte tenu de ces définitions, on arrive à montrer que les
évolutions du capital physique et du capital humain par travailleur efficient dans le temps sont
respectivement données par :
15
k  s K y  (n  g  δ)k
h  s H y  (n  g  δ)h.
En régime permanent, les variations de l’intensité capitalistique et du capital humain par tête seront
nulles. Dans ces conditions, on aura :
s K y  (n  g  δ)k
s H y  (n  g  δ)h.
Le rapport de ces deux relations donne:
sK k
 .
sH h
En utilisant ce résultat et la fonction de production intensive, on arrive à établir que :
1
 s 1- b s b  1a b
k*   K H 
n g δ
1
 s a s 1a  1a b
h*   K H 
 n g δ
et
Par conséquent, dans le long terme, le produit par travailleur efficient sera donné par :
 a b 


a
b

  1a b  1a b 1a b
1

.
y*  
sK
sH
 n g δ
Ainsi, l’investissement dans le capital physique et l’investissement dans le capital humain expliquent
conjointement le niveau du revenu individuel. Cette conclusion est un peu différente de celle de Solow
qui ne retient que le capital physique comme déterminant du revenu individuel.
En partant d’une fonction de production de la forme : Y = Ka(AL)1 – a, le produit par travailleur efficient
du modèle de Solow est donné par :
 a 


