Théorème de Gauss. Équations locales de l`électrostatique

Michel Fioc Électromagnétisme et électrocinétique (2P021) UPMC, 2016/2017
Chapitre II
Th´eor `eme de Gauss.
Formulation locale de
l´electrostatique
II.a. Angles solides
1. Rappel sur les angles plans
L’angle solide est une généralisation à l’espace de la notion d’angle plan. Revenons sur cette dernière
notion. Considérons un point O, une courbe plane orientée Cet un élément de longueur ¯
d`au voisinage
d’un point Mde la courbe. Utilisons les coordonnées cylindriques (ρ, φ) (~
uzest choisi perpendiculairement
au plan de la courbe) et introduisons le vecteur tangent ~
tet le vecteur normal ~
nà la courbe ; ~
test dans le sens
de Cet ~
nest choisi de telle sorte que (~
n,~
t,~
uz) est une base orthonormée directe. Le segment orienté ¯
d`est vu
depuis Osous un angle (plan) orienté dφet ¯
d`cos α=ρdφ, où α=(~
tb
,~
uφ)=(~
nb
,~
uρ). Comme ~
uρ·~
n=cos α,
dφ=¯
d`~
n·~
uρ
ρ(II.1)
(en radians). Considérons deux demi-droites D1et D2passant par Oet faisant des angles φ1et φ2(dans
[0,2π[) avec ~
ux. Quels que soient les points initial et final sur D1et D2, respectivement, et quelle que soit la
courbe Ccontinue reliant ces points, ZC
¯
d`~
n·~
uρ
ρ=φ2φ1+2kπ, (II.2)
k=k+ket k+(resp. k) est le nombre de tours complets de Cautour de Odans le sens trigonométrique
(resp. horaire).
En particulier, si la courbe est fermée et fait un unique tour complet autour de Odans le sens trigono-
métrique, elle est vue sous un angle RCdφ=2π. Si elle est fermée mais n’enlace pas O,RCdφ=0 (qui n’est
donc pas toujours l’angle sous lequel la courbe est vue).
2. Définition et propriétés des angles solides
Généralisons au cas d’une surface Sdans l’espace. En chaque point de cette surface, il existe deux vecteurs
unitaires normaux à la surface et opposés. Complétons Spar une surface S0de telle sorte que SS0soit
fermée et choissons en tout point MSle vecteur unitaire ~
ndirigé vers l’extérieur de SS0. Le choix de S0
étant arbitraire, la direction de ~
nl’est aussi mais cette procédure assure que le sens de ~
nest cohérent en tout
point. (Une autre façon de faire, équivalente, est de choisir ~
narbitrairement en un certain point MSparmi
les deux possibilités et de prendre ~
nen tout autre point M0Sde telle sorte que ~
n(M) et ~
n(M0) pointent du
même côté de la surface S.)
Un élément de surface ¯
dSde Sest vu depuis Osous un angle solide
¯
d=¯
dS~
n·~
ur
r2. (II.3)
Cette quantité est en stéradians (symbole « sr », unité sans dimension). L’angle solide sous lequel Sest vue
est
="S
¯
dΩ. (II.4)
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(Du moins, si aucune partie de Sne fait écran à une autre, vues depuis O.)
Considérons un demi-cône Kde sommet O(au sens mathématique, c.-à-d. l’ensemble des demi-droites
issues de Os’appuyant sur un contour fermé ; il ne s’agit pas forcément d’un demi-cône de révolution). Pour
toute surface Ss’appuyant sur Ket ayant la même orientation, a la même valeur.
Si ¯
dSest un élément de sphère de centre Oet de rayon rcompris dans [θ, θ +dθ[×[φ, φ +dφ[,
¯
dS=r2sin θdθdφ(II.5)
et ~
n=±~
ur, donc en choisissant ~
n=~
ur, on obtient
¯
d=sin θdθdφ. (II.6)
Une calotte sphérique d’axe (O,~
uz) et de demi-angle θest vue depuis Osous un angle solide
calotte(θ)=Zθ
θ0=0Z2π
φ=0
¯
d=2π(1 cos θ).(II.7)
Avec θ=π, on obtient le résultat pour la sphère entière1:
sphère =4π. (II.8)
De même pour toute surface fermée contenant Oet ne se coupant pas.
Pour une surface fermée ne contenant pas O,=0.
