H Herceptin : une nouvelle voie de traitement prometteuse ?

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Herceptin® : une nouvelle voie
de traitement prometteuse ?
● L. Mauriac*
erceptin® est un anticorps humanisé anti-HER2
(Human Epidermal growth factor Receptor 2) ou
c-erb B2. La famille des gènes HER, au nombre de
quatre, code pour des récepteurs de facteur de croissance HER. Ces
protéines de surface sont des récepteurs à activité tyrosine-kinase.
Ils transmettent les signaux de croissance de l’extérieur vers l’intérieur de la cellule et interviennent donc dans la régulation de la croissance, de la division et de la différenciation cellulaires.
La surexpression de HER2 peut se faire par l’amplification des
gènes (production de plusieurs copies du même gène) ou par
l’augmentation de la transcription de l’ARN messager ; cela aboutit à un excès de synthèse des récepteurs HER2 à la surface cellulaire, stimulant la croissance tumorale.
Vingt-cinq pour cent des cancers du sein surexpriment HER2
(HER2+). Cette surexpression est un facteur de mauvais pronostic responsable d’une croissance tumorale accélérée, d’une
diminution de la survie globale et de la survie sans métastases
(surtout viscérales).
La recherche de l’expression de HER2 peut se faire à chacun de
ses niveaux d’expression : l’ADN ou le nombre de copies du gène
par les techniques de FISH (Fluorescence In Situ Hybridation)
ou par PCR (Polymerase Chain Reaction), l’ARN messager par
la PCR, la protéine à la surface cellulaire par immunohistochimie (IHC) ou ELISA (Enzyme-Linked Immunosorbent Assay)
et la protéine circulante du récepteur (ce qui est rare) par ELISA.
Chacun de ces tests a sa sensibilité et sa spécificité propres, ce
qui demande d’interpréter les résultats publiés dans la littérature
avec attention.
Une population tumorale surexprime HER2 ou c-erb B2 lorsque
les tests en IHC sont positifs à 3+ ; en cas de positivité à 2+, il
est recommandé d’affiner le résultat par la méthode de FISH.
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L’utilisation de la surexpression de HER pour prédire la
réponse à un traitement systémique est encore débattue. Elle
pourrait être prédictive d’une réponse aux anthracyclines administrées de façon optimale alors qu’elle serait un facteur de résistance au CMF ; on ne sait pas encore si elle peut prédire une
réponse aux taxanes. Pour l’hormonothérapie, elle pourrait traduire une résistance au tamoxifène alors qu’elle ne semble pas
avoir d’influence sur la réponse au létrozole. Toutes les études
publiées méritent d’être approfondies.
* Service de médecine, Institut Bergonié, 180, rue Saint-Genès, 33000 Bordeaux.
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Herceptin® est bien toléré et la dose maximale tolérée n’a pas été
atteinte dans les études de phase I. Le schéma d’administration
comprend une dose de charge de 4 mg/kg la première semaine,
puis de 2 mg/kg les semaines suivantes. Une administration toutes
les 3 semaines est en cours d’évaluation dans le cadre de l’étude
PACS 04.
Les études de phase II publiées en 1996 (1), 1998 (2) et 1999 (3)
ont permis la mise sur le marché d’Herceptin®. Celles de Baselga
et de Cobleigh, où Herceptin® est administré en monotraitement
hebdomadaire chez des patientes dont les tumeurs hyperexpriment HER2 obtiennent des taux de réponses objectives de 11 %
et de 15 %, avec des durées médianes de réponse de 6,6 mois et
de 9,1 mois. Les taux de réponses objectives sont de 18 % lorsque
les tumeurs expriment fortement HER2 (+++).
Une étude de phase III a été publiée en 1998 (4) et 1999 (5). Elle
compare une chimiothérapie palliative seule (doxorubicine + cyclophosphamide ou paclitaxel – lorsque l’anthracycline avait été utilisée en adjuvant) à la même chimiothérapie associée à Herceptin®
hebdomadaire. Les taux de réponses objectives sont de 36,2 % avec
la chimiothérapie seule et de 62 % (p < 0,001) avec l’association
à Herceptin®. Le bénéfice de l’association est constaté, que les
patientes reçoivent de la doxorubicine ou du paclitaxel, mais l’association à l’anthracycline engendre un taux important de cardiotoxicité (18 % de grades 3-4) alors que celle-ci n’est que peu constatée en cas d’association avec le paclitaxel (8,8 % d’insuffisance
cardiaque symptomatique). On peut enfin noter que les durées de
réponse objective comme le temps jusqu’à la progression sont
allongés de 3 mois environ par l’association.
D’autres protocoles d’association d’Herceptin® avec des chimiothérapies palliatives sont en cours avec la vinorelbine (6), le
docétaxel en phase II (7) ou en phase III (étude multicentrique
française en cours d’inclusion) ou le cisplatinum (8).
En phase adjuvante, plusieurs études aux États-Unis sont en cours
pour positionner Herceptin® par rapport à une chimiothérapie
adjuvante de référence (protocole AC précédé ou suivi de paclitaxel ou de docétaxel) administrée de façon concomitante ou
séquentielle (9, 10). Une étude de phase III est en cours en France
(PACS 04 de la FNCLCC) pour évaluer l’adjonction séquentielle
d’Herceptin® à une chimiothérapie de type FEC 100 ou ET
(épirubicine-docétaxel). Une étude identique va également
commencer dans le cadre de l’EORTC ; elle évaluera également
la durée optimale d’administration d’Herceptin®, 1 ou 2 ans.