a

  1a  1a
1

y*  
s .
n g δ
Différences entre modèle de Solow et modèle de MRW
Pour rendre compte, d'un point de vue empirique, des différences d'interprétations entre le modèle
de Solow et le modèle de Mankiw – Romer – Weil, on peut considérer une forme spécifique de la
fonction de production: une Cobb – Douglas par exemple. Dans le modèle de Solow, la fonction s'écrit
Y = Ka(AL)1 – a et sous sa forme intensive, elle prend la forme y = ka avec y = Y/AL et k = K/AL. Dans le
modèle de Mankiw – Romer – Weil, elle s'écrit Y = KaHbAL1 – a – b et sa forme intensive est y = kahb avec
y = Y/AL, k = K/AL et h = H/AL.
En régime permanent, l'équation réduite du modèle de Solow prend la forme log-linéaire suivante :
ln y = (a/1 – a)ln sK – (a/1 – a)ln (g + n + δ).
Dans le modèle de Mankiw – Romer – Weil, l'équation réduite s'écrit :
ln y = (a/1 – a – b)ln sK + (b/1 – a – b)ln sH – (a + b/1 – a – b)ln (g + n + δ)
16
où sK représente la part du revenu allouée { l’acquisition du capital physique et sH la part du revenu
allouée { l’acquisition du capital humain. Si a = 0.35 et b = 0.40, dans le modèle de Solow, l'élasticité du
produit par rapport à sK est de 0.54 et par rapport à (g + n + δ) de – 0.54. Par contre dans le modèle de
Mankiw – Romer – Weil, l'élasticité de la production par rapport à sK est de 1.4, par rapport à sH de 1.6
et par rapport à (g + n + δ) de –3.0. Au regard de ces écarts en termes d'élasticité, le modèle de
Mankiw – Romer – Weil est en mesure de rendre compte des disparités de niveau de vie entre pays à
l'échelle internationale.
Avec les mêmes valeurs des paramètres a et b, si l'on considère deux pays dont l'un a des taux
d'épargne sK et sH deux fois plus élevés que l'autre et que la somme (g + n + δ) dans le premier pays est
plus faible de 20.0 %, on peut rendre compte des aptitudes des deux modèles à rendre compte des
différences de niveau de revenu. Le modèle de Solow établit que le premier pays a un revenu par
habitant 2 fois plus élevé que le deuxième alors que dans celui de Mankiw – Romer – Weil, le revenu du
premier pays est presque 16 fois plus élevé. En fixant g + δ à 0.05, le modèle empirique de
Mankiw – Romer – Weil prend la forme ci-après :
ln yi = a0 + a1[ln sKi – ln (0.05 + ni)] + a2[ln sHi – ln (0.05 + ni)] + i
où i est l'indice des pays et  le terme d'erreur. Sur un échantillon de 98 pays qui couvre la période
1960 – 1985, ils ont obtenu des résultats statistiquement significatifs: a0 = 7.86, a1 = 0.73, a2 = 0.67,
R2Corr = 0.78 et l'erreur-type de l'équation est égal à 0.51. Ces résultats sont confirmés par les données,
les parts du capital physique et du capital humain qui s'en déduisent sont acceptables et la régression
explique à près de 80.0 % les différences de revenu par tête d'habitant entre pays.
Que disent les faits ?
En se fondant sur l’analyse de Solow, plusieurs travaux empiriques ont tenté de rendre compte du
phénomène croissance économique. La comptabilité de la croissance2 à laquelle ils se sont livrés
indique qu’une bonne part de la croissance observée dans les pays développés ne relève pas de la
contribution des facteurs de production : le capital et le travail. Ceci confirme la thèse de Solow selon
laquelle le progrès technique serait au centre de la croissance économique dans le long terme.
Solow est arrivé à établir que 87.5 % du doublement du produit par habitant des Etats-Unis entre 1909
et 1949 étaient attribuables au progrès technique. Autrement dit, seulement 12.5 % de cette croissance
du revenu individuel sont attribuables { l’augmentation du capital par travailleur.
Décomposition de Solow : 1913 – 1987
(Taux de croissance annuels moyens)
Produit National Brut
Contribution des facteurs
Résidu de Solow
France
2.8
1.2
1.6
Allemagne
3.0
1.4
1.6
Japon
5.1
3.3
1.8
Pays-Bas
3.0
1.9
1.1
Angleterre
2.0
1.2
0.8
Etats-Unis
3.0
2.2
0.8
Source : Burda – Wyplosz [1993].
La comptabilité de la croissance part de l’hypothèse que les salaires reflètent la productivité. Mais
cette façon de faire est très restrictive car la part non expliquée de la croissance demeure trop
importante. Certains travaux se sont proposés d’enrichir la décomposition de Solow en faisant
intervenir d’autres facteurs susceptibles d’agir sur la productivité de l’économie ou des travailleurs tels
que le niveau de scolarisation, la qualité de la main-d’œuvre, l’état de santé des individus, etc.
2
La plupart des travaux reposent sur la décomposition de Solow : gY = a0 + a1gK + a2n + ε où gY représente le taux de
croissance du PIB, gK le taux de croissance du stock de capital, n le taux de croissance démographique et є le terme
d’erreur du modèle. C’est ce dernier élément de l’équation (que l’on appelle résidu de Solow) qui mesure la
contribution du progrès technique dans la croissance.
17
Denison [1985] a montré qu’aux Etats-Unis, le capital humain (éducation et santé) joue un rôle
important dans la productivité totale des facteurs. De 1929 { 1982, l’économie américaine a réalisé un
taux de croissance moyen de 3.1 % et selon Denison, 25.0 % de cette croissance sont dus à
l’accroissement des heures travaillées { qualification inchangée, 12.0 % { l’augmentation du stock de
capital, donc 37.0 % de cette croissance proviennent du total des facteurs quantitatifs. Il montre aussi
que 16.0 % de cette croissance proviennent de l’élévation du niveau d’éducation et de qualification,
11.0 % de l’amélioration de l’allocation des ressources (transferts de la main-d’œuvre des secteurs
faiblement productifs vers d’autres plus productifs), 11.0 % aux économies d’échelle et 34.0 % {
l’accroissement des connaissances ou progrès technique au sens strict.
Certaines études sur la comptabilité de la croissance pour le Canada et les États-Unis offrent une autre
perspective utile sur la question du capital humain. Elles indiquent que l’augmentation de la qualité du
travail correspond { un déplacement de la composition de l’intrant travail selon une classification qui
tient compte du sexe, de la catégorie d’emploi, de l’âge et de la scolarité.
Qualité du travail comme facteur explicatif du résidu de Solow : Canada et États-Unis
(Croissance annuelle moyenne en %)
1961 – 1995
Croissance de la valeur ajoutée
Contribution de la qualité du travail
Résidu de Solow
Part du résidu représentée par la qualité du travail
3.71
0.33
1.68
0.20
Croissance de la valeur ajoutée
Contribution de la qualité du travail
Résidu de Solow
Part du résidu représentée par la qualité du travail
3.14
0.36
1.44
0.25
1961 – 1973
1973 – 1988
Canada
5.56
3.27
0.47
0.19
3.22
0.92
0.15
0.21
Etats-Unis
4.41
2.57
0.50
0.24
2.65
0.86
0.19
0.28
1988 – 1995
1.48
0.38
0.66
0.58
2.18
0.39
0.64
0.61
Source : Harris [2002].
En se rapportant aux grands groupes de pays, on établit facilement que les indicateurs éducatifs et les
indicateurs économiques évoluent plus ou moins parallèlement. En 2002, les pays de l’OCDE { revenu
élevé ont affiché un PIB par tête moyen de 29000.0 USD et un taux de scolarisation combiné de 93.0 %,
tous niveaux confondus. Dans leur ensemble, les PED ont affiché pour les mêmes années, en moyenne
un PIB de 4054.0 USD et un taux de scolarisation brut de 60.0 %.
Si l’éducation peut sans conteste stimuler la croissance, elle ne le fait que dans certaines limites et
conditions. Il est toutefois réducteur de ne considérer l’éducation que sous l’angle de sa contribution {
la croissance. En effet, elle peut être aussi considérée comme un droit fondamental pour tous. Enfin, il
faut des fois émettre des réserves quant au rôle positif de l’éducation dans la croissance lorsqu’on
observe des personnes économiquement prospères alors qu’elles n’ont aucun niveau d’instruction.
3. L’hypothèse de convergence
Compte tenu du corps d’hypothèses sur lequel repose le modèle de Solow, une question de rattrapage
ou de convergence des économies { l’échelle internationale a été posée. Sous les hypothèses de la
décroissance des rendements factoriels et de rémunération des facteurs de production à leur
productivité marginale ainsi que celle de mobilité parfaite des capitaux { l’échelle internationale, il a
été montré que le modèle de Solow suggère une convergence de toutes les économies vers un même
niveau de revenu par habitant. Ainsi, les disparités internationales de niveau de vie devraient
disparaître dans le long terme.
18
L’origine et le contenu de l'hypothèse de convergence absolue
L’hypothèse de convergence absolue repose sur le principe ou l’idée selon laquelle les économies des
pays pauvres – quelques soient leurs conditions initiales – tendent à croître plus vite que celles des
pays riches de sorte à rattraper – dans le long terme – le niveau de revenu par tête des pays riches. A
partir de l’équation d’ajustement du capital par tête dans le modèle de Solow, on peut déterminer le
taux de croissance de l’intensité capitalistique gk, soit :
gk  sf(k)/k – (g + n + ).
L’économie atteint un état stationnaire lorsque dk/dt = 0, c’est-à-dire lorsque :
sf(k*) = (g + n + )k* ou encore sf(k*)/k* = (g + n + ).
Il se dégage de la figure ci-dessous que l’intensité capitalistique sera croissante pour des valeurs de k
inférieures à k* et décroissante pour des valeurs supérieures à k*. On peut donc conclure que les pays
pauvres en capital devraient voir leur intensité capitalistique croître et les pays à forte accumulation
voir leur intensité capitalistique diminuer.
Evolution de l’intensité capitalistique
sf(k)/k
Δk  0
(g + n + )
Δk  0
0
k*
k
Du fait de la décroissance des rendements factoriels, on établit que le rythme d’accumulation est
proportionnellement inverse { l’intensité capitalistique. Ainsi, les pays riches en capital devraient avoir
des taux de croissance du capital par tête inférieurs aux pays pauvres, ce qui devrait entraîner une
réduction des disparités internationales de niveau de vie.
Convergence absolue
gk/pauvre
gk/riche
(g + n + )
sf(k)/k
kp
kr
k*
k
19
Le processus de convergence absolue n’a été que partiellement corroboré par les faits : les pays qui
affichaient les revenus par tête les plus élevés au début du 19ième siècle demeurent parmi les plus riches
d’aujourd’hui quoique certains pays se soient libérés de la pauvreté3. Le revenu par tête de l’Europe
occidentale qui a été 2.9 fois supérieur { celui de l’Afrique en 1820, l’était de 13.2 fois en 1992
(Madisson [2001]). Ceci montre que certains PED sont pris dans un piège de pauvreté associant des
faibles niveaux de revenu par tête à des taux de croissance médiocres.
La convergence conditionnelle et les clubs de convergence
La propriété de convergence absolue correspond très mal aux données empiriques parce qu’elle ne
fait pas des caractéristiques de l’économie des éléments explicatifs du processus de rattrapage.
Comment peut-on espérer une convergence spontanée des économies des pays pauvres vers celles
des pays riches alors qu’ils n’ont pas les mêmes taux d’épargne et technologies de production. En tout
état de cause, une appréciation pertinente du processus de convergence devrait procéder d’un
ensemble de pays présentant plus ou moins les mêmes caractéristiques ou structures économiques,
c’est-à-dire des pays similaires. Autrement dit, la convergence est conditionnelle, et cela a été établi
d’un point de vue empirique par les travaux de Barro [1991] et de Heston – Summers [1991].
Convergence conditionnelle
srichef(k)/k
gk/richre
gk/pauvre
(g + n + )
spauvref(k)/k
kp
k p* k r
kr*
k
L’idée de convergence conditionnelle suppose que les pays convergent mais vers des régimes
permanents différents. Dans le modèle de Solow, comme on l’a vu, l’état stationnaire dépend du taux
d’épargne, du taux d’amortissement du taux de croissance démographique et du taux d’amélioration
de la productivité de l’économie. En se basant sur la situation des pays européens, Quah [1996] a
montré qu’il existait bel et bien une relation de sens inverse entre taux de croissance du produit par
habitant et le produit par habitant initial dès lors que sont pris en considération les différences de
caractéristiques structurelles.
Les différences de technologies de production et des taux d’épargne sont prises en compte dans la
figure ci-dessus pour montrer que les pays pauvres ne convergent pas vers les pays riches. Ainsi, un
pays qui, initialement, a un niveau plus faible d’intensité capitalistique, ne croît pas forcément { un
taux supérieur { un pays disposant d’une intensité capitalistique plus grande :
gk/pauvre  gk/riche.
La notion de club de convergence renvoie à la mise en évidence du processus de rattrapage (ou
convergence) dans un ensemble précis de pays appelé club. L’idée de base est qu’il pourrait y avoir
convergence entre pays d’un même groupe ou club et absence de convergence entre pays de groupes
ou clubs différents. Au sens de Galor, les pays qui partagent les mêmes caractéristiques structurelles
3
Il s’agit essentiellement des pays d’Asie du Sud et de l’Est.
20
peuvent converger dans le long terme si leurs conditions initiales, notamment les acquis en capital
physique et capital humain sont similaires. Normalement, on devrait s’attendre { ce les pays à niveau
d’éducation élevé soient plus apte { s’adapter au progrès technologique.
La sigma-convergence et la convergence stochastique
Un autre concept utilisé dans la littérature est celui de la σ-convergence qui se réfère à la baisse de la
dispersion, mesurée par l’écart-type du logarithme du revenu ou produit par habitant. Ce type de
convergence s’appuie simplement sur le calcul et la comparaison de la variance ou de l’écart-type du
produit par habitant { la date initiale et { la date finale de la période retenue. On dit qu’il y a
σ-convergence lorsque la variance ou l’écart-type diminue.
La β-convergence est une condition nécessaire mais non suffisante pour la σ-convergence. En effet, la
β-convergence suppose un processus de rattrapage (réduction des écarts de revenus) mais les pays
sont soumis à des chocs spécifiques qui peuvent entraîner une augmentation de la dispersion des
revenus. La σ-convergence est par contre le produit d'un rattrapage et d'une baisse de la dispersion
des revenus. Elle ne peut exister que lorsque la β-convergence domine l’effet des différents chocs.
La sigma-convergence
A partir des critiques adressées aux régressions en coupe instantanée, certains travaux se sont
proposé de discuter de l'évolution de la dispersion de niveau de vie en coupe instantanée au moyen de
l'écart-type du logarithme du produit ou revenu par habitant d'un groupe de pays. Friedman [1992]
soutient que l'hypothèse de convergence n'est vérifiée que si la variance observée est décroissante
dans le temps. Ainsi, lorsque l'indicateur de dispersion baisse dans le temps pour différents pays, on
conclut qu'il existe une σ-convergence. De manière formelle, on devrait vérifier que :
Var[ln y(t – 1)] – Var[ln y(t)] > 0
avec Var[ln y(t)] = [n–1 Σ(ln y(t) – μ)2] et μ est la moyenne de la distribution des logarithmes népériens
de y(t). Pour bien appréhender la dynamique de la convergence, il s'avère indiqué de considérer
l'écart-type de la date initiale, de la date finale et des dates intermédiaires.
La convergence stochastique
Oxley – Greasley [1995], Bernard – Durlauf [1996], … estiment que l'analyse de la convergence à partir
des données en cross section n'est pas satisfaisante car elle ne prend pas en compte un volume
important d'informations contenues dans les séries chronologiques, surtout qu'il s'agit d'un
phénomène dynamique. Ils soutiennent que si deux économies sont convergentes dans le temps, alors
la série des écarts de revenu individuel entre pays devrait être stationnaire.
Soient ln yi(t) et ln yj(t), les séries des revenus par habitant des pays i et j (en logarithmes). On dira qu’il
y a convergence dans ces chroniques si la différence des deux séries donne lieu à un processus
stochastique stationnaire de moyenne nulle avec une variance constante.
ln yi(t) – ln yj(t) = ij(t) ~ I(0)
avec ij(t) ~ N(0, σ2). Cette définition implique que la convergence entre les deux pays est équivalente
{ une cointégration de leurs revenus par habitant lorsque le vecteur cointégrant n’a pas de terme
constant et a une pente égale { l’unité.
21
Bernard – Durlauf [1996] ont proposé une autre définition de la convergence stochastique. Les pays
ou économies i et j seront convergents si les prévisions de leurs revenus par habitant (mesurés en
logarithmes) dans le long terme sont égales à une date précise t. On peut ainsi écrire :
Limt
∞
E[ln yi(t + n) – ln yj(t + n)│Ω(t)] = 0
où Ω(t) est l’ensemble d’informations disponibles { la date t. Cette convergence repose sur la
propriété de stationnarité des séries temporelles. On dit qu’il y a convergence stochastique si les
prévisions à long terme des écarts de revenu par habitant entre deux ou plusieurs pays tendent vers
zéro. De manière formelle, on dira que le pays j (pays pauvre) converge vers le pays i (pays riche) entre
les dates 0 et t si l’on vérifie que :
E(yit – yjt) < yi0 – yj0.
Puisque yi0 > yj0, cette relation suggère un rattrapage du pays i par le pays j ou une diminution en
valeur de la disparité de revenu individuel à la date t.
La validation empirique de l’hypothèse de convergence
L’hypothèse de convergence implique une tendance { l’égalisation – dans le long terme – du revenu
par habitant ou du taux de croissance du revenu de différents pays ou différentes régions
géographiques. Cette convergence peut être absolue (inconditionnelle) ou conditionnelle selon
qu'elle est indépendante ou non des conditions de départ, c’est-à-dire de l’état initial de l’économie.
Généralement, l’hypothèse de la convergence absolue est testée { l'aide d'un modèle en coupe
transversale prenant la forme suivante :
(1/n)[ln yi(t) – ln yi(0) = a0 + a1ln yi(0) + i.
yi est le produit par habitant du pays i (i = 1, ..., m), n est la longueur de la période d’étude, a0 et a1 sont
des paramètres inconnus à estimer et i un terme d’erreur aléatoire. On dit qu’il y a β-convergence
lorsque a1 est négatif et statistiquement significatif puisque dans ce cas, le taux de croissance moyen
du produit par habitant entre les dates 0 et t est négativement corrélé { son niveau initial. L’estimation
de a1 permet de calculer la vitesse de convergence et la durée nécessaire pour que les économies
comblent la moitié de l’écart qui les sépare de leur état stationnaire, appelée la demi-vie.
Puisque la convergence conditionnelle suppose une certaine correspondance des structures ou
caractéristiques des pays ou économies, le modèle à utiliser doit isoler et maintenir constantes
certaines des variables qui différencient les pays ou régions. Celui-ci s'écrit de la sorte:
(1/n)[ln yi(n) – ln yi(0) = a0 + a1ln yi(0) + a2Xi + i.
Xi est le vecteur de variables (en logarithme), permettant de caractériser l’état stationnaire de
l’économie i. Parmi ces variables, il peut figurer le capital physique, le capital humain, , la taille de l’Etat,
le taux de fécondité, l'indice d'instabilité politique, ... (Barro – Sala-i-Martin [1995]).
Cannon – Duck [2000] ont proposé un modèle permettant de fonder, d'un point de vue statistique, le
processus de la σ-convergence. Ils suggèrent de régresser – sur la période considérée – le taux de
croissance moyen du logarithme du produit par habitant sur le revenu final.
ln yi(t) – ln yi(t – 1) = a0 + a1ln yi(t) + i
avec a1 = Cov[ln yi(t)/yi(t – 1), ln yi(t)]/Var[ln yi(t)]. On acceptera l'hypothèse de σ-convergence si le
paramètre a1 est statistiquement significatif et négatif.
22
Chapitre 3.
Modèle de croissance optimale
D
ans le modèle de Solow, le taux d’épargne (ou propension { épargner) est supposé être
constant pour cause de simplicité mais également parce que Solow pensait préférable de
prendre comme valeur la propension à consommer observée statistiquement. Cass [1965] et
Koopmans [1965] ont remis en cause cette façon de voir les choses pour faire un pas vers le réalisme.
Le consommateur dans le modèle de Solow peut être considéré comme un agent myope, incapable de
voir que sa consommation actuelle influence ses possibilités de consommation future.
Cass [1965] et Koopmans [1965] se posent une question normative : quelle fraction de son revenu une
nation doit-elle épargner ? Ils ne cherchent plus à représenter le processus de croissance (approche
positive) mais plutôt à savoir ce que les individus devraient faire pour améliorer leur bien-être. En
rendant le taux d’épargne endogène, les modèles proposés par Cass et Koopmans permettent de
prendre en compte les effets de la modification de la fiscalité ou des dépenses gouvernementales sur
le taux d’épargne et sur la croissance économique.
1. Modèle de croissance optimale sans progrès technique
Ce modèle diffère de celui de Solow [1956] en ce qu’il explicite le comportement du consommateur et
de ce fait, rend endogène le taux d’épargne. En d’autres termes, il a l’avantage de tenir compte du
processus d’optimisation du consommateur.
Postulats du modèle
Le modèle admet que l’horizon temporel est infini. Il existe un ménage représentatif dont la fonction
d’utilité instantanée s’écrit :
u(c(t))
avec u'(c) > 0, u"(c) < 0, lim u(.)' = 0 lorsque c tend vers ∞ et lim u(.)' = ∞ lorsque c tend vers 0.
Chaque ménage voit sa taille croître au fil du temps à un taux constant n, avec L(0) = 1. Ainsi, à la date
t, on devrait avoir :
L(t) = ent.
Le ménage représentatif est altruiste dans ce sens que les allocations en matière de consommation se
font en fonction de tous ses membres et en fonction des générations à venir. Ainsi, la fonction-objectif
du ménage s’écrit :
W