II.b. Forme intégrale du théorème de Gauss
1. Flux. Énoncé du théorème de Gauss
Le flux du champ électrostatique à travers une surface Sest
Φ="S
~
E·¯
d~
S,(II.9)
¯
d~
SB¯
dS~
n2. Le flux élémentaire du champ produit par une charge Qiplacée en Oà travers une surface
¯
dSà une distance rde Oest
¯
dΦi=Qi
4π ε0r2~
ur·¯
dS~
n=Qi
4π ε0¯
di,(II.10)
¯
diest l’angle solide sous lequel ¯
dSest vue depuis Qi. Le flux total du champ produit par Qià travers
Sest donc
Φi=Qi
4π ε0i.(II.11)
Pour une surface Sfermée, on a donc
Φi=
Qi0si Qiest à l’intérieur de S,
0 si Qiest à l’extérieur de S.(II.12)
Le flux à travers une surface fermée du champ électrique engendré par un ensemble de charges Q1, ...,
Qnest donc
Φtot =X
i
Φi=1
ε0X
i¦QiS
Qi.(II.13)
On obtient ainsi la forme intégrale du théorème de Gauss :
~
E·¯
d~
S=Qint
ε0, (II.14)
Qint est la charge à l’intérieur de la surface fermée S.
2. Application : distribution à symétrie sphérique
La forme intégrale du théorème de Gauss permet de calculer aisément et directement (sans passer par V)
le champ électrique si la distribution de charges est susamment symétrique.
Considérons une densité volumique de charge ρne dépendant que de la distance rà un point O. Une
telle distribution est à symétrie sphérique :
1. La sphère étant une surface fermée, on doit prendre ~
nvers l’extérieur, soit ~
n= +~
ur.
2. Attention, ¯
d~
Sn’est pas une variation infinitésimale d’un vecteur ~
S, mais une quantité vectorielle infinitésimale.
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Ielle est symétrique par rapport à tout plan contenant O, donc en n’importe quel point Mde coordonnées
sphériques (r, θ, φ), ~
E(M) appartient à tous les plans contenant Oet M. On a donc ~
E=Er(r, θ, φ)~
ur;
Iρest invariante par rotation autour de (O,~
uz), donc Erne dépend pas de φ;
Iρest invariante par rotation autour de (O,~
uφ), donc Erne dépend pas de θ.
On a donc ~
E=Er(r)~
ur.
Appliquons maintenant le théorème de Gauss à la sphère de centre Ocontenant M. On a ¯
d~
S=¯
dS~
ur,
donc ~
E·¯
d~
S=Er(r)~
ur·¯
dS~
ur=Er(r)¯
dS=Er(r) 4 πr2=Qint(r)
ε0,(II.15)
Qint(r) est la charge à l’intérieur de la sphère de Gauss, d’où
~
E=Qint(r)
4π ε0r2~
ur.(II.16)
On a retrouvé, dans le cas plus général d’une distribution de charges à symétrie sphérique, le résultat déjà
obtenu pour une sphère et une boule uniformément chargée.
II.c. Forme locale des équations de l’électrostatique
1. Forme locale du théorème de Gauss
Sans prétention de rigueur, esquissons d’abord une démonstration du théorème de Ostrogradski/Green.
Considérons d’abord un pavé droit infinitésimal [x,x+dx]×[y,y+dy]×[z,z+dz] et calculons le flux d’un
vecteur ~
fà travers la surface de celui-ci. On a
¯
dΦ~
f(x,y,z)·dydz(~
ux)+~
f(x+dx,y,z)·dydz(+~
ux)+~
f(x,y,z)·dxdz(~
uy)
+~
f(x,y+dy,z)·dxdz(+~
uy)+~
f(x,y,z)·dxdy(~
uz)+~
f(x,y,z+dz)·dxdy(+~
uz)
=(fx[x+dx,y,z]fx[x,y,z]) dydz+(fy[x,y+dy,z]fy[x,y,z]) dxdz
+(fz[x,y,z+dz]fz[x,y,z]) dxdy.(II.17)
Or fx(x+dx,y,z)fx(x,y,z)fx/∂xdxet de même pour fyet fzen y+dyet z+dz, donc
¯
dΦ fx
x+fy
y+fz
z!dxdydz=div ~
f¯
dτ, (II.18)
¯
dτ=dxdydzest le volume du pavé et
div ~
f=~
∇ · ~
f=fx
x+fy
y+fz
z(II.19)
est la divergence de ~
f.