La Lettre du Sénologue - no 15 - janvier/février/mars 2002
La question de l’interaction entre Herceptin® et hormonothérapie reste également posée. Il semble que le tamoxifène soit
inopérant en cas d’hyperexpression de HER2 alors qu’un antiaromatase comme le létrozole est aussi efficace, que la tumeur
exprime ou non HER2 (11). Cependant, aucune étude n’est en
cours pour optimiser l’efficacité d’une hormonothérapie, antiestrogène ou antiaromatase, en association à Herceptin®.
L’association d’une hormonothérapie à Herceptin® n’a pas encore
été étudiée.
Herceptin® correspond donc à une nouvelle voie de traitement prometteuse qui ne doit être proposée qu’à bon escient.
La première condition est que la tumeur exprime HER2 de façon
significative : +++ en IHC ou par la méthode de FISH. Un
contrôle de qualité est bien sûr nécessaire pour que le test soit
valide. La deuxième condition n’est peut-être pas encore totalement analysée ; s’il est probable qu’Herceptin® doit être utilisé
précocement pour les tumeurs sensibles, nul ne connaît encore
son mode et sa durée d’administration optimaux. En phase adjuvante, il faut attendre les résultats des études en cours, qui permettront de préciser l’association optimale à un type donné de
chimiothérapie et son administration concomitante ou séquentielle. En phase palliative, le travail à faire est encore plus vaste
puisque les chimiothérapies utilisables dans cette situation sont
plus nombreuses qu’en situation adjuvante (12).
Toutes ces incertitudes doivent inciter les oncologues médicaux
à faire participer leurs patientes aux études cliniques qui tentent
de mieux connaître le maniement optimal de ce nouvel agent
thérapeutique.
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20es
Journées
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gynécologie
de Nice
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1. Baselga J, Tripathy D, Mendelsohn J et al. Phase II study of weekly intravenous
recombinant humanized anti-p185HER2 monoclonal antibody in patients with
HER2/neu-overexpressing metastatic breast cancer. J Clin Oncol 1996 ; 14 : 737-44.
2. Pegram MD, Lipton A, Hayes DF et al. Phase II study of receptor enhanced chemosensitivity using recombinant humanized anti-p185HER2/neu monoclonal antibody plus cisplatin in patients with HER2/neu-overexpressing metastatic breast
cancer refractory to chemotherapy treatment. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 2659-71.
3. Cobleigh MA, Vogel CL, Tripathy D et al. Multinational study of the efficacy and safety of humanized anti-HER2 monoclonal antibody in women who
have HER-overexpressing metastatic breast cancer that has progressed after
chemotherapy for metastatic disease. J Clin Oncol 1999 ; 17 : 2639-48.
4. Slamon D, Leyland Jones B, Shak S et al. Addition of Herceptin® to first line
chemotherapy for HER2-overexpressing metastatic breast cancer markedly
increases anticancer activity : a randomized multinational controlled phase III
trial. Proc Am Soc Clin Oncol 1998 ; 17 : 98a (abstr. 377).
5. Norton L, Slamon D, Leyland-Jones B et al. Overal survival advantage to
Herceptin® in HER2-overexpressing metastatic breast cancer. Proc Am Soc
Clin Oncol 1999 ; 18 : 127a (abstr. 483).
6. Burstein HJ, Kuter l, Campos SM et al. Clinical activity of trastuzumab and
vinorelbine in women with HER2-overexpressing metastatic breast cancer.
J Clin Oncol 2001 ; 19 (10) : 2722-30.
7. Burris HA. Docetaxel (Taxotere) plus trastuzumab (Herceptin®) in breast
cancer. Semin Oncol 2001 ; 28 (1 Suppl. 3) : 38-44.
8. Crown JP. The platinum agents : a role in breast cancer treatment ? Semin
Oncol 2001 ; 28 (1 Suppl. 3) : 28-37.
9. Sparano JA. Cardiac toxicity of trastuzumab (Herceptin®): implications for
the design of adjuvant trials. Semin Oncol 2001 ; 28 (1 Suppl. 3) : 20-7.
10. Slamon D, Pegram M. Rationale for trastuzumab (Herceptin®) in adjuvant
breast cancer trials. Semin Oncol 2001 ; 28 (1 Suppl. 3) : 13-9.
11. Ellis MJ, Coop A, Singh B, Mauriac L et al. Letrozole is more effective
neoadjuvant endocrine therapy than tamoxifen for ErbB-1 and/or ErbB-2positive, estrogen receptor-positive primary breast cancer. Evidence from a
phase III randomized trial. J Clin Oncol 2001 ; 19 : 3808-16.
12. Hortobagyi GN. Overview of treatment results with trastuzumab (Herceptin®)
in metastatic breast cancer. Semin Oncol 2000 ; 28 (6 Suppl. 18) : 43-7.
3rd
International
BCIRG
Conference
et de la
Côte d’Azur
Nice,
13-15 juin
2002
Organisation :
Med Congrès
7, rue de Paradis,
06000 Nice
Tél. : 04 93 82 13 73
Fax : 04 93 82 21 72
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La Lettre du Sénologue - no 15 - janvier/février/mars 2002
Los Angeles,
Californie
20-22 juin
2002
Inscriptions :
M. Jim Mortimer,
BCIRG Conference
secretariatParis
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