14 | Mercredi 1er octobre 2014 | Le Quotidien Jurassien
MAGAZINE santé } Cette page Magazine santé
est réalisée en collaboration
avec l’Hôpital du Jura et le
Service cantonal de la santé
publique.
Il faut oser parler des fuites urinaires
maîtrise de sa vessie est com-
munément associée à l’enfan-
ce, d’où la gêne ressentie par
les patientes qui en souffrent.
L’âge est souvent invoqué
pour refuser de traiter les pro-
blèmes d’incontinence. Ainsi,
certaines femmes se résignent
à porter des couches pour
adultes jusqu’à la fin de leur
vie, se croyant «trop vieilles».
Le Dr Lopez les invite à revoir
leur décision: «L’espérance de
vie est de plus de 80 ans ! Pas-
ser 20 ans à être mouillé peut
être très désagréable et handi-
capant socialement. Il est
d’autant plus important d’agir
vite que plus on attend, plus le
problème s’aggrave, et plus les
risques d’une opération sont
élevés.» AM
pants» (baisse ton pantalon).
Internet joue d’ailleurs un rôle
très important pour briser le
silence et outrepasser les gê-
nes liées à certaines condi-
tions médicales. Les forums
permettent à tout un chacun
de parler de ses soucis de san-
et d’échanger avec des per-
sonnes qui souffrent du
même trouble. Les jeunes
gens étant plus habitués à ce
nouveau média, ils parlent
plus facilement de leurs pro-
blèmes de santé à leur méde-
cin. «Ce sont les femmes d’un
certain âge qui n’osent pas
m’en parler. C’est pourquoi je
pose systématiquement la
question lors des contrôles gy-
nécologiques de routine», ex-
plique le gynécologue. La non-
d’elles: il est certain que dans
leur entourage certaines de
leurs amies souffrent égale-
ment d’incontinence.
Liberté de parole
sur Internet
Pour lutter contre le tabou,
des campagnes d’informa-
tions fleurissent un peu par-
tout en Occident. Aux Etats-
Unis, elle porte le nom d’«un-
deraware», un jeu de mot en-
tre sous-vêtement («underwa-
re») et prise de conscience
(aware): une marque de cou-
ches pour adulte verse un dol-
lar à la recherche médicale
contre l’incontinence pour
toute photo en sous-vêtements
postée sur les réseaux sociaux
avec la mention «drop your
Malgré le grand nombre de
femmes qui souffrent d’incon-
tinence, le sujet demeure ta-
bou. «Dans ma jeunesse, je
faisais de la gym et je ne com-
prenais pas pourquoi, au mo-
ment de la corde à sauter, les
femmes plus âgées refusaient
de se prêter à l’exercice. J’ai
compris plus tard qu’elles crai-
gnaient des fuites urinaires»,
témoigne une physiothéra-
peute. Une anecdote qui évo-
que à la fois la fréquence du
trouble et l’omerta qui règne
sur le sujet.
Souvent, pour faire passer le
sentiment de honte et cette
sensation d’isolement dont
souffrent les patientes, le gy-
nécologue Roberto Lopez les
invitent à en parler autour
La chirurgie est aussi une solution pour pallier le problème de l’incontinence.
Elle est pratiquée en ambulatoire à l’Hôpital du Jura. ARCHIVES DANIÈLE LUDWIG
Fréquente et gênante,
l’incontinence féminine se soigne
V
DOSSIER SENSIBLE De nombreuses femmes souffriront de ce problème au cours de leur vie, suite
à un accouchement, en période de ménopause ou à cause du vieillissement. Des solutions existent pour y pallier
Les femmes qui souffrent d’incontinence urinaire ont deux possibilités de se soigner : la chirurgie et l’exercice physique supervisé par des
physiothérapeutes.
cer les muscles du plancher pelvien,
mais surtout de faire ressentir à la
patiente la zone à contracter lors des
séances suivantes. Dans certains
pays, comme la France, des séances
de rééducation pelvienne sont d’ail-
leurs proposées systématiquement
aux mères qui viennent d’accou-
cher.
L’exercice,
une hygiène de vie
Ce n’est qu’une partie du tra-
vail: les patientes devront ensuite ef-
fectuer seules ces exercices, à la mai-
son, sans la supervision de la théra-
peute: contracter les muscles pen-
dant quelques secondes (moins de
dix, sinon l’effet est inverse), puis
les relâcher; les contracter à nou-
veau. «Je demande à mes patientes
de le faire 60 fois par jour, comme
ça je peux espérer qu’elles le fassent
20 ou 30 fois», s’en amuse Isabelle
Urbanik-Roth.
La boutade prend tout son sens
lorsqu’on sait la difficulté qu’ont les
patients des physiothérapeutes à
poursuivre leurs exercices sur une
longue période… et pourtant c’est
crucial. Pour pallier ce problème, il
faut les intégrer dans le quotidien,
comme le détaille Patricia Schaller:
«Je leur conseille d’effectuer les
contractions tout en faisant la vais-
selle ou en se brossant les dents: el-
les évitent ainsi de devoir consacrer
une plage horaire pour cette seule
activité et se souviennent de le fai-
re!» Et sa collègue de compléter:
«Ne pas se rendre aux toilettes lors
de la première sensation de besoin
est aussi un exercice en soi.» Ces
séances quotidiennes permettent
parfois de prévenir l’apparition de
l’incontinence, chez les femmes
comme chez les hommes: tout adul-
te, peu importe son âge, devrait
donc les pratiquer régulièrement.
