
Message de Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO, à l’occasion 
de la Journée mondiale de la poésie 2006, 21 mars 2006 
  
Quels que soient l’époque ou le lieu, le monde est en mutation constante, d’un jour 
sur l’autre, ici et là. Les êtres humains ne font pas exception à cette règle, qui se 
transforment eux aussi. La vie de tout un chacun n’est-elle pas placée sous le signe 
de l’adaptation ? Dans leurs collectivités respectives, les peuples et leurs sociétés, 
leurs cultures et leurs civilisations évoluent au fil de l’histoire. Les êtres humains 
sont des vecteurs industrieux du changement, qui modifient leur environnement et, 
ce faisant, se métamorphosent eux-mêmes, battant du même coup en brèche toute 
perception simpliste d’une nature humaine qui serait immobile et immuable. Et 
pourtant la condition humaine se perpétue avec obstination : quand, le temps ayant 
passé ou dans un ailleurs lointain, nous nous reconnaissons dans d’autres et 
d’autres en nous-même, n’est-ce pas la marque d’une certaine persistance ? Mais 
est-il possible de rendre compte simultanément de ce qui est en mouvement et de 
ce qui ne change jamais ? 
  
La réponse est oui, bien sûr, grâce à la poésie. Certes, nous parlons différentes 
langues et la façon dont nous organisons les mots, les expressions et les phrases 
que nous utilisons varie de l’une à l’autre, tout comme l’architecture ou la 
versification de nos poèmes. Mais la poésie, par la diversité de ses formes et de ses 
rythmes, nous ramène à la dialectique du changement et de la permanence que 
nous observons dans la vie elle-même. 
  
Par le langage, nous exprimons nos croyances, nos valeurs et nous communiquons 
notre expérience dans toute leur multiplicité, et c’est la pluralité même de ce flux 
d’identités qui constitue l’humanité. La poésie est un pont entre les individus et les 
groupes, qui nous aide à nous connaître et à nous comprendre les uns les autres et, 
en vérité, nous-mêmes. Elle donne expression - parfois simplement, parfois avec 
une grande complexité - à nos craintes, à nos espoirs, à nos attentes et à nos 
appréhensions. Sous ses formes les plus élevées, la poésie est capable d’exprimer 
une vérité qui illustre l’essence même de notre humanité partagée. Et la beauté de 
la poésie nous rappelle quels sommets artistiques l’humanité peut atteindre. 
  
Cette année, nous célébrons le centenaire de la naissance du grand philosophe et 
poète, Léopold Sédar Senghor, qui a écrit : « Il suffit de nommer la chose pour 
qu’apparaisse le sens sous le signe ». La poésie est le plus merveilleux outil dont 
nous disposions pour nommer le monde, ses caractéristiques permanentes et ses 
transformations, d’une manière qui ravit l’esprit humain. Que cette Journée 
mondiale nous rappelle que la poésie sous toutes ses formes possède ce pouvoir 
proprement magique !