Juillet 2010, volume 18, n ° 2 Aspects psychosociaux de la réadaptation cardiaque Publication officielle de D’insuffisance Cardiaque Association canadienne de réadaptation cardiaque Autosoins en matière d’insuffisance cardiaque Krista Dewart, infirmière autorisée, gestionnaire clinique de l’insuffisance cardiaque, Alberta Cardiac Access Collaborative, Edmonton (Alb.) es lignes directrices du consensus de la Société précoces de détérioration » [traduction]2 et ils jouent canadienne de cardiologie définissent l’insuffisance un rôle intégral dans le traitement efficace de l’IC. cardiaque (IC) comme « un syndrome complexe Le contrôle de symptômes, la capacité fonctionnelle, caractérisé par une anomalie de la fonction cardiaque, la QV, les admissions aux hôpitaux, le pronostic et la qui se traduit par des symptômes cliniques et des signes réduction de la mortalité sont tous liés, dans différentes de débit cardiaque affaibli ou de congestion pulmonaire mesures, aux comportements en matière d’autosoins ou systémique, ou en augmente les risques d’apparition de l’IC.2,3 Les patients, les familles et les fournisseurs ultérieure ».1 L’IC est un état chronique et progressif qui de soins sont responsables des efforts intensifs que ces est associé à un taux élevé de morbidité et de mortalité activités exigent et il est impossible pour les patients et qui est aussi souvent associé à une qualité de vie qui demeurent seuls de les éviter.3 Notre rôle à titre de (QV) faible. Cependant, les personnes qui vivent avec fournisseurs de soins de santé (FSS) est essentiel pour une IC ont une occasion remarquable d’influer de façon veiller à ce que les patients atteints d’IC et leur famille positive sur tous les éléments susmentionnés au moyen reçoivent les connaissances et le soutien dont ils ont de comportements en matière d’autosoins. besoin pour réussir.2 Les autosoins sont « les mesures visant le maintien de la stabilité physique, l’évitement de comportements “Notre rôle à titre de fournisseurs de soins de santé (FSS) est essentiel qui peuvent aggraver l’état et la détection des symptômes pour veiller à ce que les patients atteints d’IC et leur famille reçoivent les connaissances et le soutien dont ils ont besoin pour réussir.” 2 L Sommaire CICRP CICRP Bulletin Articles de fond: Autosoins en matiere d’insuffisance cardiaque...............1 (À surivre, page 3) Exercice physique chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque : résultats cliniques..................6 Mot du rédacteur en chef: Lea Carlyle ..........................................................................2 Recherches en cours Utilisation d’Internet pour prendre «virtuellement » en charge les patients souffrant d’insuffisance cardiaque............................................................................10 Références et critiques............................................12 Critiques des sites Web...........................................14 Une étude de cas: Entraînement physique chez les patients avant une greffe – une étude de cas.................................................15 Program Profile Startel : Télésoins à domicile – Une stratégie pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque....................17 Nouvelles: Mot du bureau...................................................................18 Il est utile de connaître plusieurs éléments essentiels avant d’entamer un programme de promotion des autosoins pour le patient atteint d’IC. Avant tout, il est essentiel de comprendre les facteurs associés à la décompensation qui peuvent mener à une exacerbation de l’IC. En général, les facteurs précipitants de la décompensation de l’IC comprennent le non respect du régime alimentaire ou du régime de médicaments, le mauvais emploi des médicaments, les infections (particulièrement les infections pulmonaires) et l’arythmie ou l’ischémie.4 L’une des raisons les plus fréquentes de l’admission des patients à l’hôpital est l’excès alimentaire (p. ex. consommation excessive de sodium).6 En raison du bloc de temps restreint dont disposent de nombreux FSS pour voir leurs patients et du fait que les « déclencheurs » particuliers du patient pour les exacerbations de l’IC varient et changent avec le temps, il faut souvent cibler de façon sélective les interventions de comportements en matière d’autosoins À surivre, page 3 Sodium Dans le labyrinthe des dangers liés au style de vie que le patient atteint d’IC parcourt quotidiennement, le sodium constitue sans doute le plus grand danger. Il s’ensuit que le diététiste