Rotations définies comme composées de réflexions Notes pour la préparation à l’oral du CAPES - Strasbourg - Novembre 2006 La méthode la plus économique pour définir une rotation consiste à dire que c’est une isométrie dont l’application linéaire associée admet un déterminant (qui ne dépend du choix de la base) positif. C’est une méthode qui n’est pas abordable en lycée. La façon traditionnelle d’introduire les rotations au lycée consiste à les définir par leur centre et leur angle. Pour que ceci ne repose pas sur une idée intuitive de la notion d’angle orienté, il faudrait préalablement définir au moins l’égalité de deux angles orientés de vecteurs et cela − → − → → → demande d’utiliser des rotations. En effet les angles de vecteurs unitaires (− u,− v ) et ( u′ , v ′ ) − → → − → → sont égaux s’il existe une rotation qui envoie − u sur u′ et − v sur v ′ . On se trouve alors devant un cercle vicieux. L’objectif de ce texte est de montrer comment on peut définir les rotations du plan affine euclidien comme composées de réflexions. Nous supposerons acquise la notion de médiatrice : L’ensemble des points équidistants de deux points distincts A et B est une droite, appelée médiatrice de AB. Et nous supposerons connues les propriétés élémentaires des réflexions s∆ d’axe ∆ : (i) l’ensemble des points fixes de s∆ est égal à la droite ∆ ; (ii) ∆ est la médiatrice d’un point M 6∈ ∆ et de son image par s∆ ; (iii) s∆ est involutive c’est-à-dire s∆ ◦ s∆ = Id ; (iv) s∆ est une isométrie. On rappelle qu’une isométrie est définie comme une application du plan affine euclidien dans lui-même qui conserve les distances. 1. Isométries ayant au moins un point fixe Les propriétés rappelées ci-dessus suffisent à classifier les isométries du plan euclidien qui admettent au moins un point fixe. Lemme 1.1. Soit f une isométrie. Alors f est l’identité si et seulement si f admet (au moins) trois points fixes non alignés Démonstration. — Si f est l’identité elle admet tous les points du plan comme points fixes. Supposons donc que f admet trois points fixes A, B et C non alignés. Si l’image par f d’un point M du plan est distincte de M alors les points A, B et C appartiennent tous les trois à la médiatrice de M f (M ), puisque que f conserve les distances. Ceci qui impossible car les points A, B et C ne sont pas alignés. Par conséquent f est l’identité puisque tous les points du plan sont fixés par f . Lemme 1.2. Soit f une isométrie. Alors f est une réflexion si et seulement si f admet (au moins) deux points fixes et si f n’est pas l’identité. Démonstration. — La condition nécessaire est évidente, montrons la réciproque. 2 Soient A et B deux points fixes distincts de f . Tous les points de la droite (AB) sont fixés par f (ils sont caractérisés par la somme ou la différence de leurs distances à A et B). Comme f est distincte de l’identité il existe un point M du plan n’appartenant pas à (AB) tel que M et f (M ) sont distincts. La médiatrice ∆ de M f (M ) contient les points A et B. Or l’application s∆ ◦f admet pour points fixes A, B et M . C’est donc l’identité (d’après le lemme 1.1) ce qui implique que f = s∆ . Nicole Bopp M B A f (M) Lemme 1.3. Soit f une isométrie. Alors f admet un seul point fixe O si et seulement si f est la composée de deux réflexions d’axes sécants en O Démonstration. — C.N. Supposons que f est une isométrie qui admet O pour seul point fixe. Soit A un point distinct de O. Son image par f est distincte de A . La