Demande nouvelle en appel : le double paiement

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Demande nouvelle en appel : le double paiement d’une
rente d’invalidité
le 5 février 2013
CIVIL | Contrat et obligations | Procédure civile
En sa rédaction issue du décret no 2009-1524 du 9 décembre 2009, l’article 564 du code de
procédure civile ne confère au juge que la simple faculté de relever d’office la fin de non-recevoir
tirée de la nouveauté d’une demande en appel, qui n’est pas d’ordre public.
Civ. 2e, 10 janv. 2013, FS-P+B, n° 12-11.667
Dans cette décision du 10 janvier 2013, la deuxième chambre civile répond à une intéressante
question de procédure civile, laquelle permet ensuite de connaître plus précisément du contenu de
la demande en appel. En effet, de manière très nette, la Cour affirme que « l’article 564 du code de
procédure civile, en sa rédaction issue du décret no 2009-1524 du 9 décembre 2009, ne confère au
juge que la simple faculté de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté d’une
demande en appel qui n’est pas d’ordre public ».
Ainsi, l’irrecevabilité tirée de la nouveauté d’une demande en appel n’est pas d’ordre public, et le
juge dispose à cet égard d’une simple faculté pour la relever ; il n’y est nullement obligé. En
l’espèce, la victime d’un accident en 2002 n’avait été indemnisée que très tardivement, en 2008.
Aussi avait-elle assigné la compagnie d’assurance en indemnisation du préjudice subi du fait de
cette réparation très tardive. Mais l’appel interjeté n’avait porté que sur le montant de
l’indemnisation obtenue et l’on pouvait effectivement considérer comme nouvelle la demande
tendant à ce que la victime soit indemnisée pour la période allant de 2004 à 2007, ce qu’avait
admis la cour d’appel.
Or l’article 564 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction issue du décret no
2009-1525 du 9 décembre 2009 dispose qu’« à peine d’irrecevabilité d’office, les parties ne
peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire
écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de
la survenance ou de la révélation d’un fait ». Mais les juges d’appel n’avaient pas relevé d’office
l’irrecevabilité et la demande avait pu être examinée.
Cette décision de la Cour de cassation n’est pas surprenante. Bien sûr, l’ajout, par le décret de
2009, de l’expression « à peine d’irrecevabilité d’office », avait pu susciter quelques doutes. Mais la
jurisprudence antérieure était constante à considérer que cette irrecevabilité n’était pas d’ordre
public. Ainsi, à plusieurs reprises, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que ladite
irrecevabilité, par application de l’article 125 du code de procédure civile, n’avait pas à être relevée
d’office par le juge (V., parmi d’autres, Civ. 2e, 5 avr. 1993, no 91-19.545, Bull. civ. II, no 141 ; V.
déjà Civ. 3e, 11 juin 1987, no 86-10.659, Bull. civ. II, no 71), « si bien que les juges d’appel ne
pouvaient se refuser à statuer sur une prétention nouvelle dès lors que la partie adverse ne
soulevait pas l’exception » (V. Rép. civ., vo Appel, par Ferrand, no 965). De plus, face au doute
instillé par le décret de 2009, la doctrine semblait considérer qu’il convenait mieux de s’en tenir à
la jurisprudence antérieure, estimant qu’« il est souhaitable d’en faire l’interprétation la plus
favorable aux plaideurs et de considérer que le juge a une simple faculté de relever d’office
l’irrecevabilité tirée de la nouveauté de la prétention en appel » (ibid.). À la suite de quelques
indices que l’on peut déceler dans la jurisprudence postérieure au décret (V., par ex., Civ. 3e, 22
nov. 2011, no 10-28.206, Dalloz jurisprudence), la Cour de cassation prend donc le parti très net,
dans cette décision, de considérer que l’irrecevabilité n’était pas d’ordre public.
La cause n’était pas pour autant entendue pour le défendeur au pourvoi. Certes, la cour d’appel
pouvait se prononcer sur sa demande mais encore fallait-il que celle-ci soit fondée, ce qui est loin
d’être évident. En effet, au visa de l’article 1134 du code civil, la Cour de cassation censure le
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raisonnement de la cour d’appel.
Celle-ci avait condamné la compagnie à payer à la victime une rente-invalidité mensuelle
correspondant à une période démarrant dès la reconnaissance du taux d’invalidité et s’achevant à
la fin du mois de mars 2007. Mais, en 2008, la victime avait déjà reçu un chèque d’un montant
substantiel, qui ne pouvait couvrir que la seule période postérieure au mois de mars 2007. Il
comprenait également le service de la rente due au titre de la période antérieure, celle précisément
pour laquelle elle avait condamné la compagnie à payer. Ainsi y avait-il eu double paiement avec la
condamnation intervenue et, sur ce point, la décision encourrait la censure.
par Thibault de Ravel d'Esclapon
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