COURANTS DE LA SOCIOLOGIE

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COURANTS DE LA SOCIOLOGIE
Chapitre I : L'approche culturaliste et ses prolongements
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I – Culture et personnalité
1.1 – Généralités
Mouvement né dans l'université de Columbia aux Etats-Unis dans les années 1930.
Principaux auteurs : Franz BOAS, Edward SAPIR, Ruth BENEDICT, Margareth MEAD, Ralph LINTON, Abram KARDINER...
Le culturalisme repose sur trois points essentiels :
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Le monde est divisé en aires culturelles qui forment des systèmes relativement clos possédant sa propre
cohérence. BENEDICT parle de Pattern (modèle) pour ce qui est de l'organisation de la société.
Lien entre culture et Psychologie : la culture et l'éducation d'une société permettent la construction d'une
identité propre. La personnalité est l'expression d'une valeur universelle modelée par des valeurs, des normes,
des institutions...
La culture (ensemble de valeurs de valeurs, de lois et de représentations collectives) est le critère déterminant,
en dernier ressort, d'explication des conduites humaines, sans rapport à la biologie.
L'accent est mis sur la logique interne qui articule les éléments de culture entre eux. Un modèle culturel est propre à
un groupe, et nul n'est dépourvu de culture.
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1.2 – Exemple de l'approche relativiste des formes culturelles (a éclairé la réflexion sur le racisme
(évolutionnisme) et le sexisme
Margareth MEAD, Meurtre et Sexualité en Océanie (étude de trois populations entre 1931 et 1935).
Arapesh > la douceur est la norme, chasse (partagée), agriculture traditionnelle, pauvres, faible division du travail,
rôle équivalent entre l'homme et la femme (tâches séparées : l'homme chasse, la femme cultive, mais les hommes
s'occupent aussi des enfants).
Mundu Gunor > société polygines, émotivité proscrite, forte agressivité.
Chambuli > rôle des sexes inversés, hommes soucieux de la parure, compétition pour les apparences, les femmes
possèdent le pouvoir économique (trocs, expéditions commerciales).
Les rôles de sexes sont donc très relatifs, la socialisation varie selon les sociétés.
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1.3 – Abraham KARDINGER, Ralph LINTON, et la personnalité de base.
LINTON > Le fondement culturel de la personnalité
KARDINGER, Psychanalyste de formation freudienne, s'est penché sur l'influence du milieu sur la personnalité. Il s'est
intéressé à ce qui est commun à tous les membres d'une société, ce noyau commun est la « personnalité de base ».
Cette dernière se forme à partir d'un ensemble d'institution (« tout mode établi, de pensées, et de comportement,
observés par un groupe d'individus (ie. société), qui peut être communiqué, c'est à dire reconnu par tous, et dont la
transgression ou la déviation crée le trouble chez l'individu ou dans le groupe »).
L'Homme est un être de besoins, la culture en influence les moyens de satisfactions.
KARDINGER distingue deux types d'institution :
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Primaires : famille (le « nous ») > elle inculques les disciplines de base, l'alimentation, la propreté, les tabous
sexuels...
Secondaires : ce qui résulte des interactions entre les institutions primaires et la personnalité de base > religion,
mythes, politique, économie, folklore...
D'un point de vue psychanalytique, les institutions secondaires sont le produit des projections symboliques qui
viennent compenser les frustrations des institutions primaires et qui vont conduire la culture à évoluer. Selon LINTON,
il existe plusieurs types de personnalité de base, car plusieurs systèmes de valeurs dans une société. Chacun est placé
horizontalement (individus égaux dans une classe) et verticalement (au sein d'une hiérarchie).
Qui plus est, les individus ont une foule de talents et de statuts (acquis ou assignés). Ces derniers ne coïncident pas
tout le temps avec les rôles, et ne sont pas figés (mobilité sociale possible).
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II – Intérêts et limites du courant culture et personnalité
L'intérêt majeur et l'introduction du relativisme culturel. Il y a eu une rupture avec l'évolutionnisme,
l'ethnocentrisme, et le racisme qui en découlait.
Importance des notions de socialisation, transmission et d'éducation.
En revanche, les culturalistes ont travaillé sur des sociétés avec un faible nombre d'individus, et sans écrits. Du coup
le modèle est difficilement applicable à des sociétés plus complexes, qui elles, comportent plusieurs personnalités de
base. Il n'existe pas de culture naturelle, c'est un objet de métissage.
J-L. AMSELLE > Logiques métisses (1998)
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III – Prolongement sociologique du culturalisme
3.1 – De la culture aux sous-cultures
L'approche culturaliste a eu une grande influence sur la sociologie américaine. Cette méthode s'est appliquée à des
études locales.
R. et H. LYND > Middletown (1927)
Ils avaient pour but de comprendre la culture américaine à travers l'étude de la ville de Muncie. Après la seconde
guerre mondiale ils se rendirent compte de leur erreur, étant donné que cette ville était dépourvue d'industrie, du
coup, certains problèmes sociaux étaient absents de leur analyse...
