« C’est le maître des nuits. C’est le maître des regards tournés en dedans.
C’est le maître aux paupières baissées. […]
Il ne peignit pas de paysages, de ciels, d’eaux, de nuages. […]
Il fit de la nuit son royaume. C’est une nuit intérieure : un logis humble et clos où il y a un corps
humain qu’une petite source de lumière éclaire en partie. […]
Un homme peint son semblable.
Il interroge, avec une confiance d’enfant, ce qu’il a sous les yeux.
Cette confiance qu’ont les enfants est aussi une consternation.
Il est fasciné par l’humanité de l’homme ; par le corps qui l’incarne ; par la peur qui le transit ; par
la mort qu’il redoute ; par la lueur qui l’éclaire. […]
Une scène très charpentée condense une situation tellement simple qu’elle se transforme en un
rébus mystérieux.
Alors l’image devient un piège où le spectateur – comme le peintre sans doute – se prennent. […]
Devant La Tour, le Verbe lui-même est dans sa nuit.
Le silence est devenu la Passion du silence.
C’est le dernier silence. […]
Les oranges et les rouges de La Tour brûlent par delà le temps, comme des braises. […] Les
peintures de La Tour sont des images qui sont des énigmes.
Enigme veut dire ce qu’on laisse entendre sans le dire. »
Pascal Quignard. La nuit et le silence. Georges de La Tour.