26
Chapitre 4
Isom´etries dans un espace affine
euclidien
Dans tout le chapitre, Xd´esigne un espace affine euclidien, c’est-`a-dire un espace affine dont
l’espace vectoriel associ´e
Xest euclidien.
4.1 G´en´eralit´es sur les isom´etries
Un espace affine euclidien est muni d’une distance naturelle : d(x, y) = ||
xy|| et on peut donc
parler d’isom´etrie.
D´efinition 4.1 On appelle isom´etrie de Xtoute application f:XXqui conserve la distance
c’est `a dire qui v´erifie : m, n X, ||
mn|| =||
f(m)f(n)||.
Exemple. Toute sym´etrie orthogonale de X(et en particulier toute r´eflexion) est une isom´etrie.
D´emonstration : Soit fune sym´etrie orthogonale d’axe Y.fest alors affine et son application
lin´eaire associ´ee
fest la r´eflexion d’axe
Y. Soient alors m, n X.
mn se d´ecompose dans
X=
Y
Yen
mn =u+vavec udans Fet vdans F. Le th´eor`eme de Pythagore montre que
:k
mnk2=kuk2+kvk2. D’autre part,
f
m)n=uvet donc ||
f(m)f(n)||2=||
f
m)n||2=||uv||2.
Le th´eor`eme de Pythagore permet alors de conclure. ut
Remarque. (hyperplan m´ediateur) ´
Etant donn´es deux point distincts Aet Bde X, l’ensemble
des points ´equidistants de Aet Best l’hyperplan passant par le milieu Ide [AB] et orthogonal
`a (AB).
D´emonstration : Soit MX.d(A, M) = d(B, M )⇔ ||
AM||2=||
BM ||2et donc, en
introduisant Ipar la relation de Chasles, d(A, M) = d(B, M )<
AI,
IM > =<
BI,
BM > soit
d(A, M) = d(B, M )<
AB,
IM > = 0. ut
Proposition 4.2 Toute isom´etrie f:XXest une application affine.
D´emonstration : Fixons un point Odans Xet consid´erons
f:
X
X ,
u7→
f(O)f(M) o`u
u=
OM. Soient
u ,
v
X(
u=
OM et
v=
ON). On a :
2
f(
u).
f(
v) = ||
f(
u)||2+||
f(
v)||2− ||
f(
u)
f(
v)||2
=||
f(O)f(M)||2+||
f(O)f(N)||2− ||
f(N)f(M)||2
=||
OM||2+||
ON||2− ||
NM||2car fest une isom´etrie
=||
OM||2+||
ON||2− ||
NO +
OM||2
= 2
ON.
OM = 2
u .
v
fconserve donc le produit scalaire. On en d´eduit (proposition 2.8) la lin´earit´e de
f.ut
27
28 CHAPITRE 4. ISOM ´
ETRIES DANS UN ESPACE AFFINE EUCLIDIEN
Proposition 4.3 Une application affine f:XXest une isom´etrie si et seulement si son
application lin´eaire associ´ee
fest une isom´etrie.
D´emonstration : Le sens direct est clair au vu de ce qui pr´ec`ede car un automorphisme
orthogonal est une isom´etrie. R´eciproquement, si
fest une isom´etrie, pour tous m, n X,
||
f(m)f(n)|| =||
f(
mn)|| =||
mn|| et fest bien une isom´etrie. ut
D´efinition 4.4 Une isom´etrie fde Xest dite directe ou positive (respectivement indirecte ou
n´egative) si
fl’est. On d´efinit de mˆeme le d´eterminant de fcomme ´etant celui de
f.
Proposition 4.5 Toute isom´etrie f:XXse d´ecompose de mani`ere unique sous la forme
f=t
ugo`u
gest une isom´etrie de Xadmettant au moins un point fixe,
t
uest une translation commutant avec g.
D´emonstration : Soit yIm
fid
X.ys’´ecrit alors y=
f(z)z. Soit d’autre part
xKer
fid
X. On a < x, y > =<
f(x),
f(z)>< x, z > = 0 car
fest un
automorphisme orthogonal. Par suite, Im
fid
XKer
fid
Xet ces deux sous-
espaces sont donc en somme directe. Le th´eor`eme du rang permet alors d’en d´eduire que
X= Ker
fid
XIm
fid
X. Le th´eor`eme 1.25 s’applique alors et fs’´ecrit de mani`ere
unique sous la forme f=t
ugavec gadmettant un point fixe et commutant avec t
u. On
conclut en remarquant que g=t
ufest une isom´etrie. ut
4.2 Isom´etries du plan affine euclidien
4.2.1 Isom´etries et r´eflexions
Th´eor`eme 4.6 (Classification des isom´etries du plan par les points fixes) Soient Xun plan
affine euclidien et fune isom´etrie de X. On rappelle qu’une rotation est une compos´ee de deux
r´eflexions dont les axes sont soit confondus, soit s´ecants en un point.