joue un rôle déterminant dans les soins spécialisés en IC. Toutes les lignes directrices examinées1-3 recommandent que les patients symptomatiques atteints d’IC limitent leur apport en sodium. Cependant, les valeurs et la terminologie ne sont pas toujours les mêmes (sodium, sel, chlorure de sodium, sel de mer), ce qui donne de la difficulté aux personnes qui cherchent à conseiller le patient ainsi qu’aux patients proprement dits.3 Les plus récentes recommandations proposent de garder l’apport de sodium inférieur à moins de 2,3 g par jour3,5. Une limite encore plus stricte de 1 à 2 g par jour est proposée pour les patients instables ou les patients ayant une surcharge liquidienne.1 Toutes les lignes directrices s’entendent sur le fait que les consignes de consommation de sodium devraient être adaptées à l’état du patient et à la gravité des symptômes. Puisque la majorité de la population consomme, en moyenne, plus de 4 g de sodium par jour,5 on peut affirmer que c’est un domaine sur lequel nous devons déployer des efforts concertés auprès de la population atteinte d’IC. L’une des idées fausses la plus répandue concernant l’apport en sodium, c’est de penser ACRC ACRC ACR en cherchant à retirer le maximum d’avantages pour l’argent en ce qui concerne la stabilité de l’état. qu’il soit suffisant de ranger la salière pour se plier aux restrictions de sodium. En réalité, même s’il s’agit tout de même d’une première étape utile, la majorité du sodium que nous consommons (77 %) provient de sources « cachées », comme les aliments transformés et prêts à servir ou les repas dans les restaurants.5 Les patients atteints d’IC signalent qu’ils ont de la difficulté à suivre un régime comportant des limites de consommation de sodium3 pour les raisons suivantes : ils ne sont pas conscients des lignes directrices ou ne comprennent pas pourquoi les limites de consommation de sodium ont été imposées; ils ne font pas le lien entre la consommation de sodium et leurs symptômes; ils jugent que les renseignements alimentaires sont moins importants que les autres enseignements sur l’IC; ils n’ont pas reçu suffisamment d’enseignement; ils ont de la difficulté à lire les étiquettes; la pression sociale ou l’absence de soutien de la part de la famille; la multitude de régimes alimentaires entourant les états comorbides; et le manque de goût des aliments.6 Les interventions appuyant la diminution de la consommation de sodium chez le patient atteint d’IC peuvent être structurées de sorte à éviter les obstacles susmentionnés et elles commencent par une évaluation des besoins d’apprentissage de chaque patient. La clé du respect d’un régime, c’est d’expliquer au patient le lien entre l’excès de sodium et la surcharge liquidienne et les symptômes comme la dyspnée ou l’œdème et aussi d’offrir un enseignement Aspects psychosociaux de la réadaptation cardiaque 3 ACRC ACRC AC structuré lors de chaque contact avec le patient.3 Pour aider le patient à naviguer avec une plus grande confiance parmi les nombreux choix qui s’offrent à lui, il faut lui enseigner des aptitudes particulières (y compris dans le cadre de séances de pratique) et mettre l’accent sur les sources cachées de sodium, en lui enseignant à bien lire les étiquettes, à choisir les bons aliments à l’épicerie et à faire de bons choix dans les restaurants.6 La teneur en sodium des aliments usuels doit être communiquée.2 Il est essentiel de susciter l’intérêt du « cuisinier » du ménage, d’obtenir le soutien de la famille3 et de fournir des références pour les recettes, les livres de recettes et les substituts d’épices.6 Les patients stables peuvent commencer en achetant des versions « faibles en sodium » de leurs aliments habituels à sodium élevé pour permettre un ajustement graduel de la palatabilité.3 De nombreux patients signalent qu’une fois qu’ils s’habituent à une teneur faible en sodium, ils trouvent que leur ancien régime était « bien trop salé ». Cela constitue un facteur motivant et encourageant pour les patients qui commencent ou qui éprouvent des difficultés. Si le patient tente de suivre une multitude de restrictions alimentaires en raison d’un état comorbide comme le diabète, une consultation alimentaire pourrait être nécessaire pour aider le patient aux prises avec un régime alimentaire plus complexe.6 Équilibre des fluides Toutes les lignes directrices examinées recommandent une restriction liquidienne de 1,5 à 2 litres par jour pour les patients dont les symptômes d’insuffisance cardiaque congestive ne sont pas stables malgré la diminution de sodium