0
e (  n)t u(c(t))dt
où c(t) est la consommation par tête,  le taux d’escompte subjectif et ( - n) le taux d’escompte
effectif étant donné que le ménage dérive son utilité de la consommation de chacun de ses membres.
Cette dernière est donnée par :
c(t) = C(t)/L(t)
où C(t) est la consommation totale et L(t) la taille du ménage représentatif. L’utilité totale retirée par
le ménage est L(t)u(c(t)) = entu(c(t)). Etant donné qu’{ la date t, le facteur d’escompte est e–t, on
obtient bel et bien la fonction-objectif du ménage. Afin que le mécanisme d’escompte ait un sens, il est
supposé que  > n, car il s’agit d’un arbitrage entre présent et futur.
23
Le modèle admet que les marchés des biens et des facteurs sont compétitifs. Les possibilités de
production de l’économie sont données par la fonction de production agrégée :
Y(t) = F(K(t), L(t)).
Comme dans le modèle de Solow, la fonction de production est « well behaved » et vérifie les
conditions d’Inada. L’hypothèse de rendements d’échelle est retenue afin de travailler avec des
grandeurs par tête. Ainsi, on aura :
y(t) = f(k(t))
où k(t) = K(t)/L(t).
Puisque les marchés sont compétitifs, on devrait vérifier que :
R(t) = FK = f'(k(t))
w(t) = FL = f(k(t)) – k(t)f'(k(t)).
R(t) est la rente du capital et w(t) le salaire payé à chaque travailleur.
A la date t, le ménage représentatif dispose d’un niveau d’avoirs A(t). Ainsi, au fil du temps, les avoirs
du ménage changeront selon la règle suivante :

