Travail complet - Gymnase Auguste Piccard

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Olivier Messiaen
Quatuor pour la fin du Temps
(1941)
Travail de maturité 2003
Gymnase Auguste Piccard, Lausanne.
Jérôme Faller
Musique
Je veux une musique étrange et reculée,
Comme un adieu du jour à l’horizon des nuits,
Où la face lunaire en son plein dévoilée
Laisse errer son halo comme un brouillard d’ennui.
Q’une lueur d’étoile y neige atténuée,
Que le silence y dorme ainsi qu’un songe amer,
Q’on y distingue pourtant le pas d’une nuée,
Qui verse en écumant sa bave dans l’éther.
Je veux une musique impalpable et ténue
Où des spectres de fleurs à flots éparpillés
Tournoieront sur une eau phosphorescente et nue
Entre des rayons bleus droits comme des piliers.
Cécile Sauvage, mère d’Olivier Messiaen,
in Pleine lune ou Croissant.
2
Olivier Messiaen
Quatuor pour la fin du Temps
Sommaire
Introduction
Premier chapitre : la vie de Messiaen
p. 4
1. Le musicien
2. Le théologien catholique
3. L'ornithologue
p. 6
p. 8
p. 9
1. Composition et création
2. Structure de l'œuvre
3. Aspect religieux
4. Le Temps
5. Aspect ornithologique
6. Aspect coloré
p. 13
p. 14
p. 15
p. 21
p. 25
p. 26
Deuxième chapitre : le Quatuor pour la fin du Temps
Conclusion
Bibliographie
Annexes
p. 28
p. 30
p. 32
3
Introduction
J’ai eu envie de mieux faire la connaissance de Messiaen lors d’un concert
au Musée International de la Croix Rouge à Genève, où l’ensemble Contrechant
interprétait le fameux Quatuor pour la fin du Temps, à l’occasion du vernissage de
l’exposition Mémoire des Camps. Cette première écoute, sans doute servie par
l’atmosphère émue qui régnait dans la salle, m’avait profondément touché; je
découvrais un langage musical et des atmosphères harmoniques encore
inconnues à mes oreilles, et dont la capacité d’exprimer l’émotion me fascinait.
Quelques jours plus tard, il m’a fallut répondre à la question de ma
première idée de sujet pour mon travail de maturité… Messiaen est venu
spontanément. Je ne connaissais pas encore l’effarante richesse de mon sujet, ni
la multitude de facettes du personnage, ni la profondeur spirituelle que l’auteur a
voulu donner à son œuvre… Ce travail de maturité n’est donc qu’un infime
reflet de la personnalité musicale de Messiaen, tant le sujet est vaste et dépasse
mes connaissances tant musicales que religieuses, ou a fortiori, ornithologiques.
Le but n’en était que d’essayer de donner quelques clés d’approche d’une
musique pas forcément facile à aborder, par l’explicitation de ses symboles et
valeurs. Messiaen a toujours su naviguer habilement entre le besoin
d’explications que suscite la musique et la première impression de l’auditeur, qui
ressent, sans nécessairement comprendre. Mais faut-il comprendre la musique
pour l’apprécier pleinement ? A cette question, Olivier Messiaen aimait à
répondre : « Il suffit d'écouter... Pour certaines de mes oeuvres, si l'on n'est pas
croyant, pas ornithologue, si l'on aime pas la couleur et que l'on a pas le sens du
rythme, il y a des choses qui échappent. Mais il y en a d'autres qu'on entend...1 »
1
in BOURGEOIS (Pierre). – Les leçons d’Olivier Messiaen (film)
4
5
Premier chapitre
La vie de Messiaen
1. Le musicien :
Olivier Messiaen est né le 10 décembre 1908 à Avignon, fils d’un
professeur d’anglais, traducteur réputé de Shakespeare, et de la poétesse Cécile
Sauvage, dont le recueil L’Âme en bourgeon, écrit durant sa grossesse, est empli
d’intuitions prémonitoires pour l’enfant à naître. Le jeune Messiaen vient donc
au monde dans un milieu artistique qui le marquera profondément et lui
conférera un sens de l’expression hors du commun. A l’âge de huit ans déjà, il
déclame de mémoire de larges extraits des pièces de Shakespeare, auxquelles son
père l’a initié, berçant ainsi son enfance des aventures de Macbeth ou du Roi
Lear… C’est d’ailleurs de cet univers peuplé de merveilleux que viendra au futur
compositeur le besoin de se référer à ce qu’il nomme les « contes de fée […]
reposant sur une Réalité lumineuse et immuable2 », à savoir la confession et la foi
catholique.
Au cours de la première guerre mondiale, alors que son père est mobilisé,
Olivier Messiaen part vivre à Grenoble avec sa mère, dont il est très proche et
qui crée autour de lui un climat poétique et féerique propice à l’imagination et à
l’expression. C’est pour lui l’occasion de découvrir l’univers naturel dans les
montagnes du Dauphiné auxquelles il restera fidèle, s’y retirant durant toute sa
vie pour y composer. C’est également à cette période qu’il aborde le piano de
manière autodidacte et s’essaie à la composition pour la première fois. A l’âge de
dix ans, Messiaen reçoit son premier cours d’harmonie par son premier
professeur, Jehan de Gibon, qui lui offre la partition de Pelléas et Mélisande de
Debussy, audacieuse intuition à l’heure où cet opéra tout récent suscite une vive
controverse. Pour le jeune compositeur, c’est une révélation ; l’œuvre le fascine
et il la qualifiera plus tard de « l’influence la plus décisive [qu’il ait] reçue…3 »
En 1919, la nomination de son père dans un lycée de Paris le propulse au
Conservatoire de la capitale où il poursuit l’étude du piano, aborde celle de
l’orgue, et entreprend sa formation théorique avec, pour ne citer que les plus
réputés, Marcel Dupré pour l’orgue et l’improvisation, Maurice Emmanuel pour
l’harmonie, ainsi que Paul Dukas pour l’orchestration. Sa personnalité musicale
de compositeur se forge petit à petit, et sa "trinité émotionnelle" – nature, foi et
musique – se dessine déjà à l’horizon. En 1922, il s’essaie pour la première fois à
2
3
in HALBREICH (Harry). – Olivier Messiaen. – p.58
in MESSIAEN (Olivier). – Entretien avec Claude Samuel (enregistrement sonore)
6
la notation musicale de chants d’oiseaux, mais de manière incertaine et «sans y
comprendre grand chose4 », comme il le dira lui-même plus tard. En 1926, il
reçoit le premier prix de contrepoint et fugue, celui d’accompagnement
pianistique en 1927, avant d’être lauréat des premiers prix d’orgue,
d’improvisation et d’histoire de la musique en 1929. Sa formation au
conservatoire s’achève en 1930, couronnée par le prix de composition.
