Rétrécissement aortique et bioprothèses valvulaires aortiques par voie percutanée : quels patients peuvent bénéficier de cette nouvelle technologie ? Dr Nicolas Dumonteil, Pr Didier Carrié Fédération de Cardiologie Pôle CardioVasculaire et Métabolique CHU RANGUEIL, TOULOUSE Le rétrécissement valvulaire aortique (RAo) dégénératif est la valvulopathie la plus fréquente dans les pays industrialisés, avec un pronostic extrêmement sombre dès lors qu’il devient symptomatique. Le remplacement valvulaire aortique chirurgical, à thorax ouvert et sous circulation extracorporelle (CEC), est actuellement le seul traitement validé et recommandé améliorant la survie et la qualité de vie à moyen et long terme. Un registre européen récent a néanmoins montré que de nombreux patients symptomatiques, porteurs d’un RAO serré n’étaient pas opérés. Les raisons principales sont un âge avancé et/ou des comorbidités importantes rendant ces patients soit techniquement inopérables (aorte porcelaine, thorax irradié, pectus excavatum, etc …), soit opérables mais avec un risque de mortalité opératoire jugé rédhibitoire. Jusqu’à présent pour ces patients, seuls étaient disponibles des traitements pouvant être qualifiés de « palliatifs », sans effet sur la survie, ni efficacité sur les symptômes ou la qualité de vie à un stade avancé de la maladie. Sept ans après la première chez l’homme, il est désormais possible de proposer l’implantation percutanée de bio-prothèses valvulaires aortiques, apportant donc une solution dans une situation qui finissait jusqu’à présent en impasse thérapeutique. Deux prothèses sont actuellement à notre disposition, la prothèse Edwards Sapien ® et la prothèse CoreValve ®. Quels sont les patients pouvant bénéficier de cette nouvelle technologie ? Comme cela a été rappelé ci-dessus, il faut être porteur d’un RAo dégénératif serré (surface valvulaire aortique < 1 cm2 ou 0.6 cm2/m2 de surface corporelle évalué par échocardiographie transthoracique) et être symptomatique. Il faut ensuite qu’une chirurgie conventionnelle de remplacement valvulaire aortique soit jugée impossible pour des raisons techniques (aorte porcelaine, thorax irradié, pectus excavatum, etc …) ou à trop haut risque de mortalité opératoire. On a alors recours pour estimer a priori ce risque opératoire à des scores statistiques validés en chirurgie cardiaque : l’EuroScore et le STS Score, disponibles sur internet. Des seuils ont du être fixés et l’on admet que le risque opératoire est excessif et permet de discuter de l’indication d’une technique percutanée en cas d’EuroScore Logistique > 20 % et/ou de STS Score > 10 %. A ce stade il est donc important de souligner qu’en l’état actuel de nos connaissances, on ne peut donc proposer à un patient l’implantation d’une prothèse valvulaire aortique percutanée à la place d’une chirurgie conventionnelle uniquement en raison de son âge avancé si par ailleurs il est en bon état général, ou parce qu’il refuse la chirurgie et préfère une technique moins invasive. Une fois l’indication théorique validée, reste à déterminer la faisabilité de l’intervention. Cette étude de faisabilité, pour les 2 prothèses citées ci-dessus, s’articule autour de 2 axes : l’adéquation entre l’anatomie cardiaque du patient et la taille des prothèses à notre disposition. C’est essentiellement l’imagerie (échographie, scanner) qui permettent de répondre à cette question le choix de la voie d’abord nécessaire pour l’acheminement de la prothèse. En clair, les artères fémorales et iliaques, l’aorte sont-elles oui ou non de calibre suffisant et indemnes de tortuosités pour acheminer la prothèse par voie artérielle rétrograde ? Là aussi c’est essentiellement le scanner qui permet de trancher. Si tel n’est pas le cas, des voies d’abord alternatives sont disponibles, artérielle sous-clavière pour la CoreValve ®, transapicale VG à cœur battant au moyen d’une mini-thoracotomie latérale gauche pour la prothèse Edwards Sapien ®. Depuis la première implantation chez l’homme par le Pr Cribier au CHU de Rouen, cette nouvelle technique s’est étendue à d’autres centres dans le monde et a désormais largement dépassé le stade de la démonstration de sa faisabilité. Différents registres permettent de constater, qu’au prix d’une courbe d’apprentissage, le taux de succès procédural s’approche de 100 %, le taux de mortalité hospitalière et de complications cardiovasculaires graves se situe en moyenne entre 7 et 10 %, la fonction prothétique est bonne, identique aux prothèses chirurgicales au-delà d’un an, le bénéfice fonctionnel est net, celui sur la survie également, les patients décédant la plupart du temps au cours du suivi du fait de leurs comorbidités. L’évaluation de cette technique en est actuellement à la phase des essais thérapeutiques randomisés qui la confronteront soit à la chirurgie conventionnelle, soit au traitement médical. En conclusion, l’implantation percutanée de bioprothèses valvulaires aortiques est une avancée médicale majeure dans le domaine des valvulopathies, permettant de traiter de manière mini-invasive des patients récusés pour la chirurgie conventionnelle et/ou à haut risque chirurgical qui étaient jusqu’à présent dans une impasse thérapeutique, au prix d’un risque de complications acceptable.