Messiaen, l’homme aux oiseaux
Au début des années 50, Messiaen propose d'ouvrir de manière spectaculaire la musique sur la
nature. Il justifie ainsi sa réponse salvatrice : « La nature, les chants d’oiseaux ! Ce sont mes
passions. Ce sont aussi mes refuges… que faire, sinon retrouver son visage oublié quelque part dans
la forêt, dans les champs, dans la montagne, au fond de la mer, au milieu des oiseaux ? C’est que
réside pour moi la musique ».
Dès l’âge de 14 ans, Messiaen transcrit ses premiers chants d’oiseaux. Mais, à partir du printemps
1952, par le truchement de son éditeur, Gilbert Leduc, Messiaen prend contact avec l’ornithologue
Jacques Delamain qui l’invite dans sa propriété des Charentes, « La Branderaie de Gardépée ». Là,
débute son inlassable rédaction de 300 carnets de notations des chants d’oiseaux transcrits d’abord
dans les provinces de France puis dans le monde au gré de voyages dont certains accomplis dans le
seul but d’écouter un oiseau inédit. Quant à sa méthode, Messiaen nous livre ses secrets : « Le
moment favorable, dit-il, est le printemps, la saison des amours, c'est-à-dire, les mois d’avril, mai et
juin […] Les meilleures heures de la journée correspondent au lever et ou coucher du soleil ».
« Le Catalogue d’oiseaux », le grand ouvrage
Entre 1956 et 1958, la rédaction du « Catalogue d’oiseaux », immense recueil pour piano, est un
geste artistique proprement inouï. D’abord, par son ampleur, puisqu’il comporte 13 pièces réparties en
7 livres savamment ordonnés selon un principe de symétrie (3+1+2+1+2+1+3). La pièce centrale, le
livre 4, « La Rousserole Effarvate », est le pivot d’un ensemble, qui selon la belle formule d’Alain
Louvier, peut-être décrit comme « Un grand poème symphonique avec piano seul en 13 tableaux ».
Tout aussi extraordinaire est son contenu : « J’ai tenté, précise Messiaen, de rendre avec exactitude
le chant de l’oiseau type d’une région, entouré de ses voisins d’habitat, ainsi que les manifestations
du chant aux différentes heures du jour et de la nuit, accompagnées dans le matériel harmonique et
rythmique des parfums et des couleurs du paysage où vit l’oiseau ».
Chaque pièce est introduite par un argument littéraire, Messiaen campe le décor et transmet à
l’auditeur son parcours sonore et visuel. Ainsi, pour « Le Chocard des Alpes », la première pièce du
Livre 1, Messiaen écrit : « Strophe : les Alpes du Dauphiné, l’Oisans. Montée vers la Meidje et ses
trois glaciers. 1ER couplet : près du refuge Chancel : le lac du Puy-Vacher, merveilleux paysage de
montagne, abîmes et précipices. Un Chocard des Alpes, séparé de sa troupe, traverse le précipice en
criant ».
L’ensemble du « Catalogue d’Oiseaux » fût créé, le 15 avril 1959, à la salle Gaveau, dans le cadre
des concerts du Domaine musical par Yvonne Loriod. Rappelons que « Le Catalogue d’oiseaux » est
doublement dédicacé à « Mes modèles ailés, à la pianiste Yvonne Loriod ».
Le festival Messiaen au pays de la Meije 2013 fait appel à trois remarquables pianistes pour
interpréter, en 3 concerts, l’intégrale du « Catalogue d’oiseaux » :
Momo Kodama (samedi 27 juillet), Marie Vermeulin (dimanche 28 juillet) et Markus Bellheim
(dimanche 4 août).
« Harawi », le grand cycle vocal
Ce cycle vocal, sous-titré : « Chant d’amour et de mort pour grand soprano dramatique et piano », est
tant par sa durée inhabituelle de 60 minutes que par son extrême difficulté vocale et pianistique une
œuvre rare dont les exécutions ont toujours un caractère exceptionnel. « Harawi », composé en 1945,
constitue le premier volet d’une trilogie que Messiaen a nommé « Tristan et Iseult » et qui se
poursuivra avec la « Turangalilâ- Symphonie » et les « Cinq Rechants ». Le grand mythe amoureux
médiéval est ici transposé dans le monde précolombien des indiens du Pérou. Messiaen conte en
douze mouvements les tragiques amours d’une petite péruvienne, Piroutcha, surnommée tout au long
de l’œuvre : « La Colombe verte ». Messiaen précise que le cycle : « est bâti sur deux thèmes
d’amour, très mélodique, que l’on entend souvent au cours des 12 chants ».
Le poème, écrit par Messiaen, est influencé par les poètes surréalistes qu’il affectionne : Breton,
Eluard, Reverdy). Les symboles empruntés au folklore péruvien y côtoient des images inspirées par
sa découverte des montagnes du Haut Dauphiné. L’écriture vocale exige des ressources techniques
et dramatiques hors du commun. Deux accords extraits d’ « Harawi », les plus beaux de son œuvre,
sont gravés sur la pierre tombale d’Olivier Messiaen à Saint Théoffray.
Karen Vourc’h (soprano) et Vanessa Wagner (piano) dans Harawi, le mardi 30 juillet à 21h à
l’église de La Grave.
« Le Quatuor pour la fin du Temps », poème en huit mouvements.
Le « Quatuor pour la fin du Temps » a été composé durant l’hiver 1940 alors que Messiaen était
prisonnier de guerre à Görlitz en Silésie. Il y fût créé, le 15 janvier 1941, par le compositeur, au piano,
et trois musiciens compagnons d’infortune : Jean Le Boulaire au violon, Henri Akoka à la clarinette et
Etienne Pasquier au violoncelle. Ce dernier écrit sur le programme imprimé pour la circonstance: « Le
camp de Görlitz …Bloc 27B, notre théâtre…Dehors, la nuit, la neige, la misère…Ici, un miracle…le
paradis merveilleux, nous soulève de cette terre abominable. Merci infiniment à notre cher Olivier
Messiaen, poète de la Pureté éternelle. En toute et grande affection». L’œuvre, de vaste dimension,
se présente comme un véritable poème symphonique en huit mouvements Messiaen parvient à
tenir en haleine son public en variant les combinaisons sonores, du solo de clarinette avec « L’Abîme
des oiseux », jusqu’au quatuor complet avec « Liturgie de cristal », en passant par les deux poignants
duos : « Louange à l’Eternité de Jésus » pour violoncelle et piano et « Louange à l’Immortalité de
Jésus » pour violon et piano. L’ensemble est pla par Messiaen sous linspiration de la citation
suivante de l’Apocalypse de Jean, chapitre X : « Il n’y aura plus de Temps ».
Alain Meunier (violoncelle), Anne Le Bozec (piano), Chiu-Jan Ying (violon) et François Suzeau
dans le Quatuor pour la fin du Temps, le dimanche 28 juillet à 21h-Eglise de La Grave
Au cours de ce festival, quatre hommages à Messiaen, composés par des compositeurs
contemporains sont inscrits au programme :
-Takemitsu : Rain Tree Sketch II, le samedi 27 juillet par Momo Kodama
-Ratkja : Louange II, pour violon, violoncelle et accordéon, le mardi 30 juillet, par les
élèves du CNSM de Paris
-Murail : Cloches d’adieu et un sourire… Le vendredi 2 août par Florent Boffard
-Harvey : Tombeau en hommage à Messiaen, le vendredi 2 août par François-Frédéric
Guy
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