Curieusement, celui que l’on nommera plus tard « le plus grand maître actuel de
la science harmonique5 » n’aura reçu aucun prix d’harmonie au cours de ses
années d’études…
A l’âge de 22 ans, Olivier Messiaen devient le plus jeune organiste titulaire
de grandes orgues de France, et c’est à la Trinité de Paris qu’il créera la plupart
de ses œuvres pour orgue, participant également aux services religieux, jusqu’à la
fin de sa vie. Avec la Nativité du Seigneur (1935), première grande œuvre pour
orgue, Messiaen applique les systèmes rythmiques et mélodico-harmoniques qu’il
a mis au point au cours de ses années de formation, entre autre avec Dupré et
Emmanuel, dans le cadre de leur enseignement des modalités exotiques. 1936
voit le début de sa carrière pédagogique, puisqu'on lui confie le cours de
déchiffrage à l’Ecole Normale de Musique, ainsi que celui d’improvisation à
l’orgue à la Schola Cantorum.
Probablement en réaction à la recherche uniquement esthétique du
Groupe des Six, très en vogue à ce moment-là, il fonde avec ses collègues Yves
Baudrier, André Jolivet et Daniel Lesur, le Groupe Jeune France, qui prône un
nouvel humanisme musical ainsi qu’une écriture religieuse, exprimant le lien
entre le divin et l’humain. Le premier concert de Jeune France a lieu le 3 juin
1936, et reçoit un accueil favorable tant de la part du public que de celle de la
critique. La fin de cette décennie est essentiellement consacrée à l’orgue et à la
composition, pour laquelle Messiaen se retire dans les montagnes dauphinoises.
Mobilisé en 1939, le musicien laisse sa femme Claire, qu’il a épousé sept
ans plus tôt et son fils Pascal, âgé de deux ans, pour rejoindre son affectation
d’infirmier dans l’armée française. Fait prisonnier en mai 1940, Messiaen est
déporté au Stalag VIII A de Görlitz, en Silésie, sur l’actuel territoire polonais. La
faim et le froid intense provoquent des hallucinations diverses, créant la
synesthésie sons-couleurs qu’il conservera toute sa vie. C’est dans ces conditions
qu’il composera son Quatuor pour la fin du Temps, créé au Stalag en 1941, quelques
mois avant son rapatriement en France, au printemps.
Appelé dès son retour au Conservatoire de Paris, le compositeur fait
partager sa passion pour les rythmes, les modes et les oiseaux. Son traité
Technique de mon langage musical, qui sort de presse en 1942 fait état de ses
recherches rythmiques, modales et ornithologiques, et lui permet d’accéder à
l’enseignement d’un cours d’analyse, qui sous cette appellation prudente, cachera
longtemps un véritable cours de composition. A la fin des années quarante, sa
4
5
in BOURGEOIS (Pierre). – op. cit.
HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 29
7
renommée de musicien, rythmicien, ornithologue, pédagogue et compositeur
commence à percer à l’étranger, occasionnant la venue d’élèves devenus
désormais célèbres, tels que Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen ou encore
Yannis Xenakis.
Claire Delbos, l’épouse du compositeur décède en 1959, après plusieurs
années d’hospitalisation. En 1962, Messiaen se remarie avec Yvonne Loriod,
pianiste virtuose dont il a fait la connaissance vingt ans plus tôt, et qui avait créé
la majorité de ses œuvres pianistiques. En 1966, Messiaen reçoit enfin la classe
de composition au Conservatoire de Paris, avant de devenir membre de l’Institut
de France en 1967. Dès lors se succèdent prix, honneurs et distinctions du
monde entier, jusqu’à la création de l’opéra Saint-François d’Assise, en 1983,
véritable couronnement d’une carrière exceptionnelle, nécessitant la participation
de plus de 280 musiciens, sous la direction de Seiji Ozawa.
Olivier Messiaen est mort le 22 décembre 1992 à Paris, laissant derrière lui
une cinquantaine d’œuvres, après avoir marqué profondément plusieurs
générations d’élèves et de mélomanes et bouleversé l’évolution de la musique
moderne presque tout au long du XXe siècle.
2. Le théologien catholique :
Quand on l’interrogeait sur la nature de sa foi, Messiaen aimait à dire qu’il
était « né croyant6 », et qu’il avait toujours été fasciné par les mystères de la foi.
C’est donc à témoigner de ses convictions et à célébrer la gloire divine que le
compositeur s’emploiera, véritable mission dont il se sent investi dès son plus
jeune âge. Il est sans doute possible de faire un parallèle entre sa fascination
enfantine pour les vitraux que son père l’emmène voir à Notre-Dame de Paris, et
les complexes de sons-couleurs dont toute son œuvre sera imprégnée. Plus tard,
sa vocation d’organiste lui permet également une participation active au culte,
dans la célébration duquel il se sent à l’aise, prétendant même y jouer mieux
qu’ailleurs. Et s’il rechigne à l’appellation de théologien, puisqu’il se refuse à
écrire tout traité de théologie, il lui préfère celle de « musicien mystique », dont
tous les ouvrages ou presque, sont étayés par des épigraphes bibliques ou des
commentaires religieux.
Par sa composition, Messiaen souligne la beauté, les oiseaux et la nature,
mais uniquement dans le but de « glorifier Dieu dans la splendeur de sa
Création.7 » Il était d’ailleurs spécifié dans la charte du Groupe Jeune France,
créé en 1936, que celui-ci prônerait une musique vraie et spirituelle, véritable acte
de foi, traitant de « tous sujets sans cesser de toucher à Dieu.8 »
6
7
8
in HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 27
in BOURGEOIS (Pierre). – op. cit.
in MASSIP (Catherine). – Portrait(s) d’Olivier Messiaen. – p. 39
8
Mais de la richesse culturelle du christianisme, le compositeur ne se sent
les aptitudes qu’à traiter l’aspect glorieux du Christ, renonçant à illustrer la
Passion ou la souffrance. Se sentant de manière générale plus doué pour
exprimer la joie que la douleur, Messiaen reste l’un des seuls compositeurs du
XXe siècle à n’avoir pas été inspiré par le barbarisme de ce dernier, qui à ses
yeux, ne fait figure que d’un instant face à la béatitude éternelle. Sa musique se
veut exaltante et réconfortante, à l’image d’un Dieu d’amour, de miséricorde et
de pardon. La Bible reste sa principale source d’inspiration spirituelle,
notamment l’Evangile et l’Apocalypse de Saint-Jean, particulièrement colorée à
ses yeux, Saint-Mathieu pour la Transfiguration de notre Seigneur Jésus-Christ (19651969), ainsi que les Epîtres de Paul et certains Psaumes. Mais il se contente de
citer les œuvres ou d’y faire référence, ne mettant que très rarement les textes
proprement dits en musique. Messiaen se refuse à toute composition liturgique, à
l’exception d’un motet en 1937, considérant que la seule musique liturgique
véritable, pour le catholicisme, est le plain-chant et le chant grégorien, dont il
s’inspire et auxquels il emprunte de véritables citations, selon la même méthode
que pour les chants d’oiseaux.
Messiaen disait lui-même qu’il est possible de comprendre sa musique
sans sa dimension spirituelle, de même que celle de Bach ou que toute autre
musique religieuse. Et même si la foi en est la raison d’être, il est possible d’en
apprécier l’esthétique sans en saisir la nécessité.