S’il existe trois points a1,a2et a3non align´es fix´es par f(i .e f(a1) = a1,f(a2) = a2et
f(a3) = a3), alors fest l’identit´e.
Si ffixe deux points distincts a1et a2alors fest soit l’identit´e soit la r´eflexion d’axe
(a1a2).
Si ffixe le point a1de Xalors fest soit l’identit´e, soit une r´eflexion dont l’axe passe par
a1, soit une rotation qui laisse a1invariant.
Toute isom´etrie du plan est compos´ee d’au plus trois r´eflexions.
D´emonstration :
La d´emonstration se fait par l’absurde.
Supposons que fne soit pas l’identit´e . Il existe donc un point mde Xtel que m0=f(m)
soit distinct de m. L’ensemble des points ´equidistants de met m0est une droite ∆. Soit
i∈ {1,2,3}.fest une isom´etrie donc d(f(ai), f(m)) = d(ai, m) et comme f(ai) = ai,
d(ai, m0) = d(ai, m). Ce qui montre que aiappartient `a ∆. Cela est contraire `a l’hypoth`ese
a1,a2et a3non align´es.
4.2. ISOM ´
ETRIES DU PLAN AFFINE EUCLIDIEN 29
Supposons que fne soit pas l’identit´e. Il existe donc un point btel que b0=f(b)6=b. Soit
Dla m´ediatrice de bet b0. Comme fest une isom´etrie d(f(o), f(b)) = d(o, b), soit encore
d(o, b0) = d(o, b) et oappartient `a D. De mˆeme on montre que aappartient `a D. Il en
r´esulte aussi que o, a, b ne sont pas align´es. Soit sla r´eflexion d’axe Det g=sf. Il est
clair que g(o) = o,g(a) = aet g(b) = s(f(b)) = s(b0) = b. Ayant trois points fixes non
align´es gest l’identit´e. L’´egalit´e sf=Id implique f=s(en composant `a gauche par s).
Soit fune isom´etrie telle que f(o) = o. Si f=Id, il n’y a rien `a d´emontrer. Supposons
donc que f6=Id. Il existe donc un point atel que f(a)6=a, ce qui implique o/= a. Soit
b=f(a) ; on a d(o, a) = d(o, b) car fest une isom´etrie. Soit alors sla r´eflexion qui fixe o
et telle que s(b) = a. Consid´erons g=sfqui v´erifie g(o) = oet g(a) = a. La question
pr´ec´edente montre que ou bien g=Id ou bien gest la r´eflexion s0d’axe (oa). Dans le
premier cas sf=Id, ce qui implique f=s. Dans le second cas sf=s0, ce qui implique
f=ss0et fest bien une rotation puisque les deux axes des r´eflexions passent par o.
Soit fune isom´etrie. Si f=Id, c’est, pour toute r´eflexion s, la compos´ee ss. Si f
n’est pas l’identit´e, il existe un point otel que o0=f(o)6=o. Soit sla r´eflexion telle que
s(o) = o0et g=sfqui v´erifie g(o) = o. La question pr´ec´edente montre que ou bien g
est une r´eflexion s0ou bien gest la compos´ee de deux r´eflexions s0s00. Dans le premier
cas l’´egalit´e sf=s0implique f=ss0et dans le second l’´egalit´e sf=s0s00 implique
f=ss0s00.
ut
Corollaire. L’ensemble Is(X) des isom´etries de Xest un groupe et pour tout point ode X,
l’ensemble Iso(X) des isom´etries de Xfixant oest un sous-groupe de Is(X).
D´emonstration : L’ensemble des isom´etries est contenu dans le groupe des bijections de X, stable
par composition, contenant Id. Il reste donc `a d´emontrer que si fest une isom´etrie, alors f1
est aussi une isom´etrie. Ceci r´esulte de la question pr´ec´edente : si s1, . . . , spsont des r´eflexions
et f=s1. . . spalors f1=sp. . . s1.
Le fait que Isoest un sous-groupe de Is(X) r´esulte d’un cas g´en´eral : si un groupe Gop`ere sur
un ensemble X, pour tout point ode Xle groupe d’isotropie de o(appel´e aussi stabilisateur
de o), not´e Goen g´en´eral, d´efini par Go={gG|g(o) = o}est un sous groupe de G.
ut
4.2.2 Catalogue des isom´etries du plan
Le th´eor`eme pr´ec´edent permet de faire un catalogue des isom´etries du plan. Outre l’identit´e il
y a donc :
Les r´eflexions
Remarquons que si fest la r´eflexion d’axe Dalors
fest la r´eflexion d’axe
Det si oest un point
de D,fest caract´eris´ee par : mX, f(m) = o+
f(
om) et en particulier fest l’application
de Xdans Xqui `a tout point massocie lui mˆeme si m∈ D et l’unique point m0tel que Dsoit
la m´ediatrice de [mm0] sinon.