A(t)  r (t) A(t)  w(t)L(t)  c(t)L(t)
où c(t) est la consommation par tête, r(t) le taux d’intérêt du marché et w(t)L(t) le flux de revenus
salariaux que reçoit le ménage. Les avoirs par tête étant donné par a(t) = A(t)/L(t), on établit que :

a(t)  (r (t)  n)a(t)  w(t)  c(t).
Il faut noter que les avoirs du ménage peuvent être composés du stock de capital K(t) et des bons du
Trésor B(t). Si les bons du Trésor ne sont pas pris en compte, il vient que a(t) = k(t).
Etant donné que le stock de capital s’amortit dans le temps au taux , le taux d’intérêt sera donné par :
r(t) = R(t) – .
En horizon temporel infini, il doit être imposé la condition suivante (condition du jeu de No-Ponzi) :
 t

limt a(t) exp  (r ( s)  n)ds   0.


 0


Cette condition suggère qu’{ l’infini, l’individu ne peut pas avoir une richesse négative.
Caractérisation de l’équilibre
Un équilibre compétitif consiste à un ensemble de sentiers de la consommation, du stock de capital,
du taux de salaire et de rente du capital telle que le ménage représentatif maximise en tout temps son
utilité étant donné un ensemble de conditions initiales.
24
Le problème du ménage s’écrit comme suit :
Max W 


0
e (  n)t u(c(t))dt
telle que

a(t)  (r (t)  n)a(t)  w(t)  c(t)
 t

limt a(t) exp  (r ( s)  n)ds   0


 0

avec a(0) donné.

Le Hamiltonien du problème est donné par :
H = e–( – n)tu(c(t)) + [(r(t) – n)a(t) + w(t) – c(t)]
où  = e–( – n)tq(t) représente le prix fictif des avoirs. Les conditions d’optimalité sont :
H/c = 0
et
–H/a = d/dt.
On aura ainsi :
u'(c(t)) = q(t)

q
 (r (t)   ).
q
A partir de ces conditions, on arrive à établir que :

c f (k (t))  δ  

c

où  est l’élasticité de l’utilité marginale de la consommation, soit :
 = –c(t)u"(c(t))/u'(c(t)).
Croissance optimale
Le problème consiste à définir les sentiers du capital et de la consommation afin de réaliser un
équilibre Pareto-optimal au sein de l’économie. Il faut noter qu’il existe un lien entre les deux sentiers
car le niveau de la consommation est influencé par le taux d’épargne, et il en est de même pour le
capital. Dans le cadre de ce modèle, le problème de croissance optimale se pose en termes de
maximisation de l’utilité du ménage sous une contrainte d’accumulation du capital, soit :
Max W 


0
e (  n)t u(c(t))dt
telle que

k(t)  f (k(t))  (n  δ)k(t)  c(t)
avec k(0) donné.
25
Le Hamiltonien du problème s’écrit :
H = e–( – n)tu(c(t)) + [f(k(t)) – (n + )k(t) – c(t)]
où  = e–( – n)tq(t) représente le prix fictif des avoirs. Les conditions d’optimalité sont :
H/c = 0
et
–H/a = d/dt.
On aura ainsi :
u'(c(t)) = q(t)

q
 f (k (t)  δ   .
q
Par un raisonnement analogue à celui développé ci-dessus, on arrive à établir que :

c f (k (t))  δ  

.
c

La maximisation intertemporelle de l’utilité aboutit au fait que le taux de croissance de l’économie est
fixé par trois paramètres : le taux d’intérêt réel, qui rémunère l’épargne, le taux d’escompte effectif,
qui représente le coût subjectif de l’épargne, et l’élasticité intertemporelle de substitution θ. Plus θ est
grand, plus les ménages veulent un profil de consommation lisse, on trouve naturellement qu’une
hausse de θ tend à diminuer le taux de croissance de la consommation, pour que les niveaux de
consommation diffèrent peu entre les périodes.

