les quatre instruments à l'unisson, la seule allusion de l'oeuvre à l'aspect
cauchemardesque de l'Apocalypse, furent rédigées en premier.
Ces huit morceaux contrastent autant par leurs dimensions et leur caractère que par
leur instrumentation. Le quatuor complet n'est présent que dans les premier et
sixième mouvements, au début et à la fin du deuxième mouvement (« Vocalise »,
pour l'Ange qui annonce la fin du Temps) ainsi que dans certains épisodes du
septième mouvement (« Fouillis d'arcs-en-ciel », pour l'Ange qui annonce la fin du
Temps). Le troisième mouvement, tel que mentionné précédemment, est un solo de
clarinette. Les deux louanges sont des duos et le quatrième mouvement, l'«
Intermède », un charmant petit scherzo en trio sans piano. Messiaen justifie le chiffre
de huit mouvements par cette explication : « Sept est le nombre parfait, la création
de six jours sanctifiée par le sabbat divin ; le sept de ce repos se prolonge dans
l'éternité et devient le huit de la lumière indéfectible, de l'inaltérable paix. »
Le compositeur lui-même précise que « le langage musical de l'oeuvre est
essentiellement immatériel, spirituel, catholique. Des modes, réalisant sur les plans
mélodique et harmonique une sorte d'ubiquité tonale, y rapprochent l'auditeur de
l'éternité dans l'espace ou l'infini. Des rythmes spéciaux, hors de toute mesure, y
contribuent puissamment à éloigner le temporel. [...] Le temps – mesuré, relatif,
physiologique, psychologique – se divise de mille manières, dont la plus immédiate
pour nous est une perpétuelle conversion de l'avenir en passé. Dans l'éternité, ces
choses n'existeront plus. »
L'en-tête de la partition porte la citation suivante de l'Apocalypse de saint Jean : « Je
vis un ange plein de force, descendant du ciel, revêtu d'une nuée, ayant un arc-en-
ciel sur la tête. Son visage était comme le soleil, ses pieds comme des colonnes de
feu. Il posa son pied droit sur la mer, son pied gauche sur la terre, et, se tenant
debout sur la mer et sur la terre, il leva la main vers le ciel et jura par Celui qui vit
dans les siècles des siècles, disant : Il n'y aura plus de Temps ; mais au jour de la
trompette du septième ange, le mystère de Dieu se consommera. »
En concert
Le violoncelliste Yegor Dyachkov se joindra au Trio Contrastes pour interpréter
l'oeuvre dans le cadre des Radio-Concerts du Centre Pierre-Péladeau. Le Quatuor
est pour lui une oeuvre extraordinaire, incroyable, qui dépasse les bornes par sa
charge spirituelle, par sa forme inhabituelle, par l'instrumentation inédite, qui
demande aux interprètes un engagement constant. » Le lendemain, les pianistes
Louise Bessette et Hakon Austbo s'attaqueront à une autre oeuvre maîtresse du
répertoire, Visions de l'Amen.
Quelques repères bibliographiques pour mieux comprendre le compositeur
Harry Halbreich. Olivier Messiaen. Collections Musiciens d'aujourd'hui, Éd.
Fayard/ SACEM, 1980. Un livre de plus de 500 pages, extrêmement touffu et
qui fait le point sur les oeuvres d'avant 1979 de Messiaen.
Claude Samuel. Entretiens avec Olivier Messiaen. Éd. Belfond, 1967.
Autoportrait saisissant du compositeur.
Le Monde de la musique, édition octobre 2001.