3. L’ornithologue :
« Je suis amoureux, je ne peux vous dire pourquoi... J'aime les chants
d'oiseaux...9 » C'est pendant son enfance dans le Dauphiné que Messiaen a
découvert ceux qu'il appellera plus tard « ses petits serviteurs de l'immatérielle
joie.10 » La diversité de leurs plumages, de leurs vols et déjà de leurs chants, le
fascine. C'est à l'âge de 18 ans qu'il s'attelle pour la première fois à la notation
musicale de chants d'oiseaux, et selon ses dires, s'y prend alors très mal et n'y
comprend rien. Mais il s'agit tout de même là du début d'une véritable vocation,
qu'il enrichit, encouragé par Paul Dukas, son professeur d'orchestration à Paris,
auprès d'ornithologues de renom. Il apprend à reconnaître le simple appel du
chant célébrant la beauté de la lumière, le chant amoureux – le plus beau de tous
à son avis – du chant "gratuit", celui que l'oiseau entonne parce qu'il en a
simplement envie, et auquel Messiaen porte une affection particulière. Les
oiseaux chantaient de longue date avant l'arrivée de l'homme, utilisant ce que
celui-ci appellera modes et neumes, et avaient inventé l'improvisation collective
et la musique aléatoire bien avant les compositeurs du vingtième siècle.
9
in MASSIP (Catherine). – op. cit. – p. 61
10
MESSIAEN (Olivier). – Technique de mon langage musical. – p. 27
9
Bien que ne se considérant que mauvais ornithologue, le compositeur
reconnaît l'avantage certain dont il profite, en regard de ses collègues non
musiciens : l'habitude de l'écoute musicale, fort utile quand le chanteur se dérobe
aux regards. L’approche de l'ornithologie traditionnelle mêlée à la sienne plus
personnalisée amène Messiaen à pouvoir reconnaître, au seul chant, une
cinquantaine d'oiseaux d'Europe, une vingtaine d'Amérique du Nord et du Japon
et même quelques-uns uns de Nouvelle-Calédonie. Il constate que tout oiseau
improvise toujours dans un mode donné, avec des inflexions proches du chant
grégorien, et selon des rythmes d'une complexité et d'une variété surhumaine,
surpassant même la rythmique hindoue et la métrique de la Grèce antique.
Dès lors, la notation exacte devient possible et Messiaen part souvent dans
la nature, avec une feuille de papier à musique et un crayon pour tout bagage.
Pour les témoins de ses heures de notation, le spectacle est surprenant :
inscrivant à une vitesse vertigineuse notes et signes cabalistiques, pour les non
initiés, sur des portées de quinze lignes, Messiaen reste immobile des heures
entières, parfois dans des positions très inconfortables, totalement absorbé par
son travail. Cette immense concentration s'explique par la difficulté de
l'opération : la nécessité d'écrire très vite la strophe précédente tout en écoutant
et retenant la suivante, le tout dans un registre suraigu. De retour chez lui,
Messiaen commence l'étape de transposition. En effet, l'oiseau, en raison d'un
rythme cardiaque beaucoup plus rapide que celui de l'homme, chante à des tempi
dont la virtuosité nous est inaccessible. De plus, le registre suraigu, comportant
des micro-intervalles de l'ordre de deux commas, nécessite une adaptation pour
l'oreille humaine: transposition du chant d'une à trois octaves plus bas,
augmentation des intervalles tout en gardant une échelle proportionnelle – un
huitième de ton devenant un demi-ton. Pour chaque oiseau, ce sont des
centaines d'écoutes successives qui permettent l'élaboration d'une partition telle
que le Catalogue d'oiseaux (1956-1958), qui ne rassemble pas moins de treize
espèces différentes. Mais la plus grande difficulté pour le compositeur est de
rendre le timbre propre à chaque oiseau, au moyen des harmoniques que
développent les accords – que Messiaen appelle complexes de sons. Chaque note
a son timbre distinct et doit par conséquent être portée par un accord spécifique.
Pour une pièce comme le Rouge-gorge des Petites Esquisses d'oiseaux, pour piano
(1985) ce sont plus de deux mille notes accompagnées d'autant de complexes de
sons différents... Et c'est vers le piano que Messiaen se tournera pour cette
délicate transposition, car si l'orchestre symphonique offre un grand nombre de
sonorités exploitables, l'attaque incisive du piano reste la plus proche de la
virtuosité éblouissante des oiseaux.
Le travail de compositeur proprement dit commence une fois l'ouvrage
scientifique terminé. C'est à partir du chant à l'état brut que le créateur
entreprend l'organisation de la pièce musicale. Messiaen adopte alors deux
méthodes différentes, en fonction de sa volonté de rendre un chant le plus exact
possible du point de vue scientifique (Catalogue d'oiseaux, 1956-1958) ou
simplement vraisemblable comme dans le Réveil des oiseaux (1953) qui en met en
10
scène plusieurs à la fois, dans un contrepoint créé de toute pièce par le
compositeur, mais néanmoins vraisemblable, puisque les chants qui le
composent ont été pris en dictée au même endroit et à la même heure plusieurs
jours de suite.
Après une première apparition explicite dans le Quatuor pour la fin du Temps
(1941), les oiseaux habiteront périodiquement toute l'oeuvre d'Olivier Messiaen,
parfois de manière symbolique, comme par exemple le chant du uirapuru du
Brésil, qui annonce la mort à celui qui l'entend et que le compositeur reprend
dans Et exspecto resurectionem mortuorum (1964). A plusieurs reprises, Messiaen
profite de ses voyages aux quatre coins du monde pour noter des chants
d'oiseaux, comme en Israël, où il cherche à retrouver les chants entendus par le
Christ, ou encore en Nouvelle-Calédonie, pour illustrer, dans Saint François
d'Assise (1975-1983), l'appel de Saint François aux oiseaux des îles lointaines.
Bien que les oiseaux soient déjà présents dans la musique depuis
longtemps, comme chez Rameau et Daquin, Olivier Messiaen est le premier à s'y
être intéressé avec autant de persévérance. Ses partitions restent les seules
notations musicales scientifiques (transposées pour l’oreille humaine) vraiment
exactes, alors que les ornithologues traditionnels continuent à traduire les chants
d'oiseaux au moyen d'onomatopées.
11
Cahier de notations de chants d’oiseaux d’Olivier Messiaen
La fauvette à tête noire
in MASSIP (Catherine). – op. Cit. – p. 60
12
Chapitre II
Le Quatuor pour la fin du Temps
1. Composition et création :
Les circonstances dans lesquelles Olivier Messiaen a composé et créé son
Quatuor pour la fin du Temps ne sont sans doute pas étrangères au succès par lequel
cette œuvre fut, et est toujours accueillie de nos jours. Le service du soldat
infirmier Messiaen est de courte durée, puisqu’il est fait prisonnier à Verdun lors
de la débâcle de mai 1940, et transféré au Stalag VIII A de Görlitz, en Pologne
actuelle. La légende veut que le compositeur défendît à corps et à cris son lot de
partitions de poches que l’on voulait lui confisquer à l’entrée du camp. Sa
profession de musicien le rendant inoffensif – à juste titre d’ailleurs – aux yeux
des nazis, ses geôliers le laissent donc en compagnie des Concertos Brandebourgeois
et même de la Suite Lyrique de Berg, pourtant fustigée par les dirigeants nazis.