Après le colonialisme, cette approche à été utilisée dans l'ethnologie française, dans le cadre de monographies.
Sous-culture > composante de la société globale
Contre-culture > alternative à la société globale
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3.2 – Autonomie de la classe populaire
R. HOGGART > La culture du pauvre (Uses of Literracy – 1957)
M. de CERTEAU > L'invention du quotidien (1980)
GRIGNON & PASSERON > Le savant et le populaire (1989)
Le savant est menacé par un ethnocentrisme de classe en fonction de sa distance par rapport à la classe populaire. Il
doit se garder de deux choses : le populisme, qui ignore les effets de la domination culturelle ; le misérabilisme, qui
se base sur les lacunes des classes populaires par rapport à la classe dominante
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3.3 – Poussé des identités particulières et multiculturalisme
Nous somme aujourd'hui dans une société pluriculturelle, mais ceci n'est pas nouveau en soi. Ce qui est nouveau c'est
le traitement politique de cette diversité. Il y a un mouvent de poussée des identités particulières. Les minorités
manifestent leur désir de reconnaissance culturelle. Etant discriminées, elles doivent accéder à la reconnaissance
publique, et la loi doit protéger les spécificités culturelles.
Les politiques de défense des cultures ont une trentaine d'années et sont apparues en Amérique du Nord. En 1982 le
Canada reconnaît le multiculturalisme, suivit par l'Australie et l'Afrique du Sud (sic).
Les Etats-Unis ont été concernés plus tôt avec les mouvement revendicatifs Afro-américains. Des lois, et des mesures
administratives de protection ont été mises en place : « affirmative action » (discrimination positive).
L'égalité formelle (traitement indifférencié) est remplacé par une forme d'égalité réelle, de résultat.
En France, on retrouve une approche différente, l'universalisme : un citoyen = un citoyen. Il s'agit d'une approche
multiculturelle différencialiste en fonction des populations.
Intérêts et limites du multiculturalisme, de l'universalisme :
Le multiculturalisme intègre plus rapidement, mais produit une ghettoisation, des difficultés à sortir du groupe
d'appartenance. L'individu est protégé en tant que membre d'un groupe.
L'idée de l'universalisme est une différenciation dans la sphère privée, et une homogénéité dans la sphère publique.
L'Etat est garant des libertés individuelles, et non des groupes ayant telle ou telle particularité. On observe cependant
un regroupement des identités alternatives si le modèle ne tient pas ses promesses. L'individu est ici protégé en tant
qu'individu à part entière.
Certains
auteurs
comme
TAYLOR
et
WIEVIORKA
pensent
qu'il
faudrait
dépasser
l'opposition
universalisme/multiculturalisme. Le fait d'accorder des droits peut promouvoir les conditions culturelles de la liberté
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individuelle. Un traitement différencié sur certains points pourrait améliorer le concret de façon pragmatique. Le but
étant d'éviter une victimisation des minorités par elles-mêmes, que ces communautés ne soient plus et ne se sentent
plus victimes.
Chapitre II : L'approche fonctionnaliste
Courant holiste (société détermine les individus – DURKHEIM) créé par MALINOWSKI et RADCLIFFE-BROWN.
Ce courant veut apposer à chaque fait social une ou des fonctions qui le détermine.
Le fonctionnalisme s'oppose à l'évolutionnisme qui est tourné vers le futur et au diffusionnisme, tourné vers le passé.
Le fonctionnalisme s'intéresse donc au présent. La culture doit être vue dans une perspective synchronique. Ce
courant a connu ses limites, notamment sur le fait de réduire les réalités culturelles, néanmoins il subsiste encore
aujourd'hui sa méthode de l'observation participante.
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I – Le fonctionnalisme absolu de MALINOWSKI
« L'analyse fonctionnelle de la culture part du principe que dans tous les types de civilisation, chaque coutume,
chaque objet matériel, chaque idée et chaque croyance emplit une fonction vitale, a une tâche à accomplir,
représente une partie indispensable d'une totalité organique ». MALINOWSKI
Il s'agit à la base d'une méthode concrète mettant en relation divers éléments, d'une reconstitution d'ensembles via
une approche déterministe.
MERTON est très critique vis-à-vis du fonctionnalisme absolu. Trois postulats lui paraissent indéfendables :
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Unité fonctionnelle : ie. L'idée que, dans une culture, chaque changement est compris dans un système tout
entier.
MALINOWSKI étudiait des sociétés numériquement réstreintes. L'usage peut être fonctionnel pour un groupe et
pas pour un autre, comme par exemple la religion qui diffuse des valeurs contradictoires avec d'autres valeurs
(contraception pour expliciter la chose).
Fonctionnalisme universel : ie. Tous les éléments remplissent une fonction, ce qui est absurde.
Postulat de nécessité : ie. Chaque élément serait indispensable à l'ensemble, or certains éléments sont
interchangeables.
