Gregory Bateson La crise des écosystèmes humains
Extrait du Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique
http://www.systemique.be/spip/article.php3?id_article=37
Extraits du Livre de Jean-Claude Benoît paru Chez Georg
collection Thérapie & Systémique
Gregory Bateson La crise des
écosystèmes humains
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Date de mise en ligne : jeudi 20 octobre 2005
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Gregory Bateson La crise des écosystèmes humains
Sommaire
Comment définir un trait de caractère ?
Tout apprentissage humain est par nature (...)
Voici l'ère cybernétique
La fin d'une étape
Communication, métacommunication et psychothérapie
Enseignement, recherche et nouveaux modèles
De la communication à la métacommunication
Quand la validité repose sur une croyance : (...)
Enquête auprès de psychiatres-psychothérapeutes
Il y a deux façons d'entre psychothérapeute
Comment définir un trait de caractère ?
Anglais voulant s'inscrire dans cette culture en devenir rapide, Bateson constate les différences affectives et
comportementales dans les modes relationnels.
Un essai, « Morale and National Character », est publié en 1942 dans l'ouvrage de sociologie « Civilian Morale » (Le
moral des civils).
Ici le mot anglais morale concerne donc l'engagement d'une nation dans une guerre lointaine et proche à la fois
-Europe et Pacifique.
Il utilise cette étude pour approfondir la notion de caractère humain, en continuité avec ses observations comparées
antérieures : latmul et Balinais, Anglais et Américains, Américains et Allemands, Est et Ouest, etc.
Le sociologue d'origine germanique Kurt Lewin a déjà identifié une différence de réaction des Allemands et des
Américains face à l'échec : pour ceux-là c'est le découragement, et pour ceux-ci c'est au contraire un stimulant.
Bateson affine cette observation par le thème de l'apprentissage : « La généralité la mieux fondée dans le champ de
la psychologie est qu'à un moment donné les caractéristiques comportementales de tout mammifère et spécialement
de l'homme dépendent de l'expérience et du comportement antérieur de chaque individu. »
La notion de « caractère national » qui désigne une série de traits comportementaux -« les Anglais sont... », « les
Américains sont... », etc. n'évoque pas une simple uniformité, mais plutôt une sorte de régularité des comportements
dans ces groupes nationaux.
Bateson conseille d'aborder cette étude selon cinq thèmes précis.
a) On a vu que la différenciation des sexes chez les latmul s'inscrit dans une complémentarité réciproque des
conduites. Les deux systèmes d'habitudes -des hommes et des femmes- se confirment réciproquement. Ceci se
réalise de façon claire dans des duos du type : admiration-exhibitionnisme, domination-soumission,
protection-dépendance.
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Pour les nations modernes, on peut utiliser sans risque d'erreur ces modèles de différenciation mutuelle pour l'étude
de groupes humains stables. Ceci permet de comprendre avec une certaine exactitude la formation du caractère
courant de concitoyens dans leurs relations intimes et dans leur vie sociale.
b) Un facteur doit être pris en compte dans nos sociétés modernes : la fréquence des déplacements humains, avec
leurs brassages sociaux souvent massifs. Toutefois ce fait peut être perçu par la nation accueillante comme élément
positif de son propre dynamisme.
c) Et même les inévitables personnalités déviantes vont justifier de fait le modèle collectif imposé : paradoxalement,
on peut dire que leur opposition elle-même manifeste une perception claire des normes imposées. C'est ici un type
de paradoxe communicationnel, tel que Bateson aime les souligner.
d) En soi, l'évolution de chaque société se veut en opposition avec certains traits du statu quo an te, abandonné à un
passé étiqueté comme « l'ancien temps ». Ceci à tel point que peut se manifester une attente et une pré-expérience
de changements, avec la conscience des ressources apportées par l'hétérogénéité ainsi anticipée. De fait, ceci
exprime une forme de créativité sociale disponible.
Au sein même de telles bipolarités, Bateson introduit une dimension supplémentaire, qui est créatrice de systèmes
triadiques.
Dans une situation relationnelle, un sujet tiers est habituellement concerné ou en attente de l'être.
Il s'agit d'une constante dans les rapports interhumains. Très habituellement ceci introduit un modèle hiérarchique
vertical dans la situation des participants concernés. Ce fait caractérise toutes les organisations humaines. L'Anglais
Bateson cite « les parents, la nurse, l'enfant » ; ou encore les trois niveaux d'autorité dans les internats des collèges
anglais. On sait que l'armée est ici le modèle (capitaine, lieutenant, sous-lieutenant, etc.), mais aussi toute activité
industrielle ou administrative. Partout et toujours : responsable, gestionnaire, exécutant.
