NATATION Deux enseignants l'un de physiquechimie, l'autre d'EPS, tous deux passionnés de natation, ont souhaité élaborer des outils visant à simplifier le travail d'entraînement des nageurs en milieu scolaire. APPROCHE PLURIDISCIPLINAIRE TRAVAIL TECHNIQUE ET PHYSIOLOGIQUE PAR S. CALLANQUIN, G. HENNEUZE Cette approche se situe parfaitement dans le cadre des parcours diversifiés avec une individualisation du travail et des parcours croisés où l'élève fait appel de façon pratique à l'EPS. aux sciences de la vie et de la terre (physiologie de l'effort), à la physique, à l'informatique, aux statistiques et aux mathématiques [1], Elle s'adresse plus particulièrement aux élèves de la 3* à la terminale (enseignement commun ou de détermination, option facultative, AS, parcours diversifiés et croisés, sections sportives, préparation au baccalauréat) et aux universitaires (étudiants STAPS). ayant un bon niveau de pratique [2]. En mettant en relation des disciplines très diverses, en leur donnant une application concrète à travers un travail individualisé des filières énergétiques et de la gestion des paramètres d'amplitude et de fréquence associée à une gestion de l'allure, nous proposons à chaque élève un plan de travail individualisé et élaboré avec lui [3]. Ce type d'approche peut facilement être généralisable à d'autres activités. EPS № 292 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2001 FONDEMENTS SCIENTIFIQUES Le programme informatique La mise en œuvre du projet a nécessité l'élaboration d'un programme informatique (1) [4]. Ce programme, créé sur EXCEL [5] est facilement accessible aux élèves. Il peut être en partie ou entièrement reproduit suivant le niveau scolaire [3]. Le tout repose sur un travail en sept zones d'effort correspondant chacune à une plage de fréquences cardiaques [6]. Afin d'obtenir les paramètres nécessaires à la détermination des temps à réaliser pour accomplir un certain type de travail physiologique, 3 tests sont nécessaires pour le crawl et le dos, 2 pour la brasse et le papillon. Il s'agit d'évaluer le plusfinementpossible les aptitudes de chaque nageur afin de leur proposer un suivi personnalisé. Les données obtenues sont intégrées dans le programme informatique, ce qui permet au logiciel de décliner tous les paramètres techniques de nage pour arriver à l'obtention de grilles individuelles (tableau l). Individualisation de l'entraînement Cette méthode particularise le travail et l'entraînement. Ce type d'approche permet de relier des notions physiologiques avec des notions d'efficacité, corrélées avec le nombre de mouvements, indicateur facilement verifiable dans l'effort et plus parlant. Elle nécessite aussi une implication de chaque nageur, puisqu'il participe à l'élaboration de son outil de travail, indissociable d'une mise en projet personnel. Chacun peut prendre connaissance de son niveau de pratique et contrôler sa progression. Une réactualisation régulière des grilles s'effectue suivant l'évolution des performances et des progrès enregistrés, permettant ainsi, de déterminer avec exactitude les paramètres correspondant aux zones de travail recherchées [7]. Passation des tests Il va de soi que ces tests doivent être exécutés avec le plus grand sérieux. Aussi faut-il rencontrer l'adhésion des élèves dans leur passation, mais également dans l'application de la méthode lors des séances d'entraînement. Nous recommandons l'utilisation de cardiofréquencemètres [8] (2). 