médiatrice ∆ de Af (A) passe par O et s∆ ◦ f admet O et A pour points fixes. Si c’est l’identité, f serait égale à s∆ et aurait plus d’un point fixe, ce qui est impossible. Par conséquent (d’après le lemme 1.2) s∆ ◦ f est la réflexion d’axe (OA) qui est bien sécant avec ∆ en O ce qui s’écrit f = s∆ ◦ s(OA) . O A f (A) C.S. Soient ∆ et ∆′ deux droites sécantes en O et f l’isométrie définie par f = s∆′ ◦ s∆ . Supposons que f admet un point fixe A distinct de O et notons A′ l’image de A par s∆ . Alors ∆ est la médiatrice de AA′ . Mais comme, d’autre part, A est l’image par s∆′ de A′ , ∆′ est aussi la médiatrice de AA′ . Ceci implique que les droites ∆ et ∆′ sont confondues, ce qui est contraire à l’hypothèse. Par conséquent O est le seul point fixe de f . ∆ ∆′ A O A′ A ∆ Definition 1.4. On appelle rotation de centre O la composée de deux réflexions d’axes sécants en O. Exemple. — Une symétrie centrale de centre O (c’est-à-dire une homothétie de centre O et de rapport −1) est une rotation. 3 Rotations définies comme composées de réflexions M′ M En effet c’est la composée de deux réflexions d’axes orthogonaux sécants en O. O M ′′ Nous avons donc obtenu une classification des isométries ayant au moins un point fixe que l’on peut résumer dans le tableau ci-dessous : Ensemble des points fixes Isométrie Plan Identité Droite ∆ Réflexion d’axe ∆ Point O Rotation de centre O 2. Les isométries ayant pour point fixe O Ce paragraphe va nous permettre de comprendre un peu mieux les rotations. On peut commencer par remarquer que l’ensemble des isométries qui admettent O pour point fixe est un sous-groupe du groupe des isométries. Proposition 2.1. Soient D et ∆ deux droites sécantes en O. Alors on a (1) sD ◦ s∆ = s∆ ◦ sD′ où D ′ = s∆ (D) ; (2) Les réflexions sD et s∆ commutent si et seulement si D et ∆ sont orthogonales. Démonstration. — Soit A un point de D distinct de O et A′ son image par s∆ . Comme D et ∆ sont distinctes les points A et A′ sont distincts. (1) Soit D ′ l’image par s∆ de la droite D c’està-dire la droite (OA′ ). L’image par f = sD ◦ s∆ de A′ est le point A et l’image par g = s∆ ◦ sD′ de A′ est aussi le point A. Par conséquent g−1 ◦ f admet pour points fixes O et A′ . Si c’est la réflexion d’axe (OA′ ) = D ′ , alors on a f = g ◦ sD ′ = s∆ , ce qui est impossible car f admet un seul point fixe. Donc g−1 ◦ f est l’identité ce qui implique l’égalité de f et g. A′ A D O ∆ D′ A′ = s∆ (A) (2) Si s∆ et sD commutent on obtient sD (A′ ) = s∆ (A) = A′ . Ceci implique que A′ appartient à D et donc que ∆, qui est la médiatrice de AA′ , est orthogonale à D. Réciproquement, on a déjà vu que si ∆ et D sont orthogonales et sécantes en O alors la symétrie centrale de centre O est égale à sD ◦ s∆ et à s∆ ◦ sD . 4 Nicole Bopp Proposition 2.2. Soient f une rotation de centre O et ∆ est une droite passant par O. Alors s∆ ◦ f et f ◦ s∆ sont des réflexions dont l’axe passe par O. Démonstration. — Nous allons faire la démonstration pour s∆ ◦ f . Par définition f est égale à sD1 ◦ sD2 où les droites D1 et D2 sont sécantes en O. Choisissons un point A distinct de O sur le droite D2 et posons A′ = s∆ ◦ f (A). 