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Méthodes et docimologie.
Le lecteur ayant pu apprécier la qualité de la copie, je vais à présent mettre en
valeur la méthode (en vert dans le texte) et commenter le devoir proposé (en rouge dans
le texte).
Avant cela, quelques explications : le sujet a été donné cinq mois après l’arrivée
des collégiens au lycée. Avec mes classes de seconde, j’ai décidé de commencer l’année
par la dissertation. Si elle est l’un des plus beaux exercices auxquels exhorte l’Éducation
Nationale française, elle est aussi l’un des plus compliqués. Ce qui fait sa beauté (mise en
avant de la faculté de questionner de l’apprenant, rigueur d’analyse, structure de la
pensée, puissance argumentative, imagination, etc.) peut tout aussi bien rendre compte
de sa difficulté. On songe alors à la dernière phrase de L’éthique de Spinoza : « Mais
tout ce qui est très précieux est aussi difficile que rare.
» Aimer, s’occuper de ses amis,
réussir sa vie, etc., c’est très compliqué aussi, s’abstiendra-t-on pour autant ?
Mais commencer le programme de lettres de seconde par la dissertation, n’est-ce
pas mettre volontairement les élèves en difficulté ? Non pas si, pédagogiquement, l’on
comprend que l’exercice de la dissertation contribue à faire césure entre le mode de
pensée propre au collège et le mode de penser qui spécifie le lycée. Un élève qui passe de
la 3e à la 2nde s’apprête tout simplement à affiner sa scientificité, son rapport personnel à
la vérité scientifique. Qui plus est, inaugurer la nouvelle année par la dissertation offre
mathématiquement plus de temps à la familiarisation et à la préparation à l’un des
exercices phares du baccalauréat.
Comment justifier la note mise à la dissertation de Madame É. Gandou ? N’y
aura-t-il point quelques inquisiteurs ou gentils débatteurs pour nous signaler qu’il est
aberrant de mettre 20/20 à une dissertation et, à plus forte raison, à la première donnée
en examen ? Allons au devant de leurs objections.
Ne pas mettre 20/20 en sciences humaines, en France, obéit à une pétition de
principe que l’on pourrait résumer ainsi : les élèves ne peuvent obtenir 20/20 parce
qu’ils sont jeunes, inexpérimentés, non au fait des méthodes, en général, ils lisent peu,
etc. (Un lecteur attentif aura remarqué que toutes ces critiques ne tiennent pas la route
quand on les confronte à la dissertation proposée). Autre argument de nos détracteurs :
mettre 20/20 à une copie de sciences humaines signifierait que l’élève a trouvé la vérité !
. B. Spinoza, Ethica More Geometrico Demonstrata (L’Éthique, 1677, posthume), trad. Roland Caillois, Paris,
Gallimard, 1954 (« Folio Essais »), p. 388.