39 Revue EP.S n°292 Novembre-Décembre 2001 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé PRINCIPES ET APPLICATIONS Présentation des tests retenus pour l'élaboration de la grille Pour obtenir tous les paramètres techniques dans les différentes zones en fonction des distances, il suffit de noter les résultats des différents tests et des meilleures performances. Ces tests permettent d'établir des grilles personnalisées où figurent, en fonction des zones à travailler, le temps, le nombre de mouvements, la fréquence et la vitesse que doivent réaliser chaque nageur, et ce, pour chaque distance de nage. Ainsi, tout au long des entraînements, grâce à un contrôle de la fréquence cardiaque, chaque élève peut se référer à sa propre grille qui lui donne précisément les renseignements indiquant ce qu'il doit réaliser pour respecter les consignes de l'enseignant en matière de zone à travailler. Le test des 8 x 25 m Les 25 m sont réalisés en crawl ou dans une autre nage à allure croissante de 1 à 8. le dernier correspondant à la vitesse maximale. Le départ s'effectue à 5 mètres d'une extrémité du bassin, afin d'effectuer le virage dans des conditions normales. Nous notons le temps, la fréquence et le nombre de mouvements pour chaque vitesse de nage (tableau 2) (3). Nous obtenons avec ces valeurs une représentation graphique de la fréquence en fonction de la vitesse qui apparaît sous l'aspect d'une fonction dont l'équation de la forme y=ax+b est une droite dont l'origine ne passe pas par 0 (partie du programme de mathématiques abordée en fin de 3 ou en seconde) (schéma page 41) (4). Une étude statistique, suivant le niveau des élèves, permet d'avoir une interprétation sous un éclairage différent. Nous avons une liaison entre deux variables quantitatives avec corrélation et régression linéaire. Dans l'équation y=ax+b. a est le coefficient de la pente de la droite de régression. L'observation de la dispersion des points de part et d'autre de la droite permet d'évaluer le niveau de pratique du nageur. Le coefficient R de Bravais-Pearson mesure la force et le sens de la relation linéaire entre deux variables quantitatives associées (il varie entre -1 et +1). Si R = +1. la liaison linéaire est parfaite. Tous les points de distribution bivariée sont sur une droite ; connaissant x. on peut connaître y sans se tromper. Plus R est proche de 1. plus la relation est forte et plus le niveau de pratique est élevé. Il est ainsi possible de déterminer des valeurs calculées, donc théoriques des paramètres de nage, c'est-à-dire que le nageur, en fonction e de sa vitesse de nage, devra rechercher la fréquence et le nombre de mouvements optimaux. L'interprétation avec les élèves de ce graphique permet de les renseigner quant aux variation ou détérioration de leur technique au fur et à mesure que leur vitesse de nage croît. Ce test peut se réaliser dans toutes les nages. C'est grâce à l'équation de la droite en interrelation avec les autres tests, que l'on va pouvoir décliner tous les paramètres de nages dans les grilles individuelles. Une adaptation du test peut facilement être envisagée en diminuant à 6 ou à 4 le nombre de 25 m, ou en diminuant la distance à parcourir, en fonction du niveau de pratique et de l'âge [9]. L'indice de correction est à ajouter à la fréquence théorique et correspond à la prise en compte de la coulée. Le test des 30 minutes de nage continue Il permet de déterminer une distance parcourue correspondant à une intensité d'effort se situant au niveau du SALS (seuil d'accumulation des lactates sanguins), ou encore appelé seuil des 4 m mol. Cette distance permet de définir les paramètres de travail des zones 1. 2 et 3 en crawl et en dos, et d'obtenir une vitesse de nage considérée comme 100%de la zone 3 correspondant au seuil anaérobie. Grâce a l'équation vitesse/fréquence obtenue avec le Tableau 1 Étape 3 : l'ordinateur prend cette vitesse et la fixe au 100 % de la zone 3 (Z3) soit 1,35222. Étape 4 : à partir de cette vitesse v et des paramètres fixés par l'entraîneur, l'ordinateur calDémarche pour obtenir les paramètres en cule les différentes vitesses des zones 1 à 3 fonction des données recueillies lors des (Z1 à Z3). tests Étape 5 : à partir de cette vitesse v et des paraÉtape 1 : la distance effectuée pendant les mètres fixés par l'entraîneur, les temps sur 30 min est rentrée dans l'ordinateur, soit chaque distance sont calculés. 