15 Valeurs propres

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15
Valeurs propres
On s'intéresse ici aux propriétés des valeurs propres d'un endomorphisme et on suppose
connus les principaux résultats sur les polynômes d'endomorphisme dans le cas de la dimension
nie (voir le chapitre 16), ainsi que les résultats classiques de réduction des endomorphismes
(voir le chapitre 17). Le théorème de Dunford-Schwarz est également connu.
K est un corps commutatif et K [X] est l'algèbre des polynômes à coecients dans K.
E est un K-espace vectoriel de dimension innie ou de dimension nie n ≥ 1.
L (E) est l'algèbre des endomorphismes de E, GL (E) est le groupe des automorphismes de
E.
Mn (K) est l'algèbre des matrices carrées d'ordre n à coecients dans K, GLn (K) est le
groupe des matrices inversibles dans Mn (K) .
On note Id [resp. In ] l'endomorphisme [resp. la matrice] identité.
En dimension nie, le choix d'une base de E permet de réaliser un isomorphisme d'algèbres
de L (E) sur Mn (K) .
À toute matrice A dans Mn (K) est associé l'endomorphisme de Kn , que nous noterons
encore A :
A : Kn →
Kn
x 7→ y = Ax.
Dans ce qui suit, u est un endomorphisme de E.
15.1 Valeurs et vecteurs propres
Dénition 15.1 On dit que λ ∈ K est valeur propre de u si ker (u − λId) ̸= {0} .
Dire que λ ∈ K est valeur propre de u équivaut à dire qu'il existe un vecteur non nul x dans
E tel que u (x) = λx.
On dit alors que x est un vecteur propre de u associé à la valeur propre λ et que le sous
espace vectoriel de E, Eλ = ker (u − λId) , est le sous espace propre associé à λ.
L'ensemble des valeurs propres de u ∈ L (E) est appelé le spectre de u et noté Sp (u) .
Remarque 15.1 Dans le cas où E est de dimension nie, il y a équivalence entre ker (u − λId)
non réduit à {0} et u−λId non inversible, mais cela n'est plus vrai en dimension innie. Pour E
de dimension innie, un scalaire λ tel que u − λId est non inversible est appelé valeur spectrale
de E. Une valeur propre est une valeur spectrale, mais la réciproque n'est pas vraie.
En identiant une matrice A ∈ Mn (K) à l'endomorphisme de Kn qu'elle dénit dans la base
canonique de Kn , on peut donner la dénition suivante.
365
Valeurs propres
366
Dénition 15.2 On dit que λ dans K est valeur propre de A ∈ Mn (K) s'il existe un vecteur
non nul x dans Kn tel que Ax = λx.
On dit alors que x est un vecteur propre de A associé à la valeur propre λ et que le sous espace
vectoriel de Kn , Eλ = {x ∈ Kn | Ax = λx} (que l'on peut noter ker (A − λIn )) est le sous espace
propre associé à λ.
L'ensemble des valeurs propres de A est appelé le spectre de A et noté Sp (A) .
Dans le cas où E est de dimension nie n ≥ 1, un scalaire λ ∈ K est valeur propre de
u ∈ L (E) si, et seulement si, u − λId est non inversible, ce qui équivaut à dire que le polynôme
caractéristique de u déni par Pu (X) = det (u − XId) est nul pour X = λ.
On a donc, dans le cas où dim (E) = n :
Sp (u) = Pu−1 {0} = {λ ∈ K | det (u − λId) = 0}
et c'est une partie nie de K ayant au plus n éléments.
Pour K non algébriquement clos (par exemple pour K = R) ce spectre peut être vide.
Le polynôme caractéristique d'une matrice A ∈ Mn (K) est déni par PA (X) = det (A − XId) .
Si u a pour matrice A dans une base de E, alors A et u ont même polynôme caractéristique
et mêmes valeurs propres.
Lemme 15.1 On suppose E de dimension nie.
Si F est un sous espace vectoriel de E stable par u, alors le polynôme caractéristique de la
restriction de u à F divise celui de u.
Démonstration. On désigne par B1 une
F complétée en une base de E, B = B1 ∪B2 .
( base de )
Dans cette base la matrice de u est A =
A1 A2
0 A3
où A1 est la matrice, dans la base B1 , de
la restriction de u à F (F est stable par u) et le polynôme caractéristique de u s'écrit :
Pu (X) = det (A1 − XIn1 ) det (A3 − XIn3 ) .
On en déduit alors que Pu est un multiple du polynôme caractéristique de la restriction de u à
F.
Théorème 15.1 On suppose E de dimension nie.
Si λ ∈ K est une valeur propre de u de multiplicité α en tant que racine du polynôme caractéristique de u, on a alors :
1 ≤ dim (ker (u − λId)) ≤ α.
Démonstration. Le sous-espace propre Eλ = ker (u − λId) n'étant pas réduit au vecteur
nul, sa dimension est supérieure ou égale à 1.
Ce sous-espace vectoriel étant stable par u, le polynôme caractéristique Pλ de la restriction
de u à Eλ divise le polynôme caractéristique Pu de u. En remarquant que Pλ (X) = (λ − X)δ
où δ est la dimension de Eλ , on déduit que :
Pu (X) = (λ − X)δ Q (X)
et la racine λ de Pu étant de multiplicité α, on a nécessairement δ ≤ α.
Exemple 15.1 Le polynôme caractéristique d'une matrice A =
a−X
b
PA (X) = c
d−X
(
a b
c d
)
∈ M2 (K) est :
= X 2 − Tr (A) X + det (A) .
Valeurs et vecteurs propres
367

Exemple 15.2

a1 a2 a3
Le polynôme caractéristique de A =  a4 a5 a6  ∈ M3 (K) est :
a7 a8 a9
a1 − X
a2
a3
a5 − X
a6
PA (X) = a4
a7
a8
a9 − X = −X 3 + aX 2 − bX + c
où :
a = Tr (A) , c = det (A)
et :
a5 a6 a1 a3 a1 a2 +
+
b=
a8 a9 a7 a9 a4 a5 (ce sont tous les déterminants extraits d'ordre 2 qui contiennent deux termes diagonaux de A).
Plus généralement, pour A ∈ Mn (K) , on a :
PA (X) = (−1)n X n + (−1)n−1 αn−1 X n−1 + (−1)n−2 αn−2 X n−2 + · · · + α0
avec :
αn−1 = Tr (A) , α0 = det (A)
et :
∑
αn−2 =
det (Ai,j )
1≤i<j≤n
où les det (Ai,j ) , pour 1 ≤ i < j ≤ n, sont tous les déterminants extraits d'ordre 2 qui
contiennent deux termes diagonaux de A, soit :
a a
det (Ai,j ) = ii ij
aji ajj
(1 ≤ i < j ≤ n)
Ce que nous conrme Maple. Pour n = 4 et :

a11
 a21
A=
 a31
a41
il nous donne :
a12
a22
a32
a42
a13
a23
a33
a43

a14
a24 

a34 
a44
PA (X) = X 4 − α3 X 3 + α2 X 2 − α1 X + α0
avec :
α3 = a11 + a22 + a33 + a44
et :
a
a
α2 = 11 12
a21 a22
a11 a13
+
a31 a33
a11 a14
+
a41 a44
a22 a23
+
a32 a33
a22 a24
+
a42 a44
a33 a34
+
a43 a44
Valeurs propres
368
Exemple 15.3 Si Rθ =
(
cos (θ) − sin (θ)
sin (θ) cos (θ)
)
est une matrice de rotation dans M2 (R) , son
polynôme caractéristique est :
Pθ (X) = X 2 − 2 cos (θ) X + 1 = (X − cos (θ))2 + sin2 (θ)
et ce polynôme n'a pas de racine réelle pour θ ∈ R \ πZ. On a donc Sp (Rθ ) = ∅ dans ce cas
(Rθ = ±I2 si θ ∈ πZ).
Exemple 15.4 Si Sθ =
(
cos (θ) sin (θ)
sin (θ) − cos (θ)
polynôme caractéristique est :
)
est une matrice de réexion dans M2 (R) , son
Pθ (X) = X 2 − 1
et Sp (Sθ ) = {−1, 1} .
Exemple 15.5
E = C ∞ (R) est l'espace des fonctions indéniment dérivables de R dans R et
u est l'opérateur de dérivation, u : f 7→ f ′ .
Pour tout réel λ, on a :
ker (u − λId) = {f ∈ C ∞ (R) | f ′ = λf } = Rfλ
où fλ est la fonction dénie par :
∀x ∈ R, fλ (x) = eλx
(f0 est la fonction constante égale à 1).
Donc Sp (u) = R et les espaces propres sont des droites.
Exemple 15.6 Soit
a < b deux réels. E = C 0 ([a, b]) est l'espace des fonctions continues de
[a, b] dans R et u est l'opérateur de primitivation u : f 7→ g, où g est dénie par :
∫ x
∀x ∈ [a, b] , g (x) =
f (t) dt
a
Pour tout réel λ, on a :
(
∫
f ∈ ker (u − λId) ⇔ ∀x ∈ [a, b] ,
Pour λ = 0, on a
∫
x
)
f (t) dt = λf (x)
a
x
f (t) dt = 0 pour tout x ∈ [a, b] et par dérivation, cela donne f = 0 pour
a
unique solution, donc 0 n'est pas valeur propre.
Pour λ ̸= 0, une fonction f dans ker (u − λId) est dérivable et on a λf ′ = f avec f (a) = 0, il
x
existe donc une constante réelle α telle que f (x) = αe λ et f (a) = 0 donne α = 0.
On a donc Sp (u) = ∅.
L'endomorphisme u est injectif et non surjectif (l'image de u est contenue dans C 1 ([a, b]) ̸= E ),
donc u est non inversible et 0 est valeur spectrale de u.
Exemple 15.7
E = K [X] et u est l'endomorphisme, u : P 7→ XP.
Pour tout scalaire λ, on a :
ker (u − λId) = {P ∈ K [X] | XP = λP } = {0}
Donc Sp (u) = ∅.
Ici aussi, 0 est valeur spectrale de u.
Valeurs et vecteurs propres
369
Exercice 15.1 On se place sur C ∞ (R+,∗ ) et u est l'opérateur diérentiel, u : f 7→ xf ′ . Déterminer les valeurs propres et espaces propres de u.
Solution 15.1 Pour tout réel λ, on a :
{
(
)
}
ker (u − λId) = f ∈ C ∞ R+,∗ | xf ′ = λf = Rfλ
où fλ est la fonction dénie par :
∀x ∈ R+,∗ , fλ (x) = xλ
(f0 est la fonction constante égale à 1).
Donc Sp (u) = R et les espaces propres sont des droites.
Théorème 15.2 Les valeurs propres d'une matrice symétrique réelle A sont toutes réelles.
Démonstration. Soient λ une valeur propre complexe de A ∈ Sn (R) ⊂ Mn (C) et x un
vecteur propre non nul associé. On a alors Ax = λx, qui par conjugaison complexe donne
Ax = λx puisque A est réelle et :
t
t
xAx = λ xx = λ
n
∑
|xk |2
k=1
Mais on a aussi, du fait que A est symétrique :
t
xAx =
t
(Ax) x =
t
t
(λx) x = λ xx = λ
n
∑
|xk |2
k=1
et en conséquence λ = λ puisque
n
∑
|xk |2 ̸= 0.
k=1
Remarque 15.2 Dans la démonstration précédente l'ordre de R est intervenu par la fait qu'une
somme de carrés dans R est nulle si, et seulement si, tous ces carrés sont nuls. Cette propriété
caractérise les corps totalement ordonnés.
En utilisant le théorème de diagonalisation des matrices symétriques réelles, on vérie que
si A ∈ Sn (R) , alors A est positive [resp. A dénie positive] si et seulement si toutes ses valeurs
propres sont positives [resp. strictement positives] (théorème 21.6).
Exercice 15.2 Calculer les valeurs propres de :

1 1 ···
 1 0 ···


A =  ... ... . . .

 1 0 ···
1 1 ···
pour n ≥ 3.

1 1
0 1 

.. .. 
∈ Mn (R)
. . 