Mais les dyades subsistent. Face à leurs enfants, les parents anglais dominent, secourent et s'exhibent, tandis que
ceux-là leur doivent soumission, dépendance et admiration. Il n'en va pas de même dans la famille américaine : là,
les parents montrent légère dominance, avec assistance et admiration, et du côté des enfants ce sera : légère
soumission, dépendance et exhibitionnisme.
Ce dernier point frappe Bateson : l'enfant américain est encouragé par ses parents à leur montrer nettement son
indépendance. Le jeune doit se lancer de façon précoce dans sa vie personnelle, son métier, sa famille. Rien ne
l'empêche de se vanter à bon escient et preuves à l'appui : c'est ce que l'on attend de lui ! Ces traits de tempérament
acquis dès l'enfance imprègnent les relations adultes. Ce qu'un Anglais considère comme exhibition et vantardise
chez un Américain est chez ce dernier une demande d'estime formation et de considération.
Tout apprentissage humain est par nature relationnel
En 1942, Bateson publie une étude intitulée Social Planning and the Concept of Deutero-learning, en hommage aux
travaux socio-anthropologiques de Margaret Mead (STEPS). Il montre comment celle-ci sut utiliser le thème d'une
dialectique existant entre les « moyens » et les « fins », ce qui peut rester un guide permanent du chercheur en
sciences humaines. Le recueil attentif des observations dans ce champ vise au respect des faits primaires auxquels
l'observateur a participé. Ceci guidera ses élaborations théoriques. Cette attitude conduit à la recherche de « valeurs
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» qui donnent un sens général et humain à chaque civilisation et à la « direction » de son évolution.
Il souligne qu'en psychologie, l'étude dite objective selon le modèle béhavioriste -comportementaliste -est mise en
cause par les psychologues gestaltistes allemands. Ce furent « la théorie de la forme » avec P. Guillaume ou la
phénoménologie deM. Merleau-Ponty, en France. Attentifs aux formes globales, ils ont élevé l'étude des
comportements vers celle des conduites.
L'apprentissage pavlovien ou skinnerien bute sur la simplicité réductrice du modèle stimulus-réponse de l'animal en
laboratoire. A la limite, c'est le chercheur lui-même qui se trouve esclave des dénominations qu'il donne à ses
observations : « réactivité », « énergie », « passivité », « dominance », etc. Transposer ces étiquettes dans une
culture humaine aboutit à prôner une manipulation directe des individus, sans tenir compte des complexités
culturelles et interpersonnelles. Il est nécessaire d'aboutir à une classification des habitudes et des comportements
qui les montre reliés à un champ humain local et global à la fois.
Pour Bateson, l'animal mis en situation expérimentale apprend non seulement à saliver au moment opportun, -ou
pour l'humain, à réciter des syllabes dénuées de sens- mais aussi il apprend à apprendre.
Il se montre de plus en plus compétent dans la tâche demandée.
En quelque sorte ce sujet acquiert l'habitude de percevoir un contexte relationnel et ses séquences et, de plus,
l'habitude de « ponctuer » le flux des événements, en un sens relationnel, dans la séquence qu'il vit.
Ce modèle, « learning to learn », donne la clef des états mentaux vécus -que ceux-ci soient intitulés liberté ou
contrainte, résistance ou passivité. Apprendre à apprendre.
Dans le monde réel, l'individu va accueillir ou refuser des habitudes perceptives selon ses propres processus,
extrêmement complexes. Là interviennent le ton de la voix, les gestes d'accompagnement, le contexte de la
situation. Le flux des événements est porté par le langage national, l'art, la technologie et tous ces moyens culturels
par lesquels chaque humain se crée.
Le laboratoire de psychologie comportementale est hors du champ d'un savoir réel sur l'humain et de ses
acquisitions. Bateson précise que : 1) la névrose expérimentale est ce qui survient quand un sujet échoue dans
l'assimilation d'une séquence d'événements, lorsque celle-ci est gauchie et distordue de telle sorte qu'elle ne peut
entrer en harmonie avec aucune de ses habitudes perceptives (note de 1942) ; 2) cette remarque préfigure le
concept de double bind (note de 1972).
Il rappelle ses recherches sur « l'évitement instrumentalisé », conduites avec Margaret Mead à Bali. Il s'agissait de
l'insistance mise dès l'enfance sur le contrôle émotionnel de soi. Nous avons vu cette inhibition affective précoce où
les comportements adultes réciproques manifestaient le même évitement émotionnel dans un monde conçu comme
immuable. Ceci marquait cette culture par ses comportements routiniers, ses rituels incessants et sa courtoisie
extrême.
