La double contrainte : L`influence des paradoxes de

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DE LA LECTURE POUR LA PRATIQUE !
Compte rendu de l’ouvrage
La double contrainte :L’influence des paradoxes
de Bateson en sciences humaines.
Compte rendu de l’ouvrage
Jacques WITTEZAELE, J.-J. (2008)
La double contrainte : Influence des
paradoxes de Bateson en Sciences
humaines. Bruxelles : De Boeck.
ISBN 978-2-8041-5713-5
Recension d’ouvrage réalisée par :
Joséphine Mukamusoni, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Sous la direction de :
Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.
Professeur (counseling de carrière
Université du Québec à Montréal
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1. Avant-propos : Nos clients face aux injonctions
paradoxales.
Quelques soient les divergences qui surgissent lorsqu’il s’agit de qualifier la
communication, nous reconnaissons au moins que la communication est au cœur de
toute relation. Cependant, plusieurs situations sociales d’échecs ont pour origine une
communication paradoxale. La théorie de la double contrainte appelée aussi
double « bind » ou double lien a été introduite dans le but d’expliquer les injonctions,
les blocages qui perturbent nos clients et les rendent coupés de la réalité. Il importe
pour un professionnel de l’orientation de maîtriser cette théorie en vue de se rendre
compte de l’ampleur du problème et de contribuer à créer un milieu favorable aux
clients. En effet, le décodage du message se fait d’un niveau concret vers le niveau
abstrait. Il faut éviter de créer la contradiction entre le niveau direct ou concret
(ensemble de son) et abstrait (l’énoncé). Les messages contradictoires provoquent des
pressions morales et affectives. La sujet est mis dans une situation de double
contrainte ou de deux ordres qui s’opposent mutuellement. Pour Bateson, la théorie de
la double contrainte est applicable dans toute société. En famille, en entreprise, en
psychothérapie, même chez les animaux. Bref dans toutes les structures. Elle permet
d’expliquer et comprendre la communication humaine et les esprits surnaturels. Par
contre, la double contrainte peut avoir une connotation positive. Ceci puisque
l’humour, la poésie constituent des états multiples et souvent contradictoires de toute
communication humaine, bien qu’ils soient temporaires et normaux. Le schizophrène,
quant à lui, est une forme pathologique, qui isole le malade dans son monde. Le souci
de respecter la structure de l’ensemble dont nous faisons parti pourrait atténuer ou
même supprimer les troubles de la communication. Dans la relation humaine, la
communication de type double contrainte est vue comme précipitant une rupture
émotionnelle lors de certains moments du schizophrène. En d’autres mots, la
compréhension de la théorie de double contrainte dans ses différentes formes pourrait
permettre de prévenir ou de soigner les troubles mentales.
2. Qui est Grégory Bateson ?
Gregory Bateson est un anthropologue et penseur pluridisciplinaire du XXème siècle
d'origine anglaise. Il a été professeur à l'université de Santa Cruz (Californie) et a
mené une grande partie de ses travaux aux États-Unis. Ses premières recherches
l'entraînent du côté de l'ethnologie et à faire des études sur le terrain en Nouvelle-
Guinée et à Bali, avec l'anthropologue Margaret Mead, à laquelle il a été marié.
Bateson étend ses recherches, par la suite, à l'écologie, à la méthodologie des sciences
et à la psychiatrie. Il a contribué à la fondation du courant de pensée dite, école de
Palo Alto en Californie, qui est a l’origine de la thérapie familiale et de la thérapie
brève. Il développe la théorie sur la communication paradoxale, puis celle de double
contrainte ou double « bind », un certain type de communication où un même
message contient deux ordres qui s’annulent, ce qui peut être à l’origine de la
schizophrénie. Bateson n'a jamais été lui-même psychothérapeute. Mais, après sa mort
en 1980, ses recherches ont été prolongées et diffusées par ses disciples de l'Institut de
Palo Alto : Paul Watzlawick, Don D. Jackson, J. Weakland. Ses pensées ont exercé
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une influence profonde sur l'approche de la schizophrénie, de l'alcoolisme, et sur les
thérapies systémiques et familiales. Ils ont aussi traduits en Français les ouvrages de
Bateson et ont organisé un colloque en son mémoire, dont le fruit constitue le
contenu de ce présent ouvrage.
3. Compte rendu commenté de l’ouvrage
En mémoire de cinquante ans de commémoration de la formulation de la théorie de
double contrainte pour la schizophrénie par Grégory Bateson et son équipe , un
colloque a été organisé par l’institut Grégory Bateson, pour dresser un bilan de la
fécondité de ce concept dans les sciences humaines. Le présent ouvrage, sous la
direction de Jean Jacques Wittezaelle, reproduit les différentes interventions du
colloque. L’ouvrage est divisé en deux grandes parties et compte 268 pages.