0 1 
1 1
Valeurs propres
370
Solution 15.2 Le polynôme caractéristique de A est :
1−X
1
1
1 ···
1
1
1
−X
0
0 ···
0
1
1
0
−X
0
·
·
·
0
1
.
..
.
.
.
.
.
. . . . . . ..
..
..
.
PA (X) = .
1
.. 0
1
0
0
0
1
0
0
0 · · · −X
1
1
1
1
1 ···
1 1−X
En retranchant la colonne n à la colonne 1 et la colonne n − 1 aux colonnes k = 2, · · · , n − 2,
on obtient :
−X
0
0
0 ···
1
1 0 −X
0
0
·
·
·
0
1
0
0
−X
0
·
·
·
0
1
.
..
.. . . . . . . . . . ..
.
.
.
. PA (X) = .
.
0
.. 0
0
0
0
1
0
X
X X · · · −X
1 X
0
0
0 ···
1 1−X −1 0
0
0 ···
1
1
0 −1 0
0
·
·
·
0
1
0
0 −1 0 · · ·
0
1
.
.
.
..
.
.
.
..
. . . . . . ..
.
= X n−2 ..
.
0
.. 0
0
0
0
1
0
1
1
1
·
·
·
−X
1
1
0
0
0 ···
1 1−X
et en ajoutant la ligne 1 à la ligne n, cela donne :
n−2 PA (X) = X
.. . . . . . .
..
.. .
.
. .
.
. ...
0
0
0
0
1 1
1
1 · · · −X
1 0
0
0 ···
2 2−X 0
0 ···
0
1 −1 0 · · ·
0
1 .. . . . . . . . . . ..
.
. ...
0
0
0
1 1
1 · · · −X
1 0
0 ···
2 2−X −1 0
0
0 −1 0
0
0 −1
n−2 = −X
..
.
0
0
0
−1
0
..
.
0
1
0
0
0
0
···
···
···
1
0
0
1
1
1
Valeurs et vecteurs propres
371
En ajoutant la ligne k à la ligne n − 2, pour k = 1, · · · , n − 3, on obtient :
..
.. .. . . . . . .
.
. .
.
. .
...
0
0
0
0
1 0
0
0 · · · −X n − 2 0
0
0 ···
2 2−X −X
n
−
2
n−3
n
n−2
= −X n−2 (−1)
(X (X − 2) − 2 (n − 2))
2 2 − X = (−1) X
(
)
= (−1)n X n−2 (X − 1)2 − (2n − 3)
√
√
Les valeurs propres de A sont donc λ1 = 0 d'ordre n − 2, λ2 = 1 − 2n − 3 et λ3 = 1 + 2n − 3
PA (X) = −X n−2 −1 0
0 −1
0
0
···
···
0
0
1
1
qui sont simples.
L'espace propre associé à la valeur propre 0 est l'espace de dimension n − 2 d'équations :
{
x2 + · · · + xn−1 = 0
x1 + xn = 0
Un vecteur dans ce noyau s'écrit donc :


x1
x2



..

.
x=

xn−2

 −x2 − · · · − xn−2
−x1



1

 0 






 .. 


 . 

 = x1 
 + x2 

 0 






 0 

−1


0

1 



.. 

.  + ··· + x 
n−2 

0 



−1 
0

0
0 

.. 
. 

1 

−1 
0
et en notant (ei )1≤i≤n la base canonique de Rn , une base de ce noyau est :
(e1 − en , e2 − en−1 , · · · , en−2 − en−1 )
Cette matrice est donc diagonalisable (ce que l'on sait déjà puisqu'elle est symétrique réelle).
Exercice 15.3 Soit :




A=



a1
b1
0
b1
a2
b2
0
..
.
0
...
...
···
...
···
...
...
0
..
.
0
bn−2 an−1 bn−1
0
bn−1 an




 ∈ Mn (R)



une matrice réelle tridiagonale symétrique avec bi ̸= 0 pour tout i compris entre 1 et n − 1.
1. Montrer que, pour toute valeur propre λ ∈ R de A, l'espace propre associé est de dimension
1. Sachant qu'une matrice symétrique réelle est diagonalisable, en déduire que les n valeurs
propres de A sont simples.
2. Décrire un algorithme de calcul de l'espace propre associé à une valeur propre de A.
Solution 15.3
Valeurs propres
372
1. Comme A est symétrique réelle, toutes ses valeurs propres sont réelles.
Pour tout réel λ, on note :




Aλ = A − λIn = 



a1 − λ
b1
0
b1
a2 − λ
b2
...
...
0
..
.
...
...
...
0
..
.
0
bn−2 an−1 − λ bn−1
0
bn−1
an − λ
···
0
···




.



et Bλ est la matrice extraite de Aλ en supprimant la première ligne et la dernière colonne,
soit :


...
b a − λ b2
 1 2.

...
...
 0

..


Bλ = 
.
.
. . bn−2 an−1 − λ 
 ..

0
On a alors det (Bλ ) =
n
∏
···
0
bn−1
bi ̸= 0 et rang (Aλ ) ≥ n − 1. On a donc :
i=2
∀λ ∈ R, dim (ker (A − λIn )) ≤ 1
et dim (ker (A − λIn )) = 1 si λ est une valeur propre de A.
Sachant que A est diagonalisable, en notant λ1 , · · · , λp les valeurs propres réelles deux à
deux distinctes de A, on a E =
p
⊕
ker (A − λk In ) avec dim (ker (A − λk In )) = 1 pour
k=1
tout k compris entre 1 et p, ce qui impose p = n et A a n valeurs propres réelles simples.
2. Soit λ une valeur propre de A et x ∈ Rn − {0} un vecteur propre associé. On a alors :

 a1 x1 + b1 x2 = λx1 ,
bk−1 xk−1 + ak xk + bk xk+1 = λxk (2 ≤ k ≤ n − 1) ,

bn−1 xn−1 + an xn = λxn .
Si xn = 0, l'hypothèse bi ̸= 0 pour tout i = 1, · · · , n − 1 nous dit que tous les xi sont nuls.
On peut donc prendre xn = 1 et (x1 , x2 , · · · , xn−1 ) est solution du système triangulaire
supérieur :

 bk−1 xk−1 + (ak − λ) xk + bk xk+1 = 0 (2 ≤ k ≤ n − 2) ,
bn−2 xn−2 + (an−1 − λ) xn−1 = −bn−1 ,

bn−1 xn−1 = λ − an .
La solution de ce système est donnée par :

λ − an

,
 xn−1 =
bn−1

 xk−1 = − bk xk+1 + (ak − λ) xk (k = n − 1, · · · , 2) .
bk−1
On retrouve le fait que l'espace propre associé à la valeur propre λ est de dimension 1.
Valeurs et vecteurs propres
373
Exercice 15.4 Soient n ≥ 3 et :




A=



···
a1
c1
0
b2
a2
c2
...
...
0
..
.
···
0
0
..
.
...
...
...
0
bn−1 an−1 cn−1
0
bn
an








une matrice tridiagonale à coecients réels telle que bk ck−1 > 0 pour tout k compris entre 2 et
n.
1. Montrer que A a le même polynôme caractéristique que la matrice :
√
a1
ε2 b 2 c1
0
···
0
√
..
 √
...
a2
ε3 b 3 c2
.
 ε2 b2 c1

.
.
.

..
..
..
T =
0
0

√
√
.
.
..
..

εn−1 bn−1 cn−2
an−1
εn bn cn−1
√
an
0
···
0
εn bn cn−1









où εk = ±1 est le signe de bk .
2. En déduire que A est diagonalisable à valeurs propres simples.
Solution 15.4
1. En remarquant que pour toute matrice diagonale D = diag (λ1 , · · · , λn ) et toute matrice
A ∈ Mn (K) de colonnes C1 , · · · , Cn et de lignes L1 , · · · , Ln , on a :


DA = 

λ1 L 1
..
.

 et AD = (λ1 C1 , · · · , λn Cn )
λn Ln
on déduit que dans le cas où tous les λk sont non nuls, on a :
((
−1
D AD =
λj
aij
λi
))
1≤i,j≤n
Si A est tridiagonale, on a alors :

a
 1
 λ1

b2

 λ2

D−1 AD =  0

 ..
 .


0
λ2
c1
λ1
0
λ3
c2
λ2
a2
...
···
0
...
..
.
...
...
...
λn−2
bn−1
λn−1
an−1
···
0
λn−1
bn
λn
et dénissant la suite (λk )1≤k≤n par :

 λ1 = 1
 λk = λk−1
√
bk
ck−1

(2 ≤ k ≤ n)
0
λn
cn−1
λn−1
an












Valeurs propres
374
on a :
λk−1
bk =
λk
√
√
ck−1
bk = sign (bk ) bk ck−1 =
bk
√
bk
ck−1
ck−1 =
λk
ck−1
λk−1
(pour bk > 0, on a ck−1 > 0 et c'est clair, pour bk < 0, on a ck−1 < 0 et
√
√
−ck−1
(−bk ) = − ck−1 bk ).
−bk
En dénitive, la matrice A est semblable à :
√

a1
ε2 b 2 c1
0
···
0
√
..
 √
...
a2
ε23 b3 c2
.
 ε2 b2 c1

.
.
.
..
..
..
T =
0
0


√
√
.
.
..
..

an−1
εn bn cn−1
εn−1 bn−1 cn−2
√
0
···
0
εn bn cn−1
an
√
ck−1
bk =
bk
−








2. L'exercice précédent nous dit que T est diagonalisable à valeurs propres simples et il en
est de même de A.
√
Exercice
15.5
On suppose que K = R et que u2 a une valeur propre µ > 0. Montrer que µ
√
ou − µ est valeur propre de u.
) (
)
√
√
u − µId ◦ u + µId est non injectif, donc
√
√
µId ou u + µId est non injectif, ce qui signie que µ
Solution 15.5 L'endomorphisme u√2 − µId =
l'un des deux endomorphismes u −
√
ou − µ est valeur propre de u.
(
Exercice 15.6 On suppose que le corps K est inni et que l'espace E est de dimension nie
n ≥ 1.
1. Montrer que pour tout u ∈ L (E) , il existe une innité de scalaires λ tels que u − λId soit
inversible.
2. En déduire que pour tous u et v dans L (E) , u◦v et v◦u ont même polynôme caractéristique
et même polynôme minimal (considérer d'abord le cas où u est inversible).
Solution 15.6
1. L'application polynomiale λ 7→ Pu (λ) = det (u − λId) ayant au plus n racines dans K,
on a Pu (λ) ̸= 0 pour une innité de valeurs de λ et pour ces valeurs l'endomorphisme
u − λId est inversible.
2. Dans le cas où u est inversible, en écrivant que v ◦ u = u−1 ◦ (u ◦ v) ◦ u, on déduit que
u ◦ v et v ◦ u ont même polynôme caractéristique et même polynôme minimal.
De manière générale, pour u dans L (E) il existe une innité de scalaires λ tels que u−λId
soit inversible et pour ces valeurs de λ on a pour tout t ∈ K, P(u−λId)◦v (t) = Pv◦(u−λId) (t)
[resp. π(u−λId)◦v (t) = πv◦(u−λId) (t)]. Pour tout t xé dans K on a donc deux polynômes
en λ qui coïncident pour une innité de valeurs, ils sont donc égaux et λ = 0 donne
Pu◦v (t) = Pv◦u (t) [resp. πu◦v (t) = πv◦u (t)].
Remarque 15.3 Il est facile de vérier que si λ ∈ K est une valeur propre de u et x ∈ E \ {0}
un vecteur propre associé, alors pour tout polynôme P ∈ K [X] , on a P (u) x = P (λ) x (voir le
théorème 16.1).
Valeurs et vecteurs propres
375
Dans le cas de la dimension nie, on a le résultat suivant.
Théorème 15.3 Si dim (E) = n, alors les valeurs propres de u sont les racines de son poly-
nôme minimal.
Démonstration. Si λ ∈ K est une valeur propre de u et
associé, de l'égalité :
x ∈ E \ {0} un vecteur propre
0 = πu (u) (x) = πu (λ) x
on déduit que πu (λ) = 0, c'est-à-dire que λ est racine de πu .
Réciproquement si λ ∈ K est racine de πu , on a alors πu (X) = (X − λ) Q (X) et avec
πu (u) = (u − λId) ◦ Q (u) = 0 et le caractère minimal de πu on déduit que u − λId est non
inversible ce qui équivaut à dire que λ est une valeur propre de u.
Dénition 15.3 Si
dim (E) = n, alors la multiplicité d'une valeur propre de u en tant que
racine de son polynôme minimal est appelée l'indice de cette valeur propre.
Exemple 15.8 Si dim (E) = n et u est nilpotent d'ordre q ≥ 1, on a alors πu (X) = X q et 0
est l'unique valeur propre de u.
Exercice 15.7 Soit :


0 1
0 0 

0 0 
 ∈ Mn (C)
. . . .. .. 
. . 
··· 1 0
0 0 ···
1 0 ···
0 1 ···



A=
 ..
 .
0
..
.
0
la matrice de permutation associée au n-cycle σ = (1, 2, · · · , n) .
Déterminer les valeurs propres de A et les espaces propres associés.
Solution 15.7 En désignant par (ei )1≤i≤n la base canonique de Cn , on a :
Aek = ek+1 (1 ≤ k ≤ n − 1) et Aen = e1
Il en résulte que An ek = ek pour tout k compris entre 1 et n et An−1 e1 = en ̸= e1 . Donc An = In
et An−1 ̸= In , c'est-à-dire que A est d'ordre n (comme σ ).
On en déduit que les valeurs propres de A sont des racines n-èmes de l'unité.
2iπ
Soient ω = e n et pour k compris entre 1 et n, λk = ω k et fk le vecteur :