Et s’il fallait un argument supplé-
mentaire pour s’y mettre, non médi-
cal cette fois-ci, une tonicité dans
cette partie-là du corps n’est pas
sans effet sur les plaisirs de l’amour.
ALAN MONNAT
vessie, seulement ceux qui sont cau-
sés par une «mécanique» musculai-
re défaillante. Ainsi, l’incontinence
d’urgence (vidange involontaire de
la vessie lorsque celle-ci est pleine)
et la pollakiurie (trouble dont souf-
frent les personnes qui doivent se
rendre plus de 8 fois par jour aux toi-
lettes et 2 fois par nuit) nécessite-
ront la prise de médicaments ou des
séances de rééducation pelvienne.
«Lors de la première séance de
physiothérapie, nous utilisons une
sonde périnéale, insérée dans la vul-
ve. Elle provoque des contractions
musculaires par courant électrique à
la façon de ces machines pour mus-
cler les abdominaux vendues dans
les téléachats», explique Patricia
Schaller. «Contrairement aux idées
reçues, c’est parfaitement indolore»,
ajoute Isabelle Urbanik-Roth. Cette
technique permet certes de renfor-
chirurgie, selon que le trouble pro-
vienne d’une faiblesse des muscles
du plancher pelvien ou d’un dégât
anatomique. Si la seconde option est
plus invasive et comporte des risques
associés à toute intervention chirurgi-
cale, elle a le mérite d’être rapide:
l’opération se déroule en ambulatoire
et dure une demi-heure environ, sous
anesthésie locale. Elle consiste à po-
ser des bandelettes pour renforcer les
muscles du plancher pelvien. «Beau-
coup de patientes tardent à se faire
opérer et finalement, après coup, el-
les regrettent de ne pas l’avoir fait
plus tôt», commente Roberto Lopez,
gynécologue à l’Hôpital du Jura, sur
le site de Delémont.
Plus de 8 fois par jour
aux toilettes
L’intervention chirurgicale ne
peut régler tous les troubles de la
que chose de similaire se produit
chez les patientes qui souffrent d’in-
continence.
La plupart des fuites ont lieu lors-
qu’une pression supplémentaire est
exercée sur la vessie, souvent lors de
contractions abdominales: lors d’une
activité physique soutenue, comme
une séance de sport, ou même des ef-
forts quotidiens (soulèvement d’une
charge, éternuement ou encore quin-
te de toux). Des tests urodynamiques
au cours desquels sont mesurées la
pression abdominale, celle de l’urètre
ainsi que la contenance de la vessie,
permettent d’établir objectivement le
diagnostic d’incontinence. L’Hôpital
du Jura vient d’ailleurs d’investir
dans un nouvel appareil urodynami-
que, une nécessité au vu de la deman-
de qui ne cesse d’augmenter. Il existe
deux façons de lutter contre l’inconti-
nence d’effort: la physiothérapie et la
Douter de sa vessie peut
avoir des conséquences
délétères sur la vie tout
entière. «Certaines fem-
mes planifient leurs déplacements
en ville en fonction des lieux où il y a
des toilettes, avec toujours la hantise
que des fuites se produisent malgré
tout», expliquent Patricia Schaller et
Isabelle Urbanik-Roth, physiothéra-
peutes à l’Hôpital du Jura. D’autres
s’interdiront un grand nombre d’acti-
vités comme se rendre dans une au-
tre ville ou faire du sport, et réduiront
drastiquement leur consommation
de liquide. Ces troubles de l’inconti-
nence peuvent occuper petit à petit
une place centrale dans la vie des pa-
tientes, ceux-ci s’aggravant avec le
temps.
Un tout nouvel appareil
L’uro-gynécologie est une spéciali-
sation médicale qui prévient et corri-
ge les altérations du plancher pel-
vien, ces muscles qui referment la
base du bassin et qu’on peut compa-
rer à une sorte de hamac qui s’éten-
drait entre le pubis et le coccyx, en-
tourant l’urètre (le canal par lequel
s’écoulent les urines), le vagin et
l’anus. Lorsqu’ils fonctionnent nor-
malement, ils permettent de retenir
selles et urines jusqu’à la vidange vo-
lontaire, le moment où l’on décide de
se rendre aux toilettes. Or, après la
grossesse, l’accouchement, la méno-
pause ou certaines interventions chi-
rurgicales, il peut arriver que ces
muscles ne remplissent plus conve-
nablement leur fonction, causant des
fuites, voire même une vidange invo-
lontaire de la totalité de la vessie, avec
les problèmes hygiéniques et de gêne
sociale que cela implique.
Pour comprendre de quoi il est
question, usons d’une métaphore:
l’urètre peut être vu comme un tuyau
d’arrosage sur lequel on appuierait le
pied pour empêcher l’écoulement
d’eau. Si la pression du pied est suffi-
samment forte et que la surface sur
laquelle on compresse le tuyau est
ferme (du béton plutôt que du sable),
l’eau ne peut s’échapper du tuyau. Si
au contraire la pression du pied est
trop faible, le liquide s’écoule. Quel-
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