La première partie s’intitule les origines, le contexte historique, la diffusion,
l’évolution et les divers champs d’application de la théorie de la double contrainte.
Elle est composée de 7 chapitres. C’est une série de conceptualisation et de
contextualisation de la théorie à travers le temps et l’espace. La seconde partie
s’intitule les applications cliniques de la double contrainte : la thérapie familiale et
les thérapies brèves stratégiques. Elle est composée de six chapitres. C’est une partie
pratique de la théorie de double contrainte. Différentes situations d’application de la
théorie sont exposées.
Cadre conceptuel et théorique de la double contrainte
Pour nous aider à comprendre l’acte de naissance de la théorie de la double contrainte,
l’auteur du premier chapitre l’intitule la double contrainte, un concept fondateur. Il
reproduit l’un des documents de Bateson sur la double contrainte comme théorie
explicative de la schizophrénie. À travers la mise en situation, il présente et illustre les
spécificités de la double contrainte. En effet, ce concept est un langage de Bateson
pour formaliser le mécanisme de régulation. Il part du champ multidisciplinaire qui se
base sur le maintien de la stabilité comme une condition essentielle de la vie de toute
structure. Pour concrétiser ses pensées, il montre le pouvoir inductif de la
communication dans une famille. Les échanges et interactions entre les membres
d’une famille contribuent à maintenir le fonctionnement et l’équilibre familial. Il y a
une dynamique interactionnelle entre les membres d’une famille. Sans toutefois
détailler la théorie de la communication, Bateson montre que la situation de double
contrainte est un contexte relationnel entre deux ou plusieurs personnes. Ce contexte
est caractérisé par des injonctions contradictoires et répétées dans la vie de la victime.
Au sein d’une famille, au delà du message qui est dit verbalement-échange direct et
concret- il existe le message abstrait. Ce dernier est un ensemble de règles générales,
implicites, plus abstraites. À titre illustratif, l’enfant qui est toujours traité par sa mère
d’incapable de faire ce qui est bien lorsqu’il prend l’initiative de faire une activité,
finira par développer des doutes en ces capacités. Après une série d’expérience de ce
genre, il va en tirer une règle générale ou une leçon «il vaut mieux éviter toute
initiative douloureuse et perturbante». Le contexte relationnel est défini par différents
niveaux de communication Le méta-niveau est le niveau le plus abstrait de la
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communication et qui définit le contexte relationnel. Dans une famille, les membres
apprennent inconsciemment ce qu’on peut dire ou faire et ce qu’on ne peut pas dire ou
faire. Des situations paradoxales apparaissent lorsque les méta-messages contredisent
les messages directs. Ce qui peut entraîner la schizophrénie. Selon Bateson, la
maladie mentale est non le résultat d’un psychisme individuel perturbé mais bien un
trouble de la communication au sein d’un système familial. Bon nombres de
problèmes familiaux pourraient s’expliquer par un problème de communication et
nécessitent l’application de la théorie de double contrainte. Il est opportun pour tout
être humain d’entretenir de bonnes relations avec son système. Il importe lors de nos
interventions de construire des messages à effet libérateur chez les patients. Le souci
de respecter la structure de l’ensemble dont nous faisons parti pourrait atténuer ou
même supprimer les troubles de la communication. En tant que professionnel des
relations humaines, nous avons la responsabilité individuelle de reconnaissance de
notre appartenance au monde que nous sommes appelés à changer.
Le second chapitre poursuit la pensée de Bateson en abordant le titre le déploiement
de la cybernétique : mémoires vivantes de l’équipe de recherche de Bateson.
L’analyse thématique détaillée des travaux publiés et non publiés de l’équipe de
Bateson a permis de faire une première synthèse complète de tous les travaux
historiques. L’émergence de thèmes variés ont permis de dégager les fondements de
la théorie interactionnelle comme paradigme alternatif pour comprendre le
comportement humain et susciter le changement. Dans ce sens, la connotation
positive du comportement de tous les membres de la famille reflète la cohérence de la
culture et l’esprit d’équipe. Pour le maintien de l’équilibre dans une famille, il faut
encourager ces comportements positifs. Ils ont complété les fondements de la théorie
par une descente sur terrain. Ainsi lors des conversations avec les patients, les
réponses des membres de l’équipe de Bateson affectent les réactions des patients.
Cette vision constructiviste montre que si devant un patient, on se conduit comme s’il
était normal et qu’on soit surpris de ce qu’il fait, on contribue à arrêter un
comportement dit « anormal ». Plus concrètement, il faut faire preuve d’une grande
compassion et avoir une foi inébranlable en leurs capacités. En plus, en accordant une
importance aux mots utilisés, au langage, au ton de la voix; on initie donc le
changement. C’est une intervention explicite. Ils ont crée une approche thérapeutique
purement interactionniste. L’idée principale est que le comportement positif de tout
membre d’un système social dont fait parti tout professionnel de la relation d’aide,
constitue un élément pouvant influencer le processus de communication et diminuer
ainsi le pourcentage des gens qui se replient sur eux-mêmes. Ceci puisque la
communication modèle les individus et les personnalités tout en structurant les
interactions. La double contrainte est vue comme une communication qui provoque
une rupture émotionnelle dans la vie du schizophrène.
Le chapitre trois porte le titre la réception de la notion de double contrainte en
France. Il est ici question de différentes réactions, utilisations et interprétations du
concept de double contrainte après qu’un certain nombre d’ouvrages soient traduits et
publiés en français. La carrière de la double contrainte en France et dans les pays
francophones a connu une période de traduction et va interpeler plusieurs publics.
Malgré leur résistance initiale, les idées de Bateson ont été d’abord reçues et
appliquées par les psychanalystes, mais aussi les professionnels de la santé mentale
venant de tous les horizons. Ils ont organisé un colloque consacré à l’œuvre de
Bateson. Cette communauté des psychanalystes et des psychiatres ont manifesté le
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désir de rendre opérationnelle la théorie de double contrainte dans le domaine de la
thérapie. Ils vont s’y intéresser au point de s’en accaparer. Le concept de double
contrainte a ensuite circulé dans plusieurs cercles de lecteurs. Des assistants de la
santé, les étudiants en sciences de l’information et de la communication n’ont par été
épargné. Par des lectures, ils ont intériorisé les thèmes principaux de la théorie de la
double contrainte. Le concept fut finalement utilisé dans le domaine de l’humour, de
l’art, de l ‘esthétique et même de la sociologie. Elle a été une source d’inspiration et
de créativité. Son utilisation en sociologie, surtout, par le sociologue français, Pierre
Bourdieu, a permis de comprendre l’impact des injonctions paradoxales permanentes
sur la vie de certaines personnes. Dans divers circonstances, les situations de doubles
contraintes apparaissent. Seulement, lorsque son utilisation devient pathologique, la
victime se retrouve coincée dans une double relation contradictoire L’expansion de la
théorie de la double contrainte dans le monde francophone a produit des effets
heuristiques très fort qu’il importe de garder à l’esprit. En d’autres mots, l’expansion
de la conception de Bateson dans le monde francophone nous amène à avoir une
vision globale de la double contrainte. Il est important de comprendre l’origine de
l’utilisation positive de la conception batesonienne dans le domaine de la poésie, la
musique, l’art et l’esthétique. Tout en gardant à l’esprit son utilisation originale pour
expliquer la schizophrénie.
Le chapitre quatre s’intitule L’épistémologie batesonienne, les chamanes bochimans
et l‘art rupestre. L’expérience chamanique des Bochimans de Namibie est expliquée
par Bradford Keeney, élève de Bateson. Il a fait une descente sur le terrain pour
examiner comment l’épistémologie de Bateson peut nous aider à comprendre cette
pratique centrée sur la méditation entre les êtres humains et les esprits surnaturels à
travers la danse de guérison. Il est parti des différents concepts de Bateson issue de la
cybernétique. Il s’agit principalement des métaphores liées aux patterns dans les
interactions sociales, des concepts de différents niveaux d’abstraction. Selon Bateson,
il existe différents niveaux d’abstractions qui changent suivant les contextes et les
utilisateurs. Les actions simples à l’intérieur d’un contexte de guérison extatique
constituent un pattern plus global et comportent différents niveaux d’abstraction. La
plupart des métaphores utilisées renvoient à l’idée d’un changement et d’une
transformation incessant plutôt qu’elles n’indiquent des états de conscience uniques »
(Wittezaelle, p.71). Tout en étant consciente que l’observation est toujours subjective,
ces phrases montrent la pensée de Bateson. Pour lui, il faut saisir le rapport des
mouvements, les interactions qui jaillissent entre les choses. Le cadre de référence des
évènements est donné par la double contrainte, c’est-à-dire la structuration ou
l’enchevêtrement de deux ou plusieurs niveaux de tissage contextuel. Au delà des
actions simples d’un schème, il y a des patterns d’interactions plus abstraites dont le
contexte est donné par le schème. Lors de la danse de guérison, la stimulation des
états hautement émotionnels et les mouvements corporels extatiques produisent un
état de conscience accrue appelé l’entrée en transe. Donc c’est avec prudence que
nous devons interpréter ce qui est nommé et fait par les gens d’un même système. Il
faut appartenir à ce système ou prendre le temps de saisir les niveaux de
communication, pour parvenir à porter un jugement de valeur sur ce qui est observé.
À titre d’exemple, transporté sur terrain, le féministe percevra des problèmes
concernant les femmes. Les poètes seront tentés d’attendre l’esthétique. Il faut
considérer le contexte d’utilisation des termes et métaphores avant de comprendre les
niveaux d’abstractions.
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