ω −k
ω −2k



..
fk = 
.
 −(n−1)k
 ω
ω −nk


n
 ∑

ω −jk ej
=

 j=1
On a alors :
Afk =
=
n
∑
j=1
n
∑
ω −jk Aej =
n−1
∑
ω −jk ej+1 + ω −nk e1
j=1
ω −(i−1)k ei + e1 =
i=2
= ωk
n
∑
i=1
n
∑
i=1
ω −ik ei = λk fk
ω −(i−1)k ei
Valeurs propres
376
Les valeurs propres de A sont donc les n racines n-èmes de l'unité et les espaces propres sont
des droites. La matrice A est donc diagonalisable.
Comme tous les n-cycles sont conjugués dans Sn (théorème 3.2), les ω k sont aussi les valeurs
propres d'une matrice de permutation Aσ pour tout n-cycle σ.
Exercice 15.8 On suppose que K est algébriquement clos. Déterminer les valeurs propres de
P (u) pour P ∈ K [X] .
Solution 15.8 Voir le théorème 16.1.
Exercice 15.9 On suppose que E est un espace de Banach.
1. Rappeler la dénition de l'exponentielle d'une application linéaire continue u ∈ L (E) .
2. Montrer que si λ ∈ C est une valeur propre d'une application linéaire continue u ∈ L (E) ,
alors eλ est valeur propre eu .
Solution 15.9
1. L'exponentielle d'une application linéaire continue u ∈ L (E) est l'endomorphisme eu
déni par eu =
+∞
∑
1
n!
n=0
un . Comme u est continue, on a ∥u (x)∥ ≤ ∥u∥ ∥x∥ pour tout
x ∈ E, donc ∥u ∥ ≤ ∥u∥ pour tout n ≥ 0 et
n
n
+∞
∑
1
∥u ∥ ≤
n
+∞
∑
1
∥u∥n = e∥u∥ , donc la
n!
n!
n=0
n=0
∑ 1 n
u est normalement convergente et en conséquence convergente dans l'espace
série
n!
complet E.
2. Soit x ∈ E \ {0} un vecteur propre associé à la valeur propre λ de u.
Avec la continuité de l'application linéaire v ∈ L (E) 7→ v (x) , on déduit que eu (x) = eλ x.
En eet, pour n ≥ 1, on a :
( n
) (
) n
∑1
∑
1
u
uk (x) = eu −
uk (x)
e (x) −
k!
k!
k=0
k=0
(
)
+∞
+∞
∑
∑
1 k
1 k
=
u (x) ≤ u ∥x∥
k!
k! k=n+1
k=n+1
)
( +∞
∑ 1
≤
∥u∥k ∥x∥ → 0
n→+∞
k!
k=n+1
donc :
((
eu (x) = lim
n→+∞
= lim
n→+∞
(
n
∑
1
k!
k=0
n
∑
1
k=0
k!
)
)
uk
λk
(x)
= lim
)
n→+∞
n
∑
1
k!
k=0
uk (x)
x = eλ x.
Dans le cas où E est de dimension nie, sur C, on peut simplement dire que l'endomorphisme u est trigonalisable, ce qui signie qu'il existe une base B de E dans laquelle la
matrice A de u est triangulaire supérieure, les termes diagonaux de cette matrice étant
les valeurs propres λ1 , · · · , λn de u. Comme, pour tout entier k ≥ 0, la matrice Ak de uk
dans B est aussi triangulaire supérieure de termes diagonaux λk1 , · · · , λkn , on déduit que la
matrice eA de eu dans B est triangulaire supérieure de termes diagonaux eλ1 , · · · , eλn et
ces nombres complexes sont les valeurs propres de eu .
Valeurs et vecteurs propres
377
Théorème 15.4 Si Sp (u) = {λ1 , · · · , λp } , alors les sous-espaces propres Ek = ker (u − λk Id) ,
pour k compris entre 1 et p, sont en somme directe.
Démonstration. Il s'agit de montrer que si
p
∑
xk = 0 avec xk ∈ Ek , pour tout k compris
k=1
entre 1 et p, les xk sont alors tous nuls.
En désignant par (Lj )1≤j≤p la suite des polynômes de Lagrange dénie par Lj (X) =
on a :
et Lj (u)
∑
)
p
xk
(X − λi ) ,
i=1
i̸=j






p

∏


Lj (u) (xk ) =  (λk − λi ) xk =


i=1


i̸=j
(
p
∏
0si k ̸= j

p

∏
 (λj − λi ) xj si k = j
i=1
i̸=j


p
p
∏
∏

(λj − λi ) ̸= 0, ce qui donne
= 0 entraîne  (λj − λi ) xj = 0 avec
i=1
i̸=j
i=1
i̸=j
k=1
xj = 0.
On peut aussi procéder par récurrence sur p ≥ 1.
Pour p = 1, c'est clair.
Supposons le résultat acquis pour p − 1 ≥ 1. Si
on a
p
∑
u (xk ) =
k=1
p
∑
p
∑
xk = 0 avec xk ∈ Ek , en appliquant u,
k=1
λk xk = 0 et :
k=1
p
∑
λk xk − λp
k=1
p
∑
k=1
xk =
p−1
∑
(λk − λp ) xk = 0
k=1
avec λk − λp ̸= 0 pour 1 ≤ k ≤ p − 1, ce qui nous donne xk = 0 pour 1 ≤ k ≤ p − 1, puis xp = 0.
Une conséquence intéressante de ce théorème dans le cas de la dimension nie est la suivante :
si dim (E) = n et u a n valeurs propres distinctes dans K, il est alors diagonalisable (théorème
17.6).
Exercice 15.10 On suppose que le corps K est de caractéristique nulle et que n ≥ 3.
Soient a, b dans K et A (a, b) = ((aij ))1≤i,j≤n dans Mn (K) dénie par :
{
∀i ∈ {1, 2, · · · , n} ,
aii = b,
aij = a si j ∈ {1, 2, · · · , n} − {i} .
1. Calculer ∆ (a, b) = det (A (a, b)) .
2. Calculer le polynôme caractéristique et les valeurs propres avec leur multiplicité de la
matrice A (a, b) .
Solution 15.10
Valeurs propres
378
1. La matrice A (a, b) est de la forme :

b a
a ··· a
 a b
a ··· a

 .. . . . . . . ..
A (a, b) =  .
. .
.
.

 a ··· a
b a
a ··· a
a b




.


En ajoutant les lignes 2 à n à la première ligne on a :
∆ (a, b) = det (A (a, b)) = (b + (n − 1) a) 1
b
1
a
···
···
1
a
a ···
a ···
a
a
b
a
a
b
1
a
.. . . . . . . ..
.
.
. .
.
.
Puis en retranchant la première colonne aux colonnes 2 à n on obtient :
∆ (a, b) = (b + (n − 1) a) (b − a)n−1 .
2. Le polynôme caractéristique de A (a, b) est donné par :
P(a,b) (X) = ∆ (a, b − X)
= (−1)n (X − (b + (n − 1) a)) (X − (b − a))n−1
Les valeurs propres de A (a, b) sont donc λ1 = b + (n − 1) a et λ2 = b − a. Pour a = 0,
la matrice A (0, b) est celle d'une homothétie et λ1 = λ2 = b est valeur propre d'ordre n
de cette matrice. Pour a ̸= 0, λ1 est valeur propre simple et λ2 est valeur propre d'ordre
n − 1.
On peut aussi remarquer que A (a, b) + (a − b) In = aA (1, 1) avec A (1, 1) de rang 1. On
déduit donc que 0 est valeur propre d'ordre n − 1 de A (1, 1) et que Tr (A (1, 1)) = n est
valeur propre simple (le polynôme caractéristique de A (1, 1) est (−1)n X n−1 (X − λ)). On
retrouve alors facilement les valeurs propres de A (a, b) .
Exercice 15.11 On suppose que n ≥ 3.
1. Pour toute matrice A = ((aij ))1≤i,j≤n ∈ Mn (C) et tout nombre complexe t, on note
At = ((aij + t))1≤i,j≤n . Montrer que :
∀t ∈ C, det (At ) = det (A) + tS (A) ,
la constante complexe S (A) ne dépendant que des coecients de A.
2. Soient a, b, c des nombres complexes et M (a, b, c) = ((mij ))1≤i,j≤n ∈ Mn (C) dénie par :

 mii = b,
mij = c si j ∈ {i + 1, · · · , n} ,
∀i ∈ {1, · · · , n} ,

mij = a si j ∈ {1, · · · , i − 1} .
(a) En prenant, pour a ̸= c, A = M (a, b, c) , t = −a et t = −c dans la question
précédente, calculer le déterminant de M (a, b, c) .
(b) Calculer le polynôme caractéristique et les valeurs propres de M (a, b, c) .
Valeurs et vecteurs propres
379
Solution 15.11
1. On note Cj la colonne numéro j de A et E le vecteur de composantes toutes égales à 1.
En retranchant, pour k compris entre 2 et n, la colonne 1 à la colonne k de At , on obtient :
det (At ) = det (C1 + tE, C2 − C1 , · · · , Cn − C1 )
= det (C1 , C2 − C1 , · · · , Cn − C1 ) + t det (E, C2 − C1 , · · · , Cn − C1 )
puis en ajoutant, pour k compris entre 2 et n, la colonne 1 à la colonne k dans le premier
déterminant de cette dernière égalité, on a :
det (At ) = det (A) + tS (A)
où :
S (A) = 2. La matrice M (a, b, c) s'écrit :
1 a12 − a11 · · ·
1 a22 − a21 · · ·
a1n − a11
an2 − a21
···
···
ann − an1
..
.
..
.
1 an2 − an1

..
.
b c
c ··· c
 a b
c ··· c

 .. . . . . . . ..
M (a, b, c) =  .
.
.
. .

 a ··· a
b c
a ··· a
a b




.


(a) Pour a = c, la matrice M (a, b, a) est symétrique et ce cas a été étudié avec l'exercice
précédent. Dans ce cas, on a vu que :
det (M (a, b, a)) = (b + (n − 1) a) (b − a)n−1 .
Pour a ̸= c, en prenant A = M (a, b, c) dans la question précédente, on a :
det (A−a ) = (b − a)n = det (A) − aS (A) ,
det (A−c ) = (b − c)n = det (A) − cS (A) .
On en déduit que :
det (M (a, b, c)) =
c (b − a)n − a (b − c)n
.
c−a
En utilisant la continuité de l'application polynomiale (a, b, c) 7→ det (M (a, b, c)) , on
déduit que :
det (M (a, b, a)) = c→a
lim det (M (a, b, c))
c̸=a
= c→a
lim
c̸=a
c (b − a)n − a (b − c)n
c−a
= (b − a)n + a c→a
lim
c̸=a
= (b − a) + a c→a
lim
n
(b − a)n − (b − c)n
c−a
n−1
∑
(b − a)n−1−k (b − c)k
c̸=a k=0
= (b − a) + na (b − a)n−1 = (b + (n − 1) a) (b − a)n−1
n
Valeurs propres
380
(b) Pour a = c, le polynôme caractéristique et les valeurs propres de la matrice M (a, b, a)
ont été calculés à l'exercice précédent. On suppose donc que a ̸= c. Dans ce cas, le
polynôme caractéristique de M (a, b, c) est donné par :
c (b − a − X)n − a (b − c − X)n
Pa,b,c (X) =
.
c−a
Pour a = 0 ou c = 0, la matrice M (a, b, c) est triangulaire avec b pour valeur propre
d'ordre n. Pour a ̸= 0 et c ̸= 0, on a
Pa,b,c (b − a) = a (a − c)n−1 ̸= 0, Pa,b,c (b − c) = c (c − a)n−1 ̸= 0.
On peut donc écrire que les valeurs propres de M (a, b, c) sont dénies par :
(
b−a−X
b−c−X
)n
a
= .
c
a
En notant ω1 , · · · , ωn les racines nème dans C de (qui est non nul), on déduit alors
c
que les valeurs propres de M (a, b, c) sont :
λk = b +
cωk − a
(1 ≤ k ≤ n) .
1 − ωk
(comme a ̸= c, on a ωk ̸= 1).
Exercice 15.12 On suppose que n ≥ 3 et que le corps K est algébriquement clos.
On dit qu'une matrice A = ((aij ))1≤i,j≤n ∈ Mn (K) est de Hessenberg si aij = 0 pour tout
couple (i, j) tel que j < i − 1. On dit que A est irréductible si ai,i−1 ̸= 0 pour tout i = 2, · · · , n.
1. Montrer que si A est une matrice de Hessenberg irréductible et λ une valeur propre de A,
alors l'espace propre associé est de dimension 1 (on retrouve, comme cas particulier, le
résultat de l'exercice 15.3).
2. En déduire que les valeurs propres d'une matrice de Hessenberg irréductible sont simples
si et seulement si la matrice est diagonalisable.
Solution 15.12
1. Soient A une matrice de Hessenberg irréductible, λ un scalaire et :




Aλ = A − λIn = 



a11 − λ
a12
a13
a21
a22 − λ
a23
0
..
.
0
...
...
···
...
···
a1n
..
.
...
...
an−2,n
an−1,n−2 an−1,n−1 − λ an−1,n
0
an,n−1
an,n − λ




.



