Le silence
Après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, nous avons respecté une « minute de
silence ». Qu’est-ce qu’une minute de silence ? Pourquoi la « respecter » ?
• Hommage à "tous les morts pour la France, d'hier comme ceux d'aujourd'hui, civils et
militaires" (loi du 28 février 2012)
• Deuils nationaux ont été décrétés par les autorités.
• Les drapeaux doivent être mis en berne.
• En Angleterre, la minute dure deux minutes ; aux Etats-Unis, trois minutes en 2001.
= Rapport de commémoration verticale aux victimes d’hier ; rapport de communauté
horizontale avec les autres qui respectent aussi ce silence ; rapport de recueillement et de
retour à soi. Ce recueillement dans le silence fait figure d’exception.
Polysémie du silence : On peut vouloir fuir le bruit et « rechercher le silence », on peut aussi
être comme Pascal qui écrit : « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » (Pensées,
88). De quel sens du mot silence s’agit-il ici? Un opposant peut également être réduit au
silence par la censure d’une dictature ou obligé au silence par un secret ou un serment.
Silence de la connivence entre amis, de la complicité ou de la communion amoureuses,
silence de la pudeur ou de la discrétion, silence traduisant un malaise profond, silence du
non-dit, du secret, de l’incapacité à dire, de l’impuissance, silence exprimant le traumatisme,
la fêlure. Passé sous silence, le silence de loi, loi du silence, marcher en silence, le silence des
passions, souffrir en silence, s’aimer en silence, un silence éloquent, « silence, on tourne ! »,
« silence dans les rangs », le silencieux d’un revolver qui étouffe la détonation…
Il semble donc que le silence en soi nous échappe, qu’il soit difficile de cerner son identité
tant il semble relatif, variable, pluriel.
Origines et sens du mot : Le dictionnaire Robert définit le mot silence par « l’attitude de
quelqu’un qui reste sans parler » et se taire par « rester sans parler ». L’étymologie latine
distingue tacere, qui dénote le silence voulu dans la situation de communication, et silere,
qui renvoie à un silence profond parce que la personne n’a pas commencé à parler ou est
empêchée de le faire. Le silence exprimé par silere est plutôt une non participation à
l’échange, car intervenir dans le dialogue n’est pas seulement interdit, mais impossible. La
différence porte sur la possibilité ou non d’intégrer l’échange verbal. En français, le mot est
apparu au XIIème siècle – particularité du mot – seul mot masculin de la langue française qui
finit en « ence » - Ca nous donne un adjectif, un adverbe et le mot = silenciaire (dans
l’antiquité romaine = officier qui fait observer le silence aux esclaves, religieux qui gardaient
le silence, par extension, comme les moines Trappistes).
1. Absence de bruit
2. Fait de se taire
3. Action de ne pas exprimer sa pensée oralement ou par écrit
4. Absence de mention d’une chose, manque de témoignage sur un sujet, sur un fait
5. Plus techniques : Absence d’un document pertinent dans un moteur de recherche
(sur internet) ; interruption du son dans une phrase musicale et signes marquant cette
interruption (avec sept sortes de silences : la pause, le soupir, le demi-soupir, le quart
de soupir, le huitième de soupir et le seizième de soupir) ; aposiopèse (silence dans un
discours – effet rhétorique), ellipse dans un roman…
Le silence se dessine-t-il sur fond de simple privation de mots ou est-il en lui-même et par lui-
même quelque chose ? Si s’interroger sur le silence c’est aussitôt convoquer la parole, de
quelle parole s’agit-il ? Quelle est donc cette parole capable de nommer le silence ? Ou est-
ce une autre parole ? Une parole qu’il faudrait chercher en-deçà même des mots ?