2434 m. Étape 6 : à partir des différentes vitesses calÉtape 2 : le calcul de la vitesse des 30 min est culées par l'ordinateur et de l'équation * GB : grand ban i (50 m) par l'ordinateur selon la formule vitesse/fréquence (y = ax + b), l'ordinateur cal** x = 1,40 : n i dc ie de correcto iréalisé n d/t 2434 m cule pour chaque temps une fréquence optipour e l s parte i s non nagées du bassn i (depart, vriage) mum et un nombre de mouvements à réaliser. /1800 s V = = 40 Revue EP.S n°292 Novembre-Décembre 2001 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé test du 8 x 25 m et à l'introduction de la distance parcourue dans le programme informatique (tableau 1 : étape 1 pour le test des 30 min et des 400 m), on obtient par incrément tous les paramètres techniques en fonction des allures de nage. Une adaptation du test peut également se réaliser suivant le niveau et l'âge du nageur. Le test des 400 m Il permet de déterminer une autre vitesse de nage, appelée vitesse maximale aérobie (VMA) considérée comme 100 % de la zone 5. correspondant à une intensité d'effort se situant au maximum de la consommation d'oxygène (seuil appelé VO max). Cette vitesse permet de définir les paramètres de travail des zones 4 et 5 en crawl et en dos, et des zones 1, 2, 3, 4 et 5 en brasse et en papillon. En effet, étant donné qu'il serait trop dur et trop long de faire nager 30 minutes en brasse ou en papillon, seuls les résultats des tests du 8 x 25 m et du 400 m sont introduits dans le programme informatique, qui par incrément, donne toutes les informations. Pour déterminer la VMA. la préférence s'est portée sur une variable distance plutôt que sur une variable temps, car il semble que ce biais mobilise plus les nageurs. Toutefois, en fonction du niveau des nageurs, on peut retenir le test de 6 minutes pour optimiser la fiabilité de la VMA obtenue. Pour le crawl et le dos. le test du 400 m permet de vérifier la validité des résultats obtenus au test de 30 minutes, en corrélant les valeurs trouvées. Les meilleurs temps du 50 et du 100 m Ils permettent de déterminer les paramètres de travail de la zone 6 en crawl, dos, brasse et papillon. La zone 6 correspond à un travail en capacité ou en puissance anaérobie lactique (taux de lactate supérieur à 10 m mol). Il est à noter que les résultats obtenus à partir des 5075 mètres deviennent plus aléatoires en raison de la difficulté de l'effort. L'aptitude à fournir ce type d'effort est fortement conditionnée par l'état physique du moment, qui dépend en grande partie du volume de travail aérobie effectué. Pour cette raison, et à cause de l'âge et du manque d'acquis techniques des élèves, il est délicat de proposer un travail de cette filière en milieu scolaire. Les meilleurs temps du 25 m départ plongé Ils permettent de déterminer les paramètres de travail de la zone 7 en crawl, dos, brasse et papillon. La zone 7 correspond à un travail en capacité ou en puissance anaérobie alactique. c'est-à-dire un travail de vitesse pure. Le taux de lactate effectif est difficile à apprécier et est fortement conditionné par la durée des répéti- 2 Tableau 2 EPS № 292 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2001 4I Revue EP.S n°292 Novembre-Décembre 2001 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé tions, des récupérations et l'entraînement qui a précédé. Lafiabilitédes résultats suivant la distance à parcourir dans cette zone d'effort dépend du degré d'entraînement du nageur. En application, la consigne donnée en zones 6 et 7 est de nager le plus vite possible. Exploitation L'entraînement est le résultat d'une réflexion du professeur ou de l'entraîneur partagée avec l'élève. Partant de la connaissance des mécanismes de fonctionnement