La méthadone : bien prescrire, bien délivrer Le chlorhydrate de méthadone est, avec la buprénorphine, la molécule utilisée dans le traitement de substitution aux opiacés. L’Arrêté Royal du 19 mars 2004, modifié par l’Arrêté Royal du 6 octobre 2006, reprend la réglementation en matière de traitement de substitution. Qui peut prescrire ? Tout médecin généraliste peut instaurer un traitement de substitution à la méthadone. Cependant, si plus de 2 patients sont traités simultanément, il doit rencontrer certaines exigences : 1. obligation d’avoir suivi une formation spécifique ou de disposer d’expertise en la matière (et pouvoir en fournir la preuve) ; 2. enregistrement auprès d’un centre spécialisé agréé, d’un réseau de prise en charge pour usagers de drogues agréé ou d’un centre d’accueil agréé. 3. ne pas prescrire à plus de 120 patients simultanément (sauf si ce médecin prescrit dans un centre d’accueil ou un centre spécialisé). Les données issues des pharmacies sont envoyées vers les offices de tarification agréés. Elles y sont codées et transmises à l’IPhEB (Institut de PharmacoEpidémiologie Belge) dont un des rôles est d’éviter les doubles prescriptions. Dans ce cas, il transmet les données et les coordonnées du pharmacien aux médecins concernés, ainsi qu’à la Commission Médicale Provinciale compétente. Les données codées sont également utilisées à des fins d’analyses épidémiologiques, pour la promotion et la protection de la santé publique. Une convention tripartite est établie entre le patient, le médecin et le pharmacien. Elle n’est pas obligatoire, mais a une utilité pratique : elle reprend les modalités d’administration, les coordonnées des 3 personnes, l’attitude en cas d’absence ou de congé d’un des prestataires,… Comment prescrire ? Comment délivrer ? La méthadone est administrée par voie orale, sous forme de sirop ou de gélules, le plus souvent en préparation magistrale, une fois par jour. Sirop : L’excipient utilisé est le sirop simple conservé, ou le sirop de sorbitol 70% pour les diabétiques ou pour éviter l’effet de constipation de la méthadone. Sa viscosité empêche l’administration de la dose quotidienne par injection. O peut remplacer le sirop simple par du sirop de framboise (le sirop d’écorce d’orange amère n’est plus remboursé par l’INAMI). Sur l’ordonnance, le nom et le prénom du patient (en toutes lettres),les doses de méthadone doivent aussi être écrite en toutes lettres, manuellement. Il faut également inscrire la fréquence d’administration et le mode de délivrance (dose quotidienne à boire à l’officine, délivrance pour 7 jours,…). Pour le remboursement de l’INAMI, un maximum de 300ml peut être prescrit par ordonnance. Lors de la délivrance, le pharmacien doit conditionner le sirop en doses journalières avec un bouchon de sécurité. Exemple : Rp Méthadone deux cent dix mg Sirop de sucre conservé (ou sirop de sorbitol 70% ou sirop de framboise) ad cent quarante ml Sp/ délivrance quotidienne Vingt ml par jour à boire à l’officine Remarque : afin d’harmoniser les différentes pratiques dans les prisons, une formule unique est prescrite en solution aqueuse avec une concentration de méthadone de 1mg / 1ml, chaque fois e-news médecin-pharmacien janvier 2009 pour une semaine maximum (Circulaire du Service Public Fédéral Justice, Service des Soins de Santé Prisons) : Rp Méthadone 100 mg Chlorophylle 0,02 g Essence de menthe poivrée 0,2 g Polysorbate 20 1,1 g Eau ad 100 ml Gélule : Un excipient viscosifiant est ajouté dans les gélules pour empêcher la solubilisation et ainsi éviter l’emploi par injection. A cet effet, de la carboxyméthylcellulose est utilisée à raison de 100 mg par gélule. Sur l’ordonnance, le nom et le prénom du patient doivent s’y trouver en toutes lettres. Les doses de méthadone et le nombre de gélules doivent aussi être écrite en toutes lettres, manuellement. Il faut également y inscrire la fréquence d’administration et le mode de délivrance (dose quotidienne à prendre à l’officine, délivrance pour 7 jours,…). Pour le remboursement de l’INAMI, un maximum de 60 gélules peut être prescrite par ordonnance. Lors de la délivrance, le pharmacien doit conditionner les gélules dans un flacon muni d’un bouchon de sécurité. Exemple : Rp Méthadone trente mg Carboxyméthylcellulose 100mg Pf une gélule dt sept gélules Sp/ une gélule par jour, à consommer à l’officine Eléments de pharmacologie à prendre en compte La méthadone est métabolisée par le CYP3A4, elle est donc sensible aux inhibiteurs et aux inducteurs de cette isoenzyme. Elle peut provoquer un allongement de l’intervalle QT et peut ainsi augmenter le risque de torsades de pointe. Les facteurs de risques d’un allongement de l’intervalle QT sont : une posologie élevée (souvent > à 200 mg/j), la prise concomitante d’inhibiteur du CYP3A4 (ex : les macrolides sauf la spiramycine, les dérivés azolés, les inhibiteurs de la protéase virale, le jus de pamplemousse) et bien sûr, les autres facteurs de risques de torsades de pointe : autres médicaments qui allongent l’intervalle QT, les médicaments bradycardisants, les médicaments hypokaliémiants et les situations à risques : hypokaliémie, hypomagnésiémie, bradycardie et certaines affections cardiaques. Les effets indésirables sont : constipation, nausées, impuissance, et plus rarement bouffées de chaleur, prurit, dépression respiratoire. La posologie doit être réduite en cas d’insuffisance rénale (l’excrétion rénale est de 40 % lors d'une administration chronique) ou hépatique. Elle passe dans le lait maternel et traverse la barrière placentaire. Elle est parfois prescrite en cours de grossesse car elle n’est pas tératogène. De plus, le maintien de la future mère en traitement à la méthadone semble avoir un effet positif sur la morbi-mortalité de la mère et de l’enfant, mais nécessite une prise en charge globale. On maintiendra le dosage précédent en début de grossesse. Si la mère exprime le désir de profiter de sa grossesse pour diminuer les doses, ceci peut se faire de manière progressive (5 mg toutes les une à deux semaines). Les nouveaux-nés exposés avant leur naissance peuvent présenter un état de manque néonatal dans les 48 à 72h, il devra, s’il s’aggrave, être pris en charge par de faibles doses d’un opiacé (ex : morphine). L’allaitement au sein peut prévenir les symptômes de sevrage néonatal. Sources - Moniteur Belge, AR 19 mars 2004 réglementant le traitement de substitution - Moniteur Belge, AR 6 octobre modifiant l’AR du 19 mars 2004 réglementant le traitement de substitution - Délivrer la méthadone : enjeux et perspectives, Y.Ledoux – Pharmacien JP. Brohée, formation SSPF 2007 - DOCUFAQ, Traitements de substitution à base de méthadone dans les prisons, CDSP – APB 2007 - Suivi des patients en traitement de substitution et délivrance de méthadone : le point sur les nouvelles règles du jeu, Annales Pharmaceutiques janvier 2007 - Assuétudes et pharmacie, JP Brohée, séminaire 05/2002 - www.alto.ssmg.be - Guide des interactions médicamenteuses-Prescrire-2009 - Méthadone et allongement de l’intervalle QT. Folia Pharmaceutica- Septembre 2004 e-news médecin-pharmacien janvier 2009