et l’utilisation d’un diurétique.1-3 Un plus grand apport en liquides est acceptable pour les patients sans rétention hydrique symptomatique, mais un apport excessif de liquides est à éviter pour tous les patients atteints d’IC.2 Comme c’est le cas pour l’apport en sodium, beaucoup de patients pourraient ne pas faire le lien entre l’apport de liquides et les symptômes ou ne pas juger que les connaissances sur les restrictions liquidiennes sont importantes pour les autosoins.3 Les pesées matinales quotidiennes sont essentielles pour contrôler l’équilibre des fluides, et il faut en souligner l’importance à chaque rencontre avec le patient.1 La participation à un régime de médicaments fondés sur des faits réduit le taux de morbidité et de mortalité et améliore la QV des patients atteints d’IC.2 Cette population a souvent de la difficulté à participer à un tel régime en partie en raison du coût, d’une dépression, des attitudes entourant la prise de médicaments (p. ex. le fait de prendre trop de médicaments ou le patient n’est pas convaincu que les médicaments fonctionneront), de la faible mise en application des renseignements, de renseignements conflictuels, des effets secondaires ou de la peur d’éventuels effets secondaires.3 Dans de nombreux cas, le dysfonctionnement cognitif joue un rôle dans la capacité de gérer un régime complexe.2 Pour réussir, les patients ont besoin de connaissances adéquates sur les effets thérapeutiques, les effets secondaires, la posologie et les plans de titrage ainsi que d’un soutien de la famille et des FSS.2 La simplification du régime, y compris la prise de médicaments une fois par jour seulement, lorsque possible, et le conditionnement sous emballage coque de médicaments par la pharmacie sont souvent utiles.1 Il est important de conseiller aux patients d’utiliser une seule pharmacie pour qu’ils puissent s’éviter des complications potentielles. Afin de prévenir l’interruption des médicaments par le patient, celui ci doit également savoir que les effets bénéfiques de bon nombre de médicaments ne sont pas tous immédiats et que les effets secondaires sont souvent temporaires.2 Les patients connaissent souvent des difficultés avec des médicaments qui ne font pas partie de leur régime d’IC. Beaucoup de ces médicaments peuvent par ailleurs avoir des effets négatifs sur l’IC. Les médicaments contre indiqués pour l’IC comprennent les suppléments à base d’herbes, le coenzyme Q10 et le traitement par chélation.1 Parmi les médicaments qui doivent être pris avec prudence, du moins en partie en raison du potentiel de rétention hydrique et de la preuve de l’augmentation des hospitalisations, il importe de mentionner les AINS, les inhibiteurs de la COX2 et les thiazolidinediones (glitazones).1 L’emploi de médicaments à base d’herbes, de médecine douce et de médicaments en vente libre est courant pour ce groupe de patients3 comme le sont les médicaments multiples employés pour les états comorbides. Puisqu’il se peut qu’un patient n’informe pas le FSS des médicaments qui ne font pas partie du régime d’IC (p. ex. Médicaments 4 Aspects psychosociaux de la réadaptation cardiaque “La reconnaissance précoce des symptômes est d’une importance majeure pour les autosoins en raison de la nécessité d’intervention pour éviter les hospitalisations pour cause d’IC et du fait que les patients atteints d’IC retardent fréquemment, voire pendant de nombreux jours, la demande de traitement pour une décompensation de l’état.” 3 Reconnaissance des symptômes ACRC ACRC ACR médicaments en vente libre), le FSS doit absolument se renseigner sur tous les autres médicaments que prend le patient et lui fournir des renseignements sur les interactions néfastes potentielles qu’il ne connaîtrait pas.3 l’importance d’avertir rapidement leur FSS si ce niveau change. Pour la plupart des patients atteints d’IC, il est également crucial de faire participer la famille et les fournisseurs de soins à la vigilance des symptômes, à la reconnaissance précoce, à la prise de décision et à l’établissement d’un plan d’action.3 Voici des recommandations supplémentaires sur les états comorbides et les facteurs de risque soutenues par les lignes directrices sur l’IC examinées : l’immunisation contre la grippe et la pneumonie pneumococcique;1-3 le renoncement au tabac;1-3 la faible consommation d’alcool (moins de 2 oz par jour) et l’abstinence pour les personnes souffrant de myocardiopathie éthylique;2,3 l’évitement de l’obésité et de la malnutrition;2,3 la demande de renseignements sur la dépression et le traitement