Si Bλ est la matrice extraite de Aλ en supprimant la première ligne et la dernière colonne,
soit :





Bλ = 



a21 a22 − λ
0
0
..
.
0
a23
···
a32
a33 − λ
...
...
...
···
0
0
an−1,n−2
0
...
...
a2,n−1
..
.



,
an−2,n


an−1,n−1 − λ 
an,n−1
Valeurs et vecteurs propres
381
n
∏
on a det (Bλ ) = ai,i−1 ̸= 0. On a donc ainsi montré que :
i=2
∀λ ∈ K, rang (Aλ ) ≥ n − 1,
ou encore :
∀λ ∈ K, dim (ker (A − λIn )) ≤ 1.
En particulier, pour λ valeur propre de A on a :
dim (ker (A − λIn )) = 1.
2. La matrice A est diagonalisable sur K si et seulement pour toute valeur propre λ de A,
la dimension de ker (A − λIn ) est égale à la multiplicité de λ comme racine du polynôme
caractéristique de A. Avec ce qui précède on déduit alors que la matrice A est diagonalisable
si et seulement toutes ses valeurs propres sont simples.
Exercice 15.13
E = C 0 (R, C) est le C-espace vectoriel des fonctions continues de R dans C
et u est l'endomorphisme de E déni par :
{
f (0)
∫ si x = 0
∀f ∈ E, ∀x ∈ R, u (f ) (x) =
1 x
f (t) dt si x ̸= 0
x 0
1. Vérier que, pour tout f ∈ E, u (f ) est bien un élément de E.
2. Montrer que 0 n'est pas valeur propre de u.
On dénit les sous-espaces vectoriels E0 , E1 , E2 de E par :
E0 = {fonctions constantes} ,
{
}
{
}
E1 = f ∈ E | f|R− = 0 , E2 = f ∈ E | f|R+ = 0
3. Montrer que chaque sous-espace Ek , pour k = 0, 1, 2, est stable par u. On note alors uk
la restriction de u à Ek (c'est un endomorphisme de Ek ).
4. Déterminer l'ensemble Sp (u1 ) des valeurs propres de u1 et les espaces propres associés.
5. Déterminer l'ensemble Sp (u2 ) des valeurs propres de u2 et les espaces propres associés.
6. Vérier que E = E0 ⊕ E1 ⊕ E2 .
7. Déterminer l'ensemble Sp (u) des valeurs propres de u et les espaces propres associés.
Solution 15.13
1. Pour f ∈ E, la fonction g = u (f ) est de classe C 1 sur R∗ avec :
∀x ∈ R∗ , g ′ (x) =
f (x) − g (x)
x
La fonction g est donc continue sur R∗ .
Comme f est continue en 0, pour tout réel ε > 0, il existe un réel η > 0 tel que :
|x| < η ⇒ |f (x) − f (0)| < ε
Valeurs propres
382
donc pour 0 < |x| < η, on a :
∫ x
1
(f (t) − f (0)) dt
|g (x) − g (0)| = |g (x) − f (0)| = x 0
∫ x
1 ≤
|f (t) − f (0)| dt ≤ ε
|x|
0
et g est continue en 0.
La fonction g est bien dans E.
On peut aussi remarquer que :
∫
1
∀x ∈ R, u (f ) (x) =
f (xt) dt
0
(pour x = 0 c'est clair et pour x ̸= 0, il sut de faire le changement de variable t = ux
avec u ∈ [0, 1]). Comme la fonction (x, t) 7→ f (xt) est continue sur R et l'intégration se
fait sur un compact, on en déduit que u (f ) est continue sur R.
f (x) − g (x)
2. Si g = u (f ) = 0, on a alors f (0) = g (0) = 0 et g ′ (x) =
= 0 pour tout
x
∗
x ∈ R , ce qui entraîne f (x) = g (x) = 0. On a donc ker (u) = {0} et u est injective, ce
qui revient à dire 0 n'est pas valeur propre de u.
3. Si f0 ∈ E0 , on a u (f0 ) = f0 ∈ E0 . Donc E0 est stable par u et u0 = IdE0 .
Si f1 ∈ E1 , on a alors, pour tout réel x :
∫
1
u (f1 ) (x) =
f1 (xt) dt = 0
0
pour x ≤ 0 et u (f1 ) ∈ E1 .
On vérie de manière analogue que E2 est stable par u.
4. Soit λ ∈ C une valeur propre de u1 . Comme u est injective, on a λ ̸= 0.
Si f ∈ E1 \ {0} est un vecteur propre associé, on a f (x) = 0 pour x ≤ 0 et pour x > 0 :
1
λf (x) = u1 (f ) (x) =
x
ce qui implique que f de classe C 1 sur R+,∗ avec λ
∫
x
f (t) dt
0
d
(xf (x)) = f (x) , soit :
dx
∀x > 0, λxf ′ (x) + (λ − 1) f (x) = 0
Il en résulte que f (x) = µx λ −1 avec µ ∈ C∗ .
Comme f est continue en 0 avec f (0) = 0, on a nécessairement lim+ f (x) = 0, ce
1
x→0
qui équivaut à lim+ |f (x)| = 0 avec |f (x)| = |µ| xℜ( λ )−1 , encore équivalent à dire que
1
x→0
( )
( )
1
1
ℜ
> 1. Réciproquement tout nombre complexe non nul λ tel que ℜ
> 1 est
λ
λ
valeur propre de u1 avec pour espace propre associé la droite dirigée par la fonction fλ ∈ E1
dénie par :
{
fλ (x) =
0 si x ≤ 0
1
x λ −1 si x > 0
Valeurs et vecteurs propres
383
En eet, la fonction fλ est nulle sur R− et de classe C 1 sur R∗ avec lim+ fλ (x) = 0 =
x→0
fλ (0) , elle est donc continue en 0. Son image par u1 est la fonction gλ dénie par :
∫
{
1
fλ (xt) dt =
gλ (x) =
0
0 si x ≤ 0
∫1 1
1
1
x λ −1 0 t λ −1 dt = λx λ −1 si x > 0
soit gλ = λfλ .
( )
1
a − ib
1
En notant λ = a + ib, on a = 2
et la condition ℜ
> 1 équivaut à a2 + b2 < a,
2
λ
a +b
λ
(
)2
1
1
encore équivalent à a −
+ b2 < . Donc l'ensemble des valeurs propres de u1 est le
4
(
) 2
1 1
1
1
disque ouvert D , de centre et de rayon .
2 2
2
2
(
)
1 1
5. De manière analogue, on voit que D ,
est aussi l'ensemble des valeurs propres de
2 2
(
)
1 1
u2 et pour tout λ ∈ D
,
, l'espace propre associé est la droite dirigée par la fonction
2 2
gλ dénie par :
{
0 si x ≥ 0
1
gλ (x) =
|x| λ −1 si x < 0
6. Si f ∈ E s'écrit f = f0 + f1 + f2 avec fk ∈ Ek pour k = 0, 1, 2, on a nécessairement :
f (0) = f0 + f1 (0) + f2 (0) = f0
et :
{
f1 (x) =
{
f2 (x) =
f (x) − f0 = f (x) − f (0) si x ≥ 0
0 si x ≤ 0
f (x) − f0 = f (x) − f (0) si x ≤ 0
0 si x ≥ 0
ce qui détermine uniquement les fonctions f0 , f1 , f2 en cas d'existence.
En posant f0 = f (0) et :
{
f1 (x) =
f (x) − f (0) si x ≥ 0
f2 (x) =
0 si x ≤ 0
{
f (x) − f (0) si x ≤ 0
0 si x ≥ 0
on dénit bien des fonctions f0 ∈ E0 , f1 ∈ E1 et f2 ∈ E2 telles que f = f0 + f1 + f2 .
On a donc la décomposition en somme directe E = E0 ⊕ E1 ⊕ E2 .
7. Soit λ ∈ C∗ une valeur propre de u (λ ̸= 0 puisque u est injective). Si f = f0 + f1 + f2
est un vecteur propre non nul associé avec fk ∈ Ek pour k = 0, 1, 2, on a :
u (f ) = u (f0 ) + u (f1 ) + u (f2 ) = λf = λf0 + λf1 + λf2
ce qui équivaut à u (fk ) = λfk pour k = 0, 1, 2 puisque E = E0 ⊕ E1 ⊕ E2 .
Comme u0 = IdE0 , on a f0 = λf0 et on a deux possibilités : soit f0 ̸= 0 et nécessairement
λ = 1, f1 = f2 = 0 (1 ∈
/ Sp (u1 ) = Sp (u2 )), ce qui signie que 1 est valeur propre ; soit
f0 = 0 et u (fk ) = λfk pour k = 1, 2 avec f1 ̸= 0 (ou f2 )̸= 0 et λ ∈ Sp (u1 ) .
L'ensemble des valeurs propres de u est donc D
1 1
,
2 2
∪ {1} (le disque ouvert de centre
Valeurs propres
384
1
1
et de rayon auquel on a ajouté 1 qui est sur le bord du disque).
2
2
Pour λ = 1, l'espace propre associé est la droite E0 dirigée par la fonction constante égale
à 1. Pour λ ̸= 1 dans Sp (u) , l'espace propre associé est le plan vectoriel engendré par les
fonctions fλ et gλ .
15.2 Valeurs propres des endomorphismes nilpotents en dimension nie
On suppose ici que E est de dimension nie.
On rappelle qu'un endomorphisme u est nilpotent s'il existe un entier q strictement positif
tel que uq−1 ̸= 0 et uq = 0. On dit que q est l'indice de nilpotence de u.
Lemme 15.2 Si u est nilpotent, alors 0 est valeur propre de u et Tr (u) = 0.
Démonstration. Supposons u nilpotent d'ordre q ≥ 1, soit que uq−1 ̸= 0 et uq = 0.
Avec det (uq ) = (det (u))q = 0, on déduit que det (u) = 0 et 0 est valeur propre de u.
On peut aussi dire si x ∈ E est tel que uq−1 (x) ̸= 0, on a alors u (uq−1 (x)) = uq (x) = 0 et
0 est valeur propre de u (la dimension de E n'intervient pas ici).
Pour montrer que la trace d'un endomorphisme nilpotent est nulle, on procède par récurrence
sur la dimension n ≥ 1 de E.
Pour n = 1, l'unique endomorphisme nilpotent est l'endomorphisme nul et sa trace est nulle.
Supposons le résultat acquis pour les espaces de dimension au plus égale à n − 1 ≥ 1 et soit
u ∈ L (E) nilpotent d'ordre q ≥ 1 avec E de dimension n ≥ 2. Comme 0 est valeur propre de
u, il existe un vecteur non nul e1 dans le noyau de u et en complétant
ce
) vecteur en une base
(
0 α
où α ∈ M1,n−1 (K)
B de E, la matrice de u dans cette base est de la forme A =
0 B
(
)
0 αB q
et B ∈ Mn−1 (K) . Avec Aq+1 =
= 0, on déduit que B est nilpotente et en
0 B q+1
conséquence Tr (B) = 0 (l'hypothèse de récurrence nous donne le résultat sur Mn−1 (K)), ce
qui entraîne Tr (u) = Tr (A) = Tr (B) = 0.
Théorème 15.5 Pour K algébriquement clos, u est nilpotent si, et seulement si, 0 est la seule
valeur propre de u.
Démonstration. On a déjà vu que si u est nilpotent d'ordre q, alors 0 est valeur propre de
u.
S'il existe une autre une valeur propre λ ∈ K de u, on a alors pour tout vecteur propre non
nul associé x, uq (x) = λq x = 0 et λ = 0. On peut aussi dire que si u est nilpotent d'indice q,
son polynôme minimal est X q et 0 est l'unique valeur propre de u.
Réciproquement si 0 est la seule valeur propre de u avec K algébriquement clos, alors le
polynôme minimal de u est X q avec 1 ≤ q ≤ n et u est nilpotent.
Remarque 15.4 Pour
K non algébriquement clos, un endomorphisme u peut avoir 0 pour
seule valeur propre dans K sans être nilpotent comme le montre l'exemple de l'endomorphisme
u de R3 de matrice :


0
0
0
A =  0 cos (θ) − sin (θ) 
0 sin (θ) cos (θ)
Valeurs propres des endomorphismes nilpotents en dimension nie
385
dans la base canonique avec θ ∈
/ πZ. Le polynôme caractéristique de v est :
(
)
Pv (X) = −X (cos (θ) − X)2 + sin2 (θ) ,
la seule valeur propre réelle est 0 et pour tout entier q ≥ 1, on a :


