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SCHOPENHAUER, EDUCATEUR de NIETZSCHE
SCHOPENHAUER est le premier philosophe contemporain. Il est le
précurseur de ceux que Paul RICOEUR appellera les philosophes du soupçon :
MARX, NIETZSCHE et FREUD. En fait, c’est le premier de ces philosophes. Son
ouvrage majeur s’intitule « Le MONDE COMME VOLONTE et
REPRESENTATION » (1819) Il invente la pratique généralisée du soupçon, ce
que NIETZSCHE appellera la GENEALOGIE, à savoir l’idée que derrière les
phénomènes conscients, il y a le dessous de l’ICEBERG, les SOUTERRAINS (de
DOSTOÏEWSKI), l’INCONSCIENT. La GENEALOGIE est l’attitude ultra critique de
tout ce qui est conscience claire du monde de la représentation (§289 de PAR
DELA le BIEN et le MAL). Parallèlement, la VOLONTE (WILLE) est le règne des
forces aveugles inconscientes.
SCHOPENHAUER passe pour le philosophe du pessimisme ; il est
effectivement pessimiste méthodologiquement sur le plan philosophique, mais
il ne l’est pas sur le plan du vécu psychologique. En fait, il prépare un nouvel
optimisme, un accès solide au bonheur, à une SAGESSE désillusionnée, suivant
l’héritage du BOUDDHISME qu’il a découvert et le passionne. Il a d’ailleurs écrit
un ART du BONHEUR. Il parle d’EUDEMONIE, de l’ART d’apprendre à vivre.
Ce BONHEUR se confine à l’ATARAXIE, c’est-à-dire l’absence de souffrance, la
sérénité. Sur le plan de la RAISON, SCHOPENHAUER déconstruit l’IDEE de
CAUSALITE, comme le fait HUME. Selon celui-ci, toute explication causale fait
intervenir un raisonnement par INDUCTION et a valeur de CROYANCE.
KANT dit la même chose dans la troisième antinomie de la CRITIQUE de
la RAISON PURE : le principe de causalité fait remonter à un état antérieur : la
causalité est donc par définition une REGRESSION à l’INFINI. Toute
représentation repose sur du vent, elle est sans fondement (GRUNDLOS), un
souterrain renvoie à un autre souterrain, le tout reposant sur l’océan du
VOULOIR (SCHOPENHAUER). Toute explication scientifique est un bouchon
flottant sur cet OCEAN.
Le principe de RAISON s’enracine dans l’absence totale de RAISON. C’est
l’ABSURDE, le TRAGIQUE au CŒUR du MONDE. Ce n’est pas seulement un
raisonnement imparfait comme l’induction qui est visé comme chez HUME,
mais la RAISON elle-même et ce par KANT lui-même suivi par SCHOPENHAUER
puis par NIETZSCHE. On sait qu’à cette absence de CAUSE PREMIERE, LEIBNIZ
posera DIEU comme tel. Mais alors de deux choses l’une : ou DIEU est sans
cause, c’est l’IRRATIONNEL, ou DIEU est cause de soi (SPINOZA), ce qui est
absurde : cf le Baron de MÜNCHHAUSEN qui se tire par les cheveux pour sortir
du marais où il patauge avec son cheval.