HIGHLIGHTS 2003 Forum Med Suisse No1/2 7 janvier 2004 26
Un traitement médicamenteux du cancer sur
mesure, qui agisse idéalement contre la tumeur
de tel ou tel patient, a toujours été le rêve de
tout oncologue. L’introduction de médicaments
anticancéreux génospécifiques («targeted can-
cer drugs») est un grand pas dans cette direc-
tion, tout au moins en tant que concept. De
nouveaux médicaments tels qu’Herceptin®
(trastuzamab, Roche) ou Glivec®(imatinib,
Novartis) sont fondamentalement différents
des chimiothérapies traditionnelles (cytosta-
tiques), qui s’attaquent plus ou moins aspécifi-
quement à toutes les cellules qui se multiplient,
et dont les effets indésirables bien connus sont
pancytopénie, diarrhée et alopécie. Herceptin
et Glivec sont des médicaments «intelligents»,
qui ne visent que les cellules ayant un profil gé-
nétique spécifique. Herceptin est un anticorps
contre la protéine HER2. Comme la protéine
HER2 ne se trouve en concentration élevée
presque exclusivement qu’à la surface des cel-
lules cancéreuses, ce traitement est pratique-
ment dépourvu d’effets indésirables. Il en va
de même pour Glivec. Ce médicament inhibe
de manière très spécifique un petit groupe de
kinases qui ne semblent pratiquement jouer un
rôle pratiquement que dans les cellules tumo-
rales.
Ces nouveaux médicaments anticancéreux
«intelligents» font que le rôle du pathologue
dans la prise en charge des patients cancéreux
change radicalement. Les traitements par ces
médicaments peuvent n’être mis en route que
si une altération moléculaire bien précise a été
mise en évidence dans le tissu tumoral, ce qui
signifie qu’en plus de l’examen morphologique
classique, il faut effectuer un examen molé-
culaire dans un nombre toujours plus grand de
tumeurs. La qualité de cet examen est déter-
minante pour l’indication et par conséquent
pour l’efficacité de ces nouveaux médicaments
anticancéreux, puissants mais chers. Une for-
mation spécialisée (les premiers candidats pour
le sous-titre FMH «Pathologie moléculaire»
passeront leur examen en 2004), l’accrédita-
tion des laboratoires et la nomination de labo-
ratoires de référence pour les examens particu-
lièrement compliqués ou délicats sont des ré-
ponses indispensables des pathologues à ces
nouveaux défis.
De nombreux problèmes du diagnostic molé-
culaire peuvent être illustrés par l’exemple de
l’examen HER2 dans l’identification des pa-
tientes ayant un cancer du sein susceptible de
répondre à un traitement d’Herceptin. Une
surexpression HER2 dans le cancer du sein
résulte toujours d’une multiplication du
nombre de gènes (amplification génique) dans
les cellules tumorales. Une amplification peut
être mise en évidence de manière fiable par
hybridation in situ par fluorescence (FISH). Elle
donne en outre une surexpression protéique
tellement importante que même la recherche
de protéines par immunohistochimie ne devrait
en fait poser aucun problème. Mais les difficul-
tés sont d’ordre pratique. Le test FISH, fiable,
n’est généralement pas effectué, car la tech-
nique FISH n’est pas établie partout et est
un peu plus chère que l’examen immunohisto-
chimique. Les résultats HER2 immunohistochi-
miques des laboratoires spécialisés concordent
bien avec les résultats FISH. Mais la pratique
courante montre que le dosage de l’HER2 par
immunohistochimie dans des laboratoires non
spécialisés est en mauvaise corrélation avec
l’amplification génique importante pour le trai-
tement [1]. De telles études montrent bien que
les examens moléculaires importants en théra-
peutique ne peuvent être effectués sans autre
dans n’importe quel laboratoire, et soulignent
la nécessité de laboratoires spécialisés (certi-
fiés) capables de fournir la preuve de la qualité
de leurs prestations.
La qualité nécessaire des examens molécu-
laires d’une part, mais aussi et surtout leur
quantité, devraient poser des problèmes à
l’avenir. A l’heure actuelle, le nombre des indi-
cations évidentes aux examens moléculaires
complémentaires est relativement faible. Her-
ceptin n’est admis que pour les cancers du sein
métastatiques, et Glivec, en plus de différentes
leucémies, uniquement pour les tumeurs du
stroma gastro-intestinal. Si les références clas-
siques restent, la liste des indications admises
de ces médicaments ne devrait que peu chan-
ger au cours de ces prochaines années. Les
résultats de grandes études internationales
sur le traitement adjuvant par Herceptin dans
le cancer du sein HER2 positif (sans métastases
décelées) ne sont attendus que dans quelques
années. Pour de nombreux autres types de
tumeurs (par ex. cancer des poumons, des
ovaires, de l’estomac, de la vessie, de la vési-
cule biliaire, de l’œsophage, du pancréas et de
Pathologie moléculaire prédictive:
le scénario Titanic
Guido Sauter, Holger Moch, Michael Mihatsch
Correspondance:
PD Dr Guido Sauter
Institut de Pathologie
Kantonsspital
Schönbeinstrasse 40
CH-4056 Bâle