1) Si A et A′ sont confondus alors s∆ ◦ f admet deux points fixes, à savoir O et A. Si s∆ ◦ f est l’identité alors f est une réflexion ce qui est impossible car f n’admet qu’un seul point fixe. Par conséquent s∆ ◦ f est la réflexion d’axe (OA). ∆ A′ 2) Si A et sont distincts on considère la médiatrice ∆′ de AA′ . Elle passe par O et l’isométrie s∆′ ◦ s∆ ◦ f admet deux points fixes, à savoir O et A. Si cette isométrie est une réflexion, c’est nécessairement la réflexion d’axe (OA) c’est-à-dire sD2 . On a alors s ∆′ ◦ s ∆ ◦ f = s D 2 ce qui implique ∆′ f (A) A′ D1 D2 O A s ∆ ◦ s D 1 = s ∆′ . Or ceci est impossible. Par conséquent s∆′ ◦ s∆ ◦ f est l’identité, ce qui implique que s∆ ◦ f est la réflexion d’axe ∆′ . Une conséquence directe et fort utile de cette proposition est le Corollaire 2.3. Si f est une rotation de centre O on peut l’écrire comme produit de deux réflexions d’axes sécants en O, l’un des axes étant choisi arbitrairement. Theorème 2.4. L’ensemble des rotations de centre O auquel on a adjoint l’identité est un groupe commutatif 1. Démonstration. — Pour montrer que le produit de deux rotations r1 et r2 de centre O est une rotation (ou l’identité), il suffit de choisir une droite ∆ passant par O et d’écrire r1 = sD1 ◦ s∆ et r2 = s∆ ◦ sD2 en utilisant la proposition 2.2. On en déduit que r1 ◦ r2 = sD1 ◦ sD2 . Ceci implique que r1 ◦ r2 est une rotation si les droites D1 et D2 sont distinctes et l’identité si elles sont confondues. Cette procédure est très utile pour étudier la composition de deux rotations. De plus l’inverse de la rotation sD1 ◦ sD2 est la rotation sD2 ◦ sD1 . L’ensemble des rotations de centre O est bien un groupe. Reste à montrer que deux rotations r1 et r2 de centre O commutent. (1) Si r2 ◦ r1 est l’identité alors r1 ◦ r2 ◦ r1 = r1 ce qui implique, puisqu’une isométrie est une bijection, que r1 ◦ r2 est aussi l’identité. 1C’est pourquoi on étend la définition des rotations en considérant que l’identité est aussi une rotation .... et que tout point du plan peut être considéré comme étant son centre. 5 Rotations définies comme composées de réflexions (2) Si ce n’est pas le cas il existe un point M distinct de O dont l’image M ′ par r2 ◦ r1 est distincte de M . M MM′ On considère la médiatrice ∆ de qui passe par O. D’après la Proposition 2.2 on peut alors écrire D1 r1 = s∆ ◦ sD1 et r2 = sD2 ◦ s∆ , où D1 et D2 sont des droites passant par O distinctes de ∆. On a donc M ′ = r2 ◦ r1 (M ) = sD2 ◦ sD1 (M ) , ce qui implique que sD2 On a alors (M ′ ) = sD1 (M ). ∆ O r1 ◦ r2 (M ) = s∆ ◦ sD1 ◦ sD2 ◦ s∆ (M ) = s∆ ◦ sD1 ◦ sD2 (M ′ ) = s∆ ◦ sD1 ◦ sD1 (M ) = s∆ (M ) = M′ . M ′ = r2 ◦ r1 (M) D2 M′ On en déduit que (r2 ◦ r1 )−1 ◦ (r1 ◦ r2 ), qui est une rotation ou l’identité, admet deux points fixes. C’est donc l’identité d’où l’égalite de r2 ◦ r1 et de r1 ◦ r2 c’est-à-dire la commutativité du groupe. La démonstration qui est donnée ici de la commutativité des rotations de même centre est un peu délicate mais elle ne repose que sur les propriétés des réflexions. Remarque. — On rappelle qu’une isométrie est une application affine. Si on note G le groupe − → des isométries , G le groupe des applications linéaires associées et T le groupe des translations, on a alors la suite exacte − → 1→T →G→ G →1. − → − → Ceci signifie que l’application de G dans G qui à f associe f est un morphisme de groupe surjectif qui a pour noyau T . De plus pour tout point O du plan le groupe GO des isométries − → ayant O pour point fixe est isomorphe au groupe G . En effet, on peut vérifier que l’application − → − → de GO dans G qui à f associe f est injective et surjective (le faire). On peut donc déduire du théorème 2.4 que le groupe des rotations vectorielles est commutatif. Ce résultat est essentiel pour définir les angles orientés de vecteurs.