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Cette étude cherche à mieux comprendre la façon dont les organismes de mesure de la
performance socio-environnementale ont cherché à légitimer leur nouvelle pratique au sein de
leur champ d’appartenance en émergence
. Ce faisant, nous nous focaliserons notamment sur
les stratégies mises de l’avant par ces organismes pour légitimer leur revendication
d’expertise en la matière. Toutefois, l’étude ne se limite pas aux articulations stratégiques
mises en place par les organismes – mais elle couvre également leur mise en œuvre et leurs
effets au sein du champ, notamment sur les entreprises scrutées et les parties prenantes. Pour
mener à bien l’investigation, l’on a choisi de s’appuyer sur certains éléments de la théorie de
l’acteur-réseau, appelée également sociologie de la traduction (Callon, 1986 ; Callon et al.,
1986 ; Latour, 1987, 1988 ; Latour et Woolgar, 1986). Cette lentille théorique a été souvent
utilisée par les chercheurs en comptabilité (e.g., Ahrens et Chapman, 2007 ; Bloomfield,
1991 ; Bloomfield et Best, 1992 ; Chua, 1995 ; Gendron et Baker, 2005 ; Justesen et
Mouritsen, 2011 ; Lounsbury, 2008 ; Lowe, 1997, 2000, 2001b, 2004 ; Mouritsen, 1999 ;
Preston et al., 1992 ; Robson, 1991, 1992, 1994 ; Whittle et Mueller, 2010). À titre
d’exemple, la sociologie de la traduction a été mobilisée pour examiner la façon dont les
auditeurs construisent leur expertise dans le domaine du commerce électronique (Gendron et
Barrett, 2004), étudier le développement des techniques de la comptabilité de gestion (Jones
et Dugdale, 2002 ; Mouritsen et al., 2001), examiner le processus de création du réseau
d’appui autour des travaux foucaldiens dans les recherches socio-organisationnelles (Gendron
et Baker, 2005) et rendre compte du processus de traduction de la comptabilité de gestion au
sein de l’appareil gouvernemental (Pipan et Czarniawska, 2008). Le processus de légitimation
de nouvelles idées, technologies et pratiques ainsi que la façon dont les réseaux d’appui se
construisent autour de certaines revendications à l’expertise semblent être au cœur des études
en comptabilité, et notamment en contrôle de gestion, ayant mobilisé la sociologie de la
traduction. La présente étude contribue à ce segment de recherche en s’appuyant sur une
lentille de « traduction » pour examiner la façon dont les organismes de mesure de la
performance socio-environnementale légitiment leur nouvelle pratique.
La recherche antérieure en sociologie des professions nous montre bien qu’un nouveau
créneau d’expertise ne se crée pas de façon ordonnée et systématique – où certains
pourvoyeurs de services s’établissent pour répondre à une demande préexistante (Abbott,
1988 ; Robson et Cooper, 1990). Au contraire, la création de nouveaux « marchés »
Dans ce papier, les organisations de mesure de la performance durable englobent tout organisme d’analyse,
de notation, de classement et de certification en matière d’information extra-financière.