0
0
0
Aq =  0 cos (qθ) − sin (qθ)  =
̸ 0.
0 sin (qθ) cos (qθ)
On rappelle qu'un corps K est de caractéristique nulle si le morphisme d'anneaux k 7→ k · 1
de Z dans K est injectif, ce qui est encore équivalent à dire que l'égalité kλ = 0 dans K avec
k ∈ Z et λ ∈ K∗ équivaut à k = 0.
Théorème 15.6 On suppose le corps K de caractéristique( nulle.
)
Un endomorphisme u est nilpotent si, et seulement si, Tr uk = 0 pour tout k compris entre 1
et n.
Si u est nilpotent, il en est de même de uk pour tout entier k ≥ 1 et
(Démonstration.
)
Tr uk = 0.
Pour la réciproque, on procède par récurrence sur la dimension n ≥ 1 de E.
Pour n = 1, on a u (x) = λx, tr (u) = λ et le résultat est trivial.
Supposons le résultat
( k )acquis pour les espaces de dimension au plus égale à n − 1 ≥ 1 et soit
u ∈ L (E) tel que Tr u = 0 pour tout k compris entre 1 et n = dim (E) ≥ 2. Si Pu (X) =
n
n
∑
∑
ak X k est le polynôme caractéristique de u, en tenant compte de Pu (u) =
ak uk = 0 et
k=0
k=0
( )
tr uk = 0 pour k = 1, · · · , n, on déduit que tr (P (u)) = na0 = 0 et a0 = det (u) = 0 puisque K
de caractéristique nulle. Donc 0 est valeur
( propre
) de u et il existe une base B de E, dans laquelle
0 α
la matrice de u est de la forme A =
où α ∈ M1,n−1 (K) et B ∈ Mn−1 (K) . Avec
0
B
(
)
( )
( )
( )
0 αB k−1
k
A =
, on déduit que tr B k = tr Ak = tr uk = 0 pour tout k = 1, · · · , n et
k
0
B
l'hypothèse de récurrence
nous )
dit que B est nilpotente. Enn, en notant p l'indice de nilpotence
(
p
0
αB
de B, avec Ap+1 =
= 0, on déduit que A est nilpotente et il en est de même de u.
0 B p+1
Pour K algébriquement clos et de caractéristique nulle, on peut donner la démonstration
directe suivante.
( )
Supposons que Tr uk = 0 pour tout k compris entre 1 et n = dim (E) . S'il existe des
valeurs propres non nulles λ1 , · · · , λp d'ordres respectifs α1 , · · · , αp avec p compris entre 1 et n,
on a :
p
( ) ∑
Tr uk =
αj λkj = 0 (1 ≤ k ≤ p)
j=1
(comme K est algébriquement clos, il existe une base de E dans laquelle la matrice de u est
triangulaire de diagonale (0, · · · , 0, λ1(, · · · , λ1 , · · · , λp , · · · , λp ) et dans cette
) base, la matrice de
uk est aussi triangulaire de diagonale 0, · · · , 0, λk1 , · · · , λk1 , · · · , λkp , · · · , λkp ). Mais la matrice de
ce système d'équations aux inconnues αj est une matrice de type Vandermonde de déterminant :
1
···
1
λp ∏
p
.
..
.
...
... . =
λj ..
.
. p−1
p p−1
j=1
λ1
· · · λp
· · · λp
λ1 · · ·
..
.
λp1
p
∏
∏
λj
(λj − λi ) ̸= 0
=
j=1
1≤i<j≤p−1
Valeurs propres
386
ce qui entraîne que tous les αj sont nuls puisque K de caractéristique nulle. Mais on a alors une
contradiction avec αj ≥ 1.
En dénitive 0 est la seule valeur propre de u et u est nilpotent.
15.3 Localisation des valeurs propres d'une matrice complexe
Ici, K = C.
Si x 7→ ∥x∥ est une norme sur E = Cn , on lui associe alors la norme matricielle induite qui
est dénie par :
∥Ax∥
= sup ∥Ax∥
x∈E
x∈E\{0} ∥x∥
∀A ∈ Mn (K) , ∥A∥ = sup
∥x∥=1
On rappelle qu'une telle norme matricielle est sous-multiplicative, c'est-à-dire que ∥AB∥ ≤
∥A∥ ∥B∥ pour toutes matrices A, B.
On notera ∥A∥∞ √
, ∥A∥2 les normes matricielles respectivement associées aux normes ∥x∥∞ =
n
∑
|xi |2 .
max |xi | et ∥x∥2 =
1≤i≤n
i=1
Si A une matrice d'ordre n supérieur ou égal à 2 à coecients complexes, on note :
n
∑
Li =
Cj =
j=1
j̸=i
n
∑
|aij | (1 ≤ i ≤ n) , L = max {Li + |aii |} ,
1≤i≤n
|aij | (1 ≤ j ≤ n) , C = max {Cj + |ajj |} .
1≤j≤n
i=1
i̸=j
Théorème 15.7 (Gerschgörin-Hadamard) Soient A dans Mn (C) et λ dans C une valeur
propre de A. Il existe un indice i ∈ {1, · · · , n} tel que :
|λ − aii | ≤ Li .
Démonstration. Soit λ ∈ C une valeur propre de A et x un vecteur propre associé dans
C avec ∥x∥∞ = 1. Pour i ∈ {1, · · · , n} tel que |xi | = ∥x∥∞ , on a :
n
n
∑
aij xj = (λ − aii ) xi
j=1
j̸=i
et |λ − aii | ≤
n
∑
|aij | = Li .
j=1
j̸=i
L'exercice qui suit donne une application du théorème de Gerschgörin-Hadamard au calcul
des valeurs propres d'une matrice.
Exercice 15.14 Soient (a, b) ∈ R2 et A (a, b) la matrice réelle d'ordre n ≥ 2 dénie par :




A (a, b) = 



a
b
0
a
b
0 ···
0
b
0
..
.
···
...
... ... ...
...
b
a
b
0

.. 
. 

0 
.

b 
a
Calculer les valeurs propres et les vecteurs propres associés de A (a, b) .
Localisation des valeurs propres d'une matrice complexe
387
Solution 15.14 En écrivant que A (a, b) = aIn + bA (0, 1) , il nous sut de considérer le cas
où (a, b) = (0, 1) .
La matrice A (0, 1) est symétrique réelle, donc toutes ses valeurs propres sont réelles (théorème
15.2). Avec le théorème de Gerschgörin-Hadamard, on déduit que pour toute valeur propre
λ ∈ R on a |λ| ≤ 2. Une telle valeur propre peut donc s'écrire λ = 2 cos (α) avec α ∈ [0, π] . Si
x est un vecteur propre non nul associé ses composantes sont alors solutions de la récurrence :
xk−1 − λxk + xk+1 = 0 (1 ≤ k ≤ n) ,
avec les conditions aux limites x0 = 0 et xn+1 = 0.
Le polynôme caractéristique de cette récurrence est :
(
)(
)
P (r) = r2 − 2 cos (α) r + 1 = r − eiα r − e−iα
Les racines sont donc r1 = eiα , r2 = e−iα et on a :
xk = c1 eikα + c2 e−ikα (0 ≤ k ≤ n + 1) .
De x0 = 0, on déduit que c2 = −c1 et de xn+1 = 0 avec (c1 , c2 ) ̸= (0, 0) , on déduit que
jπ
avec 1 ≤ j ≤ n.
n+1
Les valeurs propres de A (a, b) sont donc :
(
)
kπ
λk (a, b) = a + 2b cos
(1 ≤ k ≤ n) .
n+1
sin ((n + 1) α) = 0 et α =
L'espace propre associé à λk (a, b) est la droite engendrée par le vecteur v (k) de composantes :
(k)
vj
)
(
kπ
(1 ≤ k, j ≤ n) .
= sin j
n+1
Exercice 15.15 Soit n ≥ 3. En utilisant les résultats de l'exercice 15.4 et de l'exercice précédent, déterminer le spectre de la matrice :




A (a, b, c) = 



a
c
0
a
c
0 ···
0
b
0
..
.
···
0

.. 
. 
...
... ... ...
...
b
a

0 
 ∈ Mn (R)

c 
a
b
où a, b, c sont des réels donnés avec b > 0 et c > 0.
Solution 15.15 On a vu avec l'exercice 15.4 que A est semblable à :

a
 √
bc
( √ ) 

A a, bc = 
 0
 .
 ..
√
a
...
...
···
0
donc les valeurs propres de A (a, b) sont :
√
λk = a + 2 bc cos
bc
(
kπ
n+1
0
√
bc
···
...
...
0
..
.




...
0 

√ 
√
bc √a
bc 
0
bc a
)
(1 ≤ k ≤ n) .
Valeurs propres
388
Exercice 15.16 On désigne par
par :
A la matrice réelle d'ordre n supérieur ou égal à 2 dénie




A=



1
−1
0
..
.
0
0
···
1
0
···
0
−1
0
...
... ... ...
...
−1 1


0 
.. 
. 
.

0 
1
−1
Calculer les valeurs propres de t AA.
Solution 15.16 On a :




t
AA = 



2
−1
0
−1
2
−1
0
..
.
···
−1
−1
2
. . . ..
.
... ... ...
0
...
−1 2 −1
−1 · · ·
0




.



Les valeurs propres de la matrice symétrique réelles t AA sont réelles et le théorème de GerschgörinHadamard nous dit que toute valeur propre λ de cette matrice est telle que |λ − 2| ≤ 2. On peut
donc écrire une telle valeur propre sous la forme :
( )
θ
λ = 2 (1 − cos (θ)) = 4 sin
2
2
avec θ ∈ [0, π] .
De det (A) = 0 (en développant suivant la première ligne) on déduit que 0 est valeur propre de
t
AA, ce qui correspond à θ = 0 ou θ = π.
Si λ est une valeur propre non nulle, on a θ ∈ ]0, π[ et un vecteur propre associé x de coordonnées
xk (1 ≤ k ≤ n) est déni par les relations de récurrence :
xk−1 + (λ − 2) xk + xk+1 = 0
(1 ≤ k ≤ n)
(15.1)
avec les conditions aux limites x0 = xn et xn+1 = x1 . Tout revient à chercher les suites réelles
(xk )k∈N périodiques de période n et vériant la récurrence (15.1) . Le polynôme caractéristique
de cette récurrence, P (r) = r2 − 2 cos (θ) r + 1 a pour racines r1 = eiθ et r2 = e−iθ . On obtient
donc les solutions dénies par :
∀k ∈ N,
xk = αeikθ + βe−ikθ ,
les coecients α et β étant tels que xk ∈ R et xk+n = xn pour tout entier naturel k. Des
conditions xk ∈ R pour tout entier k on déduit que (α − β) sin (kθ) = 0 et α = β. La condition
x0 = xn donne 2α cos (nθ) = 2α et, si on s'intéresse à une solution non nulle on a nécessaire2π
avec 0 ≤ j ≤ n − 1. On a donc ainsi montré
ment α ̸= 0 et cos (nθ) = 1, ce qui donne θ = j
n
t
que la matrice AA a n valeurs propres simples données par :
( π)
λj = 4 sin2 j
(0 ≤ j ≤ n − 1) .
n
Corollaire 15.1 Pour toute valeur propre λ ∈ C de A ∈ Mn (C) on a :
|λ| ≤ min {L, C} .
Localisation des valeurs propres d'une matrice complexe
389
Démonstration. Le théorème de Gerschgörin et Hadamard nous dit que toute valeur propre
de A est dans l'un des disques |λ − aii | ≤ Li . Ce même théorème appliqué à la transposée de
A qui admet les mêmes valeurs propres que A, nous dit que toute valeur propre de A est dans
l'un des disques |λ − ajj | ≤ Cj .
On peut alors écrire que, pour toute valeur propre λ de A on a :
|λ| ≤ |λ − aii | + |aii | ≤ Li + |aii | ≤ L.
De manière analogue, on a |λ| ≤ C. On a donc bien |λ| ≤ min {L, C} , pour toute valeur λ
propre de A.
Dénition 15.4 Une matrice A ∈ Mn (C) est dite à diagonale strictement dominante si :
∀i ∈ {1, · · · , n} , |aii | >
n
∑
|aij | .
j=1
j̸=i
Les matrices à diagonale strictement dominante se rencontrent dans de nombreux problèmes,
par exemple dans le problème de l'interpolation par des fonctions splines cubiques ou dans les
problèmes de résolutions d'équations aux dérivées partielles par des méthodes de discrétisation
par diérences nies.
Corollaire 15.2 Une matrice
A ∈ Mn (C) à diagonale strictement dominante a toutes ses
valeurs propres non nulles dans C. En conséquence elle est inversible.
Démonstration. Soient A une matrice à diagonale strictement dominante et λ une valeur
propre de A dans C. Le théorème de Gerschgörin-Hadamard nous dit qu'il existe un indice
i ∈ {1, · · · , n} tel que :
|λ − aii | ≤
n
∑
|aij | .
j=1
j̸=i
On ne peut donc avoir λ = 0 si A est à diagonale strictement dominante.
Le théorème qui suit généralise le théorème de Gerschgörin et Hadamard.
La démonstration de ce théorème passe par le lemme suivant.
1 1
On rappelle que si p et q sont deux réels strictement positifs tels que + = 1, on a alors
p
pour tous vecteurs x, y dans Cn :
q
( n
n
) p1 ( n
)1
∑
∑
∑ q q
p
|xi |
xi yi ≤
|yi |
i=1
i=1
i=1
(inégalité de Hölder).
Lemme 15.3 Si A ∈ Mn (C) n'est pas inversible, alors :
∀α ∈ [0, 1] , ∃i ∈ {1, · · · , n} | |aii | ≤ Lαi Ci1−α
Démonstration. Dire que A ∈ Mn (C) est non inversible revient à dire que 0 est valeur
propre de A et aussi de t A.
Valeurs propres
390
Le théorème de Gerschgörin-Hadamard nous dit alors que :
∃i ∈ {1, · · · , n} | |aii | ≤ Li
et :
∃j ∈ {1, · · · , n} | |ajj | ≤ Cj
Ce qui nous donne le résultat pour α = 0 et α = 1.
On suppose maintenant que α ∈ ]0, 1[ .
On désigne par x un vecteur propre non nul associé à la valeur propre 0. Le vecteur x est
alors solution non nulle du système linéaire :
n
∑
aij xj = 0 (1 ≤ i ≤ n)
j=1
et on a, pour tout i compris entre 1 et n :
|aii | |xi | ≤
≤
n
∑
j=1
j̸=i
n
∑
|aij | |xj |
(
)
|aij |α |aij |1−α |xj | (1 ≤ i ≤ n) .
j=1
j̸=i
En utilisant l'inégalité de Hölder avec
q > 0), on déduit que :
1
1
= α et = 1 − α (comme α ∈ ]0, 1[ , on a p > 0 et
p
q

