Ce "ballet" important de médecins autour d’un patient crée, en plus de la collusion de
l’anonymat, le risque d’une surmédicalisation de sa santé. Un concept récent, mettant en
garde contre cela, est celui de la prévention quaternaire (voir fiche n°40 : Prévention
quaternaire) [61].
Les sociologues ont, quant à eux, décrit différents types de patients, dont le modèle "patients
du présent" caractérisé par le consumérisme. Ces patients, voulant guérir vite et n’hésitant
pas à critiquer leur médecin, en changent souvent, et sont sujets au nomadisme médical : ce
type sociologique de patients peut induire malgré lui la collusion de l'anonymat [27].
La fuite des responsabilités peut prendre aujourd’hui un autre visage que celui de la
collusion de l’anonymat ou de la "soumission à l’autorité" (voir fiche n°14 : La soumission à
l’autorité). Il s’agit d’un effet collatéral de la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
patients. Le médecin, respectant son devoir d’information et de liberté du patient à la lettre,
se dédouane de sa responsabilité derrière des études et des chiffres. Un exemple serait le
suivant : "Madame, vous avez un cancer du sein, si on ne fait rien vous avez X % de risque
de mourir, la radiothérapie diminue ce risque mais augmente celui d’insuffisance cardiaque
de Y %, la chimiothérapie diminue encore le premier risque mais augmente celui de
thrombose avec accident vasculaire cérébral de Z %. Je vous donne les dernières études
sur le sujet et vous laisse réfléchir". Ce type de dialogue n'est plus rare et laisse souvent le
patient dans un état de perplexité, pour ne pas dire d’angoisse importante.
Illustration
Un patient, qui a une pathologie psychiatrique lourde, mais également un terrain vasculaire
avec une hypertension artérielle et un antécédent d’accident vasculaire cérébral, consulte
suite à une chute mécanique avec contusion. Il a un suivi très épisodique, rendant difficile sa
prise en charge. En regardant son dossier médical, la dernière prescription de son traitement
de fond remonte à presque un an.
En s'enquérant auprès du patient de son actuel traitement psychiatrique on s'aperçoit que la
dernière ordonnance du psychiatre contient tout le traitement, y compris cardio-vasculaire. Il
semble alors difficile d'intervenir auprès du patient et de lui souligner la nécessité d'une
surveillance correcte, alors qu’un confrère, sans doute pour lui rendre service, prescrit des
médicaments qui n’ont rien à voir avec sa spécialité. Le médecin traitant se sent dépossédé
de la responsabilité de la prise en charge du terrain vasculaire, en même temps que le
psychiatre ne se sent sûrement pas responsable de ce qui ne touche pas à la psychiatrie.
Quelle incidence cela peut-il avoir sur la qualité des soins délivrés au patient ? Quelle
interférence ces prescriptions provoquent-elles au sein de la relation thérapeutique entre le
patient et son psychiatre ? Quels bénéfices et quels risques a-t-on à ne rien changer ?