II – Le structuro-fonctionnalisme de PARSONS
Talcott PARSONS est un sociologue américain (1902-1979). Il entend prendre le contre-pied de l'empirisme
caractéristique de la sociologie américaine, notamment du courant empiriste et quantitativiste de l'université de
Columbia. Ce quantitativisme trouve son expression privilégiée dans de grandes enquêtes quantitatives ou surjets,
dont certaines sont très célèbres : The American soldier, enquête conduite dans les années 40 par Samuel STOUFFER,
The people's choise, résultat de l'enquête dirigée par Paul LAZARSFELD sur la formation des choix électoraux, etc...
Dès 1937, Talcott PARSONS, connu jusqu'alors pour sa traduction de L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme,
développe à l'université de Harvard la perspective fonctionnaliste, qui fait concurrence aux autres courants et prendra
l'ascendant sur la sociologie américaine pendant près de 20 ans (années 40-50). Il tente de fonder une théorie de
l'action sociale. 1937 est l'année de la publication de The structure of social action. Les actions humaines y sont
comprises au regard de leur fonction vis-à-vis de la structure sociale, d'où le nom de structuro-fonctionnalisme que
PARSONS a lui-même associé à son analyse.
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2.1 – Qu'est-ce que l'action sociale ?
Elle suppose un acteur qui agit dans un but précis. L'action se met en place dans un cadre spécifique dans lequel
l'acteur peut ne pas avoir de prise (par une contrainte indépendante de la volonté de l'acteur, on parlera alors
d'élément de conditions de l'action), à l'inverse on parlera d'élément de moyen moyen de l'action.
Le point de départ de l'analyse parsonnienne est l'action, prise au sens large. Penchons-nous sur le texte 3 pour tenter
de comprendre ce qu'il entend par action sociale. On remarque d'abord que chez PARSONS, l'action est une
construction intentionnelle. Elle est pensée comme produit d'un acteur doté de ressources. L'acteur oriente son action
en direction d'une fin, et pour ce faire, il en choisit les moyens (1 , 2 et partiellement 3) Pour autant, l'analyse
parsonnienne n'a rien d'utilitariste ou d'individualiste.
Elle suppose certes que l'action sociale est le produit de choix individuels qui font sens pour l'acteur, mais ces choix
s'inscrivent dans un cadre en partie contraint, car l'acteur ne dispose que d'un contrôle partiel sur son environnement.
Les éléments sur lesquels il n'a pas de prise sont nommés les « conditions de l'action ».
De plus, les choix de l'acteur s'inscrivent dans une « orientation normative »(4), c'est-à-dire dans un réseau de normes,
constitutif de la structure de la société et référé à un ensemble de valeurs communes (expression symbolique des
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préférences collectives). Autant d'éléments contraignants de l'action individuelle.
Dans le même ouvrage, PARSONS définit la sociologie comme ça une « science qui tente de construire une théorie
analytique des systèmes d'action sociale, dans la mesure où ces systèmes peuvent être compris à partir de la nature
de l 'intégration reposant sur des valeurs communes. » (texte 4)
Etudier la structure de l'action sociale, c'est donc chercher à mettre en évidence des relations et des modalités
d'échange stables entre les acteurs. L'ensemble ne pourra faire sens aux yeux du sociologue qu'à partir du moment où
il pourra saisir les connexions entre la structure analysée et la totalité sociale, au bon fonctionnement duquel
concourt une telle structure.
PARSONS nous fournit une illustration de ce point quand il étudie la famille américaine (cf. texte de TD sur ce point).
Il développe une analyse fonctionnalisme de la famille, en partant du principe que le modèle familial des sociétés
modernes répond aux exigences de l'industrialisation. Ce modèle comprend trois caractéristiques majeures :
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Il est ouvert car le mariage homogamique décidé par le milieu a cédé la place, pour l'essentiel, à des décisions
individuelles de nature affective (mariage d'amour contre mariage de raison).
Il est multilinéaire car, sauf pour la transmission du nom, les deux branches de la parentèle ascendante pèsent du
même poids.
il est conjugal car le noyau des époux et de leurs enfants.
Cette structure familiale est conforme à la structure professionnelle qui, par de la performance individuelle, doit
s'affranchir de toute interférence de la part du réseau de parenté, ce qui est le cas lorsqu'activité professionnelle et
position sociale sont indépendantes de la famille, qui reste cantonnée à la sphère privée et à la consommation. La
mobilité sociale et professionnelle exige la rupture des liens familiaux et la réduction du groupe domestique au
ménage conjugal et à un petit nombre d'enfants.
Cela explique l'importance accordée à l'émancipation des jeunes (mariage) et à leur indépendance (profession). Le
groupe domestique a alors pour mission d'assurer la socialisation des enfants et se répartit en conséquence les
« rôles » qui permettront d'assurer le « maintien » du « sous-système familial » instrumental pour l'homme, expressif
pour la femme. PARSONS souligne toutefois les tautologies spécifiques de la famille nucléaire : relégation des femmes
au rang d'épouses et de ménagères, maximalisation des personnes âgées du fait du système de valeurs de la société
américaine, axé sur les performances individuelles, l'accomplissement professionnel...
