ÉDITORIAL
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La Lettre du Sénologue - no15 - janvier/février/mars 2002
H
erceptin®est un anticorps humanisé anti-HER2
(Human Epidermal growth factor Receptor 2) ou
c-erb B2. La famille des gènes HER, au nombre de
* Service de médecine, Institut Bergonié, 180, rue Saint-Genès, 33000 Bordeaux.
Herceptin®est bien toléré et la dose maximale tolérée n’a pas été
atteinte dans les études de phase I. Le schéma d’administration
comprend une dose de charge de 4 mg/kg la première semaine,
puis de 2 mg/kg les semaines suivantes. Une administration toutes
les 3 semaines est en cours d’évaluation dans le cadre de l’étude
PACS 04.
Les études de phase II publiées en 1996 (1), 1998 (2)et 1999 (3)
ont permis la mise sur le marché d’Herceptin®. Celles de Baselga
et de Cobleigh, où Herceptin®est administré en monotraitement
hebdomadaire chez des patientes dont les tumeurs hyperexpri-
ment HER2 obtiennent des taux de réponses objectives de 11 %
et de 15 %, avec des durées médianes de réponse de 6,6 mois et
de 9,1 mois. Les taux de réponses objectives sont de 18 % lorsque
les tumeurs expriment fortement HER2 (+++).
Une étude de phase III a été publiée en 1998 (4) et 1999 (5). Elle
compare une chimiothérapie palliative seule (doxorubicine + cyclo-
phosphamide ou paclitaxel – lorsque l’anthracycline avait été uti-
lisée en adjuvant) à la même chimiothérapie associée à Herceptin®
hebdomadaire. Les taux de réponses objectives sont de 36,2 % avec
la chimiothérapie seule et de 62 % (p < 0,001) avec l’association
à Herceptin®. Le bénéfice de l’association est constaté, que les
patientes reçoivent de la doxorubicine ou du paclitaxel, mais l’asso-
ciation à l’anthracycline engendre un taux important de cardio-
toxicité (18 % de grades 3-4) alors que celle-ci n’est que peu consta-
tée en cas d’association avec le paclitaxel (8,8 % d’insuffisance
cardiaque symptomatique). On peut enfin noter que les durées de
réponse objective comme le temps jusqu’à la progression sont
allongés de 3 mois environ par l’association.
D’autres protocoles d’association d’Herceptin®avec des chi-
miothérapies palliatives sont en cours avec la vinorelbine (6), le
docétaxel en phase II (7) ou en phase III (étude multicentrique
française en cours d’inclusion) ou le cisplatinum (8).
En phase adjuvante, plusieurs études aux États-Unis sont en cours
pour positionner Herceptin®par rapport à une chimiothérapie
adjuvante de référence (protocole AC précédé ou suivi de pacli-
taxel ou de docétaxel) administrée de façon concomitante ou
séquentielle (9, 10). Une étude de phase III est en cours en France
(PACS 04 de la FNCLCC) pour évaluer l’adjonction séquentielle
d’Herceptin®à une chimiothérapie de type FEC 100 ou ET
(épirubicine-docétaxel). Une étude identique va également
commencer dans le cadre de l’EORTC ; elle évaluera également
la durée optimale d’administration d’Herceptin®, 1 ou 2 ans.
Herceptin®: une nouvelle voie
de traitement prometteuse ?
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L. Mauriac*
quatre, code pour des récepteurs de facteur de croissance HER. Ces
protéines de surface sont des récepteurs à activité tyrosine-kinase.
Ils transmettent les signaux de croissance de l’extérieur vers l’inté-
rieur de la cellule et interviennent donc dans la régulation de la crois-
sance, de la division et de la différenciation cellulaires.
La surexpression de HER2 peut se faire par l’amplification des
gènes (production de plusieurs copies du même gène) ou par
l’augmentation de la transcription de l’ARN messager ; cela abou-
tit à un excès de synthèse des récepteurs HER2 à la surface cel-
lulaire, stimulant la croissance tumorale.
Vingt-cinq pour cent des cancers du sein surexpriment HER2
(HER2+). Cette surexpression est un facteur de mauvais pro-
nostic responsable d’une croissance tumorale accélérée, d’une
diminution de la survie globale et de la survie sans métastases
(surtout viscérales).
La recherche de l’expression de HER2 peut se faire à chacun de
ses niveaux d’expression : l’ADN ou le nombre de copies du gène
par les techniques de FISH (Fluorescence In Situ Hybridation)
ou par PCR (Polymerase Chain Reaction), l’ARN messager par
la PCR, la protéine à la surface cellulaire par immunohisto-
chimie (IHC) ou ELISA (Enzyme-Linked Immunosorbent Assay)
et la protéine circulante du récepteur (ce qui est rare) par ELISA.
Chacun de ces tests a sa sensibilité et sa spécificité propres, ce
qui demande d’interpréter les résultats publiés dans la littérature
avec attention.
Une population tumorale surexprime HER2 ou c-erb B2 lorsque
les tests en IHC sont positifs à 3+ ; en cas de positivité à 2+, il
est recommandé d’affiner le résultat par la méthode de FISH.
L’utilisation de la surexpression de HER pour prédire la
réponse à un traitement systémique est encore débattue. Elle
pourrait être prédictive d’une réponse aux anthracyclines admi-
nistrées de façon optimale alors qu’elle serait un facteur de résis-
tance au CMF ; on ne sait pas encore si elle peut prédire une
réponse aux taxanes. Pour l’hormonothérapie, elle pourrait tra-
duire une résistance au tamoxifène alors qu’elle ne semble pas
avoir d’influence sur la réponse au létrozole. Toutes les études
publiées méritent d’être approfondies.