Les translations
Proposition 4.7 La compos´ee de deux r´eflexions par rapport `a des droites parall`eles est une
translation. Plus pr´ecis´ement, si D2//D1alors sD2sD1=t2
H1H2o`u H1est un point quelconque
de D1et H2le projet´e orthogonal de H1sur D2.
R´eciproquement, toute translation t
upeut s’´ecrire comme compos´ee sD2sD1de deux r´eflexions
d’axes parall`eles (D1´etant choisie arbitrairement mais orthogonale `a
uet D2´etant alors
D2=t1
2
u(D1)).
30 CHAPITRE 4. ISOM ´
ETRIES DANS UN ESPACE AFFINE EUCLIDIEN
D´emonstration : Le premier point est clair puisque l’application lin´eaire associ´ee `a sD2sD1
est s
D2s
D1=id
X. Soient alors H1∈ D1et H2le projet´e orthogonal de H1sur D2.
sD2sD1(H1) = sD2(H1) = H2+s
D2
(
H2H1) donc sD2sD1(H1) = H2
H2H1=H1+ 2
H1H2.
Enfin, si D1est orthogonale `a
uet D2=t1
2
u(D1) alors D2//D1et sD2sD1=t
upuisque le
projet´e orthogonal d’un point H1de D1sur D2n’est autre que H2=t1
2
u(H1). ut
Les rotations
Soit r6=id une rotation du plan. rest la compos´ee de deux r´eflexions d’axes D1et D2ecants
en un point A. Remarquons tout de suite que Aest le seul point fixe de r(il est appel´e centre
de la rotation) : si Best un point fixe de ralors sD2sD1(B) = Bdonc sD2(B) = sD1(B). Si on
pose Cce dernier point, on ne saurait avoir C6=Bcar alors l’unicit´e de la r´eflexion envoyant
Bsur Cconduirait `a D2=D1donc `a r=id. Par suite C=B∈ D2∩ D1.
rest alors caract´eris´ee par son centre et son application lin´eaire associ´ee s
D2s
D1qui est une
rotation vectorielle
r.
rest enti`erement d´etermin´ee par son angle θet on notera finalement
r=rA,θ et on parlera de la rotation de centre Aet d’angle θ.
Proposition 4.8 La rotation r=rA,θ est l’application de Xdans Xqui `a tout point Massocie
lui mˆeme si M=Aet l’unique point M0erifiant AM =AM0et d
(
AM,
AM0) = θsinon.
D´emonstration : Si r=rA,θ on a bien r(A) = Aet pour M6=A,Ar(M) = r(A)r(M) = AM (r
est une isom´etrie) et d
(
AM,
Ar(M) = d
(
AM,
r(
AM)) = θ.
R´eciproquement, pour M6=A, les relations AM =AM0et d
(
AM,
AM0) = θd´efinissent bien un
unique point M0. En effet, θpeut s’´ecrire sous la forme θ=d
(
AM,
v) avec ||
v|| =AM et l’unicit´e
de la rotation envoyant un vecteur non nul sur un vecteur de mˆeme norme conduit `a
AM0=
v.
ut
Proposition 4.9 Soient D1et D2deux droites s´ecantes en un point A. Soient
u1
D1\{
0}et
u2
D2\{
0}alors sD2sD1=rA,2d
(
u1,
u2).
R´eciproquement, toute rotation de centre Aet d’angle θpeut se d´ecomposer sous la forme
rA,θ =sD2sD1o`u D1et D2sont deux droites s´ecantes en A, l’une d’entre-elles pouvant
ˆetre choisie arbitrairement (passant par A).
D´emonstration : Le premier point est clair : Aest bien un point fixe de ret si on pose
v=
r(
u1) = s
D2(u1) on a θ=d
(
u1,
r(
u1)) = d
(
u1,
u2) + d
(
u2,
v) d’o`u, les r´eflexions inversant
les angles, θ=d
(
u1,
u2) + d
(s
D2(
u2), s
D2(
u1)) = d
(
u1,
u2)d
(
u2,
u1).
Soient r´eciproquement rA,θ une rotation et, par exemple, D1une droite passant par A.
Introduisons un vecteur unitaire
u1de D1et un angle orient´e de vecteurs αsolution de l’´equation
2α=θ(l’existence d’un tel angle a ´et´e vue en exercice). αpeut s’´ecrire α=d
(
u1,
u2) et il est
alors clair que la droite D2passant par Aet dirig´ee par
u2est telle que rA,θ =sD2sD1.
ut
Exercice 4.1 Montrer que l’ensemble des rotations du plan fixant le point Aest un groupe pour
la composition des applications.
Exercice 4.2 Que peut-on dire de la compos´ee de deux rotations du plan ? Cette compos´ee
est-elle commutative ?
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