 p1 
 1q
n
n
∑
 ∑

pα  

|aii | |xi | ≤ 
|aij |  
|aij |q(1−α) |xj |q 


j=1
j̸=i
j=1
j̸=i
α 
1−α
n
n
∑
 ∑
1 



≤
|aij | 
|aij | |xj | 1−α 

j=1
j̸=i
soit :
j=1
j̸=i

|aii | |xi | ≤
Lαi
1−α
n
∑
1 

1−α 
|a
|
|x
|
ij
j


(1 ≤ i ≤ n)
j=1
j̸=i
On raisonne alors par l'absurde en supposant que :
∀i ∈ {1, · · · , n} , |aii | > Lαi Ci1−α
Dans ce cas, on a, pour tous les indices i tels que xi ̸= 0 (il en existe puisque x ̸= 0) :

Lαi Ci1−α
|xi | < |aii | |xi | ≤
Lαi
1−α
n
∑
1 

1−α 
|a
|
|x
|
ij
j


j=1
j̸=i
Localisation des valeurs propres d'une matrice complexe
ce qui impose Li ̸= 0 et :
391

Ci1−α
1−α
n
∑
1 

|aij | |xj | 1−α 
|xi | < 

j=1
j̸=i
soit :
1
Ci |xi | 1−α <
n
∑
1
|aij | |xj | 1−α
j=1
j̸=i
On a donc :
S=
n
∑
Ci |xi |
1
1−α
n
∑
=
i=1
i=1
xi ̸=0

≤
n
∑
i=1
n
∑



j=1
j̸=i
Ci |xi |
S<
n
∑
<
n ∑
n
∑
1
|aij | |xj | 1−α
i=1 j=1
xi ̸=0 j̸=i

1 
|aij | |xj | 1−α 
=
soit :
1
1−α
n
∑
j=1


n
1
∑

|aij | |xj | 1−α

i=1
i̸=j
1
Cj |xj | 1−α = S
j=1
ce qui est impossible.
Théorème 15.8 (Ostrowski) Soit A dans Mn (C) . Pour tout réel α ∈ [0, 1] et toute valeur
propreλ ∈ C de A, il existe i ∈ {1, · · · , n} tel que :
|λ − aii | ≤ Lαi Ci1−α .
Démonstration. Si λ est valeur propre de A alors A−λIn est non inversible et avec le lemme
précédent, on déduit que pour tout réel α ∈ [0, 1] , on peut trouver un indice i ∈ {1, · · · , n} tel
que |aii − λ| ≤ Lαi Ci1−α .
Remarque 15.5 Pour α = 1, on retrouve le théorème de Gerschgörin et Hadamard.
Corollaire 15.3 Soit
{1, · · · , n} tel que :
A dans Mn (C) . Pour toute valeur propre de A, λ ∈ C, il existe i ∈
|λ|2 ≤ (Li + |aii |) (Ci + |aii |) .
Démonstration. En prenant
α =
1
dans le théorème d'Ostrowski, on peut trouver i ∈
2
√
Li Ci . On déduit alors que :
√
√
|λ| ≤ |aii | + Li Ci ≤ (|aii | + Li ) (|aii | + Ci ),
√
la dernière inégalité résultant de 2 Li Ci ≤ Ci + Li .
{1, ..., n} tel que |aii − λ| ≤
Valeurs propres
392
15.4 Rayon spectral des matrices complexes
On suppose que K = C.
Le rayon spectral ρ (u) [resp. ρ (A)] est le rayon du plus petit disque centré en 0 du plan
complexe qui contient toutes les valeurs propres de u [resp. de A].
Dénition 15.5 Le rayon spectral de u ∈ L (E) [resp. A ∈ Mn (C)] est le réel ρ (u) =
[resp. ρ (A) = max |λ|].
max |λ|
λ∈sp(u)
λ∈sp(A)
Du théorème de diagonalisation des matrices normales, on déduit le résultat suivant.
Lemme 15.4 Si A ∈ Mn (C) est une matrice normale (i. e. telle que A∗ A = AA∗ , où A∗ =
t
A), alors :
∥A∥2 = ρ (A) .
Démonstration. Une matrice normale A ∈ Mn (C) se diagonalise dans une base orthonor-
mée, il existe donc des scalaires {λ1 , · · · , λn } et une base orthonormée (e1 , · · · , en ) de Cn tels que
n
∑
Aek = λk ek pour tout k ∈ {1, · · · , n} . Pour tout x =
k=1
on a alors :
∥Ax∥22
=
n
∑
|xk | |λk | ≤ ρ (A)
2
2
2
xk ek ∈ Cn tel que ∥x∥22 =
n
∑
n
∑
|xk |2 = 1,
k=1
|xk |2 = ρ (A)2 .
k=1
k=1
On peut donc conclure que ∥A∥2 ≤ ρ (A) .
Si k ∈ {1, · · · , n} est tel que ρ (A) = |λk | , alors ρ (A) = |λk | = ∥Aek ∥2 avec ∥ek ∥2 = 1. Donc
∥A∥2 = ρ (A) .
L'égalité ∥A∥2 = ρ (A) est valable en particulier pour A complexe hermitienne ou unitaire
et pour A réelle symétrique ou orthogonale.
Théorème 15.9 Pour toute matrice A ∈ Mn (C) , on a :
∥A∥2 =
Démonstration. Pour tout
Schwarz, on a :
√
√
∥A∗ A∥2 = ρ (A∗ A).
x ∈ Cn tel que ∥x∥22 = 1, en utilisant l'inégalité de Cauchy-
∥Ax∥22 = ⟨x | A∗ Ax⟩ ≤ ∥x∥2 ∥A∗ Ax∥2
≤ ∥x∥2 ∥A∗ A∥2 ∥x∥2 = ∥A∗ A∥2 .
Ce qui entraîne ∥A∥22 ≤ ∥A∗ A∥2 ≤ ∥A∥2 ∥A∗ ∥2 et ∥A∥2 ≤ ∥A∗ ∥2 . En appliquant cette inégalité
à A∗ , on obtient ∥A∗ ∥2 ≤ ∥A∥2 ce qui donne :
∥A∗ ∥2 = ∥A∥2
On déduit donc que :
∥A∥22 ≤ ∥A∗ A∥2 ≤ ∥A∥2 ∥A∗ ∥2 = ∥A∥22 ,
ce qui entraîne ∥A∥22 = ∥A∗ A∥2 . La matrice A∗ A étant normale (elle est hermitienne), on a
aussi ∥A∗ A∥2 = ρ (A∗ A) . Donc :
√
√
∥A∥2 = ∥A∗ A∥2 = ρ (A∗ A).
Nous allons montrer que, pour toute matrice A, on a ρ (A) = inf ∥A∥ , où N est l'ensemble
∥·∥∈N
de toutes les normes matricielles induites par une norme vectorielle.
Rayon spectral des matrices complexes
393
Lemme 15.5 Si pour tout réel δ > 0, on note :



Dδ = 

1
0
0
δ
···
0
0
0
δ n−1
..
.
...
.. . . . .
.
.
.
0 ···





alors pour toute matrice A = ((aij ))1≤i,j≤n dans Mn (C) on a :
(
)
Dδ−1 ADδ = δ j−i aij 1≤i,j≤n .
Démonstration. La multiplication à droite par
Dδ a pour eet de multiplier la colonne
numéro j par δ et la multiplication à gauche par Dδ−1 a pour eet de diviser la ligne numéro
i par δ i−1 . Il en résulte que le coecient d'indice (i, j) de Dδ−1 ADδ est δ j−1 δ 1−i aij = δ j−i aij .
j−1
Lemme 15.6 Soit A ∈ Mn (C) . Pour tout réel ε > 0 il une matricePε ∈ GLn (C) telle que la
matrice Tε = Pε−1 APε soit triangulaire supérieure avec :
Tε = ((tij ))1≤i,j≤n ,
n
∑
max
1≤i≤n−1
|tij | < ε.
j=i+1
Démonstration. On peut trouver une matrice inversible
que T = P
−1
P à coecients complexes telle
AP soit triangulaire supérieure. Pour tout réel δ > 0, on pose :


1 0 ···
0
.. 
...

. 
 0 δ
Dδ =  . .

.
..
 .. . .
0 
0 · · · 0 δ n−1
et on a alors :

Tδ =
Dδ−1 T Dδ


=

t11 δt12 · · ·
0
..
.
...
...
t22
...
δ n−1 t1n
..
.