Pour une surface Sfermée divisée en pavés infinitésimaux, le flux à travers Sest égal à la somme des
flux à travers chacun des pavés, car les flux à travers les surfaces des pavés tournées vers l’intérieur de Sse
compensent (prendre deux pavés contigus). Pour toute fonction vectorielle ~
f, on a donc
S
~
f·¯
d~
S=$V
div ~
f¯
dτ(théorème d’Ostrogradski/Green), (II.20)
Vest le volume délimité par S.
Appliquons ceci au théorème de Gauss. On a
S
~
E·¯
d~
S=$V
div ~
E¯
dτ=Qint
ε0
=$V
ρ
ε0¯
dτ. (II.21)
Ceci étant vrai pour toute surface fermée, on en déduit la forme locale du théorème de Gauss :
div ~
E=ρ
ε0. (II.22)
“Fonction” δ(hors programme)
Bien que formulée en terme de densité volumique de charge, l’expression (II.22) s’applique aussi à une
distribution discrète de charges Q1, ..., Qn. Notons ~
r1, ..., ~
rnles vecteurs positions de celles-ci. L’expression
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de ρ(~
r) est alors
ρ(~
r)=X
i
Qiδ(3)(~
r~
ri),(II.23)
δ(3)(~
r~
ri)Bδ(xxi)δ(yyi)δ(zzi) (II.24)
et δest la “fonction” de Dirac (on dit parfois aussi un « pic de Dirac », voire un « Dirac » tout court). Celle-ci
possède les propriétés suivantes :
Iδ(0) “=;
Iδ(x) “=” 0 si x,0 ;
IR
x=−∞ δ(x) dx=1.
On a donc bien
Iρ(~
r)=0 si, pour tout i,~
r,~
ri;
Iρ(~
ri)=sgn(Qi)× ;
I#fQiδ(3)(~
r~
ri)¯
dτ=Qi.
La notation « δ(x)=. . . » utilisée dans les deux premières “propriétés” est abusive car δn’est en fait pas une
fonction (la valeur δ(x) n’est pas définie), mais une distribution, c.-à-d. un objet mathématique généralisant
la notion de fonction. Plus précisément, δest l’objet tel que, pour toute fonction ϕde Rdans Rindéfiniment
dérivable et nulle hors d’un intervalle borné de R,
Z
x=−∞
ϕ(x)δ(x) dx=ϕ(0).(II.25)
Or, pour toute suite de réels (αj) tendant vers 0 quand j→ ∞ et pour toute suite de fonctions (fj) de Rdans
R+, nulles hors de [αj, αj] et telles que R
x=−∞ fj(x) dx=Rαj
x=αjfj(x) dx=1 (donc de plus en plus piquées vers
0), on a
lim
j→∞ Z
x=−∞
ϕ(x)fj(x) dx=lim
j→∞ Zαj
x=αj
ϕ(x)fj(x) dx=φ(0).(II.26)
Bien que limj0fjne soit pas définie, au sens de la convergence ponctuelle de fonctions, puisque limj0fj(0) =
, les expressions (II.25) et (II.26) permettent de considérer δcomme la limite de la suite de fonctions (fj) au
sens des distributions.
2. Rotationnel de ~
E. Théorème de Helmholtz
Remarquer que la forme locale ne sut pas pour déterminer ~
Eà partir de ρ, car on peut rajouter à ~
E
n’importe quelle fonction ~
fde divergence nulle (par exemple ~
f=x~
uxy~
uy) et obtenir une autre solution
de (II.22). Des considérations de symétrie peuvent permettre de préciser ~
E(cf. § II.b.2), mais, dans le cas
général, il faut compléter la forme locale du théorème de Gauss par d’autres contraintes.
Une première contrainte est fournie par l’équation (I.25) du chapitre I. Sur tout chemin fermé C, on a
HC~
E·d~
r=0. Or, pour toute fonction vectorielle ~
f,
IC
~
f·d~
r="S
rot ~
f·¯
d~
S(théorème de Stokes), (II.27)
Sest une surface quelconque s’appuyant sur C. Le vecteur ¯
d~
Sest orienté de manière cohérente avec
l’orientation de C. On utilise pour cela la règle suivante.
Règle de la main droite :si l’index est placé tangentiellement à la courbe et qu’il pointe dans le sens adopté
pour celle-ci, avec la paume vers l’intérieur de la courbe, alors la surface est orientée dans le sens
indiqué par le pouce.