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2.2 - Systèmes et sous-systèmes de l'action sociale
On peut résumer la théorie structuro-fonctionnaliste de l'action par le tableau qui constitue le document 5. Le point
de départ de l'analyse parsonienne est l'action sociale, or celle-ci se situe toujours en même temps dans 4 contextes,
qui constituent les 4 sous-systèmes de l'action (colonne 2). On distingue, de bas en haut :
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Le contexte biologique, celui de l'organisme neuro-physiologique, avec ses besoins et ses exigences le contexte
psychique, qui est celui de la personnalité, étudié par la psychologie.
Le contexte social, celui des interactions entre les acteurs et les groupes, étudié surtout par la sociologie.
Le contexte culturel, celui des normes, valeurs, modèles, idéologies et connaissances, étudié surtout par
l'anthropologie.
Toute action s'inscrit toujours dans ces quatre niveaux à la fois et ce n'est qu'analytiquement qu'il peut être utile de
les dissocier. Sous-systèmes de l'action, ces quatre systèmes, composés chacun d'éléments interdépendants, sont
également interdépendants et complémentaires entre eux. Ils constituent donc quatre sous-systèmes d'un système
plus général, le système de l'action.
Un autre aspect qui relie entre eux les quatre sous-systèmes, c' est l'ordre hiérarchique de contrôle cybernétique
(colonne 5). (La cybernétique est l'étude des processus de commande et de régulation dans le système nerveux des
êtres vivants, comparativement à ce qui se passe dans les machines électroniques, les ordinateurs par exemple).
Chacun des sous-systèmes comporte des mécanismes capables de guider et/ou contrôler l'action, de l'orienter. il en va
ainsi des besoins physiologiques, des motivations psychiques. des normes régissant l'interaction, des valeurs
culturelles etc... Mais les quatre sous-systèmes sont hiérarchiquement ordonnés du point de vue du contrôle qu'ils
exercent sur l'action. Dans une hiérarchie cybernétique, un système se situe vers le haut de l'échelle quand il est plus
riche en information, vers le bas de l'échelle quand il est plus riche en énergie. Le système culturel, étant composé
surtout d'éléments symboliques (connaissances, valeurs, idéologies..) guide et contrôle l'action par l'information qu'il
dispense. Il se situe donc en haut de la hiérarchie. Le système biologique guide et contrôle l'action par l'énergie qu'il
libère. Il est donc situé en bas de la hiérarchie.
Un système plus élevé dans la hiérarchie guide et contrôle les sous-systèmes inférieurs par l'information qu'il diffuse
et leur procure. Par exemple :
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Personnalité = système de contrôle de l'organisme biologique
Système social = système de contrôle de la personnalité
Culture = système de contrôle du système social
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Au total, à travers la personnalité, le système social exerce un contrôle sur l'organisme biologique et la culture, à
travers le système social, exerce un contrôle sur la personnalité. Il n'y a donc pas un mécanisme de contrôle de
l'action mais un ensemble de mécanismes hiérarchisés. Les deux sous-systèmes du bas se situent plutôt au plan de la
personne, les deux sous-systèmes du haut au plan de la collectivité.
On voit que le concept parsonien de système social n'englobe pas toute la réalité sociale, qui se divise analytiquement
en système culturel et en système social.
Le système culturel comporte les valeurs, normes, connaissances, idéologies, bref l'appareil symbolique dont s'inspire
toute action sociale ; le système social se compose des conditions impliquées dans l'interaction d'individus qui forment
des collectivités concrètes.
On a dit de PARSONS qu'il était structuro-fonctionnaliste, mais le terme de structure prend chez lui un sens un peu
particulier.
Les structures sont des modèles institutionnalisés de la culture normative. La culture est donc composée des
éléments de la culture, transposés dans des modèles d'action sociale. Il s'agit d'éléments structuraux relativement
stables.
On arrive ici au commentaire de la colonne 3 : les fondements structurels du sous-système de l'action sociale. Il s'agit
des éléments suffisamment stables pour qu'on les considère comme les composantes structurales du système. De bas
en haut, on distingue :
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Les rôles (de père, de mère, de professeur, etc. . .) définissant les modes d'appartenance et de participation des
individus aux différentes collectivités du système.
Les collectivités (famille, université, parti, entreprise. . .), qui sont formées autour de certaines valeurs, idées,
idéologies etc... qu'elles institutionnalisent en spécifiant les modalités concrètes d'application pour les acteurs
sociaux qui en sont membres.
Les normes correspondent ici aux modèles normatifs de l'action, aux pratiques, règles et usages socialement
prescrits à l'intérieur d'un groupe social ou d'une société donnée
Les valeurs précisent les orientations désirables pour le système tout entier, c'est-à-dire ce que celui-ci cherche à
être, faire ou devenir.
Ces composantes structurales sont les quatre canaux par lesquels passe la culture pour se transcrire et se réaliser dans
la vie concrète d'une société. On a là le produit d'un processus d'institutionnalisation.
