TROIS EXTRAITS DU LIVRE « MUSIQUE ET MYSTICISME »
1. Extrait du chapitre « Les origines de la Musique », par Bernard Cousin
Ces lois psychiques qui nous gouvernent
Si nous revenons parmi les hommes préhistoriques, nous allons comprendre
sans peine que les deux luminaires principaux qui éclairent notre vie, le Soleil et la
Lune, ont tout de suite éremarqués par l’Homo sapiens, qui, très vite, leur porte
une attention et des cultes particuliers.
Du rôle des astres dans la musique
Depuis la plus haute Antiquité, l’homme va se rendre compte du retour régulier
des saisons et des étoiles qui leurs correspondent, ainsi que du déplacement
complexe d’astres « errants » que les Grecs appelleront les « Planètes », et
l’homme va sans doute vouloir faire un rapprochement entre ces planètes et les sons
qu’il commence à créer.
De même que le rhombe, cette pierre pere d’un trou que l’homme primitif fait
tourner au bout d’une liane, donne un son lorsqu’elle est traversée par l’air, de même
les planètes tournant apparemment autour de la Terre doivent-elles donner des
sons. Ainsi pensent à peu près tous les hommes des civilisations anciennes.
Les seuls textes écrits que nous ayons à ce sujet remontent à l’Antiquité grecque.
Nous constatons que sur les deux piliers extérieurs de la tétraktys grecque vont être
placés le Soleil et la Lune. Ces deux piliers sont immuables, d’après la tradition
grecque. (Seuls les Arabes oseront les rendre mobiles ; c’est ce quon appelait, chez
eux, le « pentacorde Nawather ».)
Ainsi naît la théorie de lharmonie des sphères, toujours plus ou moins vivace de
nos jours.
Extrait du Chapitre « L’importance de la musique pour le mystique » par
Gérard Moindrot
« Tout est vibration », est-il précisé dans la tradition ésotérique. Alors pourquoi les
vibrations musicales revêtent-elles une telle importance dans la recherche mystique ? Il est dit,
dans l’Évangile de Jean : « Au commencement était le Verbe. » Le Verbe, parole de Dieu,
sonorité créatrice de l’univers, ne s’exprime à nous, humains, que dans la fragmentation, car le
Verbe serait la condensation de toutes les sonorités musicales, infrasoniques et ultrasoniques. Or,
l’homme ne peut concevoir ce son primordial, non seulement parce qu’il dépasse l’entendement
humain, mais aussi parce qu’il représenterait un réel danger, notre corps physique et notre corps
psychique n’étant pas conditionnés à appréhender de telles vibrations. La musique correspond
donc aux vibrations du monde «d’en bas» et nous permet, par son côté fragmenté, d’approcher le
Verbe divin selon notre propre compréhension. Elle est donc un support des énergies cosmiques,
elle abolit le temps en nous faisant entrer dans un domaine fusionnel avec ces énergies. Par la
musique, l’homme s’offre le moyen d’affirmer son existence en tant que sujet participant de
l’ordre du cosmos.
Le rôle mystique de la musique, nous l’avons dit, se retrouve dans les religions de toutes les
civilisations. Dans les sociétés traditionnelles, une place importante est faite à l’élément
rythmique lié au mouvement du corps. Il est connu que le rythme fait partie intégrante de
l’univers, que ce soit au niveau des vibrations du Noùs, du mouvement des atomes, des
pulsations stellaires, enfin, chez l’être animé, des rythmes respiratoire ou cardiaque... La liste
serait trop longue pour être poursuivie ici. C’est dans cette rythmique permanente de l’univers,
par des cellules répétitives, que le musicien va faire entrer l’assistance, le plus souvent par le jeu
de la danse, introduisant le corps, ainsi que l’âme, dans la communion cosmique.
De la même manière, l’utilisation des sons vocaux, telle qu’elle était pratiquée dans
l’Antiquité et telle qu’on la pratique encore en Orient et dans certains rituels rosicruciens, amène
l’être intérieur à s’harmoniser avec une fragmentation du Verbe, chaque son vocal étant associé à
une note particulière, elle-même en harmonie avec un centre psychique. Le chant grégorien, dans
sa pureté originelle, est une application mélodique des sons vocaux, de même que les psalmodies
des sûtras dans le bouddhisme.
Cette utilisation de la musique amène une harmonisation au sein des centres psychiques,
ainsi qu’un calme intérieur qui favorise l’expérience mystique. Mais cette expérience mystique
est également favorisée par des compositions techniquement plus élaborées, en fait par toute
sorte de musique, y compris le rock. Ce qu’il faut savoir avant toute chose, c’est que la source
profonde de l’inspiration musicale est située dans l’inconscient collectif, cet océan psychique
composé de toutes les expériences de l’humanité depuis l’aube des temps, dans lequel l’être
trouve sa dimension originelle, en même temps que dans l’inconscient personnel du compositeur.
C’est ainsi que l’œuvre musicale véhiculera un contenu subjectif, à la fois individuel et collectif,
auquel s’ajoutera le vécu personnel de l’interprète, et qui, finalement, atteindra l’auditeur au
travers du filtre de sa propre compréhension.
Extrait du chapitre Oiseaux, Couleurs et Musique La spiritualid’Olivier Messiaen, par
Mireille GUIGOU
Olivier Messiaen était-il un mystique ? Il s’en défend, car pour lui, le mysticisme étant l’union
de l’homme et de la divinité, il n’y a plus de place, me pour la musique, dans une fusion si
définitive ; tel Pythagore qui se disait « ami de la sagesse ». Philosophe et non point sage, Messiaen se crit
modestement comme un « théologien des sons ».
Son cheminement spirituel s’exprimera à travers les oiseaux, messagers du ciel, dont il
retranscrira les chants pour piano, pour orchestre, après avoir passé des décennies à les écouter,
les enregistrer, et avoir travaillé avec les ornithologues des pays il séjournait. Il décrit les
oiseaux comme « ses premiers et ses plus grands maîtres ». « Pas de fausses notes dans la
nature », dit-il, alors que dès l’âge de neuf ans, il passait des vacances à Fuligny, dans l’Aube.
Tandis qu’il gardait les vaches de ses tantes, il entendit les premiers chants de ses amis ailés.
C’est dans ce même lieu qu’il composa en 1928-1929 ses préludes pour piano. Il dit encore :
Ainsi j’ai remarqué, dans le Jura, une grive musicienne spécialement douée dont le chant était
absolument génial quand le coucher de soleil était très beau, avec de magnifiques éclairages rouge et
violet. Lorsque la couleur était moins belle ou que le coucher de soleil était plus bref, cette grive ne
chantait pas ou chantait des thèmes moins intéressants.
Une organisatrice de concerts, Denise Tual, qui passait devant l’église de la Trini, dont
Messiaen fut l’organiste titulaire pendant presque toute sa vie, nous raconte :
Je passais par hasard devant l’église de la Trinité, et j’entrais avec l’idée absurde de m’ychauffer. Je
restais clouée sur place : des ferlements extraordinaires venaient de l’orgue. Les oiseaux du monde
entier avaient pénétré par les tours de la Trinité et donnaient ce jour-un concert étrange de cris mêlés
aux battements d’ailes balayés dans une tempête […]. Ces sons nouveaux faisaient place subitement à une
superbe phrase musicale venant tout droit du ciel
Les couleurs seront également un des supports spirituels d’Olivier Messiaen. Elles sont
complémentaires aux sons, afin de former un tout artistique et spirituel, l’un n’existant pas sans
l’autre dans son esprit.
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