Aspects théoriques Chapitre 1 : mémoire
Chapitre 1 – 25
De plus, la mémoire n'est pas seulement utile pour retrouver des informations
apprises dans le passé ou pour comprendre et interpréter les stimulations présentes.
Grâce à elle, il est possible d'imaginer, de planifier, de prévoir ses actions futures
(Winograd, 1988a). Pensons aux sportifs de haut niveau, qui, avant même d'effectuer
leur exploit physique, se repassent intérieurement les diverses étapes de l'action de
façon très précise et conforme à la durée réelle de l'exercice (Droulez, 1991). Un
organisme sans mémoire ne pourrait s'adapter à son environnement qui lui apparaîtrait
constamment nouveau, ne saurait donner de signification aux événements rencontrés,
serait incapable d'imaginer ce que sera le futur et ne pourrait pas atteindre le niveau du
langage, de la pensée et de la conscience (Jacoby, 1988). La temporalité de la mémoire
doit être mise en relation avec la temporalité de la conscience soulignée par exemple
par Paillard (1994). La conscience est vue comme un instrument pour la perception
actuelle et pour la simulation des actions futures ; elle intègre des états présents
successifs grâce aux mécanismes de la mémoire (récupération des événements passés
et prévision du futur), assurant ainsi "le sentiment d'identité et de permanence qui
caractérise la conscience de soi, la personnalité du sujet et l'unité de son expérience
subjective" (p. 661).
En bref, la mémoire devient, plus qu'une contrainte pour le fonctionnement du
système, la fonction obligatoire pour que la cognition puisse apparaître, la forme même
de la cognition (Tiberghien, 1991, 1992 ; voir aussi Claxton, 1980). C'est pourquoi elle
est liée à l'ensemble des autres composantes du système cognitif : perception, attention,
langage, compréhension, raisonnement, résolution de problème, conscience... Aussi, la
compréhension et la modélisation de toute activité mentale impose de considérer
l'existence d'une mémoire. Parallèlement, toute théorie générale de la mémoire devrait
s'exporter dans les différents domaines de l'activité cognitive.
Si le concept de mémoire doit être intégré à la modélisation de toute activité
cognitive, il constitue très souvent un objet de recherche à part entière. Ainsi, depuis
une centaine d'années, quantité de travaux se sont consacrés à l'étude du
fonctionnement de la mémoire en tant que telle. Comme nous le verrons, ce type
d'approche, dont l'objectif est de comprendre le fonctionnement général de la mémoire,
conduit souvent à considérer un ensemble de sous-systèmes mnésiques régis par des
mécanismes de natures différentes et destinés à l'enregistrement de différents types
d'informations. Etant donné que la mémoire est impliquée dans la totalité des tâches
cognitives, la nécessité d'envisager des sous-systèmes se fait sentir car son intervention
est fortement dépendante des caractéristiques des tâches.
Du fait de la position centrale de la mémoire au sein de la cognition, les différents
modèles et principes issus de son approche globale considèrent parallèlement certains
aspects d'autres composantes du système cognitif. Par exemple, les notions de mémoire
à court terme ou de mémoire de travail sont particulièrement liées aux notions
d'attention et de contrôle comportemental, le concept de mémoire sémantique s'inspire
de l'organisation et de la signification des représentations langagières, la notion de