Parmi les prisonniers présents, Messiaen fait la connaissance de quelques
musiciens, un violoniste, un violoncelliste et un clarinettiste, pour lesquels il
commence par composer un trio sans piano, ne sachant pas encore s’il pourrait
en disposer d’un. Cette courte pièce deviendra peu de temps après, l’Intermède
(IV) du Quatuor.
La première audition, précédée par quelques explications du compositeur,
a lieu le 15 janvier 1941 dans la cour du camp, devant quelque cinq mille
prisonniers transis : « Le froid était atroce, le stalag enseveli sous la neige »,
raconte le compositeur. « Les quatre instrumentistes jouaient sur des instruments
cassés : le violoncelle d’Etienne Pasquier n’avait que trois cordes, les touches de
mon piano droit s’abaissaient et ne se relevaient plus. Nos costumes étaient
invraisemblables : on m’avait affublé d’une veste verte complètement déchirée, et
je portais des sabots de bois. L’auditoire réunissait toutes les classes de la
société : prêtres, médecins, petits bourgeois, militaires de carrière, ouvriers,
paysans. […] Jamais je n’ai été écouté avec autant d’attention et de
compréhension.11 » Un article du Figaro, signé M.H. rapporte l’atmosphère qui
régnait au camp quelques minutes après que les applaudissements, timides au
début, ont retentis dans la cour : « Déjà on se disperse, chacun emportant son
tabouret sur ses épaules. Délivré de sa musique, rendu à sa timidité, Olivier
Messiaen ne sait que répondre à l’ami qui lui dit : « Ce qui est grave avec une telle
musique, ce n’est pas de retomber où l’on est, mais à ce qu’on est.12 »
11
12
in HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 310
in MASSIP (Catherine). – op. cit. – p.12
13
Peu après le retour de Messiaen en France, la création officielle a lieu à
Paris, le 26 juin 1941, avec le fidèle Etienne Pasquier au violoncelle et le
compositeur au piano.
2. Structure de l’œuvre :
Ecrit pour clarinette en si bémol, violon, violoncelle et piano, le Quatuor
pour la fin du Temps s’articule en huit mouvements, aux nomenclatures très
connotées religieusement :
I.
II.
Liturgie de Cristal : bien modéré, en poudroiements harmonieux.
Vocalise pour l’Ange qui annonce la fin du Temps : tripartite, de caractère
modéré, avec un thème central presque lent, impalpable, lointain.
III. Abîme des oiseaux : pour clarinette solo, lent, expressif et triste.
IV. Intermède : le fameux trio sans piano composé en premier lieu, décidé,
modéré, un peu vif.
V.
Louange à l’Eternité de Jésus : pour violoncelle et piano, infiniment lent et
extatique.
VI. Danse de la fureur, pour les sept trompettes : tous les instruments à l’unisson,
dans un caractère décidé, vigoureux, granitique, un peu vif.
VII. Fouillis d’arcs-en-ciel, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps : de manière
générale rêveur, presque lent, à mon sens le mouvement le plus
complexe.
VIII. Louange à l’Immortalité de Jésus : ultime duo pour violon et piano, pendant du
cinquième mouvement, extrêmement lent et tendre, extatique.
Ces huit morceaux contrastent fortement de par leurs effectifs (le quatuor
au complet n’apparaît que dans les mouvements I et VI, et par moments dans les
numéros II et VII), mais aussi par leurs caractères très différents.
Dans la préface du Quatuor, Olivier Messiaen explique la raison de ces huit
mouvements : « Sept est le nombre parfait, la création de 6 jours sanctifiée par le
sabbat divin ; le 7 de ce repos se prolonge dans l’éternité et devient le 8 de la
lumière indéfectible, de l’inaltérable paix.13 »
13
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la Fin du Temps. – p. 1 (Préface)
14
3. Aspect religieux :
« Je vis un ange plein de force, descendant du ciel, revêtu d’une nuée,
ayant un arc-en-ciel sur la tête. Son visage était comme le soleil, ses pieds comme
des colonnes de feu. Il posa son pied droit sur la mer, son pied gauche sur la
terre, et, se tenant debout sur la mer et sur la terre, il leva la main vers le Ciel et
jura par Celui qui vit dans les siècles des siècles, disant : Il n’y aura plus de Temps ;
mais au jour de la trompette du septième ange, le mystère de Dieu se
consommera.14 »
C’est par cette citation, tirée de l’Apocalypse de Saint Jean et dont il s’est
directement inspiré lors de la composition, que Messiaen introduit son Quatuor
pour la fin du Temps. De plus, l’œuvre est consacrée dès la première page de son
manuscrit par ces quelques mots :
« En hommage à l’Ange de l’Apocalypse,
qui lève la main vers le ciel en disant :
« Il n’y aura plus de Temps. »
La nécessité religieuse de cette œuvre n’est donc pas à prouver, tant les
champs lexicaux d’ordre spirituel ou théologique sont fréquents et mis en
évidence. On a cependant souvent reproché au compositeur le calme et le
dépouillement de sa musique en regard d’une représentation de l’Apocalypse. Il
répondait : « [celle-ci] ne contient pas que des monstres et des cataclysmes: on y
trouve aussi des silences d’adoration et de merveilleuses visions de paix. De plus,
je n’ai jamais eu l’intention de faire une apocalypse : je suis parti d’une figure
aimée (celle de l’Ange qui annonce la fin du Temps) et j’ai écrit un quatuor pour
les instruments (et les instrumentistes) que j’avais sous la main.15 » De même, la
notion de fin du Temps n’est pas synonyme de celle de fin des temps. Pour le
théologien, cela n’implique que « la fin des notions de passé et d’avenir, c’est à
dire le commencement de l’éternité.16 » Cependant, Messiaen souligne en
introduction à son œuvre que « tout ceci [reste] essai et balbutiements, si l’on
songe à la grandeur écrasante du sujet.17 »
Dans le commentaire de la Liturgie de Cristal (I), dont le titre évoque déjà le
service divin, Messiaen explique : « […] un merle ou un rossignol soliste
improvise, entouré de poussières sonores, d’un halo de trilles perdus très haut
dans les arbres. Transposez cela sur le plan religieux : vous aurez le silence
harmonieux du ciel.17 » En effet, dans ce mouvement intitulé « bien modéré, en
14
15
16
17
Apocalypse de Saint Jean, X, 1-7.
in HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 312
in PERIER (Alain). – Messiaen. – p. 53
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 1 (Préface)
15
poudroiement harmonieux18 » la source musicale semble lointaine et comme
embrumée par le son du piano « très enveloppé de pédale18 » et par le chant du
violoncelle tout en harmoniques, sons purs par excellence, mais également plus
impalpables et mystérieux.
Le deuxième mouvement, Vocalise, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps,
marque un contraste très violent entre le personnage de l’Ange décrit dans les
courtes première partie et coda, et « les harmonies impalpables du ciel.19 »
L’Ange, dont la puissance est illustrée, à mon avis, par l’omniprésence de
fortissimi et de sforzandi au piano, est coiffé d’un arc-en-ciel (grands arpèges à la
clarinette) et revêtu d’une nuée (unisson et trilles des violon et violoncelle dans
les sept dernières mesures). Dans la longue partie centrale, la « mélopée quasi
plain-chantesque des violons et violoncelles19 » célèbre, selon le compositeur, la
douceur harmonieuse et la paix céleste.
