des mots venus de l’arabe dans nombre les langues européennes, y compris celles qui n’ont jamais
été sujettes aux invasions ayant apporté ces vocables : trace évidente de la continuité des
échanges.
b- le degré de diversité entre les langues parlées en Europe est également relativement faible.
Ces langues appartiennent presque toutes à la même famille linguistique : la famille indo-
européenne. Les quelques exceptions sont le basque, qui est un isolat, et l’estonien, le hongrois et
le finnois : encore ces trois dernières langues appartiennent-elles à la famille finno-ougrienne, qui
est la famille la plus proche de la famille indo-européenne.
Pourquoi ? Le degré de diversité entre les langues est fonction de l’ancienneté de leur
autonomisation, selon une loi qui veut qu’en gros, une langue renouvelle son vocabulaire de 20%
tous les millénaires. Ainsi le français et l’espagnol (groupe italique), qui ont divergé il y a un peu
plus d’un millénaire, sont deux langues plus proches entre elles que ne le sont, par exemple, le
Danois et le Portugais (groupe germanique et groupe italique), séparés plus anciennement d’un
tronc commun. On rejoint donc le même type de causalité que pour le relativement faible
nombre de langues : c’est parce que l’histoire des derniers millénaires a été, en Europe,
mouvementée, que les langues qui y sont aujourd’hui sédimentées sont proches parentes : là
encore, à comparer avec la Nouvelle Guinée, où des langues parlées dans des territoires très
voisins sont extrêmement éloignées entre elles, car elles y sont sédimentées depuis plusieurs
millénaires et ont pu évoluer indépendamment, malgré la proximité géographique, en raison d’un
ensemble de facteurs peu propices à l’échange entre les groupes humains.
3 L’identité européenne n’est pas à chercher du côté d’un esperanto.
Elle réside précisément dans la vitalité d’une diversité linguistique contenue depuis toujours dans
une familiarité ancienne aujourd’hui renforcée
L’identité européenne vers laquelle nous essayons de pointer, depuis plusieurs années au sein de
Celsius ou ailleurs, certainement les facteurs communs aux langues parlées en Europe en sont un
élément.
Dans le lent Völkerwanderung qui a poussé les peuples vers l’entonnoir de l’Europe occidentale, où
ils sont restés piégés jusqu’à découvrir comment franchir l’Océan et aller plus loin, s’est produit
un effet presque mécanique de compression : les peuples ont été en quelque sorte forcés de
cohabiter de près, et donc de se parler, ce qui a déversé d’une langue dans l’autre non seulement
des mots, mais des tournures, des schémas de pensée, des codes culturels. L’italien par l’opéra, le
français par la langue de cour, l’anglais par les affaires, etc... ont contaminé les langues de toute
l’Europe et les cultures correspondantes pendant des durées fort longues, préparant chez les
peuples des disponibilités partielles à s’entendre.
De même, l’existence d’innombrables marches, du type de l’Alsace, où sont également parlées les
langues des peuples voisins, a t-elle rendu plus difficile la construction de l’autre comme étranger
au long de très nombreux siècles. On voit les voyageurs venus d’autre pays n’être nulle part
perçus comme beaucoup plus différents que ceux qui viennent de la capitale ou de provinces
voisines. Il a fallu tout l’effort artificiel de construction de nationalités au XIXème siècle, avec leur
invention tyrannique d’une langue nationale, pour ériger les autres en étrangers, puis en ennemis.