Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) L’économie générale de la participation aux acquêts, limite à la liberté conventionnelle le 20 avril 2009 CIVIL | Famille - Personne | Mariage - Divorce - Couple Est illicite l’acquisition par un époux des parts sociales de sa femme, dès lors que cette convention avait pour objet et pour effet de priver l’épouse de sa créance éventuelle de participation, altérant ainsi l’économie générale du régime de participation aux acquêts. Civ. 1re, 8 avril 2009, FS-P+B+I, n° 07-15.945 La participation aux acquêts véhicule, à coup sûr, une image de complexité technique. Celle-ci explique sans doute le modeste engouement suscité par ce régime matrimonial (V. Malaurie et Aynés, Les régimes matrimoniaux, Defrénois, 2007, nos 850 s.). En théorie, il présente pourtant un double intérêt qui ne manque cependant pas de soulever un vif débat (V. B. Vareille, obs. ss. Civ. 1 re , 18 juill. 1995, RTD civ. 1997. 212 ). Durant le mariage, les époux bénéficient d’une autonomie, pour la gestion de leurs patrimoines personnels, qui constitue une véritable séparation de biens (Rép. civ. Dalloz, v° Participation aux acquêts, par A. Colomer, nos 43 s.). Lors de la dissolution du mariage, en revanche, chacun des époux participe aux acquêts réalisés par l’autre. Il bénéficie ainsi d’une créance sur le patrimoine de son conjoint. Pour autant, la liquidation de ce régime engendre d’importantes difficultés. À ce titre, la décision rendue par la première chambre civile le 8 avril 2009 revêt un intérêt certain. Destiné à une large publicité (P+B+I), l’arrêt se penche sur l’étendue de la liberté conventionnelle des époux ayant opté pour ce régime matrimonial. Par cette cassation pour violation de l’article 265-2 du code civil et de l’article 1396, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, la première chambre civile met l’accent sur l’essence de la participation aux acquêts : la vocation aux acquêts. La précision est bienvenue car ce régime matrimonial ne fait pas l’objet d’une jurisprudence nourrie (V. B. Vareille, obs. ss. Civ. 1re, 28 févr. 2006, RTD civ. 2006. 364 ). En l’espèce, un époux avait acquis des parts sociales détenues par sa femme. Il semble qu’une clause prévoyait un report des effets de la cession à une date postérieure au divorce. En appel, un arrêt infirmatif déclare la cession valable conformément à l’article 1589 du code civil. Il précise, en outre, que cette convention ne revêtait pas un caractère liquidatif, mais qu’il s’agissait plutôt d’une renonciation du cédant à sa créance de participation. Pour ce faire, les conseillers d’appel se fondent sur l’esprit séparatiste prévalant dans ce régime jusqu’à la dissolution du mariage. La cassation prononcée paraît pour le moins cinglante. Dans un attendu de principe dénué de toute ambiguïté, la Cour de cassation précise que cette cession de parts sociales par l’épouse avait pour objet et pour effet de la priver de sa créance éventuelle de participation sur des acquêts réalisés par son époux. Elle ne pouvait dès lors s’analyser que comme une convention relative à la liquidation du régime matrimonial. Une telle clause était illicite puisqu’elle altérait l’économie du régime de participation aux acquêts. La liberté conventionnelle des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts n’est donc pas illimitée. Le respect de l’économie générale du régime s’impose avec acuité. Une telle affirmation n’a a priori rien de surprenant. La participation aux acquêts semble cependant guidée en principe par une grande liberté conventionnelle. L’article 1581 du code civil dispose qu’« en stipulant la participation aux acquêts les époux peuvent adopter toutes clauses non contraires aux articles 1387, 1388 et 1389 du code civil ». En l’espèce, il ne s’agissait nullement d’une telle clause insérée « en stipulant la participation aux acquêts », mais d’une convention postérieure. Cette convention, privant l’épouse de sa créance éventuelle de participation aux acquêts, ne pouvait donc, selon la Cour de cassation, s’analyser que comme une convention relative à la liquidation du régime matrimonial. Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 a élargi les possibilités d’aménagement conventionnel de la liquidation et du partage du régime matrimonial. Pour autant, la liberté conventionnelle ne doit pas porter atteinte à l’économie générale du régime matrimonial qui repose assurément sur l’espérance de l’époux dans la vocation aux acquêts, c’est-à-dire « la sauvegarde du droit futur de chacun des époux de participer à l’enrichissement éventuel de son conjoint » (C. Farge, in Droit patrimonial de la famille, ss. la dir. de M. Grimaldi, Dalloz Action, 2008/2009, n° 171.101). Cette idée gouverne déjà les articles 1569 et suivants du code civil qui érigent des limites face au principe de l’indépendance de gestion (Ibid, nos 171.101 s.). Dans la présente affaire, la convention litigieuse permettait « d’appauvrir » l’époux et de diminuer ainsi la vocation aux acquêts de sa femme. Le montage était habile, mais n’a pas échappé à la vigilance de la Cour de cassation qui, contrairement aux juges du fond, ne fait pas triompher la liberté contractuelle et le caractère parfait de la vente. Ceci démontre que la participation aux acquêts ne saurait être assimilée à une simple séparation de biens (Comp. dans le même sens : A. Colomer, op. cit., n° 58). En déclarant illicite cette convention, la première chambre civile préserve un ordre public matrimonial de dimension patrimoniale (sur lequel, V. F. Niboyet, L’ordre public matrimonial, LGDJ, nos 325 s.). L’arrêt peut, d’une certaine manière, être rapproché du régime des aliénations frauduleuses prévu à l’article 1573 du code civil. L’originalité provenait ici du fait que le mari n’était pas le vendeur mais l’acquéreur. Ceci n’empêchait pas pour autant une certaine forme de déloyauté. Site de la Cour de cassation par V. Egea Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017