δtn−1,n−1
0 ···
0
tnn
(( ))
La matrice Tδ est semblable à la matrice A et en notant Tδ = t′ij 1≤i,j≤n , on a lim t′ij = 0
δ→0
pour 1 ≤ i < j ≤ n, on peut donc choisir δ > 0 tel que :
∀i ∈ {1, · · · , n} ,
n
∑
′ tij < ε.
j=i+1
Une autre façon de procéder est de considérer l'endomorphisme u de Cn canoniquement
associé à la matrice A et une base (e1 , · · · , en ) dans laquelle la matrice T de u est triangulaire
supérieure. Pour tout réel δ > 0, on note Bδ = (e′1 , · · · , e′n ) la base de Cn dénie par e′j = δ j−1 ej
et on a :
j
j
∑
∑
( ′)
j−1
tij ei =
∀j ∈ {1, · · · , n} , u ej = δ
δ j−i tij e′i .
i=1
i=1
Pour δ > 0 assez petit la matrice de u dans Bδ a alors la forme souhaitée.
Valeurs propres
394
Théorème 15.10 Soit A ∈ Mn (C) .
1. Pour toute norme matricielle induite par une norme vectorielle, on a :
ρ (A) ≤ ∥A∥ ,
l'inégalité pouvant être stricte.
2. Pour tout ε > 0, il existe une norme matricielle induite par une norme vectorielle telle
que :
∥A∥ ≤ ρ (A) + ε.
3. ρ (A) = inf ∥A∥ , où N désigne l'ensemble de toutes les normes matricielles induites
∥·∥∈N
par une norme vectorielle.
Démonstration.
1. Soit λ une valeur propre de A qui vérie ρ (A) = |λ| et x un vecteur propre associé dans
Cn de norme 1. On a alors :
∥Ax∥ = ∥λx∥ = |λ| ≤ ∥A∥ ,
d'où ρ (A) ≤ ∥A∥(.
En prenant A =
0 1
0 0
)
, on a ρ (A) = 0 et ∥A∥ > 0.
2. Pour tout réel ε > 0 on peut trouver une matrice inversible Pε telle que Tε = Pε−1 APε
soit triangulaire supérieure avec :
Tε = ((tij ))1≤i,j≤n ,
max
1≤i≤n−1
n
∑
|tij | < ε.
j=i+1
On associe alors à la matrice Pε la norme matricielle :
M 7→ ∥M ∥P = Pε−1 M Pε ∞
et on a :
∥A∥P = Pε−1 APε ∞ = ∥Tε ∥∞
{
}
n
∑
= max |tnn | , |tii | +
|tij | ; 1 ≤ i ≤ n − 1
j=i+1
= ε + max |tii |
1≤i≤n
soit ∥A∥P ≤ ρ (A) + ε puisque les tii sont les valeurs propres de A.
3. Résulte de ce qui précède.
Remarque 15.6 De l'équivalence des normes sur Mn (C) on déduit que pour toute norme sur
Mn (C) , il existe une constante α > 0 telle que ρ (A) ≤ α ∥A∥ pour tout A ∈ Mn (C) . Mais
on peut avoir ρ (A) > ∥A∥ . Par exemple, pour n = 2 avec la norme :
A 7−→ ∥A∥ = max |aij |
1≤i,j≤n
Rayon spectral des matrices complexes
(
et la matrice A =
]
si θ ∈ 0,
395
)
cos (θ) − sin (θ)
sin (θ) cos (θ)
, on a :
∥A∥ = max {|cos (θ)| , |sin (θ)|} < 1 = ρ (A) ,
π[
.
2
Théorème 15.11 L'application
est continue.
ρ qui associe à toute matrice de Mn (C) son rayon spectral
Démonstration. On munit Mn (C) d'une norme matricielle induite par une norme vecto-
rielle.
Si (Tk )k∈N est une suite de matrices triangulaires supérieures qui converge vers une matrice
T, alors T est également triangulaire supérieure et il est facile de vérier que la suite (ρ (Tk ))k∈N
converge vers ρ (T ) .
Soit (Ak )k∈N une suite de matrices qui converge vers la matrice A dans Mn (C) . On veut
montrer que la suite (ρ (Ak ))k∈N converge vers ρ (A) dans R. Pour ce faire on va montrer que
cette suite est bornée et admet ρ (A) pour unique valeur d'adhérence.
Avec les inégalités ρ (Ak ) ≤ ∥Ak ∥ et la convergence de la suite (Ak )k∈N on déduit que la suite
(ρ (Ak ))k∈N
dans R.
( ( est bornée
))
Soit ρ Aφ(k) k∈N une sous-suite convergente de (ρ (Ak ))k∈N . Dans Mn (C) on sait que
toute matrice se trigonalise dans une base orthonormée (théorème de Schur), il existe donc,
∗
pour tout entier naturel k, une matrice unitaire Uk telle que la matrice
(
)Tk = Uk Ak Uk soit
triangulaire supérieure. Dans le compact Un (C) on peut extraire de Uφ(k) k∈N une sous-suite
(
)
(
)
Uσ(k) k∈N qui converge vers une matrice unitaire U. La suite Tσ(k) k∈N converge alors vers la
matrice T = U ∗ AU qui est triangulaire supérieure. On a alors :
(
)
(
)
(
)
ρ (A) = ρ (T ) = lim ρ Tσ(k) = lim ρ Aσ(k) = lim ρ Aφ(k) .
k→+∞
k→+∞
k→+∞
On a donc ainsi montré que la suite bornée (ρ (Ak ))k∈N admet ρ (A) pour unique valeur
d'adhérence. Cette suite converge donc vers ρ (A) .
Lemme 15.7 Soient
θ1 , · · · , θp des réels deux à distincts dans [0, 2π[ et a1 , · · · , ap des réels.
p
∑
On dénit la suite (uk )k∈N par uk =
aj eikθj . Si lim uk = 0, alors tous les aj (1 ≤ j ≤ p)
k→+∞
j=1
sont nuls.
Démonstration.
Pour z ∈ C on a uk z k ≤
(
pour |z| < 1, on déduit que l'on peut poser f (z) =
p
∑
j=1
+∞
∑
)
|aj | |z|k et du fait que
p
∑
aj
j=1
p
+∞
∑
( iθj )k ∑
ze
=
j=1
k=0
uk z k pour |z| < 1. On a alors :
aj
(|z| < 1) .
1 − zeiθj
Ce qui donne, pour tout j ∈ {1, · · · , p} :
(
aj = 1 − ze
iθj
)
(
f (z) − 1 − ze
iθj
|z|k < +∞
k=0
k=0
f (z) =
+∞
∑
p
)∑
r=1
r̸=j
ar
(|z| < 1) .
1 − zeiθr
Valeurs propres
396
En prenant z = ρe−iθj , avec 0 < ρ < 1, on obtient en faisant tendre ρ vers 1 :
(
)
aj = lim (1 − ρ) f ρe−iθj ,
ρ→1
puisque les θr sont deux à deux distincts dans [0, 2π[.
Comme lim uk = 0, pour tout ε > 0 on peut trouver un entier k0 tel que |uk | < εpour tout
k→+∞
k > k0 . Ce qui donne, pour |z| < 1 :
|f (z)| ≤
k0
∑
+∞
∑
|uk | + ε
k=0
k0
∑
|z|k =
k=k0 +1
k0
∑
|uk | +
k=0
ε|z|k0 +1
1−|z|
ε
≤
|uk | +
.
1 − |z|
k=0
Et pour z = ρe−iθj avec 0 < ρ < 1 :
(k
)
0
∑
( −iθ )
(1 − ρ) f ρe j ≤ (1 − ρ)
|uk | + ε < 2ε,
k=0
(
)
pour ρ voisin de 1. On a donc lim (1 − ρ) f ρe−iθj = 0 et aj = 0 pour tout j ∈ {1, · · · , p} .
ρ→1
Théorème 15.12 Soit A dans Mn (C) , les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) lim Ak = 0.
k→+∞
(ii) Pour toute valeur initiale x0 , la suite (xk )k∈N dénie par xk+1 = Axk , pour k ≥ 0, converge
vers le vecteur nul.
(iii) ρ (A) < 1.
(iv) Il existe au moins une norme matricielle induite telle que ∥A∥ < 1.
(v) La matrice In − A est inversible et la série de terme général Ak est convergente de somme
(In − A)−1 .
( )
(vi) La matrice In − A est inversible et la série de terme général trace Ak est convergente
(
)
de somme trace (In − A)−1 .
( )
(vii) lim trace Ak = 0.
k→+∞
Démonstration. (i) ⇒ (ii) Résulte de :
∥xk ∥ = Ak x0 ≤ Ak ∥x0 ∥ .
(ii) ⇒ (iii) Supposons qu'il existe une valeur propre λ de A telle que |λ| ≥ 1. Si x0 est un
vecteur propre non nul associé à λ, en écrivant que xk = Ak x0 = λk x0 , on voit que la suite
(xk )k∈N ne converge pas vers 0.
(iii) ⇒ (iv) Soit ε > 0 tel que ρ (A) + ε < 1. Il sut de prendre une norme matricielle
induite telle que ∥A∥ < ρ (A) + ε.
induite qui vérie ∥A∥ < 1 et en écrivant que
⇒ (i) En prenant une norme( matricielle
(iv)
)
Ak ≤ ∥A∥k , on déduit que lim Ak = 0.
k→+∞
On a donc montré que les assertions (i) à (iv) sont équivalentes.
(iii) ⇒ (v) Si ρ (A) < 1 alors 1 n'est pas valeur propre de A et In − A est inversible.
Rayon spectral des matrices complexes
En notant, pour tout entier p, Sp =
397
p
∑
Ak , on a :
k=0
(In − A) Sp = In − Ap+1 ,
avec lim (In − Ap+1 ) = In . En utilisant la continuité du produit matriciel, on déduit alors
p→+∞
que :
(
)
lim Sp = lim (In − A)−1 In − Ap+1 = (In − A)−1 ,
p→+∞
c'est-à-dire que
+∞
∑
p→+∞
Ak = (In − A)−1 .
k=0
(v) ⇒ (vi) La convergence de la série
+∞
∑
Ak entraîne lim Ak = 0 et en conséquence
k→+∞
k=0
ρ (A) < 1. En notant {λ1 , · · · , λn } les valeurs propres de A, on a pour tout entier p :
p
∑
(
trace A
k
)
=
p
n
∑
∑
λpj
=
k=0 j=1
k=0
p
n ∑
∑
λpj
=
n
∑
1 − λp+1
j
j=1 k=0
j=1
1 − λj
,
(
)
avec |λj | < 1 pour tout j. On déduit alors que la série de terme général trace Ak est convergente avec :
+∞
∑
k=0
En considérant que les
on déduit que :
(
trace A
k
)
=
n
∑
j=1
1
.
1 − λj
1
, pour 1 ≤ j ≤ n, sont toutes les valeurs propres de (In − A)−1 ,
1 − λj
+∞
∑
( )
(
)
trace Ak = trace (In − A)−1 .
k=0
(vi) ⇒ (vii) Résulte immédiatement du fait que le terme général d'une série convergente
tend vers 0.
(vii) ⇒ (iii) Supposons que ρ (A) ≥ 1. On note {λ1 , · · · , λn } les valeurs propres de A avec :
|λ1 | = · · · = |λp | = ρ (A) > |λj |
(j > p)
(dans le cas où p < n).
On a alors :
)k
(
)k
p (
n
n
∑
∑
∑
1
λj
λj
k
=
λj −
k
ρ
(A)
ρ (A)
(ρ
(A))
j=1
j=p+1
j=1
(
)k
n
∑
( k)
1
λj
=
trace A −
ρ (A)
(ρ (A))k
j=p+1
{
En notant e , · · · , e
iθ1
iθq
}
{
l'ensemble des valeurs prises par
θj deux à deux distincts dans [0, 2π[ , on a :
)k ∑
p (
q
∑
λj
=
aj eikθj
ρ
(A)
j=1
j=1
→ 0.
k→+∞
λ1
λp
,··· ,
ρ (A)
ρ (A)
→ 0,
k→+∞
les coecients aj étant des entiers strictement positifs, ce qui est impossible.
On a donc ρ (A) < 1.
}
avec les réels
Valeurs propres
398
Corollaire 15.4 Quelle que soit la norme choisie sur Mn (C) on a :
ρ (A) = lim
k→+∞
( 1 )
Ak k .
Démonstration. On travaille tout d'abord avec une norme matricielle induite par une
norme vectorielle.
Soit ε > 0 et Aε =
1
A.
ρ (A) + ε
( )
ρ (A)
On a ρ (Aε ) =
< 1 donc lim Akε = 0 et :
k→+∞
ρ (A) + ε
∃kε ∈ N | ∀k ≥ kε , Akε < 1.
On a alors :
∀k ≥ kε , Ak < (ρ (A) + ε)k .
( ( )) 1 1
Puis avec ρ (A) = ρ Ak k ≤ Ak k , on déduit que :
1
k
∀k ≥ kε , ρ (A) ≤ A k ≤ ρ (A) + ε,
c'est-à-dire le résultat.
Pour toute norme sur Mn (C) , il existe deux constantes α > 0 et β > 0 telles que α ∥A∥1 ≤
∥A∥ ≤ β ∥A∥1 pour tout A ∈ Mn (C) (toutes les normes sont équivalentes sur un espace
vectoriel de dimension nie). On a alors :
1 1
1
1 1 ∀k > 0, α k Ak 1k ≤ Ak k ≤ β k Ak 1k ,
)
(
k 1
1
1
k
avec lim α k = lim β k = 1 et lim
A 1 = ρ (A) . Donc :
k→+∞
k→+∞
k→+∞
(
)
k 1
k
lim
A
= ρ (A) .
k→+∞
Ce résultat peut aussi se montrer en utilisant la décomposition D + N de Dunford-Schwarz
(voir le paragraphe 16.8.3).
15.5 Calcul approché des valeurs propres
Voir le chapitre 7 de [87].
15.6 Polynômes orthogonaux vecteurs propres d'un opérateur diérentiel
Pour ce paragraphe, E = R [X] .
On se donne deux polynômes réels non nuls :
{
A (X) = a0 + a1 X + a2 X 2 ,
B (X) = b0 + b1 X
Polynômes orthogonaux vecteurs propres d'un opérateur diérentiel
399
et on leur associe l'opérateur diérentiel u déni sur E par :
∀P ∈ E, u (P ) = AP ′′ + BP ′ .
Il est clair que u est un endomorphisme de R [X] qui laisse stable chaque sous-espace Rn [x]
pour n ∈ N.
On note pour tout entier naturel n, un la restriction de u à Rn [x] (c'est un endomorphisme
de Rn [x]).
Lemme 15.8 Les valeurs propres de un , pour tout entier naturel n, sont données par :
λk = k ((k − 1) a2 + b1 ) (0 ≤ k ≤ n)
Démonstration. En désignant par (e0 , e1 , · · · , en ) la base canonique de Rn [x] , on a pour
tout entier k compris entre 0 et n :

 un (e0 ) = 0 ∈ R0 [x]
un (e1 ) = b0 + b1 X ∈ R1 [x]

