Introduction aux groupes de Lie-Poisson
Charles-Michel Marle*
En hommage au Professeur Ribeiro Gomes, qui m’a fait
connaˆıtre la tr`es prestigieuse Universit´e de Coimbra,
o`u il m’a re¸cu avec tant d’amiti´e.
1. Introduction
Les groupes de Lie-Poisson ont ´et´e consid´er´es pour la premi`ere fois par Drinfel’d
[7] [8]. Nous nous proposons de pr´esenter dans ce texte quelques unes de leurs tr`es
remarquables propri´et´es. Les r´esultats que nous pr´esentons sont d´ej`a connus et figurent
dans la bibliographie cit´ee, en particulier dans les tr`es int´eressants travaux de Lu [20], [21],
Lu et Weinstein [22]; seules quelques d´emonstrations, utilisant le crochet de Schouten,
sont peut-ˆetre nouvelles.
Le lecteur int´eress´e par des applications et exemples pourra consulter [5]; pour les
d´eveloppements du sujet que nous n’avons pas trait´es, il pourra se reporter :
— pour les actions de groupes de Lie-Poisson et les transformations d’habillage, `a [20],
[21], [22], [33], [37];
— pour les prolongements de la th´eorie aux groupo¨ıdes symplectiques ou de Poisson,
`a [6], [19], [23], [24];
— pour la cohomologie de Lichnerowicz-Poisson, `a [11], [12], [13], [34], [38];
pour les applications aux syst`emes compl`etement inegrablmes, `e [14], [15].
2. Quelques rappels
2.1. Notations et conventions.
Les vari´et´es et applications consid´er´ees sont suppos´ees diff´erentiables de classe C.
Pour toute vari´et´e M, on note A(M) = pAp(M) et Ω(M) = pp(M) les alg`ebres
gradu´ees des champs de tenseurs contravariants antisym´etriques sur M, et des formes
diff´erentielles sur M, respectivement. Par convention, A0(M) = Ω0(M) = C(M, R),
* Universit´e Pierre et Marie Curie, Institut de Math´ematiques, 4, place Jussieu, 75252
Paris cedex 05, France. Email: ma[email protected]ssieu.fr
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alg`ebre des fonctions diff´erentiables sur M, et pour p < 0, Ap(M) = Ωp(M) = {0}. Nous
utiliserons principalement A1(M), espace des champs de vecteurs sur M, et A2(M),
espace des champs de tenseurs deux fois contravariants antisym´etriques sur M.
Pour tout diff´eomorphisme ϕ:MM, on notera T ϕ :T M T M le prolongement
de ϕaux vecteurs, et aussi son prolongement naturel aux fibr´es des tenseurs contravari-
ants de tous les degr´es. Si PA(M) est un champ de tenseurs sur M, on notera ϕP
l’image r´eciproque et ϕPl’image directe du champ de tenseurs Ppar le diff´eomorphisme
ϕ. On rappelle que par d´efinition,
ϕP(x) = (T ϕ)1Pϕ(x), ϕP(x) = (T ϕ)Pϕ1(x).
Rappelons que si Xest un champ de vecteurs sur M, son flot {Φt;tR}est une
famille `a un param`etre de diff´eomorphismes locaux de Mtel que, pour tout champ de
tenseurs contravariants Qsur M, on ait d
dt
tQ) = Φ
tL(X)Q, o`u L(X)Qest la d´eriv´ee
de Lie de Qselon X.
Sur un groupe de Lie G, pour tout gG, on notera Lget Rgles diff´eomorphismes
de G, translations, respectivement `a gauche et `a droite, par g; ainsi, pour tout hG,
Lgh=gh,Rgh=hg. On notera Gl’alg`ebre de Lie de G, que l’on identifiera `a l’espace
TeG, tangent `a Gen l’´el´ement neutre e. On identifiera l’espace cotangent T
eGau dual
Gde G.
2.2. Le crochet de Schouten-Nijenhuis. Soit Mune vari´et´e diff´erentiable. On rap-
pelle que l’alg`ebre gradu´ee A(M) des champs de tenseurs contravariants antisym´etriques
sur Mest munie d’une loi de composition interne, le crochet de Schouten-Nijenhuis [30],
[31], [27], [26], [28], [16], not´ee (P, Q)7→ [P, Q], dont la restriction `a A1(M) est le crochet
usuel des champs de vecteurs. Le crochet de Schouten-Nijenhuis est caract´eris´e par les
propri´et´es suivantes :
Propri´et´e 1. Pour fet gA0(M) = C(M, R), [f, g] = 0.
Propri´et´e 2. Pour un champ de vecteurs XA1(M) et un champ de tenseurs Q
A(M), [X, Q] est la d´eriv´ee de Lie L(X)Qde Qrelativement `a X.
Propri´et´e 3. Pour PAp(M) et QAq(M),
[P, Q] = (1)(p1)(q1)[Q, P ].