On peut identifier quatre proclames fondamentaux d'ajustement auxquels fait face tout système social. PARSONS les
appelle les impératifs fonctionnels du système social. Tout système social doit sans cesse régler ces problèmes pour
exister et se maintenir. Il distingue quatre catégories fonctionnelles (AGIL ou LIGA) dont chacune est destinée à
répondre à l'un des ces problèmes :
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La fonction de stabilité normative (L = latent pattern maintenance) : production, maintien et reproduction
cohérente d'un ensemble de valeurs communes, qui fournissent les motivations nécessaires à l'action individuelle.
La fonction d'intégration qui consiste à assurer la coordination nécessaire entre les unités ou parties du système,
particulièrement ce qui a trait à leur contribution à l'organisation et au fonctionnement de l'ensemble ; il s'agit
donc de coordonner les différentes parties du système pour le stabiliser.
L'orientation vers la réalisation des fins (goal attainment) ou fonction de poursuite des butin qui concerne la
définition d'objectifs pour le système tout entier.
La fonction d'adaptation, qui porte tout particulièrement sur l'ensemble des moyens auxquels le système doit
recourir dans la poursuite des buts, compte tenu des ressources que peut procurer l'environnement.
Ces quatre fonctions peuvent maintenant être mises en parallèle avec les ensembles structuraux concrets (colonne 4),
via les éléments structuraux du système (colonne 3) :
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Les structures de socialisation, comme la famille ou l'enseignement, ou encore les églises, ou autres agents, par
la contribution qu'elles apportent à l'intériorisation des valeurs et des normes qui en sont l'expression concrète,
favorisent le maintien des modèles (ou stabilité normative).
Les structures judiciaires définissent les droits et obligations envers la communauté sociétale (on est bien dans le
registre de la norme plutôt que dans celui des valeurs).
Les structures politiques remplissent une fonction de réalisation des buts collectifs.
Les structures économiques permettent l'adaptation des moyens aux fins, via la spécialisation fonctionnelle (dans
un univers où les ressources sont rares, il convient de les gérer en vue de la réalisation des buts collectivement
définis).
2.3 – La question du changement social
On reproche souvent à la théorie parsonienne de l'action d'être statique, d'insister sur les phénomènes de stabilité
(« maintien des modèles ») et de reproduction (« intégration ») Wright MILLS, par exemple, ironisait sur la « Suprême
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Théorie », dont il pensait qu'elle était incapable d'analyser les changements sociaux et les conflits, ce que conteste
PARSONS qui prétend que sa théorie permet aussi d'expliquer le changement. Examinons d'abord son point de vue,
puis les critiques qui lui ont été adressées.
PARSONS distingue le changement à court ou moyen terme, du changement à plus long terme. Dans le changement
social à court terme PARSONS distingue le changement d'équilibre du changement de structure. La notion d'équilibre
est pour PARSONS une hypothèse de travail au terme de laquelle il suppose que les éléments d'une structure sont
stables à un moment donné du temps. Cette stabilité correspond à un point d'équilibre entre les éléments du système
et entre ce système et son environnement. Devant une perturbation, la tendance naturelle de tout système est de
maintenir son équilibre ou de le retrouver. Dans le système social, c'est tout particulièrement la fonction de stabilité
normative qui tend au maintien de l'équilibre, les valeurs intériorisées au cours de la socialisation opérant comme un
contrepoids aux exigences du changement. Toutefois, si l'équilibre vient à être rompu, PARSONS distingue deux cas de
figure :
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Le changement d'équilibre est celui qui permet d'arriver à un nouvel équilibre sans que le système lui-même en
soit modifié ; les modifications n'interviennent que dans des parties ou des sous-systèmes du système global. Si
par exemple une grève a pour conséquence un réajustement des salaires en fonction de l'évolution du niveau de
vie, on a bien un changement d'équilibre, mais pas de changement de structure.
Le changement de structure est celui qui affecte la nature même du système dans son entier. Il résulte d'une
accumulation de tensions au sein du système social, du fait de l'inadaptation croissante entre deux ou plusieurs
unités structurales ou sous-systèmes. Pour reprendre l'exemple précédent, quand une grève prend de l'ampleur
pour se généraliser comme ce fut le cas en 36 ou 68 et débouche sur des transformations majeures, tant au plan
des conditions de travail qu'à celui des modes de vie, on a là un changement de structure, qui est conditionné par
une transformation des valeurs et une modification des modèles.
Qu'il soit d'équilibre ou de structure, on voit bien que le changement est conçu comme un mode d'adaptation
susceptible de minimiser ou de réduire la tension croissante, le système revenant in fine à un nouvel équilibre.
En ce qui concerne le changement à long terme, PARSONS parle de « changement évolutionnisme ».
Alors qu'il était au départ opposé à l'évolutionnisme, il est tenté ultérieurement par cette conception de l'histoire,
mais il s'agit d'un évolutionnisme complexe, reconnaissant la pluralité des trajectoires, la multiplicité des causes
historiques, l'existence d'états sociétaux variés. Sans entrer dans le détail des étapes et des processus décrits par
PARSONS retenons que le phénomène principal d'évolution que l'on observe est celui d'une différenciation
fonctionnelle et structurale toujours plus importante, au fur et à mesure que les sociétés deviennent plus
« avancées », les sociétés les plus « avancées » sont donc des sociétés « complexes ». Dans la société traditionnelle
les quatre sous-systèmes fonctionnels sont moins distingués, et surtout, le même ensemble structural remplit
simultanément plus d'une fonction.