de celle ci;2,3 la surveillance et le traitement agressif des états comorbides comme le diabète et l’hypertension artérielle;3,4 et la pratique modérée et régulière d’exercices après l’épreuve d’effort évaluative pour les patients atteints d’IC dont les symptômes sont stables.1-3 Avec autant de renseignements sur les autosoins en matière d’IC; vous pourriez vous demander « par où dois je commencer? ». Dans mon expérience dans une clinique externe d’IC, les patients bénéficient de petites quantités de renseignements liés à leur état en particulier et au profil des symptômes. Pour apporter le maximum d’avantages, il faut passer du temps structuré et personnalisé avec le patient à chaque contact clinique sur des sujets qui sont associés directement aux symptômes ou au niveau de fonctionnement du patient (p. ex. limiter la consommation de sodium après une prise de poids attribuable aux fluides). La participation, lorsqu’elle est possible, d’un membre de la famille ou d’un fournisseur de soins est étayée par les faits4 et essentielle à la réussite des efforts d’autosoins du patient. Il est extrêmement utile de fournir des renseignements écrits confirmant ce qui a été communiqué pendant la rencontre afin de renforcer le message. Enfin, le mot d’ordre des soins d’IC est « répéter, répéter, répéter » puisqu’on ne sait jamais quand le message (p. ex. renoncement au tabac) sera assimilé ou intégré au mode de vie d’un patient. La reconnaissance précoce des symptômes est d’une importance majeure pour les autosoins en raison de la nécessité d’intervention pour éviter les hospitalisations pour cause d’IC et du fait que les patients atteints d’IC retardent fréquemment, voire pendant de nombreux jours, la demande de traitement pour une décompensation de l’état.3 Les symptômes d’une IC qui se détériore peuvent être subtiles et variables,2 le patient peut donc avoir de la difficulté à les reconnaître ou à les interpréter. Les patients âgés ou les patients ayant des problèmes cognitifs peuvent éprouver encore davantage de difficultés à cet égard.3 Les patients et les fournisseurs de soins doivent comprendre la cause de l’IC et les raisons pour lesquelles les symptômes se présentent; ils doivent obtenir des renseignements personnalisés sur les signes à repérer et les mesures à prendre lors de l’apparition des symptômes.2 L’un des éléments essentiels de la vigilance des symptômes en matière d’autosoins est la pesée quotidienne. Une prise de poids de plus de 2 kg sur trois jours signifie habituellement une rétention hydrique et nécessite un appel à l’équipe de soins de santé.2 Une perte de poids rapide peut être un signe d’une déplétion plasmatique associée au diurétique, un état qui nécessite également une intervention.2 D’autres symptômes à surveiller comprennent les niveaux de dyspnée, l’œdème, la douleur thoracique, les palpitations, les étourdissements, la fatigue et la faiblesse, particulièrement si ceux ci sont nouveaux ou si leur intensité a augmenté depuis l’état de base du patient. Puisque la décompensation de l’IC Références peut se produire sans rétention hydrique,2 il est 1. ARNOLD, M., et coll. « Recommandations de la Conférence consensuelle de la Société canadienne de cardiologie 2006 essentiel que les patients soient conscients de sur l’insuffisance cardiaque : Diagnostic et prise en charge leur niveau de fonctionnement habituel et de », Journal canadien de cardiologie, vol. 22 (2006), p. 23 45. Aspects psychosociaux de la réadaptation cardiaque 5 ACRC ACRC AC 2. DICKENSTEIN, K., et coll. « European Society of Cardiology guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure », European Heart Journal, vol. 29 (2008), p. 2388 2442. 3. RIEGEL, B., et coll. « State of the science. Promoting self care in persons with heart failure. A scientific statement from the American Heart Association », Circulation, vol. 120 (2009), p. 1141 1163. 4. ARNOLD, M., et coll. « Mise à jour des recommandations issues de la Conférence de 2007 de la Société canadienne de 6 cardiologie pour un consensus sur l’insuffisance cardiaque : Prévention, prise en charge lors de maladie intercurrente ou de décompensation aiguë et utilisation de biomarqueurs », Journal canadien de cardiologie, vol. 3, no 1 (2007) p. 21 45. 5. LES DIÉTÉTISTES DU CANADA. « Lower salt to slow rise in blood pressure », Current Issues, mai 2008. 6. BENTLEY, B. et D. MOSER. « Dietary sodium in heart failure: What to tell your patients », Progress in Cardiovascular Nursing, 2007, p. 41 42. Aspects psychosociaux de la réadaptation cardiaque