Relations entre les risques de cancer du sein et les hormones

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Relations entre les risques du cancer du sein et les hormones sexuelles endogènes
Relations entre les risques de cancer du sein
et les hormones sexuelles endogènes.
University of Oxford, Epidemiology Unit, (Cancer Research UK)
The Radcliffe Infirmary – Oxford - United Kingdom
Timothy J.A. Key
Résumé
Le risque de cancer du sein est accru par une puberté précoce et une ménopause tardive,
suggérant qu’une exposition prolongée du sein à des taux élevés de stéroïdes ovariens chez les
femmes pré-ménopausées accroît les risques de cancer du sein.
Des études prospectives récentes ont montré que les femmes post-ménopausées, qui développent un cancer du sein avaient dans la période pré-diagnostique des concentrations sanguines
d’oestradiol et d’autres hormones sexuelles significativement plus élevées que les femmes qui
restent indemnes. La détermination à long terme des concentrations hormonales chez les femmes pré-ménopausées est difficile, et peu d’études prospectives ont été réalisées, mais les données
disponibles sont compatibles avec l’hypothèse que des concentrations relativement élevées d’oestradiol chez les femmes pré-ménopausées constituent des facteurs de risque du cancer du sein.
Dans les populations à faible prévalence de cancer du sein, les femmes ont des faibles concentrations sanguines d’oestradiol, à la fois avant et après la ménopause.
La concentration sanguine d’oestradiol est probablement un facteur majeur de risque de
cancer du sein, mais d’autres données sont nécessaires pour évaluer le rôle possible d’autres
hormones sexuelles.
Cancer du sein / Hormones sexuelles / Oestradiol / Ménopause
LES FACTEURS DE RISQUES
DE CANCER DU SEIN
tardive avec une faible multiparité
peut aussi être un facteur de risque
par ses effets hormonaux sur la structure du sein.
ðOn sait que le risque de cancer du
sein est accru par une puberté précoce, une ménopause tardive et
l’obésité post-ménopause, facteurs
qui correspondent tous à une forte
exposition hormonale. Une grossesse
Le mieux étudié de ces facteurs est
l’effet de la ménopause. L’étude de
l’incidence nationale du cancer du
sein en Angleterre et au Pays de Galles dans les années 80’, avant l’avène-
ment des thérapies hormonales de
substitution, montre un fort accroissement du risque de cancer du sein
en fonction de l’âge de la ménopause
surtout jusqu’à 50 ans et un ralentissement au-delà. L’explication peut
être donnée par l’effet de deux hormones ovariennes - l’oestradiol et la
progestérone - dont la production
baisse de 90 % à la ménopause. L’ovai-
Correspondance : Dr Timothy J.A. Key
University of Oxford, Epidemiology Unit, (Cancer Research UK) – Gibson Building – The Radcliffe Infirmary – Oxford OX2,
6HE – United Kingdom
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Médecine Nucléaire -
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2003 - vol.27 - n°1
T.J.A. Key
re continue à produire un peu de testostérone, mais à mon avis, le rôle des
androgènes dans les risques de cancer du sein à la ménopause est mineur.
HORMONES OESTROGÈNES
ET CANCER DU SEIN
Activité mitotique des oestrogènes
au niveau du sein
ðMon exposé sera consacré surtout
aux effets de l’oestradiol.
Je pense que le rôle de l’oestradiol
peut être expliqué par ses effets sur
la division cellulaire. En effet, les concentrations élevées d’oestradiol augmentent l’activité mitotique des cellules du sein ce qui accroît les chances de mutations et empêche la réparation des cellules détériorées. L’oestradiol peut ensuite favoriser la croissance des petites tumeurs formées
par ces cellules abimées et aboutir à
F igur
iguree 1
1). Au
un cancer clinique (F
cours des dernières années, des expériences sur animal ont mis en évidence des effets mutagènes de cer-
la progestérone a des effets anti-miFigure 2 )
totiques. (Figure
Au niveau du sein, deux interprétations sont possibles :
- l’augmentation de l’activité mitotique peut être due à l’effet conjugué
des deux hormones avec un effet
potentialisateur de la progestérone
sur l’oestradiol,
- l’autre hypothèse serait que l’effet
mitotique soit initié par le pic d’oestradiol mais qu’il ne devienne important qu’après un délai d’environ une
semaine. Ainsi, le rôle de la progestérone serait mineur mais ce point reste
à préciser.
Mec
hanisms ffor
or hor
monal ef
Mechanisms
hormonal
efffects
- Stimulation of mitosis
. Increased chance of mutation being replicated
. More cells at risk of mutation
. Stimulation of tumour growth
- Genotoxic metabolites ?
Figure 1 - Mechanisms for hormonal effects
tains métabolites de l’oestradiol, pouvant détériorer l’ADN.