Guy ROCHER prend l'exemple de l'Eglise catholique au Moyen-Age, qui était à la fois une puissance spirituelle, une
puissance politique, activement mêlée aux luttes entre les nations et les empires, qui était aussi une collectivité
économiques du fait des immenses domaines qu'elle possédait et faisait fructifier. Elle remplissait donc à la fois des
fonctions d'intégration de poursuite des buts et d'adaptation, en même temps que de stabilité normative. Ce n'est que
dans les sociétés plus avancées que s'est développée une différenciation toujours plus nette entre les quatre fonctions
et entre les ensembles structuraux correspondants. Autre exemple : le foyer paysan était auparavant à la fois unité de
résidence et unité de production ; avec le salariat, séparation des univers productif et domestique. La différenciation
opère en fait par segmentation progressive : se créent de nouvelles sous-collectivités, qui opèrent une redéfinition
des normes et valeurs de façon à ce qu'elles soient adaptées aux rôles nouveaux ainsi apparus. La société complexe se
distingue donc de la société traditionnelle par une culture moins homogène, plus diversifiée, du fait de la
multiplication des structures concrètes, des collectivités et sous-collectivités.
La plupart dcs commentateurs ont critiqué ce néo-évolutionnisme parsonien, et notamment le fait que les notions
de différenciation, d'adaptation et de complexité le conduisent à un certain ethnocentrisme qui fait de la société
américaine l'achèvement du processus évolutif des sociétés (cf. "Les États-Unis, société de tête" dans l'Histoire des
idées de M. LALLEMENT t.2, p. 100). La théorie de PARSONS dans sa version née-évolutionniste surtout, apparaît alors
pour ses détracteurs comme Wright MILLS comme une forme de légitimation de l'ordre établi, puisque PARSONS ne
s'interroge pas sur l'origine et le rôle idéologique des valeurs.
Norbert ELIAS émet la même critique : si tout ce qui contribue au maintien du système est fonctionnel et tout ce qui
n'y contribue pas est dysfonctionnel, alors le jugement de valeur se mêle à l'analyse sociologique, du fait de
l'approbation de l'existant. De fait. il est troublant de constater la coïncidence entre l'apogée de la domination
américaine après 1945 et la position hégémonique de la théorie structuro-fonctionnaliste de PARSONS dans la
sociologie américaine. A contrario, les critiques adressées au fonctionnalisme ne porteront véritablement qu'avec
l'apparition de troubles au sein de la société américaine à la fin des années 60 et au début des années 70 : échec des
problèmes de lutte contre la pauvretés révolution aubaine, guerre du Vietnam, nouveaux mouvements sociaux
(femmes, Noirs, étudiants...), puis premiers effets de la crise économique... Autant de troubles qui affaiblissent un
fonctionnalisme dont la portée était pour partie, assurée par la croissance économique et la quiétude politique.
On a reproché aussi à cette analyse son statisme, le changement social se réduisant à un phénomène d'adaptation
endogène et le conflit apparaissant essentiellement comme un accident dans le fonctionnement du système.
Enfin, une autre critique concerne l'abstraction excessive de cette théorie. Il s'agirait d'un outil à la fois trop abstrait
Courants de la sociologie – Page 6
et trop difficile à manipuler, dont on perdrait assez rapidement l'unité de fonctionnement.
Reste que la théorie de PARSONS va être complétée et enrichie par la prise en compte de ces différents points faibles,
notamment par R.K. MERTON dont nous allons maintenant examiner les apports.
II – Le fonctionnalisme relativisé de Robert King MERTON
R .K. MERTON fait ses études à Harvard où il suit notamment les cours de PARSONS mais il va enseigner à Columbia,
dont nous avons souligné plus haut qu'il s'agissait du foyer de la sociologie empiriste et quantitativiste. Ces éléments
biographiques sont symboliques, car MERTON va se livrer à une double critique : celle de l'empirisme aveugle des
sociologues qui accumulent faits et chiffres à Columbia, et celle de l'abstraction absolue que prônent les disciples de
PARSONS à Harvard.
On a vu que MERTON s'est livré à une critique nourrie du fonctionnalisme absolu de MALINOWKSKI. Il critique
également la démesure des ambitions théoriques de PARSONS. MERTON va se préoccuper en permanence des rapports
entre théorie sociologique et recherche empirique. Il considère comme acutellement impossible, en raison de l'état
d'avancée scientifique de la discipline, de bâtir une théorie générale en sociologie. Il se prononce donc pour des
théories à moyenne portée (middle range), construites à partir de la codification des résultats empiriques obtenus sur
des objets sociologiques précisément délimités. Il insiste tout particulièrement sur les apports de la recherche
empirique à la théorie sociologique. Elle n'est pas seulement une vérification ou un contrôle des hypothèses, mais
contribue à développer la théorie qu'elle suscite, refond, réoriente et clarifie. MERTON insiste en particulier sur la
sérendipité à laquelle tout chercheur de terrain est confronté et qu'il définit comme la découverte et l'observation
d'une « donnée inattendue, aberrante et capitale qui donne l'occasion de développer une nouvelle théorie ou
d'étendre théorie existantes ».
