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que les concentrations de noradrénaline, d’aldostérone, de facteur natriurétique auri-
culaire et de vasopressine étaient significativement associées au risque de décès [14].
Ces constatations biologiques et épidémiologiques ont fait des activations hor-
monales des témoins et des acteurs potentiels de la gravité de l’insuffisance cardia-
que. Pour démontrer la relation de cause à effet entre activations hormonales et
progression de l’insuffisance cardiaque, il fallait qu’on soit à même d’une part de
démontrer que le fait d’inhiber la production ou l’action de ces hormones améliorait
le pronostic de l’insuffisance cardiaque et d’autre part qu’on ait des hypothèses
biologiques permettant d’expliquer le rôle délétère de l’activation hormonale.
Nous limiterons la suite de cet article à l’exemple particulier de l’hyperaldosté-
ronisme secondaire de l’insuffisance cardiaque, de ses conséquences biologiques
et des effets de sa prévention par les médicaments anti-aldostérone.
TOXICITÉ DE L’HYPERALDOSTÉRONISME CHRONIQUE
AU COURS DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Le fonctionnement correct du rein dépend de la constance du débit sanguin rénal
qui détermine à la fois la filtration glomérulaire et la réabsorption d’eau et de
sodium en fonction du degré d’hydratation de l’organisme et des apports en sodium
et en potassium.
L’aldostérone joue un rôle majeur en régulant la quantité de sodium et d’eau
réabsorbée par le néphron. Les deux stimuli principaux de sa sécrétion sont le
degré d’hydratation et la quantité de potassium absorbée ou produite. Une priva-
tion d’eau et de sel entraîne une élévation des concentrations d’aldostérone. De
même, une augmentation de l’absorption de potassium ou de sa production (au
cours d’un effort musculaire) provoque une élévation de la production d’aldosté-
rone. Dans ces deux situations, l’aldostérone provoque un retour vers l’équilibre.
Ces effets sont médiés par une action sur la cellule tubulaire distale du néphron ;
à ce niveau l’aldostérone provoque une augmentation de l’absorption du sodium
et de l’excrétion du potassium.
Ce rôle physiologique a longtemps été le seul connu.
Dès 1942, il avait été montré que le rein produisait une substance provoquant
une rétention de sodium au cours de l’insuffisance cardiaque [15]. Cette substance
a été ensuite identifiée comme étant l’aldostérone.
Au cours de l’insuffisance cardiaque, la production d’aldostérone est augmentée
et sa destruction est diminuée. La principale cause de l’augmentation de la pro-
duction est l’activation du système rénine angiotensine. L’angiotensine II est, en
effet, un puissant stimulant de la production d’aldostérone. L’aldostérone est méta-
bolisée par le foie. Chez le sujet normal, la métabolisation hépatique est complète
et les concentrations d’aldostérone sont très faibles dans les veines sus-hépatiques.
Chez l’insuffisant cardiaque, la métabolisation hépatique est diminuée. On peut
ainsi obtenir des concentrations d’aldostérone plasmatique fortement supérieure
aux valeurs normales (plus de dix fois dans les insuffisances cardiaques évoluées).
La conjonction d’une élévation forte des concentrations d’angiotensine II et
d’aldostérone est à l’origine d’un état de rétention chronique d’eau et de sel et d’une
déplétion de potassium. Ces deux phénomènes sont à l’origine de certains des prin-
cipaux symptômes de l’insuffisance cardiaque : les œdèmes et les hypokaliémies.