Notre civilisation occidentale nous entraîne à l'inverse dans un optimisme modèle évolutif, non moins automatisé : «
Nous avons essentiellement besoin, à tout moment, que la réussite soit au détour de la rue et, vrai ou faux, ceci ne
peut être testé. Nous sommes devenus comme ces quelques artistes qui travaillent dans l'urgence de l'inspiration,
urgence qui naît du sentiment que la grande découverte, la réponse à tous nos problèmes, ou la création majeure, le
sonnet parfait est toujours tout proche de nous, ou comme la mère qui pense que son enfant, pourvu qu'elle lui
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donne une attention suffisante et constante, peut devenir ce phénomène infiniment rare, une brillante et heureuse
personne. »
Bateson a trouvé dans ces réflexions une synthèse finale (end-linkage) de son idée de la schismogénèse. Il explicite
ceci par l'expression de « processus coévolutif » : « C'est le contexte entier qui évolue. » En 1972, il ajoutera : «
Depuis lors (1942), je me suis attaché volontairement à la structure qualitative des contextes plutôt qu'à l'intensité de
l'interaction. L'intensité de la symétrie (l'opposition à l'autre) -ou de la complémentarité (l'acceptation de l'autre)- a
donc moins d'importance pour le décodage éthologique. »
Ce sont là des systèmes de valeurs gérant les modalités relationnelles concrètes. Les apprentissages supérieurs et
en particulier les faits de ce qu'il nomme deutéro-apprentissage ont pour fonction essentielle l'acquisition et la
synthèse permanente des traits relationnels de la personne. La constitution du « caractère » d'un individu est à la
fois personnelle et contextuelle : famille, environnement, culture. Chaque contexte inclut à la fois les comportements
et les subjectivités. Dès la prime enfance, ces interférences jouent un rôle déterminant.
Voici l'ère cybernétique
En 1942, Bateson s'intègre aux recherches sur les devenirs de la pensée et des modèles cybernétiques, en
participant à une première rencontre interdisciplinaire sur le thème des « mécanismes de rétroaction et systèmes
causaux circulaires en biologie et dans les systèmes sociaux. » Celle-ci est organisée par la Josiah Macy Jr
Foundation, pour des chercheurs de disciplines diverses tels J. von Neumann, mathématicien, Lorente de No,
physiologiste, W.S. Mc Cullogh, neuro-physiologiste, L.S. Kubie, psychanalyste. Cette façon de travailler en groupe
comporte la réunion d'une dizaine de spécialistes autour d'une table. Chacun apporte un texte rédigé sur le thème
concerné. Ceci est enregistré de même que les discussions qui suivent les exposés. Un ouvrage peut être publié par
la suite.
Le thème et le modèle général de la rétroaction négative dans les systèmes vivants ou artificiels développent des
intuitions antérieures et viennent bouleverser le champ général des sciences tant exactes qu'humaines. A son retour
d'Extrême-Orient, il participe en 1945-1946, ainsi que Margaret Mead, à d'autres rencontres similaires, marquées par
l'influence de Norbert Wienner, activement présent, de Kurt Lewin, sociologue, de D.C. Marquis -théorie de
l'apprentissage- et de Heinz von Foester, ingénieur mathématicien. Ces échanges se poursuivront jusqu'en 1953. La
découverte cybernétique ouvre des champs nouveaux dont ces groupes de réflexion multidisciplinaires confrontent
maints exemples. De nouveaux temps se préparent, une étape de la croissance humaine, mais c'était déjà
l'explosion de deux bombes atomiques...
C'est la période où les sciences humaines vont se trouver confrontées elles-mêmes à la naissance de « la seconde
Révolution Industrielle ».
En mars 1946, Wienner et J. von Neumann « ouvrent la voie, différenciant les codages « analogique » et « digital »,
offrant à la discussion circuits, servomécanismes, feed-back positif et négatif, mesure de l'information et sa relation
avec l'idée d'entropie, systèmes binaires, théorie des jeux de von Neumann, théorie des types logiques de Bertrand
Russell, oscillations « pathologiques » (oui-non-oui, etc.) dans les computers confrontés à un paradoxe, enfin notion
que les systèmes de communication dépendent de l' ''information'' et non pas de l' ''énergie''. » (Lipset).
Le terme cybernétique est issu de l'image du gouvernail. Il est promu par Wienner à cette date : cybernetics. Son
origine revient à André Marie Ampère en tant « qu'étude des moyens de gouvernement » (1834). Il est proche du
mot anglais « governor », utilisé par l'ingénieur britannique James Watt pour désigner le système stabilisateur de la
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