Pour essayer de préciser le rôle respectif de l’oestradiol et de la progestérone dans les risques de cancer du
sein à la ménopause, nous avons étudié la relation entre le taux sanguin
de ces hormones et l’activité mitotique des cellules épithéliales du sein
pendant le cycle menstruel. Le taux
d’oestradiol atteint un pic au milieu
700
du cycle menstruel et un deuxième
pic au milieu de la phase lutéale. La
concentration de progestérone reste
basse pendant les deux premières
semaines puis atteint un pic au milieu de la phase lutéale. La mesure de
l’activité mitotique dans le sein montre une nette élévation au cours de la
dernière phase du cycle menstruel,
ce qui est à l’opposé de ce que l’on
observe dans le follicule ovarien où
Oestradiol, pmol/l, or progesterone, nmol/l x 10
Mitotic rate
Mitotic rate
Progesterone
Oestradiol
600
500
2.5
2.0
400
1.5
>
300
3.0
1.0
>
200
0.5
100
0
0.0
1
8
15
22
Day of menstrual cycle
Based on data from Ferguson & Anderson et al 1981, Williams et al 1991
Figure 2 - Oestradiol, progesterone and mitotic rate of breast epithelial cells
Médecine Nucléaire -
Imprégnation oestrogénique
au cours de la vie
ðLe taux d’oestradiol est très bas pendant l’enfance, augmente fortement à
la puberté et atteint des valeurs d’environ 400 pmol/litre au cours de la préménopause. Malgré de fortes variations au cours du cycle menstruel et
pendant la grossesse, on peut considérer cette valeur de 400 pmol/litre
comme une moyenne du taux d’oestradiol chez la jeune femme.Vers l’âge
de 50 ans, l’ovaire diminue sa production d’oestradiol et les concentrations
plasmatiques baissent de 90 %.
Pendant longtemps on a considéré
que les concentrations sanguines
d’oestradiol n’avaient pas d’impact
sur le cancer du sein. Ces études comparaient les valeurs d’oestradiol chez
des femmes saines et chez des femmes ayant un cancer du sein sans tenir compte de l’effet du cancer luimême sur les concentrations hormonales.
A notre avis, le facteur de risque le
plus important pour le cancer du sein
est la durée de l’exposition à des concentrations élevées d’oestradiol.Ainsi
une puberté précoce et une ménopause tardive allongent la période
d’exposition de la femme à des valeurs élevées d’oestradiol. Cette hypothèse, très controversée, n’a pu être
étayée que par des études prospectives dans lesquelles on a analysé l’incidence du cancer du sein chez des
femmes ménopausées dont les concentrations plasmatiques d’oestradiol
étaient élevées environ 10 ans avant
la ménopause.
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Neuf études de ce type portant sur
un petit nombre de cas ont été publiées. Afin d’avoir une analyse plus
globale, à l’Université d’Oxford, nous
avons réuni l’ensemble des 663 cas
collectés aux USA, en Grande Bretagne, en Italie et au Japon.
Le principal problème a été de comparer les valeurs d’oestradiol obtenues dans les différents laboratoires.
Aussi, nous avons décidé de ne pas
exprimer les données en valeur absolue mais en valeur relative sur une
échelle séparée en 5 portions ou seulement en 2 secteurs. Les données de
chaque étude ont été analysées
d’abord séparément puis les résultats
ont été rassemblés pour une conclusion d’ensemble. En plus de l’oestradiol, quelques laboratoires ont mesuré d’autres oestrogènes - l’oestradiol libre, la fraction d’oestradiol non
liée aux globulines SHBG, la SHBG elle-
même, l’oestrone et l’oestrone sulfate
- et quelques androgènes. Mais
comme ces données ne sont pas disponibles dans tous les cas, nous
avons surtout porté notre analyse globale sur l’oestradiol.
Malgré quelques différences entre les
études, tous les graphiques obtenus
montrent que les risques de cancer
du sein sont accrus par l’augmentation des concentrations d’oestradiol.
D’une façon générale, on peut estimer que l’élévation de 2 fois du taux
d’oestradiol augmente le risque de
cancer d’environ 30 %. De plus, si on
compare le risque de cancer chez les
femmes à faible taux (les 20 % du bas)
à celles ayant les taux les plus forts
(les 20 % du haut), on observe que le
risque de cancer est 2 fois plus élevé
chez les femmes ayant les taux les
Figure 3
plus élevés. (Figure
3)
Des résultats analogues sont obtenus
avec les autres fractions oestrogéniques - l’oestradiol libre, la fraction
d’oestradiol non liée aux globulines
SHBG, l’oestrone et l’oestrone sulfate.
Par contre, le risque de cancer est
d’autant plus faible que la concentration de SHBG, qui lie l’oestradiol, est
plus élevée. Des concentrations élevées d’androgènes sont aussi associées de façon positive avec le risque
de cancer du sein .
A l’état actuel, la conclusion générale
est qu’il existe une corrélation entre
les concentrations hormonales dans
la période pré-ménopause et le risque de cancer du sein après la ménopause. Dans une étude complémentaire, nous avons pu montrer que
cette corrélation est indépendante du
délai entre la prise de sang et l’apparition du cancer ou en d’autres termes qu’elle n’est pas due à la présence de petites tumeurs non encore
décelées.
