72
Sci. Nat. Vol. 6 N°1 : 71 - 82 (2009)
KEBE I. Boubacar et al.
72
1. Introduction
La pourriture brune des cabosses due à
Phytophthora spp est une maladie très
préjudiciable du cacaoyer. Au niveau mondial, elle
engendre des pertes de production de l’ordre de
30 % (Lass, 1985). La Côte d’Ivoire, premier
producteur mondial de cacao, avec plus de 44 %
de l’offre (ICCO, 2000), n’échappe pas à cette
affection. Plusieurs espèces de Phytophthora
peuvent être à l’origine de la maladie. Deux
espèces, P. palmivora et P. megakarya, sont les
plus importantes en Afrique. La première, la plus
cosmopolite, sévit dans tous les pays producteurs
de cacao, causant des pertes de l’ordre de 20 à 30
% ; la deuxième, endémique en Afrique centrale et
de l’Ouest, est la plus agressive. Ce pathogène
peut engendrer dans certains pays, la perte de la
totalité de la production de cacao (Flood 2006). En
Côte d’Ivoire, depuis l’apparition de P. megakarya
dans le secteur Est du verger, vers la fin des années
1990, la pourriture brune des cabosses prend de
plus en plus d’ampleur (Koné, 1999 ; Kouamé,
2006). Les pertes de production sont passées
d’une moyenne de 10 % à 30-45 % (Kébé et al.,
1996). Ainsi, la lutte contre la pourriture brune des
cabosses en Côte d’Ivoire devient une priorité.
Bien que la lutte chimique soit mise au point par la
recherche, la vulgarisation de cette méthode a
connu peu de succès en milieu paysan. Le faible
niveau d’adoption de cette technologie par les
producteurs s’explique aussi bien par le coût élevé
des fongicides, que par la pénibilité du travail due
à la collecte de l’eau des traitements et l’application
des produits. Par ailleurs, les exigences du marché
international en termes de qualité du cacao
marchand, les préoccupations environ-
nementales, la santé des consommateurs, les
différents moratoires en la matière de la part des
partenaires commerciaux (Anonyme 2006), sont
autant d’éléments qui ne favorisent pas le
développement de la lutte chimique. La stratégie
adoptée est le développement d’une méthode de
lutte intégrée, peu onéreuse et compatible avec
les préoccupations environnementales. Cette
approche s’articule autour de trois axes : la lutte
agronomique, la résistance variétale et la lutte
biologique. Le programme de recherche en lutte
biologique contre les maladies à Phytophthora sp,
a démarré en 2000.
Au cours de la présente étude, la biodiversité a
été explorée dans des écosystèmes de
cacaoculture. Des champignons et des
bactéries ont été collectés à partir des sols sous
cacaoyères et des cabosses et une collection
de microorganismes a été constituée. L’action
antagoniste des champignons sur P. palmivora
a été évaluée in vitro ainsi que la sensibilité
foliaire à P. palmivora sur des disques de feuilles
de cacaoyers en présence des bactéries.
2. Matériel et méthodes
2.1. Echantillons et milieux de culture
Les microorganismes utilisés au cours de cette
étude ont été isolés des écosystèmes de
cacaoculture, notamment à partir des sols sous
cacaoyers et des cabosses. Les échantillons de
sol ont été collectés dans des cacaoyères
localisées dans la région d’Abengourou, dans l’Est
de la Côte d’Ivoire, et dans la région de Divo dans
le Centre - Ouest de la Côte d’Ivoire. Dans chacune
des deux localités, les échantillons de sol ont été
prélevés dans 8 cacaoyères réparties en deux
catégories de parcelles selon l’âge. La première
catégorie est constituée de 4 parcelles jeunes (3
à 5 ans), en phase d’installation dont la canopée
est encore ouverte avec une litière peu abondante
au sol. La seconde catégorie est constituée de 4
parcelles adultes (25 à 30 ans) en pleine
production avec une canopée bien fermée et une
litière abondante au sol. Dans chaque parcelle,
un échantillon composite de 800 g de sol a été
constitué à partir de 4 prélèvements effectués au
pied de 4 cacaoyers chargés de cabosses saines,
choisis de manière aléatoire dans les parties
homogènes de la parcelle. Avant chaque
prélèvement, la surface du sol a été d’abord
débarrassée des feuilles mortes et des débris
végétaux. Les prises d’échantillons de sol ont été
ensuite effectuées dans les couches superficielles
qui du fait du travail du sol et de la fertilisation est
colonisée par le chevelu racinaire des cacaoyers.
C’est donc dans cet horizon de 30 à 40 cm
d’épaisseur que les échantillons sont prélevés
(Davet et Rouxel, 1997). Chaque échantillon
composite est soigneusement mélangé et divisé
en deux parties égales qui sont recueillies dans
des boîtes en plastique. Dans l’une des deux
boîtes, des pièges constitués de fragments de
cortex de cabosses infectées par Phytophthora
palmivora, ont été enfouis dans l’échantillon de