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La liaison Carbone-Halogène
Les halogénures d'alcanes R-X ont une grande importance en chimie organique car ils sont beaucoup plus réactifs
que les alcanes, et peuvent servir comme agent de synthèse organique.
I Caractéristiques de la liaison C-X
1 Données expérimentales
électronégativités
2 Réactivité de la liaison C-X, généralités
L'halogène, plus électronégatif que C a un effet inductif attracteur (I) sur C, qui se
propage jusqu'aux hydrogènes en position , c'est-à-dire ceux qui sont sur le carbone ,
voisin du carbone fonctionnel (le porteur de X).
La molécule d'halogénure d'alcane présente donc les centres chargés suivants:
(Les fractions de charges ne sont pas forcément les mêmes, c'est une notation).
Les centres positifs de la molécule (le carbone fonctionnel C et les hydrogènes en position ) vont pouvoir
attirer toutes espèces riches en électrons, ou présentant un pôle négatif.
Les espèces réagissant sur Csont appelées des NUCLÉOPHILES (qui aime les noyaux, c'est-à-dire les
carbones positifs). Elles conduisent à une substitution nucléophile SN dont le bilan est :
R-X + NuR-Nu + X dans le cas où le nucléophile est char
R-X + Nu-H R-Nu + X + H dans le cas où le nucléophile est neutre (du type Nu-H)
Voici des exemples de nucléophiles chargés ou neutres (X est n'importe quel halogène F, Cl, Br, I):
Les espèces réagissant sur les H en position sont tout simplement des bases: OH, SH, NH2.
Elles conduisent à une élimination dite -élimination E dont le bilan est:
R-CH-CH2-X + B R-C=CH2 + X (formation d'une double liaison par réaction acido-basique)
Rappel : Une même espèce peut être à la fois nucléophile et base.
Mais basicité et nucléophilie sont des notions différentes :
La notion de basicité est liée à un aspect thermodynamique des réactions, par exemple OH est meilleure
base que SH car pKa (H2S/SH) = 7 tandis que pKa (H2O/OH) = 14 ce qui signifie H2S est plus acide
que H2O donc que OH est meilleure base que SH.
Par contre la nucléophilie est liée à un aspect cinétique des réactions.
Par exemple: SH est meilleur nucléophile que OH car les doublets non liants de SH sont plus polarisables
(car moins liés au noyau de S) que ceux de OH. Ainsi SH sera plus réactive cinétiquement parlant.
C
F
Cl
Br
I
2,5
4
3,1
2,9
2,6
Données diverses
C-F
C-Cl
C-Br
C-I
dC-X (nm)
0,135
0,177
0,194
0,214
µ (Debye)
1,92
2,05
2,01
1,87
Energie de la liaison C-X (kJ mol-1)
485
327
285
213
Pourcentage d'ionicité
30
24
21
18
Polarisabilité de C-X
Teb de R-X
X
H
+

+
O H NH
H
OH
H
S H
OH
R
X
O R
SH
H
NH
RC N
N
H
RH
N
H
HH
eau sulfure d'hydrogène alcool (I, II ou III) amine (I , II ou III)
ammoniac
hydroxyde hydrogénosulfure alcoolate amidure nitrile halogénure
Rappel : Le caractère ionique (ou pourcentage d'ionicité :)
d’une liaison A+B- est calculé ainsi :
on détermine expérimentalement le moment dipolaire
= (e)dAB de la molécule
on en déduit par le calcul le pourcentage d'ionicité :
AB
e d
si la liaison est purement ionique ; = 1 (charges entières)
si la liaison est purement covalente ; = 0 (charges nulles)
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II Substitutions nucléophiles SN
Voyons tout d'abord les substitutions bien que les éliminations aient lieu en même temps (compétition).
Bilan: RX +Nu RNu + X
ou RX +Nu-H RNu + X+ H dans le cas où le nucléophile est neutre et porte un H.
On distingue deux mécanismes principaux: SN1et SN2. Les substitutions réelles s'effectuent suivant une
combinaison des deux mécanismes précédents appelés mécanismes limites.
1 Substitutions nucléophiles SN1
Mécanisme par stades: RX
1
1
k
k

R + X
(1) est l'étape lente. R + Nu
2
k

R-Nu
Vidéo
Vitesse de la réaction: v = d[RNu]/dt = v2 = k2 [R][Nu]
L'approximation de l'état quasi stationnaire appliquée à l'intermédiaire
réactionnel R (très réactive) donne: d[R]/dt = v1- v-1 - v2 0 soit [R]( k-1 [X] + k2 [Nu])= k1[RX]
Donc
][][ ]][[
2
-
1
21
NukXk NuRXkk
v
. Le mécanisme SN1 est donc sans ordre.
Approximation classique: au début de la réaction k-1 [X] << k2 [Nu] (et aussi car k-1 < k2, voir les Ea)
Par suite le mécanisme a sa vitesse v = k1 [RX] et la réaction admet un pseudo-ordre 1.