Le vecteur
rot ~
f
curl~
f» en anglais) est le rotationnel de ~
f:
rot ~
f=~
∇ × ~
f=
fz
y
fy
z
~
ux+ fx
z
fz
x!~
uy+
fy
x
fx
y
~
uz. (II.28)
Appliquons le théorème de Stokes à ~
E. Pour toute courbe fermée,
"S
rot ~
E·¯
d~
S=IC
~
E·d~
r=0,(II.29)
donc, en tout point,
rot ~
E=~
0. (II.30)
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(Cette relation n’est pas vraie hors du cadre de l’électrostatique.)
Les équations (II.22) et (II.30) ne susent toujours pas à déterminer le champ électrostatique de manière
unique, car si ~
Eles satisfait, alors ~
E+~
cte (par exemple) aussi. La dernière contrainte porte sur le comportement
asymptotique du champ : ~
Edoit tendre vers ~
0 à l’infini.
Théorème de Helmholtz
Si ρtend vers 0 plus vite que 1/r2(donc en particulier si la distribution de charges est spatialement bornée),
il existe une et une seule solution telle que
Idiv ~
E=ρ/ε0;
I
rot ~
E=~
0 ;
Ilimr→∞ ~
E=~
0.
Cette solution est donnée par ~
E=
grad V, où
V(M)=1
4π ε0$P
ρ(P)
PM ¯
dτ. (II.31)
On peut se demander quel est l’intérêt de remplacer la loi de Coulomb par un formulation locale constituée
de trois lois (~
F=q~
E, div ~
E=ρ/ε0,
rot ~
E=~
0) et une condition sur ~
Eà l’infini. En électrostatique, il est faible. En
revanche, la formulation locale s’adapte aisément au cas de charges mobiles (il s’agit alors d’électrodynamique),
contrairement à la loi de Coulomb (qui n’est vraie que pour des charges statiques, rappelons-le). Par ailleurs,
une formulation locale est naturelle pour décrire la propagation de proche en proche, par l’intermédiaire d’un
champ, de l’interaction électromagnétique.
3. Équations de Poisson et de Laplace
Pour toute fonction scalaire f, div(
grad f)=~
∇ · ~
f=~
2f= f, où
f=2f
x2+2f
y2+2f
z2(II.32)
est le laplacien scalaire. De div ~
E=ρ/ε0et ~
E=
grad V, on déduit l’équation de Poisson :
V=ρ
ε0. (II.33)
Dans une zone vide de charges, l’équation de Poisson se réduit à l’équation de Laplace :
V=0. (II.34)
Cette équation apparaît dans diérentes branches de la physique. Ses solutions obéissent au théorème de
l’extrémum :Vn’admet pas d’extrémum dans toute zone où V=0. Un maximum ou un minimum de V
ne peut donc être atteint qu’à la surface d’un volume vide de charges.
Une conséquence de ce théorème est le théorème d’unicité suivant : le potentiel Vest déterminé de manière
unique par la distribution des charges dans un volume Vet par la valeur de Vou celle de
grad V·~
n3en
tout point Pde la surface Sdélimitant ce volume, ~
nétant un vecteur normal à la surface en P.Donc, si on
trouve, par n’importe quel moyen, une solution de l’équation V=ρ/ε0dans Vsatisfaisant les conditions
sur Và la surface de V, cette solution est la bonne.
II.d. Énergie électrostatique
Calculons à nouveau l’énergie potentielle électrostatique interne d’une distribution Dde charges. On a
Eint
p(D)=1
2$PV
ρ(P)V(P)¯
dτ=ε0
2$V
(div ~
E)V¯
dτ, (II.35)
Vest le volume contenant D,ρest la densité volumique de charge propre à D, et Vet ~
Esont le potentiel
et le champ produits par D. Or, pour toute fonction vectorielle ~
fet toute fonction scalaire g, on a
(div ~
f)g=div(~
f g)~
f·
grad g.(II.36)
3. Une contrainte sur Ven certains points de Set sur
grad V·~
nen les autres points de Ssut à fixer Vdans V. Néanmoins, V
n’est déterminé qu’à une constante additive près si Vn’est connu en aucun point de S. Remarquer par ailleurs que, au signe près,
grad V·~
nest la composante du champ électrique normale à la surface.
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