A l’état stationnaire c  0. Par conséquent, on doit vérifier que :
f (k(t))  δ   .
La règle d’or est maintenant que le taux d’intérêt réel net est égal au taux d’escompte psychologique.
2. Introduction du progrès technique
Considérons à présent la fonction de production agrégée suivante :
Y = F(K, AL)
où A qui représente le progrès technique croît au fil du temps au taux g. La fonction de production
étant homogène de degré 1, on peut établir que :
Y
~
y
 f (k )
AL
où k = K/AL représente le capital par travailleur efficient. La consommation par tête est donnée par :
~c  C .
L
26
On peut définir la consommation par travailleur efficient comme suit :
c
~c
C
 .
AL A
Le taux de croissance de la consommation par travailleur efficient est donné par la différence entre le
taux de croissance de la consommation par tête et le taux de croissance du progrès technique, soit :


f (k (t))  δ    g
c ~c
 g 
.
c c

En régime permanent le taux de croissance de la consommation par travailleur efficient devrait être
nul. Par conséquent, on devrait vérifier que :
f (k(t))  δ    g.
Le taux d’intérêt réel rémunère le renoncement { la consommation présente (terme de droite). Ce
coût de l’épargne correspond { la somme du facteur d’escompte subjectif (ou psychologique) et du
coût du non lissage du fait de la croissance qui est mesurée par θg.
27
Chapitre 4.
Modèle à générations imbriquées
D
ans le modèle de Solow, la croissance repose essentiellement sur l’accumulation de capital
physique. Il est donc fondamental d’étudier les facteurs qui viennent freiner l’accumulation {
long-terme ou qui au contraire la favorisent. Parmi ces facteurs se trouvent les déterminants
de l’épargne comme le souhait de léguer un capital { ses enfants ou la volonté d’épargner en vue de
ses vieux jours. Ces motifs d’épargne impliquent des échanges entre les générations qu’il convient de
prendre en compte explicitement. C’est ce que nous allons faire en étudiant maintenant les modèles {
générations imbriquées.
Le modèle suppose une entrée et une sortie continuelles de générations. A chaque période coexistent
deux générations : une jeune qui travaille et une vieille à la retraite. A la période suivante une nouvelle
génération remplace les jeunes, les jeunes deviennent vieux et les vieux disparaissent. Les agents
décident de l’allocation de leur salaire perçu en première période entre consommer étant jeune et
consommer pendant la retraite. C’est une différence avec Solow puisque le taux d’épargne maximise
l’utilité intertemporelle de chaque génération.
1. Modèle canonique
Nous présentons ci-dessous la version canonique du modèle qui a été développé par Diamond [1965].
La dynamique du capital dans le modèle est qualitativement la même que dans le modèle de Solow
puisque la fonction de production est identique et la concurrence est de mise. Il est admis que le
revenu est partagé à chaque date entre les travailleurs jeunes sous forme de salaires et les détenteurs
de capitaux vieux sous forme de rémunération du capital. Ainsi, il existe dans le modèle de Diamond
un cycle revenu – épargne – capital – revenu comme dans le modèle de Solow. Chaque génération
améliore sa situation pendant la dynamique transitoire : l’accumulation du capital favorise la
productivité marginale des travailleurs qui perçoivent de meilleurs salaires, épargnent un montant
supérieur et contribuent à leur tour à la hausse du stock de capital. Cette dynamique ralentit
progressivement en raison de la présence de rendements décroissants dans le capital.
Postulats du modèle
Le modèle admet que chaque individu vit durant deux périodes : t et t + 1. La fonction d’utilité d’une
personne née en t est donnée par :
U(t) = u(c1(t)) + u(c2(t + 1))
où u(.) est « well behaved » et vérifie les conditions d’Inada. c1 représente la consommation de
l’individu { la période t et c2 sa consommation à la période t + 1.   (0, 1) est le facteur d’escompte de
l’individu.
Les marchés sont par hypothèse, compétitifs. Les individus ne peuvent travailler qu’{ la période t en
vendant une unité de travail afin de gagner le salaire w(t) qui est un salaire d’équilibre. La population
croît au taux n. Ainsi, on écrit :
L(t) = L(0)(1 + n)t.
La fonction de production agrégée est « well behaved » et présente des rendements d’échelle
constants. Aussi, elle vérifie les conditions d’Inanda.
Y(t) = F(K(t), L(t)).
28
Au fil du temps, le capital se déprécie totalement ( = 1). On peut aussi définir l’intensité capitalistique
k = K/L et établir que la rente du capital est égale à son produit marginal :
1 + r(t) = R(t) = f'(k(t)).
Le taux de salaire est donné par :
w(t) = f(k(t)) – k(t)f'(k(t)).
Décision de consommer
L’épargne individuelle de la période t, s(t) est déterminée à partir de la solution au problème de
maximisation ci-après :
Max U(t) = u(c1(t)) + u(c2(t + 1))
telle que
c1(t) + s(t)  w(t)
c2(t)  R(t + 1)s(t).
L’épargne constituée durant la période t est soumise aux firmes à la période t + 1. Elle est rémunérée
par une rente brute R(t + 1) = 1 + r(t + 1). Le lagrangien du problème s’écrit :
Z = u(c1(t)) + u(c2(t + 1)) + [ w(t) – c1(t) – c2(t + 1)/R(t + 1)]
car à partir de la contrainte, on établit que s(t) = c2(t + 1)/R(t + 1). Les conditions du premier ordre sont :
u'(c1(t)) = 
u'(c2(t + 1)) = /R(t + 1).
On établit ainsi que :
u'(c1(t))/u'(c2(t + 1)) = R(t + 1).
En résolvant le problème { partir de cette condition d’équilibre, on obtient la forme implicite ci-après
de la fonction d’épargne :
s(t) = s(w(t), R(t + 1)).
+