Propri´et´e 4. Pour PAp(M), QAq(M) et RA(M),
[P, Q R] = [P, Q]R+ (1)(p1)qQ[P, R].
Le crochet de Schouten-Nijenhuis erifie aussi les propri´et´es suivantes, cons´equences
des propri´et´es 1 `a 4 :
Propri´et´e 5. Pour PAp(M) et QAq(M), on a [P, Q]Ap+q1(M).
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Propri´et´e 6. Pour PA(M), QAq(M) and RAr(M),
[PR, Q] = P[R, Q] + (1)(q1)r[P, Q]R .
Propri´et´e 7. Soient PAp(M), QAq(M) et RAr(M). Le crochet de Schouten-
Nijenhuis v´erifie l’identit´e suivante, appel´ee identit´e de Jacobi gradu´ee,
(1)(p1)(r1)P, [Q, R]+ (1)(q1)(p1)Q, [R, P ]+ (1)(r1)(q1)R, [P, Q]= 0 .
Comme le crochet de champs de vecteurs, dont il est le prolongement, le crochet de
Schouten-Nijenhuis se transporte par diff´eomorphisme. En particulier, si Gest un groupe
de Lie, Pet QA(G) des champs de tenseurs contravariants antisym´etriques sur G, et
si Pet Qsont invariants `a gauche (resp., `a droite), leur crochet de Schouten-Nijenhuis
[P, Q] est invariant `a gauche (resp., `a droite). Si Pest invariant `a gauche et Qinvariant
`a droite, [P, Q] est identiquement nul.
Le lecteur int´eress´e par les g´en´eralisations du crochet de Schouten-Nijenhuis pourra
consulter [4].
2.3. Rappels concernant les vari´et´es de Poisson.
1. Alg`ebres de Lie locales et tenseurs de Poisson. Soit Mune vari´et´e diff´erentiable
et A0(M) = C(M, R) l’alg`ebre des fonctions diff´erentiables d´efinies sur M, `a valeurs
r´eelles. Une structure de Poisson sur Mest une loi de composition interne bilin´eaire sur
A0(M), not´ee (f, g)7→ {f, g}, v´erifiant les propri´et´es suivantes:
cette loi de composition est antisym´etrique, {g, f}=−{f, g},
elle v´erifie l’identit´e de Jacobi, f, {g, h}+g, {h, f}+h, {f, g}= 0,
elle v´erifie la formule de Leibniz, {f, g1g2}={f, g1}g2+g1{f, g2}.
Les structures de Poisson sont un cas particulier des structures d’alg`ebres de Lie
locales, qui ont ´et´e ´etudi´ees par Kirillov. Le lecteur ineress´e par la g´eom´etrie des vari´et´es
de Poisson pourra consulter [2], [3], [35], [36].
On montre que sur une vari´et´e Mmunie d’une structure de Poisson, il existe un unique
champ de tenseurs deux fois contravariants antisym´etriques PA2(M) tel que, pour
tous fet gA0(M), {f, g}=P(df, dg). On dit que Pest le tenseur de Poisson qui
d´efinit la structure de Poisson de M. La vari´et´e M, munie de sa structure de Poisson,
de tenseur de Poisson P, est alors appel´ee vari´et´e de Poisson et not´ee (M, P ).
R´eciproquement, soit Pun champ de tenseurs deux fois contravariants antisym´etriques
sur une vari´et´e diff´erentiable M. Pour tout couple (f, g) de fonctions diff´erentiables sur
M, posons {f, g}=P(df, dg). Nous d´efinissons ainsi une loi de composition interne
sur A0(M), bilin´eaire, antisym´etrique et v´erifiant la formule de Leibniz. Mais cette loi
de composition ne v´erifie en g´en´eral pas l’identit´e de Jacobi. A. Lichnerowicz [17] [18]
a montr´e que cette loi de composition v´erifie l’identit´e de Jacobi si et seulement si le
tenseur Pv´erifie l’identit´e [P, P ] = 0, le crochet figurant dans cette expression ´etant
le crochet de Schouten-Nijenhuis. On peut donc dire qu’une vari´et´e de Poisson (M, P )
est une vari´et´e diff´erentiable M, munie d’un champ de tenseurs deux fois contravariants
antisym´etriques PA2(M) qui v´erifie [P, P ] = 0.
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2. Produit de vari´et´es de Poisson. Soient (M1, P1) et (M2, P2) deux vari´et´es de
Poisson. Nous consid´erons les fonctions diff´erentiables efinies sur la vari´et´e produit
M1×M2comme des fonctions de deux variables, la premi`ere variable parcourant M1et
la seconde M2. Posons, pour tout couple (f, g) de fonctions diff´erentiables sur M1×M2,
{f, g}={d1f, d1g}M1+{d2f, d2g}M2=P1(d1f, d1g) + P2(d2f, d2g),
o`u nous avons not´e d1fet d1gles diff´erentielles partielles de fet de gpar rapport `a leur
premi`ere variable, d2fet d2gleurs diff´erentielles partielles par rapport `a leur seconde
variable. On v´erifie ais´ement que la loi de composition aisi d´efinie fait de M1×M2une
vari´et´e de Poisson, appel´ee produit des vari´et´es de Poisson M1et M2.