Dans La Louange à l’Eternité de Jésus (V), Messiaen veut exprimer Jésus en
tant que Verbe, nous explique-t-il dans sa préface. « Au commencement était le
Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu.20 » Le caractère
« infiniment lent, extatique21 » du mouvement, demandant au violoncelle d’être
« majestueux, recueilli, très expressif20 » représente l’éternité de ce Verbe. Je
reviendrai sur cette notion d’éternité dans le chapitre consacré au Temps.
La Danse de la fureur pour les sept trompettes (VI) fait clairement référence aux
six premières trompettes de l’Apocalypse suivies de diverses catastrophes ainsi
qu’à celle du septième ange qui annonce la consommation du mystère de Dieu.
D’immenses traits irréguliers de doubles-croches, à l’unisson pour les quatre
instruments créent un climat haletant, sans repère temporel, exprimant l’aspect
monstrueux et chaotique de la fin du monde (immense crescendo allant en
s’accélérant jusqu’au paroxysme « terrible et puissant22 » de la lettre O). Pour le
compositeur, ce mouvement constitue surtout « une étude de rythme.23 » Le
thème utilise les "rythmes à valeurs ajoutées", système mis au point par le
compositeur, qui consiste à ajouter une valeur brève dans un rythme quelconque,
généralement au moyen d’une liaison ou d’un point. Dans le cas de la Danse de la
fureur, ces valeurs courtes s’imbriquent dans de petits groupes de 5, 7, 11 ou 13
18
19
20
21
22
23
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 1
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 1 (Préface)
Evangile de Saint Jean, I, 1-2.
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 20
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 34
MESSIAEN (Olivier). – Pochette du disque du Quatuor pour la fin du Temps. – Arion, 1978.
16
doubles-croches, pour chacun d’entre eux des nombres premiers dont
l’indivisibilité n’est pas sans rappeler l’Eternité, chère à Messiaen.
Dans l’exemple suivant24, les valeurs ajoutées sont indiquées d’une croix et
les groupes de doubles-croches par des lettres. A = 3 doubles-croches (valeur
ajoutée sous forme de point) ; B = 5 ; C = 7 ; D = 11 et E = 13. [Exemple
musical no 1]
Vers le milieu du mouvement (lettre F), un passage pianissimo inattendu
se compose exclusivement de "rythmes non rétrogradables", autre spécialité du
compositeur, et dont l’équivalent littéraire serait le palindrome: qu’on les lise de
droite à gauche ou de gauche à droite, l’ordre de leurs valeurs reste le même. Sur
les trois motifs rythmiques de chaque mesure, les deux extrêmes sont rétrogradés
l’un par rapport à l’autre et la valeur centrale commune est libre: ces rythmes
sont donc dits non rétrogradables.
Dans l’exemple suivant, les valeurs centrales communes sont marquées
d’une croix. [Exemple musical no 2]
+
+
+
+
+
+
+
24
+
+
+
+
+
tiré de MESSIAEN (Olivier). – Technique de mon langage musical. – Vol. 2, p. 2
17
+
+
Enfin, dès la lettre I, violon et violoncelle répondent aux rythmes
augmentés ou diminués de manière inégale des clarinette et piano. Ces ajouts du
quart, du tiers, du double ou du quadruple, ou encore retraits du point ou retrait
des ¾ de la valeur, participent à la création de ce véritable chaos rythmique, qui
nous prive, pour autant que cela soit possible, de l’appui, de la pulsation attendue
et d’une forme de régularité. [Exemple musical no 3; cf. Annexe no 1]
devenant
puis
et enfin
Que de constructions mathématiques et de structures rythmiques
complexes pour exprimer la destruction et la ruine !
Le Fouillis d’arcs-en-ciel, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps (VII) est le
mouvement le plus fortement relié aux circonstances dans lesquelles le Quatuor
fut composé. Messiaen tente d’y transcrire les hallucinations colorées que lui
donnaient la faim et le froid glacial de la Silésie.
Ce mouvement est dédié à l’Ange, et surtout à l’arc-en-ciel, symbole de
paix, de sagesse « et de toute vibration lumineuse et sonore.25 » La structure
alterne les variations d’un premier thème « rêveur26 » [Exemple musical no 6, cf.
page suivante], séparées par les développements d’un second thème «robuste26 »,
avant le fouillis lui-même, qui reprend des éléments des autres mouvements. Le
piano reprend les "cascades d’accords", ces enchaînements harmoniques
descendant qui donnent une impression de chute, déjà fréquents dans le
deuxième mouvement ; par exemple : [Exemple musical no 4]
25
26
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 2 (Préface)
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 36-37
18
La clarinette retrouve des mouvements précédents les arpèges de "l’accord sur
dominante", qui contient toutes les notes de la gamme et dont l’exemple le plus
simple serait, en do majeur27 :
et arpégé, en sol bémol majeur : [Exemple musical no 5 ; cf. Annexe no 2]
pendant que le violon et le violoncelle font entendre une diminution du premier
thème en valeurs égales :
le premier thème : [Exemple musical no 6, violoncelle]
diminué enharmoniquement :
Les arcs-en-ciel me paraissent figurés par les arpèges du piano, qui
prennent plusieurs formes au gré des variations.
Thème (lettre A) : [Exemple musical no 6, piano]
27
tiré de MESSIAEN (Olivier). – Technique de mon langage musical. – Vol. 2, p. 37
19
devenant (lettre D) : [Exemple musical no 7]
et enfin (lettre K) : [Exemple musical no 8]
mais aussi par de nombreux "accords sur dominante" à la clarinette,
glissandi au violoncelle et arpèges au violon.
On constate à nouveau la déroutante complexité de la construction d’une
pièce symbolisant le Fouillis.
Enfin dans l’ultime et immense Louange (VIII) de violon, répondant à celle
du violoncelle dans le cinquième mouvement, Messiaen s’adresse à l’immortalité
du « second aspect de Jésus, à Jésus-Homme, au Verbe fait chair, ressuscité
immortel pour nous communiquer sa vie.28 » Cette mélodie d’une extrême
simplicité, soutenue par l’ostinato rythmique du piano qui rappelle une sonnerie
de cloche, semble un ultime moment de recueillement. «Elle est toute amour »,
nous dit le compositeur dans sa préface. Sa lente montée dans l’extrême aigu du
violon, « expressif et paradisiaque29 », représente « l’ascension de l’homme vers
son Dieu, de l’enfant de Dieu vers son père, de la créature divinisée vers le
Paradis.26 » Pour le laïc, c’est également une manière infiniment tendre et
apaisante de clore une œuvre fortement chargée sur le plan émotionnel.
28
29
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 2 (Préface)
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 50
20
4. Le Temps :
« Supposons un seul frappé dans tout l’univers. Un frappé : il y a l’éternité
avant, l’éternité après. Un avant, un après, c’est la naissance du Temps.