Par contre le nom SN1vient de ce que l'étape lente (1) est monomoléculaire.
Stéréochimie de la réaction
Il y a passage par un carbocation plan R, donc, même si le carbone fonctionnel du
départ est asymétrique, il perdra sa configuration initiale, car l'attaque de Nu peut
se faire indifféremment sur chaque face. On obtiendra le mélange racémique.
Le mécanisme SN1 est non stéréospécifique.
Influence de RX (influence de R et X)
1. Plus le carbocation intermédiaire est stable, plus RX est réactif (énergie d'activation plus faible)
On rappelle qu'il y a deux effets pouvant stabiliser R : +I et +M.
Par exemple (les composés sont rangés par ordre de réactivité croissante):
* la classe de l'alkyl R influence la réactivité: H3C < R (primaire) < R (secondaire) < R (tertiaire) (effet +I)
Vidéo
* les doubles liaisons jouent également un rôle:
H3C-CH2-CH2 < H2C=CH-CH2 (effet + M)
* si le carbocation plan ne peut se former, la réaction (SN1) est
fortement ralentie, exemple de la molécule B :
k1(B)/k1(A) 10-12
2. Plus la liaison C-X est polarisable, plus elle peut se rompre facilement, et plus RX est réactif. On dit alors que
X est un bon nucléofuge
Réactivité croissante: C-F < C-Cl < C-Br < C-I (I meilleur nucléofuge)
Vidéo
Br
Br
A B
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Influence du solvant
On distingue plusieurs types de solvants:
Les solvants polaires, dont la molécule est polaire: eau, alcool, acides carboxyliques, amines, ammoniac
liquide, étheroxyde, cétone...
Les solvants protiques, dont la molécule peut perdre un proton (propriété acide): eau, alcool, acides , amine,...
Les solvants aprotiques qui ne peuvent perdre facilement de proton: étheroxyde, cétone, chloroforme , benzène,
dioxanne, diméthylformamide (DMF) ....
dioxanne N,N-diméthylformamide
DMF
O O
solvants non protiques
propanone
acétone éthoxyéthyl
éther
O
solvants polaires
solvants non polaires
Cl
Cl
Cl
Cl
tétrachorométhane
Cl
Cl
Cl
H
chloroforme
CH3
NH
O
CH3
solvants protiques et polaires
O
OHH OHNH
RHH
OCH3
O
eau éthanol amine acide éthanoïque
NH
HH
ammoniac
L'étape lente du mécanisme SN1 est la rupture de la liaison C-X. Tout ce qui diminue l'énergie d'activation,
c'est-à-dire stabilise le nucléofuge X, améliore la cinétique de la SN1.
Pour ce mécanisme SN1, on utilise un solvant polaire et protique (eau, alcool, ammoniac, acide acétique...):
1. un solvant polaire affaiblit la liaison C-X et stabilisant les cations en les anions
2. un solvant protique (Sol-H) facilitera la solvatation de l'anion halogénure formé X par formation de liaison
hydrogène (voir document sur la liaison H) : Sol-H---X---H-Sol
2 Substitutions nucléophiles SN2
Mécanisme en une seule étape élémentaire:
R-X + Nu
k
 
R-Nu + X
(le profil réactionnel est montré avec Nu = OH)
Vidéo
Vitesse de la réaction: v = d[RNu]/dt =k [R-X][Nu]
Réaction bimoléculaire (d'où le nom SN2).
Stéréochimie de la réaction
Le nucléophile arrive de façon anticolinéaire à la liaison C-X
A mesure qu'il arrive, la liaison Nu-C se forme et la liaison C-X se
rompt. Il y a passage par un état de transition, où les trois liaisons du
carbone (autres que celles de Nu et X) sont dans un plan: le "parapluie"
s'est ouvert. Ensuite il se retourne dans l'autre sens et X s'éloigne
définitivement.
Ce retournement du parapluie au cours du mécanisme SN2 s'appelle l'inversion de Walden.
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Note: si le carbone initial est asymétrique, cette inversion
s'accompagne d'une inversion de la configuration
absolue du carbone à condition que l'ordre de priorité
des groupements ne soit pas changé.
Dans l'exemple I, il y a bien inversion de configuration,
mais pas dans l'exemple II. On retiendra qu'au cours du
mécanisme SN2,il y a toujours inversion de Walden,
mais pas toujours inversion de configuration.