Par contre, bien qu’elles n’excluent
pas le rôle possible de l’oestradiol,
les études sur les relations entre cancer du sein et concentrations hormonales plasmatiques avant la ménopause sont trop fragmentaires pour
en tirer des conclusions nettes.
Responsabilité de chaque hormone
ðLe problème se complique en raison des interrelations entre les différentes hormones, dont plusieurs fournissent l’oestradiol. En fait, chez les
femmes ménopausées, l’oestradiol
provient de l’androstènedione produit surtout par les surrénales et en
minorité par les ovaires mais se forme
aussi à partir de la testostérone. Les
concentrations plasmatiques de toutes ces hormones sont corrélées entre elles.
Aussi, il est très difficile d’attribuer
une plus grande responsabilité dans
le risque de cancer du sein à un seul
type d’hormone.
Figure 3 – Relative risk (RR) of breast cancer by fifth of hormone concentration
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INFLUENCESTHÉRAPEUTIQUES
ðQuatre études ont montré que chez
les femmes ayant des concentrations
hormonales élevées la prise de Tamoxifène diminue de 30 % le risque de
3.5
cancer du sein. Une étude très réFigure 4
cente (Figure
4), utilisant le Raloxifène a démontré le puissant effet protecteur de cet anti-œstrogène.
Ces études confirment le rôle important de l’oestradiol dans la genèse du
cancer du sein.
Breast cancer rate, %
3.0
2.5
Placebo
Raloxifene
2.0
1.5
1.0
INCIDENCE DU CANCER DU SEIN
AU NIVEAU INTERNATIONAL
ðIl est clair que l’incidence du cancer du sein est très variable selon les
pays. On peut évoquer les différences d’âge à la puberté, l’âge de maternité, le nombre d’enfants, l’âge à la
ménopause. Ainsi, l’âge moyen de la
puberté est de 13 ans en Grande Bretagne, 17 ans en Chine ; la ménopause
survient à 50 ans en Grande Bretagne,
à 48 ans en Chine. Ceci indique une
moindre durée d’exposition hormonale des femmes chinoises comparées aux britanniques. De plus, il semble aussi que l’allaitement diminue
les risques de cancer.
0.5
0.0
0
<5
5-
Serum oestradiol, pmol/l
74 cases in MORE trial: Cummings et al, JAMA 2002; 287: 216-20
Figure 4 - Oestradiol, raloxifène and breast cancer risk
Thérapie hormonale de substitution
et obésité
ðL’étude Nurse Health a suggéré que,
à la différence de ce qui est observé
chez les femmes non traitées, chez
les femmes ayant pris des thérapies
hormonales de substitution, il n’y a
pas de relation entre le taux d’oestradiol et le risque de cancer du sein.
Une autre étude a été consacrée aux
effets de l’obésité et à ses relations
avec les concentrations d’oestradiol.
CONCLUSION
10+
En effet, le risque de cancer du sein
augmente de 40 à 50 % chez les femmes devenant obèses après la ménopause. Dans la période de la pré-ménopause, les taux d’oestradiol libre
ne sont pas corrélés à l’Index de Masse Corporelle. Par contre, après la ménopause, on trouve des concentrations plasmatiques d’oestradiol jusqu’à 2 fois plus élevées chez les femmes obèses que chez les femmes minces, ce qui s’explique par la production d’oestradiol à partir des graisses.
ðL’ensemble des études montre une
corrélation positive entre les concentrations hormonales dans la période
pré-ménopause et le risque de cancer du sein après la ménopause. Des
résultats analogues ont été obtenus
avec les oestrogènes et les androgènes mais à mon avis les oestrogènes
jouent un rôle majeur.
Pour la période pré-ménopause, les
données sont encore insuffisantes
pour conclure.
Il reste encore à définir le rôle de la
progestérone, des récepteurs aux
oestrogènes et des facteurs environnementaux tels que l’alcoolisme.
Relations between breast cancer risk and endogenous sex hormones
(oestrogen, androgens, progesterone).
Breast cancer risk is increased by an early menarche and by late menopause, suggesting that a
prolonged exposure of the breast to high levels of ovarian steroids in pre-menopausal women increases breast
cancer risk.
Recent prospective studies have shown that post-menopausal women, who develop a breast cancer
had during the pre-diagnostic time, oestradiol and other sex hormones blood concentrations significantly
higher than the women who remain cancer free. The long-term determination of the hormonal concentrations in pre-menopausal women is difficult, and few prospective studies have been carried out, but the
available data agree with the hypothesis that relatively high oestradiol concentrations among pre-menopausal
women are associated to an increase in breast cancer risk. In populations with weak prevalence of breast
cancer, the women have low blood oestradiol concentrations, both before and after the menopause. Blood
oestradiol concentration is probably a major determinant of breast cancer risk, but more data are needed to
evaluate the possible roles of other sex hormones.
Breast cancer / Sexual hormones / Oestradiol / Menopause
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