Supposons, presque aussitôt, un second frappé. Comme tout frappé se prolonge
dans le silence qui le suit, le second frappé sera plus long que le premier. Autre
nombre, autre durée, c’est la naissance du rythme.30 »
Le travail du Temps pour un compositeur passe donc immanquablement
par celui du rythme. Et quand le sujet de l’œuvre est justement la "fin du
Temps", c’est à dire, au sens théologique, le commencement de l’éternité, le but
pour le compositeur est d’éloigner au possible tous les repères temporels qui
jalonnent habituellement la musique : mesures à x temps, barre de mesure,
valeurs courtes, régulières et divisibles. Sans oser supprimer l’aspect temporel –
ce sera le privilège de la musique céleste, quand le Temps sera aboli – Messiaen
essaie de suspendre notre conscience du temps.
« Le rythme est, par essence, changement et division. Etudier le
changement et la division, c’est étudier le Temps. Le temps […] se divise de
mille manières, dont la plus immédiate pour nous est une perpétuelle conversion
de l’avenir en passé. Dans l’éternité ces choses n’existeront plus. Que de
problèmes ! Ces problèmes, je les ai posés dans mon Quatuor pour la fin du Temps.
Mais à vrai dire, ils ont orienté toutes mes recherches sonores et rythmiques.31 »
Le premier moyen que Messiaen a trouvé pour troubler notre perception
du temps, est de remplacer les notions de "mesures" et de "temps" (frappé) par
le sentiment d’une valeur brève, comme la double-croche, en les enchaînant bout
à bout autant de fois que nécessaire. Dans le premier thème de l’Abîme des oiseaux
(III), par exemple, la seule valeur qu’il est possible d’employer si l’on veut
marquer une pulsation est la double-croche. [Exemple musical no 9]
D’autre part, Messiaen est un compositeur essentiellement modal, c’est à
dire que sa musique s’inscrit le plus souvent dans l’une de ses inventions: les
"modes à transpositions limitées". Il s’agit d’échelles de sons parmi les douze
chromatiques tempérés, répartis de manière à ce que l’on ne puisse les transposer
qu’un nombre limité de fois. C’est à dire qu’en les transposant demi-ton par
demi-ton un certain nombre de fois, l’oreille perçoit les mêmes sons qu’à
l’origine. Alors que dans la gamme majeure, douze transpositions sont possibles
avant de retrouver la même structure, le premier mode de Messiaen, que l’on
30
31
in HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 142
in HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 311-312
21
nomme plus couramment gamme par tons, et que Debussy avait déjà employé
avant lui, n’est utilisable que deux fois sous des formes différentes:
Mode 1 (1ère transposition)
Mode 1 (2e transposition)
Mode 1 (3e transposition)
On remarque que lors de la troisième transposition, les notes sont les
mêmes que dans la première.
De cette manière, sur les sept modes à transpositions limitées inventés par
Messiaen, le premier n’est transposable qu’une fois, le deuxième n’admet que
trois transpositions, le troisième que quatre, et les modes 4, 5, 6 et 7, six
transpositions chacun. Ces derniers ne seront que peu utilisés par Messiaen, car
leurs transpositions, trop nombreuses, atténuent le « charme des
impossibilités.32 »
De ce fait, la musique modale offre moins de possibilités de modulations
que la musique tonale. En effet, là où en musique tonale, la modulation sera
sensible à l’oreille, elle ne le sera pas nécessairement en musique modale. Les
modulations seront donc moins fréquentes.
Limités dans leurs effets par « cette ligne d’horizon immuable33 », les
rythmes peuvent alors scander le temps sans risquer de remettre en cause
l’intemporalité de ligne mélodique.
Dans la Liturgie de Cristal, Messiaen se sert d’une autre de ses spécialités :
un ostinato rythmique, qu’il appelle pédale rythmique, conjugué à un ostinato
harmonique.
La pédale rythmique se compose de trois éléments hindous, appelés "décitâlas", qui mis bout à bout donnent un cycle de 17 durées34, un nombre premier
dont l’indivisibilité fascine Messiaen.
32
33
34
MESSIAEN (Olivier). – Technique de mon langage musical. – p. 5
HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 156
in MASSIP (Catherine). – op. cit. – p.109
22
Du côté harmonique, Messiaen enchaîne vingt-neuf accords, à nouveau un
nombre premier, créant ainsi deux cycles indépendants l’un de l’autre, perpétuels
et infinis. [Exemple musical no 10 ; cf. Annexe no 3]
Dans l’Abîme des oiseaux (III), Messiaen oppose le Temps aux oiseaux.
« L’abîme, c’est le Temps, avec ses tristesses, ses lassitudes. Les oiseaux, c’est le
contraire du Temps ; c’est notre désir de lumière, d’étoiles, d’arcs-en-ciel et de
jubilantes vocalises.35 »
Le caractère « lent, expressif et triste36 » du mouvement, « désolé36 » de la
clarinette, caractérise la présence pesante du Temps, gouffre dont on ne peut
sonder le fond et dont le chant d’oiseau « presque vif, gai, capricieux36 » nous
retire au moment où l’on y sombrait.
En sus de son aspect purement virtuose, l’Abîme des oiseaux est à mon sens
l’une des plus belles pièces du répertoire pour clarinette. La phrase s’étend,
suspendant le souffle de l’auditeur, dans des nuances et des timbres qui
traduisent l’extraordinaire connaissance que le compositeur avait de cet
instrument.
De manière générale, une des particularités de la musique de Messiaen est
l’immuabilité du tempo choisi. Le rubato en est banni, les accelerandi et
rallentendi sont rares et ont généralement une fonction symbolique importante.
Voilà encore une manifestation du statisme dans l’œuvre du compositeur: il se
refuse à manipuler le Temps, valeur immuable par essence.
Seule la Danse de la fureur, pour les sept trompettes (VI) comporte
d’importantes variations de tempi, soutenues par de terribles crescendi (lettre L)
créant un « véritable maelström sonore.37 » Le lien avec les trompettes de
l’Apocalypse et ses catastrophes paraît évident.
Du point de vue du tempo, celui indiqué pour l’exécution de la Louange à
l’Eternité de Jésus (V) est généralement un pensum pour le violoncelliste. En effet,
Messiaen indique la double-croche à 44, c’est-à-dire un tempo «infiniment
lent35 » en regard de la longueur des phrases musicales et des durées des tenues, à
fortiori dans des dynamiques passant du pianississimo au fortissimo et dans des
registres souvent très aigus. De plus, le compositeur demande au violoncelle
d’être « majestueux, recueilli, très expressif,38 » ce qui confère à cette Louange une
difficulté hors du commun.
35
36
37
38
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 1 (Préface)
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 15
HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 314
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 20
23
J’ai demandé à plusieurs violoncellistes quelle avait été leur approche de
cette problématique. Rares sont ceux qui décident de respecter entièrement les
volontés de Messiaen, à savoir de tenir le tempo demandé en exécutant aussi les
coups d’archet du compositeur. Pour beaucoup, la nécessité du tempo
extrêmement lent est primordiale, pour exprimer la notion d’éternité. En suivant
les vœux du compositeur, l’exécution reste naturellement possible mais
périlleuse, surtout sous l’effet de la nervosité due à la présence d’un public.