L’épargne totale au sein de l’économie est donnée par :
S(t) = s(t)L(t).
Etant donné que le capital se déprécie totalement, l’épargne totale réalisée en t sera investi en t + 1.
Ainsi, on établit que :
K(t + 1) = L(t)s(w(t), R(t + 1)).
Caractérisation de l’équilibre
En régime permanent, l’intensité capitalistique k = K/L est constante. Pour caractériser l’équilibre, il
faudrait diviser la relation ci-dessus par L(t + 1) = L(t)(1 + n), soit :
K(t  1)
s(w(t),R(t  1))
 k(t  1) 
.
L(t  1)
1 n
29
On peut également établir :
k(t  1) 
sf (k(t))  k(t) f (k(t)), f (k (t  1))
.
1 n
Puisque en régime permanent k(t + 1) = k(t) = k*, on devrait avoir :
k* 
sf (k*)  k * f (k*),f (k*)
.
1 n
La fonction s(.) pouvant prendre plusieurs formes, l’équation de récurrence qui permet de caractériser
la dynamique de l’intensité capitalistique peut renvoyer à plusieurs types de régime permanent.
k(t + 1)
45°
k1*
k3* k2*
k 4*
k(t)
2. Modèle avec des fonctions spécifiques
Admettons que la fonction d’utilité individuelle soit donnée par :
U(t) = ln c1(t) + ln c2(t + 1).
La fonction de production est une Cobb-Douglas Y = KaL1 – a. Sous sa forme intensive, la fonction de
production s’écrit :
f(k(t)) = k(t)a.
Il faut noter que R  f'(k) = aka – 1 et w  f(k) – kf'(k) = (1 – a)ka. Prenons la condition d’équilibre du
consommateur :
C2(t + 1))/c1(t) = R(t + 1).
Etant donné que c1(t) + s(t) = w(t) et c2(t) = R(t + 1)s(t), on établit que :
s(t) = w(t)/(1 + ).
Ainsi, l’épargne est une fraction /(1 + ) du salaire. La constance du taux d’épargne rend le modèle
similaire au modèle de Solow. Nous savons qu’en régime permanent,
30
k (t  1) 
s(t) (1  a) k (t) a

.
1  n (1  n)(1   )
Puisque en régime permanent k(t + 1) = k(t) = k*, on établit que :
1
 (1  a)   1a
k*  
 .
 (1  n)(1   ) 
La figure ci-dessous illustre la dynamique qui est simple :
k(t + 1)
45°
k*
k(t)
31
Chapitre 5.
Modèles de croissance endogène
L
e modèle de Solow établit que dans le long terme, seul le progrès technique explique
l’enrichissement des nations sans dire clairement d’où pourrait-il provenir. On ne peut pas
sérieusement considérer le progrès technique comme une manne tombée du ciel. Les États et
les firmes dépensent de l’argent pour soutenir la recherche et l’innovation. Par ailleurs, la technologie
n’est pas { la disposition gratuite de tous les producteurs. Si c’était le cas, les pays en développement
bénéficieraient des transferts de technologie et pourraient élever la productivité du capital. Les
rendements élevés de l’investissement attireraient l’épargne du monde entier et le taux
d’investissement augmenterait permettant ainsi aux PED de rattraper le niveau de capital par tête des
pays riches. Or, ce n’est pas le cas parce que les structures économiques et les niveaux d’accumulation
de capital humain sont très différents. Le transfert de technologie exige pour être efficace des
conditions d’accueil particulières.
Les modèles de croissance endogène intègrent des observations de ce genre dans un certain nombre
de domaine, ils cherchent des explications permettant de rejeter l’hypothèse d’une productivité
marginale décroissante des facteurs de production au niveau macroéconomique sans la remettre en
cause au niveau de chaque firme. Les rendements des facteurs ne sont pas décroissants au niveau
global en raison des externalités liées { l’accumulation en même temps de plusieurs facteurs. Dans les
lignes qui suivent, nous présentons quatre modèles de croissance endogène. Le premier met en
relation la croissance avec l’apprentissage par la pratique, le second avec le capital humain, le
troisième avec la recherche-développement et le quatrième avec les dépenses publiques.
1. Modèle de croissance avec apprentissage par la pratique
Si plusieurs firmes augmentent en même temps leurs investissements elles vont connaître une
croissance plus forte que celle qui résulterait pour chacune de leur propre investissement. Chacune
profite du développement des autres car la productivité du capital d’une firme dépend aussi bien de
ses investissements que du stock total de capital dans l’économie. En accumulant du capital chaque
firme acquiert des connaissances qui bénéficient aussi aux autres firmes : l’apprentissage par la
pratique et la diffusion du savoir éliminent la décroissance des rendements du capital parce qu’ils ont
un effet externe positif.
1.1.
Version simple du modèle
Ce modèle qui a été développé par Paul Romer [1986] se fonde sur l’idée qu’{ mesure que les individus
travaillent ou produisent des biens, ils améliorent à coup sûr leurs productivités et découvrent des
façons d’améliorer le processus de production. Ainsi, l’accumulation de connaissances est un
coproduit involontaire de l’activité économique elle-même.
Postulats du modèle
Admettons que tous les facteurs de production soient utilisés dans la production des biens de sorte
que la fonction de production s’écrive :
Y = Kb(AL)1 – b,
0  b  1.
32
L’apprentissage par la pratique est la conséquence fortuite de la production de nouveaux biens
d’équipement ou capitaux. Dans ces conditions, on aura la fonction suivante :
A = BK,
avec   0 et B  0.
Le modèle admet aussi qu’il n’y a pas d’amortissement et que le taux d’épargne est constant et
exogène. Ainsi, l’évolution du stock de capital est donnée par :
K = sY.
Le taux de croissance de la population active est exogène et égal à n. Compte tenu de la définition de
A, la fonction de production de l’économie peut s’écrire comme suit :
Y = B1 – bKbK(1 – b)L1 – b.
Cette équation montre que le capital physique joue un double rôle dans le processus de production :
un rôle direct en tant qu’input et un rôle indirect en ce qu’il dégage une externalité positive sur la
productivité de l’économie. En effet, dans ce modèle, l’augmentation du capital n’accroît pas
seulement la production de façon directe mais également de manière indirecte via le développement
d’idées nouvelles qui rendent l’ensemble du capital plus productif.
Dynamique de l’économie
La dynamique du stock de capital physique est donnée par :
K = sB1 – bKbK(1 – b)L1 – b.
L’évolution de l’économie est commandée par le facteur capital qui joue un rôle plus large que le rôle
lui assigné dans le modèle de Solow. Il sied toutefois de noter que les caractéristiques de la dynamique
de l’économie dépendent de la valeur pise par le paramètre.
Si  est inférieur à 1, le taux de croissance à long terme est fonction du taux de croissance de la
population, n. Si  est supérieur à 1, la croissance est explosive. Par ailleurs, si  est égal à 1, la
croissance sera explosive si n est positif et elle sera constante si n est égal à 0.
Considérons une situation particulière dans laquelle  = 1 et n = 0. La fonction de production devient :
Y = AK
avec A = B1 –  L1 – . L’accumulation du capital est donc gouvernée par :
K = sAK.
Cette dernière équation établit que K croît à un taux constant sA. Puisque Y est proportionnel à K, le
PIB croît aussi à ce taux. Cette version du modèle qui est appelée modèle AK fournit une autre
explication de la croissance à long terme, cette dernière est endogène et dépend du taux d’épargne. Il
faudrait quand même noter que cette conclusion dépend de la valeur imposée au paramètre  et au
taux de croissance naturelle (problème du fil de rasoir).
33
1.2. Version du modèle avec optimisation
Sous ce point, nous présentons un modèle de croissance optimale mais qui se fonde sur une fonction
de production de type AK. La caractérisation de l’équilibre dynamique de l’économie envisagée
ci-après renvoie pratiquement à la même conclusion que ce qui ressort du modèle de croissance de
Cass – Koopmans [1965] { la seule différence qu’ici, le taux de croissance n’est pas décroissant au fil du
temps en raison de la non-décroissance du produit marginal du capital.
Postulats du modèle
Le modèle admet qu’il existe un ménage représentatif dont la fonction d’utilité instantanée s’écrit :
u(c(t))
avec u'(c) > 0, u"(c) < 0. La fonction-objectif du ménage s’écrit :
W


