La prévention des cancers grâce à des
traitements n’est pas une utopie,
même si nous sommes encore loin de
disposer de médicaments qui permettraient
d’éviter à coup sûr la survenue de tel ou
tel cancer. Ainsi, dans le cas du cancer du
sein, des médicaments ont d’ores et déjà
montré une certaine efficacité préventive.
Le traitement du cancer du sein repose en
premier lieu sur la chirurgie (pour enlever
la tumeur), puis la radiothérapie et la
chimiothérapie (pour détruire les cellules
cancéreuses restantes). En complément, il
peut être proposé une hormonothérapie,
c’est-à-dire la prise d’un médicament qui
inhibe l’action des œstrogènes, quand la
tumeur exprime des récepteurs à ceux-ci.
Ces hormones sont connues pour jouer
un rôle important dans les mécanismes
de développement du cancer du sein,
notamment en stimulant la croissance des
cellules cancéreuses lorsque celles-ci sont
porteuses des récepteurs aux œstrogènes.
Différents essais thérapeutiques ont
montré que la prise d’une hormonothérapie
contribue à réduire le risque de rechute
chez les femmes traitées pour un cancer
du sein et dont les cellules cancéreuses
sont sensibles aux œstrogènes. Ces mêmes
études ont montré également une réduction
significative du nombre de cancers de
l’autre sein, suggérant que ces traitements
pouvaient empêcher la survenue de
cancers. Cela a conduit les médecins et
les chercheurs à s’intéresser, à partir des
années 90, à un éventuel effet préventif
de cette approche thérapeutique.
Plusieurs essais ont ainsi été réalisés avec le
principal médicament d’hormonothérapie
utilisé à l’époque, un anti-œstrogènes
appelé tamoxifène. Ces essais ont
concerné des femmes présentant un risque
élevé de cancer du sein qui prenaient
soit le tamoxifène, soit un placebo, c’est-
à-dire un médicament ayant la même
présentation que le tamoxifène mais
ne contenant pas de principe actif. Une
analyse des résultats de l’ensemble de ces
essais a mis en évidence une diminution
significative de 38 % du taux de survenue
de cancers du sein parmi les femmes sous
tamoxifène par rapport à celles ayant reçu
le placebo. Si l’on ne tient compte que
des cancers sensibles aux œstrogènes, la
survenue de ceux-ci est diminuée de 48 %
avec le tamoxifène.
D’autres essais, réalisés avec un autre anti-
œstrogène ayant le même mode d’action
que le tamoxifène, appelé raloxifène, ont
abouti à des résultats similaires. Les études
[ 50 000 NOUVEAUX
CAS PAR AN ]
Le cancer du sein est l’un
des plus fréquents des
cancers. Chaque année,
près de 50 000 nouveaux
cas sont diagnostiqués
en France et il a été
observé un quasi
doublement du nombre
de nouveaux cas annuels
au cours des 25 dernières
années. Depuis 2000,
toutefois, il est constaté
une diminution de la
mortalité liée à ce cancer,
en raison notamment
de l’effet conjoint
d’une amélioration des
traitements et d’un
diagnostic plus précoce
lié au développement du
dépistage.
ayant comparé ces deux médicaments n’ont
ainsi pas mis en évidence de différences
sensibles entre eux en termes d’efficacité
et de tolérance.
Cependant, l’effet préventif de ces
médicaments anti-œstrogènes est contre-
balancé par leurs effets indésirables. La
prise de ces traitements peut en effet
avoir des conséquences néfastes graves,
même si celles-ci sont rares. Il a ainsi été
constaté la survenue de ce que l’on appelle
des événements thromboemboliques,
c’est-à-dire la formation de caillots dans
une veine ou une artère, provoquant
son obstruction, avec des conséquences
qui peuvent être sérieuses, voire même
entraîner le décès. Par ailleurs, il a été
observé un taux plus élevé de cancer de
l’utérus parmi les femmes ayant reçu le
tamoxifène.
En raison de ces effets indésirables, ces
deux médicaments ne sont pas autorisés
en France pour la prévention du cancer
du sein. Les risques ont été jugés trop
importants par les autorités de santé au
regard du bénéfice potentiel. Cela n’a pas
empêché les recherches de se poursuivre et
les médecins s’intéressent depuis quelques
années à une autre classe de médicaments
s’opposant à l’action des œstrogènes :
les inhibiteurs de l’aromatase. Ils ont un
mode d’action différent du tamoxifène
(voir encadré) et ne présentent pas
les inconvénients de ce dernier. Les
effets indésirables des inhibiteurs de
l’aromatase sont le plus souvent modérés.
Ils entraînent principalement une perte
osseuse (qui peut être compensée par un
traitement complémentaire), des douleurs
articulaires et des bouffées de chaleur.
Les mécanismes d’actions des
anti-œstrogènes
Les anti-œstrogènes tels que le
tamoxifène et le raloxifène sont des
médicaments qui se lient aux récepteurs
hormonaux présents à la surface des
cellules cancéreuses. Ils empêchent
ainsi les œstrogènes d’entrer en contact
avec les cellules.
Les inhibiteurs de l’aromatase de leur
côté inhibent les œstrogènes secrétées
par les glandes surrénales et qui
persistent après la ménopause. Ils n’ont
aucune action sur les récepteurs. C’est
pourquoi leur utilisation est limitée aux
femmes ménopausées.