Pour le violoncelliste espagnol Marçal Cervera, il est indispensable de
prendre un tempo plus allant, considérant qu’avec la double-croche à 44, la
musique manque de vie. Pour d’autres, cette dernière notion n’entre pas en ligne
de compte, puisque de nouveau, il s’agit d’éternité.
J’ai écouté avec intérêt les avis des différents violoncellistes interrogés,
particulièrement à propos de l’interprétation des volontés de Messiaen. Cela
soulève une question, qu’il est possible de généraliser à l’ensemble de la
musique : doit-on véritablement respecter à la lettre les indications du
compositeur, quand bien même parfois, la propre sensibilité de l’interprète n’est
pas en accord avec celles-ci ?
Messiaen n’est plus là pour témoigner à ce sujet, mais les enregistrements
de ses œuvres peuvent le faire à sa place : dans la version du Quatuor enregistré
en novembre 1990 avec Yvonne Loriod, la seconde épouse de Messiaen au
piano et en présence du compositeur, le tempo est nettement plus rapide
(double-croche à 56). Le débat reste donc ouvert…
24
5. Aspect ornithologique :
C’est dans le Quatuor pour la fin du Temps que les chants d’oiseaux sont
présents pour la première fois dans une œuvre de Messiaen. Au moment de la
composition, celui-ci n’avait pas encore entrepris ses grandes notations exactes
de chants d’oiseaux, aussi sont-ils ici retranscrits approximativement.
Dans la Liturgie de Cristal (I), violon et clarinette se répondent tout au long
du mouvement « comme un oiseau39 » sur des motifs prêtés au merle et au
rossignol. [Exemple musical no 11]
Ce premier thème ornithologique de la clarinette est repris plusieurs fois
au cours des mouvements suivants, à l’instar de la Vocalise, pour l’Ange qui annonce
la fin du Temps (II), durant laquelle la clarinette reprend plusieurs fois cet appel du
merle noir. [Exemple musical no 12]
L’Abîme des oiseaux (III) est évidemment le mouvement le plus orienté vers
les chants d’oiseaux. Ceux-ci sont mis en opposition avec le caractère pesant et
grave du Temps. Messiaen crée un grand contraste en insérant la partie centrale
de caractère « presque vif, gai, capricieux40 », consacrée au chant de l’oiseau
imaginaire. « Ensoleillé, comme un oiseau, très libre de mouvement37 », il est
écrit dans le style fantaisiste du merle noir, satisfaisant notre désir de «lumière,
39
40
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 1
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 15
25
d’arcs-en-ciel et de jubilantes vocalises41 » ! [Exemple musical no 13 ; cf. Annexe
no 4]
Dans l’Intermède (VI) composé en premier lieu, la clarinette reprend encore
par trois fois le fameux appel du merle noir, entrecoupé d’accords sur
dominante.
6. Aspect coloré :
Comme cela a été dit précédemment, Olivier Messiaen était atteint de
synesthésie ou synopsie, un dérèglement des nerfs optique et auditif, qui permet
de voir des couleurs en entendant des sons. Celui-ci peut également être
provoqué par la mescaline, une drogue dont Henri Michaux exploita les effets
dans ses créations poétiques.
Pour Messiaen, la vision de couleurs est exclusivement intérieure et en ce
sens, comparable à l’audition intérieure, qui permet à nombre de musiciens
d’entendre une partition en la lisant simplement.
Ce sont généralement des complexes de sons qui se traduisent par des
complexes de couleurs dans l’œil du compositeur. Quand on les transpose d’un
ou de plusieurs demi-tons, les accords sons-couleurs changent complètement
d’aspect, mais ils s’éclaircissent d’octaves en octaves vers l’aigu.
Les modes à transpositions limitées, créés par Messiaen, sont
naturellement colorés, et changent d’aspect lors des diverses transpositions. Le
mode 3 dans sa première transposition par exemple, est «orangé auréolé de
blanc laiteux aux reflets roses, piqueté d’un peu de rouge, comme une opale,
avec quelques pigmentations vertes et quelques taches d’or. » Il devient «gris, or
et mauve » dans sa deuxième transposition, « bleu et vert » dans sa troisième, et
enfin « orangé rayé de rouge, avec un peu de bleu42 » dans sa quatrième
transposition.
Il est naturellement malaisé pour le commun des mortels non atteints de
synopsie de parler des visions colorées de Messiaen, et c’est évidemment un
aspect de sa musique qui nous échappe complètement. Mais le Quatuor pour la fin
du Temps est la première œuvre du compositeur qui a pour sujet, entre autres, la
couleur.
Les seules indications dont on dispose à ce propos se trouvent dans la
préface du Quatuor, ainsi que dans les commentaires que Messiaen a tenus à son
propos à diverses occasions. Tout cela paraît malheureusement très abstrait, pour
nous autres mécréants de la couleur !…
Dans le commentaire de la Vocalise, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps
(II), le compositeur fait mention des « cascades douces d’accords bleu et mauve,
41
42
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 1 (Préface)
in HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 139-140
26
or et vert, violet-rouge, bleu-orange, le tout dominé par des gris d’acier43 » qui
s’égrainent, comme des « gouttes d’eau en arc-en-ciel44 » durant toute la partie
centrale du mouvement. A nous de faire preuve d’imagination à l’écoute!
[Exemple musical no 14 ; cf. Annexe no 5]
Messiaen explique dans le commentaire du Fouillis d’arcs-en-ciel, pour l’Ange
qui annonce la fin du Temps (VII) les hallucinations dont il était victime au Stalag de
Görlitz, et qui sont à l’origine de l’inspiration de ce mouvement: « Dans mes
rêves, j’entends et je vois accords et mélodies classés, couleurs et formes
connues ; puis après ce stade transitoire, je passe dans l’irréel et subis avec extase
un tournoiement, une compénétration giratoire de sons et de couleurs
surhumains. Ces épées de feu, ces coulées de lave bleu-orange, ces brusques
étoiles : voilà le fouillis, voilà les arcs-en-ciel !45 »
Malgré l’aspect peu concret de ces notions colorées, il me semblait
important de les mentionner, le Quatuor pour la fin du Temps étant une œuvre
pionnière dans ce domaine. Depuis les hallucinations de sa captivité, Messiaen
conservera sa synesthésie jusqu’à la fin de sa vie, et reste le seul compositeur à
avoir étudié ce phénomène dans l’histoire de la musique en général et dans son
œuvre en particulier, de manière aussi approfondie, y consacrant, par exemple
une bonne partie de son monumental Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie.
43
44
45
in HALBREICH (Harry). – op. cit. – p. 313
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 9
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps. – p. 2 (Préface)
27
Conclusion
Je reste souvent sceptique à l’écoute d’analystes musicaux péremptoires
qui prêtent aux compositeurs des volontés parfois étranges et à mes yeux
"capilotractées…" Mais dans la musique de Messiaen, je n’ai été que peu
confronté à ce type de sentiment : le doute a souvent cédé sa place à la
conviction. Premièrement, une somme extraordinaire de renseignements est à
notre disposition, venue soit directement du créateur lui-même, par le biais des
commentaires, préfaces et postfaces dont il agrémentait ses œuvres, par celui de
ses divers traités écrits au cours de sa vie, ou encore par les souvenirs de ses
anciens élèves, parmi lesquels Boulez, Stockhausen ou Xenakis. Quoiqu’il en
soit, il s’agit toujours d’informations de "première main." Il est difficile de
contester une interprétation des nombreux éléments symboliques qui peuplent la
musique de Messiaen, tant les certitudes quant à l’angle de lecture sont
nombreuses. C’est aussi pour cette raison qu’analyser la musique de Messiaen est
confortant.