0
e  t u(c(t))dt
où c(t) est la consommation par tête,  le taux d’escompte subjectif. Les marchés des biens et des
facteurs sont supposés être compétitifs. Les possibilités de production sont données par la fonction
de production agrégée :
Y(t) = AK(t).
Le produit marginal du capital étant constant, on établit qu’il y a une relation de proportionnalité entre
le produit de l’économie et son stock de capital. Sous sa forme intensive, la fonction de production
s’écrit comme suit :
y(t) = Ak(t)
où k(t) = K(t)/L(t) représente l’intensité capitalistique et y(t) le produit par tête.
Caractérisation de l’équilibre
La caractérisation de l’équilibre compétitif procède de la résolution du problème central suivant :
Max W 


0
e  t u(c(t))dt
telle que

k(t)  Ak(t)  δk(t)  c(t)
avec k(0) donné.
Le Hamiltonien du problème est noté par :
H = e–tu(c(t)) + [Ak(t) – k(t) – c(t)]
où  = e–tq(t) représente le prix fictif du capital. Les conditions d’optimalité sont :
u'(c(t)) = q(t)
34

q
 A  δ   .
q
Fort de ce qui précède, on arrive à établir que :

c Aδ 

c

avec  qui représente l’élasticité de l’utilité marginale de la consommation. Le taux de croissance de
l’économie est déterminé par la productivité marginale non-décroissante du capital, le taux
d’amortissement, le taux d’escompte effectif, qui représente le coût subjectif de l’épargne, et
l’élasticité intertemporelle de substitution. Dans le long terme, on devrait vérifier que :
A  δ  .
Ici, la règle d’or est que la productivité marginale nette du capital qui est constante, soit égale au taux
d’escompte subjectif.
2. Modèle de croissance avec capital humain
Dans la perspective ouverte par Gary Becker, Lucas [1988] considère qu’il faut traiter le travail comme
du capital humain accumulable au même titre que le capital physique. Le capital humain est produit
par l’éducation { un taux endogène puisque le salarié « investit » en fonction de son salaire
(actuel/futur). L’élévation de la qualification a un effet externe positif. Par ailleurs le capital humain n’a
pas des rendements décroissants parce que le niveau de connaissance d’un individu est d’autant plus
efficace que celui des autres (avec lesquels il communique) est plus élevé. Ainsi, la productivité
individuelle est fonction de l’efficacité de l’équipe dans laquelle il travaille. La connaissance est
partagée et chaque connaissance nouvelle entraîne l’apparition de connaissances supplémentaires. Le
rythme de croissance d’une économie dépend donc forcément de la part des ressources qu’elle
consacre au système de formation et aux dépenses d’éducation.
Postulats du modèle
Considérons une économie dans laquelle les préférences du ménage représentatif sont données par :
W


0
e (  n)t u(c(t))dt .
La fonction de production de l’économie est notée :
Y(t) = F(K(t), H(t)).
où H(t) représente les unités efficientes de travail (capital humain) qui sera accumulé comme le capital
physique K(t).
Admettons que la contrainte budgétaire du ménage soit donnée par :

a(t)  (r (t)  n)a(t)  w(t)h(t)  c(t)  i h (t).
w(t) est le salaire payé à chaque unité du capital humain, h(t) les unités efficientes de capital humain
du ménage et ih(t) l’investissement en capital humain. L’équation d’accumulation s’écrit :
35

h(t)  i h (t)  δh h(t)
h est le taux de dépréciation du capital humain. Puisqu’il n’y a pas des bons du trésor, a(t) =k(t). On
suppose que le capital physique se déprécie au taux k.
Les marchés des facteurs étant compétitifs, on devrait vérifier que :
R(t) = f'(k(t))
et
w(t) = f(k(t)) – k(t)f'(k(t))
avec le ratio capital travail qui est donné par k(t) = K(t)/H(t).
Caractérisation de l’équilibre
Le problème du ménage s’écrit comme suit :
Max W 


0
e (  n)t u(c(t))dt .
telle que

a(t)  (r (t)  n)a(t)  w(t)h(t)  c(t)  i h (t).

h(t)  i h (t)  δh h(t)
a(0) et h(0) étant donnés.
Le Hamiltonien du problème est donné par :
Z = e–( – n)tu(c(t)) + 1[(r(t) – n)a(t) + w(t)h(t) – c(t) – ih(t)] +2[ih(t) – hh(t)].
Les conditions d’optimalité sont :
Z/c = 0 ;
–Z/a = d1/dt ;
–Z/h = d2/dt ;
1 = 2 = 
avec  = e–( – n)tq(t). On aura ainsi :
u'(c(t)) = q(t)
–Z/a = –1(r(t) – n) ;
–Z/h = 1w(t) – 2h.
Il vient donc que :
(r(t) – n) = w(t) – h.
Etant donné que r(t) = f'(k(t)) – k et w(t) = f(k) – k(t)f'(k(t)), on aura :
f'(k(t)) – k – n = f(k) – k(t)f'(k(t)) – k.
Puisque le terme de gauche est décroissant en k(t) et celui de droite croissant, il existe par conséquent
une valeur k* de k(t) = K(t)/H(t) qui vérifie cette égalité.
f'(k*) – k – n = f(k*) – k*f'(k*) – k.
36
Le taux de croissance est donné par :