des muscles au travail, des principes physiologiques relatifs à l'effort physique, des particularités physiques du milieu aquatique, l'objectif sera d'obtenir le meilleur rapport entre la production d'énergie et l'efficacité, dont la performance sera le reflet. Pour intégrer et maîtriser la méthode, l'élève devra progressivement se familiariser avec l'utilisation de l'informatique, comprendre la physiologie de l'effort, et s'intéresser aux disciplines qui vont lui permettre une analyse réflexive [7]. Suivant les résultats obtenus pour chaque nageur, des axes de travail particuliers peuvent être dégagés : soit un travail plus orienté vers la technique, soit un travail plus axé sur l'aspect physiologique avec élaboration d'un plan d'entraînement individualisé. A un certain niveau de pratique, l'analyse des grilles permet de dégager le profil de chaque nageur, et de l'orienter vers une spécialisation sprint ou demi-fond où il pourra exprimer ses qualités. CONCLUSION Il nous semble que l'usage de cet outil de travail répond parfaitement à l'esprit qui émane des derniers programmes parus concernant le lycée. Par son caractère évolutif tant au niveau de l'exploitation et de l'utilisation même de la méthode qu'au niveau des justifications relatives aux différentes disciplines sur lesquelles elle s'appuie, cet outil permet des adaptations en terme de simplification ou de complexification suivant le niveau scolaire et sportif des élèves. Ce type d'approche impose à l'élève une analyse réflexive sur son fonctionnement, dont les résultats serviront à une évaluation formatrice et formative [10], propice à son engagement dans un processus de progrès et d'autogestion d'apprentissage, d'entraînement et de spécialisation. Stéphane Callanquin Professeur de Physique-Chimie. BEES 1 degré Natation. Lycée G. Brassens, Villeneuve-le-Roi (94) Gilles Henneuze Professeur EPS, BEES 1 degré Natation. Collège A, Camus, La Norville (91). (1) Quintessence de travaux des entraîneurs nationaux, du test de Seyfried pour la relation fréquence/vitesse [4|. des ouvrages de la fédération et des documemts INSEP | 2 | Arieu (E.l. Catteau (A.). « Les contenus au cœur du progrès ». Revue ERS n° 280. p. 19-23. nov.-déc. 1999. (2) Le dernier modèle de hase chez Polar se montre le plus efficace car il se déclenche immédiatement après avoir posé la ceinture réceptrice-émettrice sur le thorax. (3) Pour In N : indice de nage. Consulter Natation sportive, approche scientifique, pp. 208-209. Vigot. 1990. 2 édition 1997. e (4) Application du test vitesse/fréquence : en ordonnée (y) la fréquence : f (cycle/s), en abscisse (x) la vitesse : v (m/s) y = ax + b f = a v + b Avec a = -1 -1 f/v cycle 1 /m/s = cycle/m h = m/s Donc nous obtenons pour notre exemple s i b < 0 y = 44.598 x- 28,122 Bibliographie [1] BO n° 10 du 15 octobre 1998. p. 147. er er | 3 | Un lycée pour le XXI' siècle, p. 5, 6. 7 et 20. Éd. Ministère de l'éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie. | 4 | Seyfried (D.). Van Hoecke (J.). « Validation et intérêts du test fréquence/vitesse pour l'évaluation et l'entraînement du nageur de haut niveau ». R é s u m é du c o n g r è s ACAPS.Caen, 1993. | 5 | Richaud (D.). « Utiliser EXCEL en athlétisme ». Revue EPS n" 285. p. 62-65. sept.-oct. 2000. | 6 | Chatard ( J . - C ) . .< Intérêts des mesures de fréquence cardiaque ». Revue EPS n" 273, p. 33-35, sept.-oct. 1998. [7] BO hors série n° 6 et n° 7 du 31 août 2000. [8] Papelier (Y.). Cottin (F.). .< La mesure de la fréquence cardiaque ». Revue EPS n° 267. p. 73-78, sept.-oct. 1997. [9| Pelavo (P.). Ro/.ier (D.). « Nager plus vite en crawl ». Revue EP.Sn° 273, p. 14-18. sept.-oct 1998. [101 Seavino (P.). « L'architecture d'un projet ». Revue EPS n" 283. p. 32-36. mai-juin 2000. 42 Revue EP.S n°292 Novembre-Décembre 2001 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé