message-récepteur. Mais les intuitions les plus fortes de Bateson puisent moins, à
notre sens, dans la communication interhumaine que dans la communication
animale. C’est chez les loutres et les chimpanzés qu’il trouve les moyens de penser
la notion de « méta-communication » ([1973] 1977). Et ce sont les dauphins qu’il
mobilise notamment pour repenser la philosophie du signe héritée de Charles
Sanders Peirce, en termes d’opposition entre « communication analogique » et
« communication digitale » ([1973] 1981). Si on peut être redevable à Bateson
d’avoir été l’un des premiers anthropologues à oser la confrontation entre des
espèces radicalement différentes, du point de vue de leurs modalités de
communication, force est de reconnaître que les « sciences de la communication »
se sont davantage inspirées de ce que disait Bateson sur la psychiatrie et la théorie
du « double bind » (double contrainte) que sur les animaux. Et même lorsqu’elles se
sont emparées de ce que Bateson appelait la « communication analogique », c’est-à-
dire l’ensemble des moyens non verbaux de s’envoyer des signaux, ce fut pour
« sémiotiser » à outrance le champ du non-verbal1, là où Bateson insistait au
contraire sur son ambiguïté fondamentale, le lien faible entre le signal et sa
signification et la difficulté que nous avons à interpréter, par exemple, dans
l’interaction quotidienne, les micromouvements involontaires du visage.
Ce dossier a pour but d’aborder la notion de communication à partir de cas
empiriques qui constituent des objets frontières ou des « cas limites » du point de
vue de la communication interhumaine : communication chez les oiseaux, cris
d’animaux, communication avec des fantômes, communication avec des robots,
transcommunication (magnétisme et spiritisme), etc. Il s’agit donc de réévaluer les
modèles classiques de l’échange d’information, en s’intéressant à au moins trois
domaines dont on peut déplorer qu’ils n’aient jamais été vraiment confrontés ou
comparés : la communication animale (ou les communications entre les hommes et
1 Voir sur le sujet les dérives récentes de Paul Ekman, inventeur d’une méthode à décoder les expressions humaines
appelée « le code Ekman » ou encore la synergologie pour qui les mouvements involontaires du visage humain sont
des signes codifiés que l’on peut interpréter de manière fiable et certaine. Pour une critique de la synergologie, voir
Lardellier, 2008.