c f (k*)  δk  

 0.
c

Ce modèle montre qu’il existe une relation d’interdépendance entre le capital physique et le capital
humain. L’accumulation de l’un doit se faire en tenant compte de l’autre et vice-versa pour que la
croissance économique soit soutenue.
3. Modèle de croissance avec R&D
La croissance économique s’accompagne de l’apparition d’innovations. Pour Romer [1990], ces
innovations prennent la forme de nouveaux procédés, de nouveaux outils, qui s’ajoutent { ceux déj{
en place. Ces nouveaux biens d’équipement permettent d’améliorer la division du travail qui est la
véritable source de la croissance (externalités). C’est le partage de l’utilisation du capital humain entre
production de biens et production des nouveaux biens d’équipement qui explique le rythme de
croissance. Tout ce qui permet d’augmenter la quantité de biens d’équipement nouveaux est
favorable { la croissance. L’activité de recherche est un facteur décisif de croissance économique.
Pour expliquer le progrès technique, le modèle considère que l’économie dispose de deux secteurs
d’activité : l’un produit des biens de consommation et l’autre produit des connaissances (ou des
améliorations technologiques) qui permettront { l’économie de produire plus de biens dans les jours {
venir. On peut raisonnablement penser qu’un accroissement de ressources consacrées { la R&D
permet d’accroître le nombre de découvertes { même d’améliorer la productivité de l’économie.
Postulats du modèle
Dans le modèle, il est admis qu’une fraction aK du stock de capital et une fraction aL de la population
active sont utilisées dans le secteur de la R&D. Ainsi, la quantité de capital utilisée dans la production
de biens est (1 – aK)K et celle de main-d’œuvre est (1 – aL)L. Les deux secteurs utilisent la totalité du
stock de connaissances A car l’exploitation d’une idée ou d’une connaissance en un lieu n’empêche
pas son utilisation ailleurs. Il n’y a donc pas lieu de diviser le stock des connaissances entre les deux
secteurs d’activité.
La fonction de production de biens est une Cobb-Douglas qui s’écrit de la sorte :
Y = [(1 – aK)K]b[A(1 – aL)L]1 – b,
0  b  1.
Cette équation implique que les rendements du capital et du travail sont constants, c’est-à-dire qu’un
doublement des quantités des deux facteurs entraîne un doublement de la quantité produite de biens.
La fonction de production des connaissances est également une Cobb-Douglas d’expression :
A = B(aKK)(aLL)A
B  0,   0,   0.
On suppose qu’il n’y a pas d’amortissement et que le taux d’épargne est constant. Ainsi, l’évolution du
stock de capital est donnée par :
K = sY.
Le taux de croissance de la population active est exogène. Il vient alors que :
L = nL.
37
Alors que dans le modèle de Solow il n’y a qu’une seule variable d’état : K, dans ce modèle il y en a
deux, à savoir K et A. C’est donc l’évolution de ces deux grandeurs qui détermine la dynamique de
l’économie dans le temps.
Dynamique du capital et des connaissances
En renvoyant la fonction de production dans la fonction d’accumulation du capital physique, on
obtient la relation suivante :
K = s(1 – aK)b(1 – aL)1 – bKb[AL]1 – b.
Divisons les deux membres de l’équation par K et posons que cK = s(1 – aK)b(1 – aL)1 – b afin d’obtenir le
taux de croissance du stock de capital de l’économie :
gK 
K
 AL 
 cK  
K
K
1b
.
L’évolution de gK dépend de l’évolution du ratio AL/K, laquelle évolution est donnée par la somme
gA + n – gK. Si l’on divise les deux membres de la fonction d’accumulation des connaissances par A, on
obtient :
gA  A/A = cAKLA – 1
où cA =BaKaL. Cette équation montre que l’évolution de gA dépend de gK + n + ( – 1)gA.
Pour avoir la solution d’équilibre (de long terme), il faut résoudre le système d’équations ci-après :
gA* + n – gK* = 0,
gK* + n + ( – 1)gA* = 0.
La solution d’équilibre est :
g K* = n + g A*
   
n.
et g A *  
 1  (   ) 
On arrive à établir comme dans le modèle de Solow [1956] que dans le long terme, les variables
macroéconomiques croissent à un taux égal à la somme du taux de croissance naturelle et du taux de
croissance du progrès technique. Mais bien plus, on montre que le taux de croissance du progrès
technique est une grandeur endogène et non exogène car il dépend des paramètres caractéristiques
de l’économie.
4. Modèle de croissance avec dépenses publiques
L’État achète des produits et offre des services publics gratuits (financés par des impôts ou des
emprunts) qui améliorent la productivité du capital et du travail dans chaque firme. Les dépenses
publiques d’infrastructure ont un effet externe positif. La production de chaque firme dépend des
dépenses publiques, au même titre qu’elle dépend du stock de capital installé et du travail utilisé. Le
capital public est un facteur de production. Cela n’a de sens que si le financement des investissements
publics n’entraîne pas un effet d’éviction sur l’investissement privé.
Postulats du modèle
Dans le modèle, on suppose que le ménage représentatif maximise son utilité intertemporelle sur
l’horizon [0, ∞], soit :
38


U  e  t u(c(t))dt.
0
Le ménage génère son revenu à partir du capital privé et du capital public (ou dépenses publiques
productives). On écrit ainsi :
Y(t) = F(K(t), G(t)).
De manière spécifique, on retient une Cobb-Douglas de la forme :
Y(t) = K(t)aG(t)b
avec a + b = 1. Sous sa forme intensive, la fonction de production s’écrit :
y(t)  f(k(t), g(t)) = k(t)ag(t)b.
Si b = 0 et a < 1, on revient au modèle de croissance exogène (modèle de Solow) et si b = 1 – a  (0, 1), il
apparaît un sentier de croissance endogène.
On suppose que les dépenses publiques g sont financées par un impôt proportionnel sur le revenu du
ménage 0 <  < 1. Ainsi, l’équation d’accumulation du capital privé sera donnée par :

k(t)  (1   ) y(t)  δk(t)  c(t) .
 représente le taux d’amortissement du capital privé.
Caractérisation de l’équilibre et taille optimale de l’Etat
Le problème central de l’économie est celui de maximiser dans le temps l’utilité de la consommation
tout en tenant compte de l’évolution de l’intensité capitalistique qui dépend bien sûr du capital public,
soit :


Max U  e  t u(c(t))dt.
0
telle que

k(t)  (1   ) y(t)  δk(t)  c(t)
k(0) étant donné.
Le Hamiltonien du problème s’écrit :
H = e–tu(c(t)) + [(1 – )f(k(t), g(t)) – k(t) – c(t)]
avec  = e–tq(t).
Les conditions d’optimalité sont :
u'(c(t)) = q(t)


 (1   ) f (k (t), g (t))  δ.



q

Puisque     , on établit que :

q
39

c (1   ) f (k (t), g (t))  δ - 

.
c

Connaissant la forme spécifique de la fonction de production, on aura :
f'(k(t), g(t)) = aka – 1gb.
Il vient ainsi que :

c a(1   )k (t) a 1 g (t) b  δ - 

.
c

Dans cette expression du taux de croissance, on voit apparaître deux effets de la politique budgétaire,
l’effet négatif { travers le prélèvement fiscal effectué et l’effet positif des dépenses publiques
productives. Pour boucler le modèle, on suppose que le budget de l’Etat est équilibré, soit : g = y.
Si b = 0, la fonction de production devient y(t) = k(t)a. Ainsi, en régime permanent, on aura :
1
 a(1   )  1a
k*  

 δ  
a
 a(1   )  1a
y*  
 .
 δ  
La recette fiscale est donnée par :
a
R fisc
 a(1   )  1a
 y*   
 .
 δ  
En dérivant Rfisc par rapport à , et en égalisant la dérivée { 0, on obtient le taux d’imposition qui
maximise la recette fiscale, soit :
* = 1 – a.
Si b = 1 – a, la fonction de production devient y(t) = k(t)a[y(t)]1 – a. En résolvant par rapport à y(t), on
obtient :
y(t)  k (t)
1a
a
f (k (t), g (t))  
et
1a
a
Dans ces conditions, on aura :

1 a
c a(1   ) a  δ - 

.
c

Il faudrait donner { l’Etat une taille optimale pour que ses dépenses en capital (ou productives) aient
un impact réel sur la réalisation de la croissance économique.
40
Références bibliographiques
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