Influence de RX (influence de R et X)
1. Dans le mécanisme SN2, le nucléophile doit arriver sur le carbone. Il le pourra d'autant plus facilement que les
autres groupements portés par ce carbone sont peu volumineux. Ainsi, par ordre de réactivité décroissante:
H3C > R (primaire) > R (secondaire) > R (tertiaire)
2. Comme dans le mécanisme SN1, la SN2est d'autant plus facile que la liaison C-X est polarisable, (elle se
cassera alors facilement), c'est-à-dire que X est un bon nucléofuge. On obtient le même ordre:
Réactivité croissante: R-F < R-Cl < R-Br < R-I (I meilleur nucléofuge)
Influence du solvant (polarité et caractère protique)
1. Influence de la polarité du solvant: Elle est faible. La SN2 passe d'un état où la charge négative est petite: Nu
à l'état de transition: (Nu...R...X)#⊖ où elle est plus grosse. L'augmentation de la polarité du solvant stabilisera
un peu plus l'état initial que l'état de transition, et augmentera légèrement l'énergie d'activation de la réaction.
On utilisera donc un solvant peu polaire. (suffisamment polaire pour aider la polarisation de la liaison C-X).
2. Influence du caractère protique du solvant: Un solvant protique va solvater le nucléophile par formation de
liaisons hydrogènes, et va diminuer son pouvoir nucléophile : Sol-H---X---H-Sol
On utilisera un solvant aprotique: acétone, éther, dioxanne, DMF...
Influence du nucléophile
Le nucléophile qui n'intervenait pas dans l'étape lente de la SN1, intervient dans la SN2. Elle est favorisée par
un nucléophile puissant. I > Br> Cl > F
3 Importance des substitutions nucléophiles en synthèse organique
Une grande variété de composés peut être préparée par une SN sur les RX : Nu + RX RNu + X
Nucléophile Nu ou NuH
Liaison formée
Produit obtenu
Solvant
Hydroxyde: HO, eau: H2O
Alcool : R-OH
eau+alcool, dioxanne
Alcoolate : R'O, alcool : ROH
C-O
Etheroxyde : R'OR
alcool
Carboxylate : R'COO
Esters: R'COOR
acide acétique
Amidure: NH2, ammoniac NH3
Amines primaires: RNH2
NH3liquide
Amine primaire: R'NH2
C-N
Amines secondaires: R-NH- R'
éther
Amine secondaire: R'NH-R''
Amine tertiaire: RNR'R''
éther
Nitrite: NO2
Nitroalcane : R-NO2
DMF
Cyanure : CN
Nitrile: R-CN
acétone, DMF
Alcynure : R'-CC
C-C
Alcyne: R'-CC-R
NH3 liquide
Organomagnésien: R'--Mg+-X
Alcane : R'-R
éther
Halogénure: X'
Halogénure d'alcane: R-X'
alcool, acétone
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III -Eliminations nucléophiles : EN
Bilan: R-CH-CH2X + B R-C=CH2 + BH + X (B est une base)
Il y a donc formation d'une double liaison C=C (alcène). Il y a là encore deux mécanismes principaux: E1et E2
1 Règle de Zaitsev: régiosélectivité
L'élimination présente un aspect
inexistant dans la substitution,
celui du choix de l'hydrogène
arraché, ou régiosélectivité.
L'exemple montre qu'il y a deux types d'hydrogène concernés par l'élimination, qui conduisent à deux produits
A et B dans des proportions différentes. On obtient plus d'alcène B. C'est aussi le plus stable, par effet inductif
donneur des méthyles qui stabilise la double liaison.
Généralisation: Règle de Zaitsev
Dans un contrôle thermodynamique d'une
-élimination, (E1 ou E2) on obtient l'alcène le plus stable.
C'est souvent le plus substitué, l'hydrogène qui part est donc souvent celui lié au carbone le plus substitué.
Remarque: il faut rechercher l'alcène le plus stable plutôt que le plus substitué
Les éliminations sont donc régiosélectives.
Dans l'exemple suivant, on n'obtient pas l'alcène le plus substitué mais un autre alcène plus stable car il
contient deux doubles liaisons conjuguées (stabilisé par mésomérie):
On peut même avoir une
orientation anti-Zaitsev
sous contrôle cinétique
avec une base volumineuse
s'approche difficilement du
H le plus encombré.
Ex: B=(CH3)3CO
2 Elimination E1
Mécanisme par stades :
L'étape lente (réaction 1) est la même que celle du mécanisme SN1. Le profil réactionnel de cette étape ressemble
à donc celui de la SN1. Il y a passage par le même intermédiaire réactionnel (carbocation).
Toutefois la réaction libère plus de chaleur (plus exothermique) que la SN1 car l'alcène est plus stable que R-Nu.
Vitesse de la réaction:
v = d[alcène]/dt = v2 = k2 [R][Nu]. Le même calcul que pour la SN1conduit à:
][][ ]][[ -
2
-
1
-
21 BkXk BRXkk
v
. Le mécanisme E1 est donc sans ordre.
Approximation classique: au début de la réaction k-1 [X] << k2 [B],
Ainsi: v = k1 [RX] et la réaction est d'ordre 1 (d'où le nom E1).
CH3CH CH CH2CH CH2
CH3Cl
CH3C CH CH2CH CH2
CH3
CH3CH CH CH CH CH2
CH3
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