un (ek ) = k (k − 1) A (X) X k−2 + kB (X) X k−1 ∈ Rk [x]
Il en résulte que la matrice de un dans cette base est triangulaire supérieure, chaque coecient
diagonal λk étant donné par le coecient dominant de un (ek ) , soit :
λk = k ((k − 1) a2 + b1 ) (0 ≤ k ≤ n) .
Remarque 15.7 Les λk , pour k ∈ N, sont les valeurs propres de l'endomorphisme u.
Dans ce qui suit, on utilise les notations du lemme précédent et on suppose que :
∀p ∈ N, pa2 + b1 ̸= 0
Lemme 15.9 Pour tout entier naturel n, un est diagonalisable, chaque espace propre ker (un − λk Id) ,
pour 0 ≤ k ≤ n, étant de dimension 1 engendré par un polynôme de degré k.
Démonstration. Pour (p, q) ∈ N2 , l'égalité λp = λq est équivalente à :
(
soit :
)
p2 − p − q 2 + q a2 + (p − q) b1 = 0,
(p − q) ((p + q − 1) a2 + b1 ) = 0.
Si on suppose que ka2 + b1 est non nul pour tout entier k, alors l'égalité précédente équivaut à
p = q.
L'endomorphisme un a donc n+1 = dim (Rn [x]) valeurs propres distinctes et en conséquence
il est diagonalisable, chaque espace propre étant de dimension 1.
Si, pour k compris entre 0 et n, Pk est un vecteur propre non nul de un associé à la valeur
propre λk , c'est aussi un vecteur propre de uk associé à λk (uk est la restriction à Rk [x] de un
et les espaces propres sont de dimension 1) ce qui implique que Pk ∈ Rk [x] . En tenant compte
du fait que (P0 , · · · , Pk ) est une base de Rk [x] , on déduit que Pk est nécessairement de degré
k.
Valeurs propres
400
Pour n ∈ N, et 0 ≤ k ≤ n, on désigne par Pk le générateur unitaire (de degré k ) de
ker (un − λk Id) .
On suppose qu'il existe un intervalle ouvert I = ]a, b[ avec −∞ ≤ a < b ≤ +∞ et une
fonction π : I → R de classe C ∞ telle que :
∀x ∈ I, A (x) y ′ (x) = (B (x) − A′ (x)) y (x)
∀x ∈ I, π (x) > 0
∫ b
k
x π (x) dx < +∞
∀k ∈ N,
a
∀n ∈ N, x→a
lim xn A (x) π (x) = lim xn A (x) π (x) = 0
x→b
x<b
x>a
On munit l'espace vectoriel E du produit scalaire dénit par :
∫
∀ (P, Q) ∈ E , ⟨P | Q⟩ =
2
b
P (x) Q (x) π (x) dx
a
On dit qu'une telle fonction π dans C (I) est une fonction poids.
Une telle fonction π nous sera utile pour donner une expression des polynômes Pk . De manière
plus précise, nous allons montrer que la base (Pn )n∈N formée des vecteurs propres de l'opérateur
u est une base de R [X] orthogonale pour le produit scalaire déni par la fonction poids π sur
I.
Lemme 15.10 L'opérateur
c'est-à-dire que :
u est symétrique pour le produit scalaire associé la fonction π,
∀ (P, Q) ∈ E 2 , ⟨u (P ) | Q⟩ = ⟨P | u (Q)⟩ .
Démonstration. Comme π est solution sur I de l'équation diérentielle :
∀x ∈ I, A (x) y ′ (x) = (B (x) − A′ (x)) y (x)
on en déduit que pour tout polynôme P, on a sur l'intervalle I :
′
πu (P ) = π (AP ′′ + BP ′ ) = πAP ′′ + (Aπ ′ + A′ π) P ′ = (πAP ′ )
et pour tout polynôme Q, une intégration par parties nous donne, en tenant compte des conditions x→a
lim xn A (x) π (x) = lim xn A (x) π (x) = 0 :
x→b
x<b
x>a
∫
b
⟨u (P ) | Q⟩ =
′ ′
∫
(πAP ) (x) Q (x) dx = −
a
b
A (x) P ′ (x) Q′ (x) π (x) dx.
a
L'expression obtenue étant une fonction symétrique de (P, Q) , on déduit que :
⟨u (P ) | Q⟩ = ⟨L (Q) | P ⟩ = ⟨P | L (Q)⟩ .
On en déduit alors le résultat annoncé.
Théorème 15.13 La famille
(E, ⟨· | ·⟩) .
(Pn )n∈N de vecteurs propres de u est une base orthogonale de
Polynômes orthogonaux vecteurs propres d'un opérateur diérentiel
401
Démonstration. Si n, m sont deux entiers naturels distincts, on a :
λn ⟨Pn | Pm ⟩ = ⟨u (Pn ) | Pm ⟩ = ⟨Pn | u (Pm )⟩ = λm ⟨Pn | Pm ⟩
et nécessairement ⟨Pn | Pm ⟩ = 0.
On désigne par (φn )n∈N la suite de fonctions dénie par :
∀n ∈ N, φn = πAn
Lemme 15.11 Pour tout n ∈ N et tout entier k compris entre 0 et n − 1, on a :
n−k
Qn,k
φ(k)
n = πA
où Qn,k est un polynôme de degré k.
Démonstration. Le résultat est vrai pour k = 0 avec Qn,0 = 1.
La fonction π étant de classe C ∞ sur I, il en est de même de φn avec :
φ′n = An−1 (π ′ A + nπA′ ) = An−1 (πB − πA′ + nπA′ ) = πAn−1 Qn,1
avec Qn,1 = B + (n − 1) A′ de degré 1 (son coecient dominant est égal à b1 + 2 (n − 1) a2 ̸= 0),
ce qui nous donne le résultat pour k = 1.
En supposant le résultat acquis jusqu'au rang k ≤ n − 1, on a :
(
)′
φ(k+1)
= πAn−k Qn,k = πAn−k−1 Qn,k+1
n
avec :
Qn,k+1 = (B + (n − k − 1) A′ ) Qn,k + AQ′n,k ∈ Rk+1 [x] .
En notant cj le coecient dominant de Qn,j , celui de Qn,k+1 est donné par :
ck+1 = (b1 + (2n − k − 2) a2 ) ck ̸= 0
(pour 0 ≤ k ≤ n − 1, on a 2n − k − 2 ≥ 0), c'est-à-dire que Qn,k+1 est de degré k + 1.
1 (n)
φn est un polynôme de degré n et la famille
π
est une base orthogonale de (E, ⟨· | ·⟩) .
Lemme 15.12 Pour tout
(Qn,n )n∈N
n ∈ N, Qn,n =
Démonstration. On sait déjà que Qn,n est un polynôme de degré n et (Qn,n )n∈N est une
base de E (suite de polynômes échelonnés en degrés).
Pour montrer que la famille (Qn,n )n∈N est orthogonale, il nous sut de montrer que :
∀n ≥ 1, ∀P ∈ Rn−1 [x] , ⟨Qn,n | P ⟩ = 0
En utilisant la formule d'intégration par partie généralisée on a, pour tout intervalle [α, β]
contenu dans I, tout entier n ≥ 1 et tout polynôme P ∈ R [x] :
∫
∫
β
β
φn(n) (x) P (x) dx
Qn,n (x) P (x) π (x) dx =
α
α
=
[ n−1
∑
]β
k
(−1)
P (k)
φ(n−k−1)
n
k=0
=
[ n−1
∑
k=0
∫
+ (−1)
α
k
(−1) πA
k+1
Qn,n−k−1 P
]β
β
n
φn (x) P (n) (x) dx
α
∫
β
n
(k)
φn (x) P (n) (x) dx
+ (−1)
α
α
Valeurs propres
402
et en faisant tendre α vers a et β vers b, on obtient compte tenu des conditions x→a
lim xn A (x) π (x) =
x>a
lim xn A (x) π (x) = 0 :
x→b
x<b
∫
⟨Qn,n | P ⟩ = (−1)
b
n
φn (x) P (n) (x) dx.
a
Pour P ∈ Rn−1 [x] , on a P (n) = 0 et ⟨Qn,n | P ⟩ = 0.
Théorème 15.14 Il existe une suite (αn )n∈N de réels tous non nuls telle que :
1
1
n (n)
∀n ∈ N, Pn = αn φ(n)
n = αn (πA )
π
π
(formules de Rodrigues).
Démonstration. Comme les familles (Pn )n∈N et (Qn,n )n∈N sont orthogonales avec deg (Pn ) =
deg (Qn,n ) = n, on peut écrire :
Qn,n =
n
∑
λk Pk
k=0
et λk = ⟨Qn,n | Pk ⟩ = 0 pour 0 ≤ k ≤ n − 1 et Qn,n = λn Pn avec λn ̸= 0.
Il s'agit en fait de l'unicité (à des constantes multiplicatives près) dans le procédé d'orthogonalisation de Gram-Schmidt (voir le paragraphe 39.4).
On peut retrouver les polynômes orthogonaux classiques avec les résultats qui précèdent.
Exemple 15.9 (polynômes de Legendre) On considère les polynômes A et B dénis par :
{
A (X) = X 2 − 1,
B (X) = 2X.
L'opérateur diérentiel associé est alors déni par :
(
)
∀P ∈ R [X] , u (P ) = X 2 − 1 P ′′ + 2XP ′
et ses valeurs propres sont données par :
λn = n (n + 1) (n ∈ N) .
(ce qui résulte de u (1) = 0, u (X) = 2X et u (X n ) = n (n + 1) X n −n (n − 1) X n−2 pour n ≥ 2).
La fonction poids correspondante est solution de l'équation diérentielle :
(
)
x2 − 1 y ′ = 0.
Sur l'intervalle I = ]−1, 1[ , π est une fonction constante réelle C non nulle. Pour C = 1, on
retrouve les polynômes de Legendre.
Pour tout n ∈ N le polynôme :
Pn = αn
((
1 − x2
)n )(n)
est la solution polynomiale unitaire de l'équation diérentielle :
(
)
x2 − 1 y ′′ + 2xy ′ − n (n + 1) y = 0
Polynômes orthogonaux vecteurs propres d'un opérateur diérentiel
403
Exemple 15.10 (polynômes de Tchebychev de première espèce) On considère les po-
lynômes A et B dénis par :
{
A (X) = X 2 − 1,
B (x) = X.
L'opérateur diérentiel associé est alors déni par :
(
)
∀P ∈ R [X] , u (P ) = X 2 − 1 P ′′ + XP ′
et ses valeurs propres sont données par :
λn = n2 (n ∈ N) .
La fonction poids correspondante est solution de l'équation diérentielle :
(
)
x2 − 1 y ′ = −xy.
Si on se place sur I = ]−1, 1[ , on obtient π (x) = √
C
, où C est une constante réelle non
1 − x2
nulle. Pour C = 1, on retrouve les polynômes de Tchebychev de première espèce.
Pour tout n ∈ N le polynôme :
((
√
)n− 12 )(n)
Pn = αn 1 − x2 1 − x2
est la solution polynomiale unitaire de l'équation diérentielle :
(
)
x2 − 1 y ′′ + xy ′ − n2 y = 0.
Exemple 15.11 (polynômes de Laguerre) On considère les polynômes A et B dénis par :
{
A (x) = X,
B (x) = −X + α + 1
où α est un réel donné strictement plus grand que −1. L'opérateur diérentiel associé est alors
déni par :
∀P ∈ R [X] , u (P ) = XP ′′ + (α + 1 − X) P ′
et ses valeurs propres sont données par :
λn = −n (n ∈ N) .
La fonction poids correspondante est solution de l'équation diérentielle :
xy ′ = (α − x) y.
Si on se place sur I = ]0, +∞[ , on obtient π (x) = Cxα e−x , où C est une constante réelle non
nulle. En prenant C = 1, on retrouve les polynômes de Laguerre.
Pour tout n ∈ N le polynôme :
)(n)
(
Pn = αn ex x−α xα+n e−x
est la solution polynomiale unitaire de l'équation diérentielle :
xy ′′ + (α + 1 − x) y ′ + ny = 0.
Valeurs propres
404
Exemple 15.12 (polynômes d'Hermite) On considère les polynômes A et B dénis par :
{
A (X) = 1,
B (X) = −2X.
L'opérateur diérentiel associé est alors déni par :
∀P ∈ R [X] , L (P ) = P ′′ − 2XP ′
et ses valeurs propres sont données par :
λn = −2n (n ∈ N) .
La fonction poids correspondante est solution de l'équation diérentielle :
y ′ = −2xy.
Si on se place sur I = R, on obtient π (x) = Ce−x , où C est une constante réelle non nulle.
En prenant C = 1, on retrouve les polynômes d'Hermite.
1
Pour n ∈ N le polynôme :αn (πAn )(n)
2
π
x2
Pn = αn e
(
−x2
)(n)
e
est la solution polynomiale unitaire de l'équation diérentielle :
y ′′ − 2xy ′ + 2ny = 0.
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