L L I B É R A L E

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LIBÉRALE
Incontinence anale
Un sujet encore tabou
L’incontinence anale est l’impossibilité pour une personne
de retarder volontairement l’émission de selles par l’anus
jusqu’à un endroit adapté à cette fonction. Elle peut comprendre l’émission de matières dures ou glaireuses.
L
e terme d’incontinence fécale est trop
réducteur. C’est pourquoi le terme d’incontinence anale lui est préféré.
En France, cette incontinence anale (IA) touche
environ 11 % de la population. En même temps
qu’un problème médical personnel, c’est un problème de santé publique encore trop souvent
tabou. De prévalence féminine, l’IA touche tous les
âges. Souvent avouée de manière un peu furtive en
fin de consultation ou, plus couramment, gardée
secrète, l’IA est souvent ignorée des médecins traitants. D’où l’importance d’inclure cette question
dans un premier entretien médical et quel que soit
l’âge des patients. D’après une enquête récente, la
moitié des patients jeunes souffrant de ce trouble
n’avait jamais consulté.
Diagnostiquée ou avouée, l’IA doit être appréciée
dans son importance, son retentissement physique
et surtout psychique, sa valeur diagnostique.
Simple gêne modérée, marquée par l’émission de
quelques gaz non contrôlés, elle peut, à l’extrême,
obliger au port permanent de protections. Son
retentissement est différent selon l’occupation professionnelle du patient. Sa valeur diagnostique
nécessite de rechercher d’autres signes associés
pouvant diriger vers telle ou telle pathologie. Sur
500 personnes incontinentes, un tiers présente :
– une pathologie organique : gastro-entérologique,
comme un cancer colorectal, une rectite ;
– une cause neurologique : accident vasculaire
cérébral, sclérose en plaques, neuropathie périphérique ;
– une malformation comme une imperforation
anale ou un spina bifida ;
– une cause plus générale telle un diabète ou une
sclérodermie.
Un autre tiers est dû à un fécalome rectal ou à un
côlon irritable. Le dernier tiers provient d’un problème purement sphinctérien tel un étirement ou
une déchirure.
Le diagnostic fait, un bilan exploratoire s’impose.
Mais avant, il convient, par un examen clinique,
d’éliminer un fécalome rectal, mais aussi une diar-
rhée en réalité fausse, car provenant d’une constipation. Lorsque cette dernière est présente, de fausses
diarrhées peuvent causer une incontinence qui est
alors facilement résolue par la prise d’un traitement
régulateur intestinal, voire laxatif transitoirement.
Un diagnostic manométrique
Le bilan comprend une manométrie anorectale
qui étudie le tonus anal de base, la puissance de la
contraction volontaire et la durée de son maintien.
Les courbes obtenues permettent de préciser la
nature des lésions et leur situation : sphincter
interne ou externe par exemple. Les études électrophysiologiques permettent surtout de démontrer l’existence d’une atteinte nerveuse comme
celle du nerf pudendal. La défécographie permet,
par un bilan anatomique, de repérer un prolapsus
recto-rectal ou recto-anal. L’échographie endorectale permet d’apprécier l’état du sphincter strié,
détectant une rupture ou un amincissement.
Le traitement est médical, rarement chirurgical. En
dehors du traitement en cas de maladie associée, le
traitement médical est celui du transit. Traiter la
constipation permet alors de régler le problème de
l’incontinence, comme traiter une diarrhée chronique permet également de le faire.
Visant à rétablir des mécanismes physiologiques
d’exonération, la rééducation périnéale est utile
bien que ses résultats soient imprévisibles. Il est
judicieux de prescrire, en cas d’incontinence,
10 séances de rééducation, de poursuivre en cas
d’amélioration et, si tel n’est pas le cas, d’interrompre un traitement inefficace. La chirurgie, elle,
répare des dégâts sphinctériens grâce à une sphinctérorraphie, une myorraphie ou une graciloplastie.
Plus rarement est réalisée la mise en place d’une
prothèse constituant un sphincter artificiel. En cas
de prolapsus, le traitement de l’incontinence est
alors une rectopexie réparatrice. Pathologie fréquente, l’IA mériterait d’être mieux détectée, notamment en post-partum, surtout qu’alors une rééducation périnéale répare vite des dégâts réversibles.
J.B.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 27-28 - juin-juillet-août 2001
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