3. Applications de Poisson. Soient (M, P ) et (N, Q) deux vari´et´es de Poisson, et
ϕ:MNune application diff´erentiable de classe C. On dit que ϕest une application
de Poisson si pour tout couple (f, g) de fonctions diff´erentiables sur N,
{fϕ, g ϕ}M1={f, g}M2ϕ .
4. L’alg`ebre de Lie gradu´ee des formes diff´erentielles sur une vari´et´e de Poisson.
Soit (M, P ) une vari´et´e de Poisson. On note i(P) : Ω(M)Ω(M) le produit int´erieur
par P, et on pose ∆ = i(P), d=i(P)ddi(P). Soient ηp(M) et ζq(M)
deux formes diff´erentielles sur M, de degr´es respectifs pet q. Posons
[η, ζ] = (1)p∆(ηζ)(∆η)ζ(1)pη(∆ζ).
Remarquons que [η, ζ] est une forme diff´erentielle de degr´e p+q1. En particulier, si
p=q= 1, [η, ζ] est de degr´e 1.
Nous avons ainsi efini une loi de composition interne bilin´eaire sur Ω(M). J.-L. Koszul
[16] a montr´e qu’elle fait de cet espace une alg`ebre de Lie gradu´ee [29], et du sous-espace
1(M) des formes diff´erentielles de degr´e 1, une alg`ebre de Lie. Cette structure d’alg`ebre
de Lie de Ω1(M) avait ´et´e ej`a ecouverte par Magri et Morosi [25].
2.4. La eriv´ee intrins`eque. Soit Mune vari´et´e diff´erentiable, pun entier 0 et
PAp(M) un champ de tenseurs contravariants antisym´etriques de degr´e psur M. On
suppose qu’il existe un point aMtel que P(a) = 0. Soit vTaM, et Xun champ de
vecteurs sur Mtel que X(a) = v. La valeur au point ade la d´eriv´ee de Lie de Pselon
X,L(X)P(a), ne d´epend que de Pet de v. On la note daP(v). L’application lin´eaire
daP:TaMVp(TaM) ainsi d´efinie est appel´ee d´eriv´ee intrins`eque de Pau point a.
Pour l’´evaluer, on peut proc´eder comme suit. Soient αi, 1 ip, des ´el´ements de T
aM,
et eαides 1-formes diff´erentielles sur Mv´erifiant eαi(a) = αi. On a alors
daP(v)(α1,...p) = dP(eα1,...,eαp)(a), v.
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3. Champs multiplicatifs et groupes de Lie-Poisson
3.1. D´efinition. Soit Gun groupe de Lie. Un champ de tenseurs PA(M) est dit
multiplicatif s’il v´erifie, pour tous get hG,
P(gh) = T LgP(h)+T RhP(g).
La proposition suivante indique plusieurs caract´erisations ´equivalentes des champs
multiplicatifs.
3.2. Proposition. Soit Gun groupe de Lie, pun entier 0et PAp(G)un
champ de tenseurs contravariants antisym´etriques de degr´e psur G. On lui associe les
applications Pl:GVp(G)et Pg:GVp(G)aisi d´efinies; pour tout gG,
Pl(g) = (T Lg)1P(g), Pr(g) = (T Rg)1P(g).
Les propri´et´es suivantes sont alors ´equivalentes:
(i) le champ de tenseurs Pest multiplicatif, c’est-`a-dire v´erifie, pour tous get hG,
P(gh) = T LgP(h)+T RhP(g);
(ii) l’application Plv´erifie, pour tous get hG,
Pl(gh) = Pl(h) + Adh1Pl(g) ;
(iii) l’application Prv´erifie, pour tous get hG,
Pr(gh) = AdgPr(h) + Pr(g).
De plus, ces propri´et´es ´equivalentes impliquent
(iv) le champ de tenseurs Perifie P(e) = 0 et il est tel que, pour tout champ de
vecteurs Xinvariant `a gauche sur G, le champ de tenseurs L(X)Psoit invariant `a
gauche sur G;
(v) le champ de tenseurs Perifie P(e) = 0 et il est tel que, pour tout champ de
vecteurs Yinvariant `a droite sur G, le champ de tenseurs L(Y)Psoit invariant `a
droite sur G.
Enfin, lorsque de plus le groupe de Lie Gest connexe, chacune des propri´et´es (iv) ou
(v) implique les propri´et´es (i),(ii) et (iii).
D´emonstration. Nous avons, pour tous get hG,
Pl(gh)Pl(h)Adh1Pl(g)
=T L(gh)1P(gh)T Lh1P(h)T Lh1T RhT Lg1P(g)
=T L(gh)1P(gh)T LgP(h)T RhP(g).
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