Il donne l'exemple des lapsus linguae découverts par FREUD qui lui ont permis d'élargir sa théorie du symptôme et de
la répression.
Les apports de MERTON à l'analyse fonctionnelle sont constitués notamment par un certain nombre de concepts qu'il a
lui-même fondés (équivalents fonctionnels, disjonctions, fonctions manifestes/fonctions latentes) ou à des concepts
empruntés qu' il redéfinit (en-groupe/hors-groupe, groupe d'appartenance/groupe de référence) que notas allons
examiner ici, et à travers plusieurs extraits des chapitre travaillés en TD.
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3.1 – Fonctions manifestes/fonctions latentes
Si MERTON critique l'usage fait de la notion de fonction, il ne renonce pas pour autant à son usage. Dans un ouvrage
où abondent les exemples concrets, il tente de montrer que la notion de fonction ne pèche pas nécessairement par
théologien ou par tautologies. On se rappelle que pour MERTON, il existe dans toute société des institutions ou
phénomènes a-fonctionnels (cf. les boutons de manchette précités), des phénomènes dysfonctionnels, des
phénomènes fonctionnels par rapport à certains groupes mais pas par rapport à d'autres. Il est de ce fait possible de
se pencher sur les aspects conflictuels de la vie sociale sans se condamner à considérer tout conflit pomme un
symptôme pathologique.
Pour échapper à la confusion entre les motivations conscientes d'un comportement social (subjectives) et les
conséquences objectives de ce comportement, MERTON propose la distinction entre fonctions manifestes et fonctions
latentes. Les fondions manifestes sont celles dont les conséquences observées contribuent à l'adaptation ou à
l'ajustement d'un système donné, et qui sont comprises et voulues par les participants du système. Les fonctions
latentes à l'inverse, ne sont ni comprises ni voulues. L'exemple le plus connu est celui du boas dans la machine
politique américainet (cf. TD). Alors que le racket politique qu'il exerce est ouvertement condamné par la morale, le
boas exerce pourtant une fonction-clé dans la société américaine. Proches des réalités loyales, la machine politique
et ses agents électoraux répondent à des besoins que l'administration est souvent incapable de satisfaire légalement :
humanisation des procédés d'assistance aux catégories les plus défavorisées, protection des hommes d'affaires contre
les lenteurs bureaucratiques, possibilités de mobilité sociale pour ceux qui, sans elle, seraient exclus des moyens
conventionnels de la promotion (et verseraient peut-être dans une délinquance incontrôlée). On a là l'exemple d'un
dysfonctionnement apparent, qui contribue pourtant au fonctionnement du système dans son ensemble. L'existence
de ce dysfonctionnement et les raisons de son maintien sont bien expliqués par la fonction qu'il joue : répondre à une
demande non satisfaite par ailleurs. Et MERTON de conclure à l'inutilité de vouloir réformer des institutions
considérées comme dysfonctionnement sans s'interroger d'abord sur l'ensemble des fonctions, manifestes et latentes,
qu'elles remplissent. Procéder ainsi s'apparenterait à une conduite rituelle (ou si l'on préfère à l'énoncé d'un vœu
pieux), qui ne risque guère de déboucher sur des réalisations concrètes. On le constate aisément, une telle
explication n'est ni téléologique (la fonction latente mise à jour n'est pas explicitement poursuivie à travers les
institutions désignées) ni tautologique (l'explication dépasse le niveau de la simple évidence).
Un autre exemple, encore plus transparent, et tout aussi souvent cités est celui de la consommation ostentatoire. La
fonction manifeste de l'acquisition et de l'accumulation de biens est la satisfaction des besoins de celui qui s'en porte
acquéreur. Cette explication ne rend cependant pas compte des raisons de l'achat de produits onéreux (en dehors des
raisons qualitatives). de marque (même remarque), des préférences pour la plus grosse voiture etc. . . La recherche
des fonctions latentes de ce type de consommations montre qu'il peut s'agir d'afficher un rang social supérieur,
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d'affirmer un prestige social dont sont exclus ceux qui ne peuvent accéder à ces biens. Une logique mise en évidence
depuis longtemps par Thorstein VEBLEN même s'il le faisait dans des catégories un peu différentes.
On peut ici objecter (remarque personnelle) que les fonctions latentes ainsi mises à jour ne répondent pas
exactement à la définition qu'en donne MERTON (fonctions ni comprises ni voulues), dans la mesure où la recherche
d'un prestige supérieur peut être sciemment poursuivie à travers des pratiques de consommation ostentatoire ; en ce
sens les fonctions latentes de la consommation ostentatoire sont à la fois comprises et voulues mais pas déclarées
explicitement comme telles.
