Tout d’abord, il se démarque du postulat par lequel il y aurait une unité fonctionnelle de la société. C'est-
à-dire qu’il considère que tous les usages sociaux ne sont pas fonctionnels, et que, par conséquent,
toutes les fonctions existantes socialement ne sont pas absolument nécessaires. Elles peuvent être
substituables les unes aux autres. Selon MERTON, il y a des fonctions manifestes, créées
consciemment et volontairement par les êtres humains, dans un contexte historique donné, et d’autres,
dites latentes, qui répondent à des désirs d’élévation ou de consolidation des statuts sociaux. Par
exemple, les grands partis politiques remplissent à la fois des fonctions manifestes (exercer le pouvoir,
décider) et latentes (clientélisme et promotion de certains individus).
De la même manière, il distingue les statuts sociaux ou positions sociales des rôles sociaux. Et il
introduit de la tension, de la conflictualité et de la dynamique entre les rôles et les positions sociales.
Ces tensions, conflits et dynamiques sociales participent par la même de la survie et de la reproduction
de l’ordre social en provoquant des ajustements permanents. C’est quand les ajustements ne se
produisent pas, c'est-à-dire, quant les rôles et les positions tendent à se figer, qu’il y a
dysfonctionnement. Prenant appui sur le concept de bureaucratie emprunté à Max WEBER, fondateur
de l’école allemande de sociologie, MERTON observe que la bureaucratisation des organisations et des
institutions aboutit à des dysfonctionnements sociaux.
En France, Michel CROZIER et de nombreux sociologues des organisations sont plus ou moins
directement inspirés par le fonctionnalisme de MERTON, plus que par celui de PARSONS. L’objet des
diagnostics sociaux et organisationnels se trouve ainsi déplacé du côté des phénomènes de
bureaucratisation et de ses effets. Mais dans tous les cas, il s’agit toujours de soigner la société en
provoquant des ajustements et des réformes, pour garantir la pérennité de l’ordre et de la cohésion
sociales, mais en jouant sur les dynamiques de changement et non pas sur la conservation des
traditions.
Les approches dites systémistes inspirées par la théorie générales des systèmes de Ludwig VON
BERTANLANFY (1966), vulgarisées par notamment Joël DE ROSNAY, reprises dans le champ des
sciences sociales de façon différente par des auteurs tels que Edgar MORIN ou Yves BAREL, doivent
aussi être prises en considération au titre des théories implicites sur lesquelles prennent souvent appui
les démarches de diagnostic.
Elles s’apparentent au fonctionnalisme voire à l’organicisme, chez certains vulgarisateurs.
Mais elles sont originellement extérieures à la sociologie. Elles transcendent les frontières entre
sciences sociales et humaines, biologie, physique, cybernétique, thermodynamique, écologie etc.
Il s’agit d’une manière générale d’étudier des systèmes et éco-systèmes vivants qui produisent les
entités humaines ainsi que les systèmes technologiques qui sont eux-mêmes produits par les hommes.
Les caractéristiques communes qui sont établies pour rendre compte du fonctionnement de ces
différents types de systèmes proviennent d’un raisonnement analogique. Ainsi, en découle une
controverse autour de la spécificité des systèmes sociaux et culturels humains par rapport aux systèmes
biologiques, physiques et technologiques.
Les approches systémistes reposent sur une vision circulaire des relations entre les différents éléments
qui composent les systèmes, que désigne le concept de réseau. Ces relations sont ainsi qualifiées
d’interactions dynamiques : actions, rétroactions ou feed back.
Cette vision circulaire, horizontale et dynamique est assortie d’un principe : le système est plus que la
somme des éléments et des parties qui le constitue. Toute compréhension et toute explication ne
peuvent par conséquent s’opérer que par l’appréhension de la globalité des systèmes et non par la
décomposition des parties qui les constituent.
Pour survivre, le système doit être finalisé, en projet, ouvert sur son environnement, en interaction avec
lui, en transformation, en construction, en dynamique, c'est-à-dire, une succession de phases
d’équilibres et de déséquilibres, de stabilisation et de changement, de régulation et de dérégulation :
stabilité dynamique et équilibre dans le mouvement.
Dans un tel cadre théorique, la démarche de diagnostic social, nourrie des notions de globalité et de
complexité, viserait à détecter à la fois les risques de sclérose et de fermeture des systèmes sociaux et
à identifier les ressources en terme de dynamique et de changement et ce, toujours dans un soucis
d’assurer la survie et la pérennisation dynamique dudit système.
Parler de théorie implicite nous amène donc à pointer un défaut d’explicitation courant dans la pratique
des diagnostics. A l’inverse, nous soutenons que les pilotes, animateurs ou opérateurs de diagnostics
sociaux, organisationnels ou territoriaux, ne sont pas dispensés d’être au clair sur leurs références
Commission Pédagogique DE JEPS – CEMEA Pays de la Loire – 5 novembre 2009 - 2/7