J’ai tenté de montrer dans les pages précédentes à quel point la
construction du Quatuor pour la fin du Temps est extraordinaire. Il est pour ainsi
dire toujours possible de "disséquer" un passage en multiples éléments
théoriques expliqués par Messiaen, à l’instar de la Liturgie de cristal, qui rassemble
chants d’oiseaux, mélodie inspirée du plain-chant, canon de rythmes nonrétrogradables ou encore rythmes hindous et accords colorés… Mais ce qui me
fascine, hormis le fait que l’on ne remarque rien à l’écoute, si l’oreille n’en est pas
avertie, c’est que "malgré" cette construction, en soi plutôt paralysante, l’élan
musical subsiste, l’émotion demeure.
A mon sens, quand Messiaen dit, dans le film de Pierre Bourgeois: « Il y a
des choses qui échappent. Mais il y en a d’autres qu’on entend…46 », il résume en
quelques mots l’approche vrai de la musique. A chacun son plaisir, qu’il soit
analytique ou émotionnel, réfléchi ou simplement ressenti.
Au fur et à mesure de mes recherches sur la personnalité, le langage
musical ou les modes d’expression d’Olivier Messiaen, ma fascination à son
égard n’a cessé d’augmenter.
En effet, de par l’éclectisme de ses intérêts variés, Messiaen pourrait
passer à première vue pour un compositeur compliqué, qui mêle une forme de
science exacte à des croyances plus contestables aux yeux de certains, ou qui
mélange divers éléments plus ou moins dépareillés.
Mais à la réflexion, c’est précisément cela qui en fait un personnage
musical intéressant et attachant. Comment Messiaen a-t-il pu, à base de rythmes
46
in BOURGEOIS (Pierre). – Les leçons d’Olivier Messiaen (film)
28
hindous, de métrique grecque, d’éléments moyenâgeux tirés du plain-chant ou du
chant grégorien, de chants d’oiseaux et d’une synesthésie étrange, créer un
langage musical propre et particulier, au point qu’il soit, avec un minimum de
connaissances musicales, reconnaissable dès les premiers instants?
Attachant, Messiaen l’est également de par son caractère facétieux et
joueur, parfois caustique à l’égard de ses collègues compositeurs, et de par son
esprit vif, émerveillé par des choses simples, trop souvent ignorées.
Messiaen touche, donc. Par sa timidité durant sa jeunesse, par sa modestie
à l’aube de sa renommée, et plus tard par sa gentillesse, ses joies enfantines, sa
bienveillance et sa volonté de transmettre un amour de la musique présent
depuis toujours.
Pour preuve de cette acceptation universelle, les nombreux honneurs dont
il a été gratifié de son vivant et à titre posthume, ou encore la majesté du Mont
Messiaen, dans l’Utah, aux Etats-Unis. Mais surtout, le fait que dix ans seulement
après sa mort, Messiaen soit considéré comme un classique, et non plus comme
un contemporain, prouve à mes yeux la dimension extraordinaire du message de
l’un des plus grands créateurs du XXe siècle.
29
Bibliographie
Ecrits du compositeur :
MESSIAEN (Olivier). – Technique de mon langage musical. – 2 vol. – Paris :
Alphonse Leduc, 1944.
Ibid. – Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie. – 8 vol. – Paris : Alphonse Leduc,
1949-1994.
Ibid. – Conférence de Bruxelles. – Paris : Alphonse Leduc, 1960.
Ouvrages traitant d’Olivier Messiaen :
ARNAULT (Pascal). – Messiaen... les sons impalpables du rêve. – 2e éd. – Lillebonne :
Millénaire III Editions, 1999.
BERARD (Sabine), CASTEREDE (Jacques), HOLSTEIN (Jean-Paul),
LOUVIER (Alain) et ZBAR (Michel). - Musique Langage Vivant 3: analyses d'oeuvres
musicales du XXe siècle. – Paris : Zurfluh, 1998.
EMERY (Eric). – Temps et Musique. – Lausanne : L’âge d’homme, 1975.
HALBREICH (Harry). – Olivier Messiaen. – Paris : Fayard, 1980.
GOLEA (Antoine). – Rencontres avec Olivier Messiaen. – Paris : Julliard, 1960.
MASSIP (Catherine), IDE (Pascal), LOUVIER (Alain), PENOT (Jacques),
LORIOD-MESSIAEN (Yvonne), COUVIGNOU (Lionel). – Portrait(s) d'Olivier
Messiaen. – Paris : Bibliothèque nationale de France, 1996.
PERIER (Alain). – Messiaen. – Paris: Seuil, 1976.
ROY (Jean). – Présences contemporaines, Musique française. – Paris : Nouvelles
Editions Debresse, 1962.
SAMUEL (Claude). – Permanences d'Olivier Messiaen. – Arles : Actes Sud, 1999.
Ibid. – Entretiens avec Olivier Messiaen. – Paris : Pierre Belfond, 1967.
30
Ouvrages généraux :
Nouveau Testament. – Paris : Editions du Cerf, 1972.
Encyclopedia universalis. – Dictionnaire de la musique : Les Compositeurs. – Paris :
Albin Michel, 1998.
HONEGGER (Marc). – Science de la Musique. – Paris : Bordas, 1976.
Ibid. – Dictionnaire de la Musique. – Paris : Bordas, 1970.
Partitions :
MESSIAEN (Olivier). – Quatuor pour la fin du Temps (partition complète). – Paris :
Durand, 1942.
Ibid. – Quatuor pour la fin du Temps (matériel). – Paris : Durand, 1971.
Discographie :
MESSIAEN (Olivier). – Quartet for the End of Time (Loriod, Poppen, FischerDieskau, Meyer). – EMI records Ltd, 1991.
Ibid. – Quatuor pour la fin du Temps (Lavoix, Pasquier, Meunier, Di Donato). –
Paris : Arion, 1978.
Ibid. – Entretien avec Claude Samuel. – Paris : Erato Disques SA, 1988.
Filmographie :
BOURGEOIS (Pierre). – Les leçons d’Olivier Messiaen. – Artline Productions, 1987.
MILLE (Olivier). – La liturgie de Cristal. – Arte France, 2002.
31
Annexe no 1
Exemple musical no 3 :
Danse de la fureur, pour les sept trompettes [I – L]
32
33
34
Annexe no 2
Exemple musical no 5 :
Fouillis d’arcs-en-ciel, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps [I – K]
35
36
Annexe no 3
Exemple musical no 10 :
Liturgie de cristal [A – C]
37
38
Annexe no 4
Exemple musical no 13 :
39
40
Annexe no 5
Exemple musical no 14 :
Vocalise pour l’Ange qui annonce la fin du Temps [D – H]
41
42
43
44
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