Dans l'article « Fonctionnalisme » de leur Dictionnaire critique de la sociologie, BOUDON et BOURRICAUD font une
lecture utilitariste de la notion de fonction latente chez MERTON, sans souligner cependant que cette lecture gauchit
la notion même de fonction latente. Je résume. Selon eux, l'analyse de MERTON montre que la machine politique " a
pour fonction d' attirer et de retenir les électeurs des classes populaires en leur fournissant des services d 'assurance
et d 'assistance sociale qui n 'étaient pas fournis par l 'Etat au moment où l 'auteur conduisit son analyse ". Dans cette
optique, la conduite de l'Etat, qui couvre le maintien d'institutions apparemment immorales est économiquement
rationnelle, car cela lui permet de proposer des biens qu'il peut produire à moindre coût et pour lesquels il existe une
demande dans la partie de l'électorat qu'il cherche à attirer. Il me semble cependant (vous en jugerez par vousmêmes en travaillant le texte en TD) que ce n'est pas ce qu'en dit MERTON que l'acteur, y compris politique, est à la
fois moins cynique et moins clairvoyant.
MERTON nous éclaire sur les usages spécifiques de cette distinction, applicable à d'innombrables objets sociologiques.
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En premier lieu, nous dit-il, elle éclaire l'analyse de pratiques qui paraissent irrationnelles. Elle permet
notamment de dépasser les explications si souvent avancées de « résistance au changement » de « superstitions »
etc... quand on observe des comportements collectifs qui n'atteignent pas leur but (ex : pris par MERTON : les
rites des Indiens Hopi destinés à faire pleuvoir ; fonction manifeste : météo ; fonction latente : renforcer la
cohésion du groupe en offrant une occasion périodique à ses membres disséminés de se réunir pour participer à
une action commune).
En second lieu, elle oriente l'attention vers des domaines de recherche féconds pour la théorie et permet
notamment de dépasser les catégories qui sont proposées par la demande sociale. MERTON prend l'exemple de
l'étude menée par Elton MAYO à la Western Electric de Hawthorne. Enquête de départ : relations entre l'éclairage
et le rendement ; étude des fonctions latentes conduit les enquêteurs à se pencher sur les relations humaines au
sein de l'entreprise.
En troisième lieu, elle représente un enrichissement important des connaissances sociologiques, notamment en ce
qu'elle permet de mettre à jour des résultats paradoxaux (écart notamment entre l'évaluation morale
« ordinaire » et les problèmes de social engineering, comme dans le cas du boss).
Enfin, elle exclut la substitution de jugements moraux naïfs à l'analyse sociologique. Vu que les évaluations
morales s'effectuent essentiellement à partir des fonctions manifestes, on peut s'attendre à ce que l'analyse des
fonctions latentes aille souvent à l'encontre des évaluations morales dominantes. Voir là aussi l'exemple du boss
que cette remarque introduit dans l'ouvrage.
3.2 – La prédiction créatrice
Il s'agit d'une prophétie auto-réalisatrice. Pour son analyse, MERTON part du théorème de THOMAS : « quand les
hommes considèrent certaines situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs conséquences ». MERTON
applique cette idée au Mercredi noir de 1932, comment une simple rumeur de faillite a engendré une vraie faillite de
la banque. Il prend aussi l'exemple des Noirs, perçus en tant que briseurs de grèves, alors que dans le Sud il n'y avait
pas de tradition syndicaliste et que personne n'a jamais cherché à faire admettre les Noirs dans les syndicats à cause
de cette fausse réputation.
Anticipation rend difficile la vérification empirique des phénomènes. Il s'agit d'un facteur dynamique qui agit comme
action sociale.
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3.3 – Rôles, statuts, ajustement social
MERTON reprend ces concepts-là de LINTON, mais en tire sa propre analyse. Dans une société, les individus ont
plusieurs statuts dont découlent différents rôles. C'est cet agencement de rôles et de statuts qui compose la vie
sociale, vie sociale qui subie en outre une pression de la part des autres et pouvant être en proie à des conflits de
rôles. Il y a donc là dysfonctionnement, anomie, c'est à dire une inadéquation entre les objectifs légitimes proposés
par une société, et les moyens disponibles pour atteindre cet objectif.
Aux Etats-Unis les valeurs matérielles sont le but mis en avant.
On peut résumer l'analyse de MERTON par le tableau ci-dessous, où ces scénarios expliquent le changement social :
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Modes d'adaptation (scénarios)
Buts
Moyens
Conformisme
+
+
Innovation
+
-
Ritualisme
(fonctionnaire zélé)
Indifférence
+
Suit la loi
Évasion
(Marginal)
-
-
Rébellion
±
±
+ : Acceptation des buts et moyens
- : Refus des buts et moyens
± : Refus des principaux buts, valeurs sociales, et introduction de nouvelles valeurs
Conclusion
Le fonctionnalisme fut le courant sociologique dominant aux Etats-Unis durant les années 50/60's, mais plus personne
aujourd'hui ne s'en revendique. On retrouve cependant un prolongement important chez CROZIER, qui a développé le
poids des organisations dans la société capitaliste moderne.
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